mercredi 24 janvier 2018

VAINCRE LE CANCER ,DEMAIN


Qui aurait cru qu'un jour le virus de la poliomyélite serait utilisé pour traiter le cancer? C'est pourtant ce qui se passe à l'Institut Duke de cancérologie, en Caroline du Nord, où l'oncologue québécoise, Annick Desjardins, est au coeur d'un ambitieux programme de recherche clinique.
Un texte de Christian Latreille
La Dre Annick Desjardins et ses collègues travaillent à la mise au point d’un traitement contre le cancer qui utilise un virus modifié de la poliomyélite. La démarche suscite étonnement et incrédulité, puisque la maladie qui s’attaque au système nerveux a tué ou handicapé des millions de personnes au cours du 20e siècle.
Aujourd’hui, ce virus mortel est utilisé pour lutter contre le glioblastome, une tumeur agressive au cerveau.
« Je me suis fait traiter de folle », affirme la Dre Desjardins. La mère de sa première patiente atteinte d’un cancer au cerveau a d’abord refusé que l’on injecte le virus de la polio dans la tête de sa fille.
Mais les résultats sont étonnants, si bien que, cinq ans plus tard, la jeune fille aujourd’hui dans la vingtaine est toujours en vie.
Plus de 20 % de nos 21 patients traités sont encore vivants, et en principe ces gens-là auraient dû mourir.


Annick Desjardins, oncologue
En général, une personne atteinte d’un glioblastome a une espérance de vie de moins d’un an.
Clyde Gann assis sur un fauteuil
Clyde Gann est un autre patient de la Dre Desjardins.   Photo : Radio-Canada/Christian Latreille
Un autre patient de la Dre Desjardins, Clyde Gann, en est à sa troisième tumeur depuis 2013. L’homme de 61 ans a tout essayé : chimiothérapie, radiothérapie et chirurgie. Il fonde beaucoup d’espoir sur ce nouveau traitement.
Nous l’avons rencontré à l’Institut Duke de cancérologie alors qu’il subissait sa première résonance magnétique, quatre mois après le traitement avec le virus de la poliomyélite.
« Je dois demeurer positif, nous a-t-il confié, l’équipe de médecins ici m’aide beaucoup. » Si M. Gann peut encore espérer vivre aujourd’hui, c’est en grande partie grâce aux travaux du microbiologiste Matthias Gromeier. C’est lui qui a modifié le virus de la polio et l’a rendu sécuritaire pour traiter le cancer.
Matthias Gromeier
Matthias Gromeier   Photo : Radio-Canada/Christian Latreille
Le virus s’attaque seulement à la tumeur au cerveau et il fouette le système immunitaire du patient.


Matthias Gromeier, microbiologiste
Ce sont donc les anticorps du patient qui font presque tout le travail. C’est ce que l’on appelle l’immunothérapie. « Je n’y croyais pas au départ », affirme l’oncologue Henry Friedman, directeur de l'Institut Duke de cancérologie.
Le Dr Henry Friedman
Le Dr Henry Friedman   Photo : Radio-Canada/Christian Latreille
Comment pourrions-nous traiter une tumeur avec quelque chose d’aussi neurotoxique que le virus de la polio? La Food and Drug administration, qui autorise la vente des médicaments aux États-Unis, était du même avis.


Henry Friedman, directeur de l'Institut Duke
Mais le traitement semble bel et bien fonctionner sur certains patients, dont Clyde Gann.
Les résultats de la résonance magnétique montrent que depuis quatre mois, sa tumeur a perdu en densité et donne l’impression d’avoir été grignotée.
Les résultats de l'examen de Clyde Gann sont encourageants.
Les résultats de l'examen de Clyde Gann sont encourageants. Photo : Radio-Canada
« Je suis très contente, lance la Dre Desjardins. Les résultats nous donnent exactement ce que l’on souhaitait. Ce sont de très bonnes nouvelles, » dit-elle, en présence de son patient et de sa famille soulagée pour l’instant.
La Dre Desjardins, son patient Clyde Gann et la famille de celui-ci
La Dre Desjardins, son patient Clyde Gann et la famille de celui-ci   Photo : Radio-Canada/Christian Latreille
Il reste encore plusieurs tests à effectuer avant que le Secrétariat américain aux produits alimentaires et pharmaceutiques (Food and Drug Administration), aux États-Unis, ne donne son feu vert à la commercialisation du traitement.
Des essais sont aussi en cours pour combattre d’autres types de cancers. Ce traitement représente un grand espoir pour des personnes qui n’en avaient plus, et pourrait devenir une percée dans la lutte contre le cancer.http://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1061942/virus-polio-cancer-cerveau-glioblastome





Solange Peters: «Au lit du malade, le seul devoir des médecins est de délivrer le meilleur traitement possible au patient quel que soit son coût».
© Bertrand Rey





Grande interview

Solange Peters: «Notre devoir est d’offrir le meilleur traitement possible à tous nos patients»

Nouvelles thérapies très prometteuses contre le cancer, prix des médicaments et égalité dans l’accès au soin… La cheffe du Service d’oncologie médicale du CHUV, à Lausanne, nous livre ses espoirs mais aussi ses combats contre une économie qui, selon elle, ne profite pas assez aux patients
A l’image d’Obélix, Solange Peters est tombée dans la marmite politique quand elle était petite. Et cela se sent. La cheffe du Service d’oncologie médicale du CHUV, à Lausanne, ne craint pas de s’engager. Dans le combat contre le cancer, mais aussi contre les inégalités et les discriminations en tous genres. Viscéralement attachée au principe de l’équité dans l’accès aux soins, celle qui aurait pu être syndique de Lausanne lutte également contre le manque de transparence des entreprises pharmaceutiques et la hausse du prix des médicaments. Rencontre




Le Temps: Le CHUV et le canton ont énormément investi dans le développement de l’immunothérapie. Selon vous, cette thérapie représente-t-elle la clé pour vaincre le cancer, une maladie qui cause 15 000 décès chaque année en Suisse?
Solange Peters: Très clairement oui. Depuis le développement de la chimiothérapie et de la radiothérapie dans les années 60, personne n’avait pu identifier de nouvelles mécaniques spécifiques pour s’attaquer au cancer. L’immunothérapie part d’une question simple: comment est-ce possible que les cellules cancéreuses, qui présentent de multiples anomalies, puissent ne pas être reconnues et éliminées par le système immunitaire?
Il s’avère que, lorsque ce dernier arrive près d’une cellule tumorale, celle-ci parvient à sécréter une protéine qui va constituer, autour d’elle, une sorte de coque qui aveugle, inactive puis fait mourir les globules blancs. Petit à petit, nous sommes parvenus à identifier ces protéines, ce qui a permis le développement de nouveaux médicaments en mesure de réactiver le système immunitaire du patient.



Lire aussi:  «Nous sommes capables d’apprendre au système immunitaire à se battre contre le cancer»
– En quoi l’immunothérapie bouleverse-t-elle totalement la manière de traiter le cancer?
– Les cellules cancéreuses sont très intelligentes. Elles arrivent, au fil du temps, à créer des résistances aux substances chimiques, surtout chez les patients ayant déjà reçu plusieurs lignes de chimiothérapie. C’est pourquoi les approches classiques, et même les nouveaux médicaments dits plus ciblés, ont une durabilité limitée dans le temps. Avec l’immunothérapie, on refait confiance à l’organisme humain dans sa capacité à se protéger contre les agressions. Le but n’est plus d’intoxiquer la cellule tumorale, mais bien de demander simplement au système immunitaire de refaire son travail, comme il le ferait contre un virus ou une bactérie.
Dans ce sens, l’immunothérapie représente un véritable espoir, car il n’y a aucune raison, si on parvient à le faire correctement, de penser que cette technique soit limitée dans le temps. Même si la cellule tumorale devait s’adapter, le système immunitaire en ferait de même. Nous ne sommes donc plus, ici, dans une logique de médicament fixe, mais sur une interaction flexible entre les tissus immunitaires et la tumeur, ce qui a également pour avantage de générer moins d’effets secondaires chez les patients.
– Et cette approche est loin d’être purement théorique. Certains résultats sur des patients que l’on croyait condamnés sont pour le moins spectaculaires…
– C’est vrai. Dans le cas du cancer du poumon, maladie sur laquelle l’immunothérapie fonctionne relativement bien, on a maintenant un recul de cinq ans. Certains patients représentaient des cas désespérés, chez qui tout avait été tenté. Statistiquement, leur espérance de vie était de 0% à cinq ans. Pourtant, un patient sur cinq est encore présent aujourd’hui. Certes, ce n’est que 20%, mais ce résultat complètement inattendu est déjà extraordinaire.
Dans le cas des tumeurs de la peau de type mélanome, dont le pronostic vital est pourtant moins bon que pour le cancer du poumon, le taux de survie est encore meilleur et peut atteindre 50%, surtout si l’on combine les approches thérapeutiques. Nous parviendrons sûrement, d’ici à quelques années, à guérir certains types de cancer grâce à l’immunothérapie, mais il ne faut toutefois pas perdre de vue que cette technique n’en est qu’à ses balbutiements.
– Comment expliquez-vous que, malgré ses promesses, cette thérapie ne s’adresse pas encore à tous les types de cancer?
– Il existe des dizaines de mécanismes différents permettant à la cellule tumorale de se faire oublier du système immunitaire. Nous n’en avons, pour le moment, identifié que quelques-uns. Nous ne savons pas encore vraiment pourquoi cette approche fonctionne sur certains types de cancers et moins sur d’autres. Pour les cancers du sein et du colon, par exemple, deux maladies oncologiques parmi les plus fréquentes, l’immunothérapie ne représente pas encore une bonne option de traitement.
Il faut également être conscient que, même dans des indications reconnues comme le cancer de la peau, de la gorge, du poumon, de la vessie et du rein, seul un patient sur deux bénéficie aujourd’hui vraiment de ces traitements. C’est pourquoi il est important de ne pas donner de faux espoirs aux malades.
– Vous travaillez également sur le développement de traitements plus personnalisés…
– L’idée est de trouver un moyen d’activer plus avant le système immunitaire. Pour ce faire, l’objectif est de prélever, chez le patient, les globules blancs présents au sein de la tumeur, de les faire se reproduire par millions en laboratoire, puis de les réintroduire dans l’organisme de sorte à ce qu’ils s’attaquent encore plus efficacement aux cellules cancéreuses. Nous avons déjà commencé à mettre au point cette technique et traiterons notre premier patient atteint de mélanome en septembre. Notre espoir serait ensuite de pouvoir ouvrir une étude plus large au début de l’année prochaine, avec des malades atteints d’autres formes de tumeurs solides.
– L’étape d’après consistera à modifier génétiquement les globules blancs du patient, mais cette approche n’est pas sans risques…
– C’est en effet l’un de nos objectifs dans un second temps. Nous réaliserons la même démarche, mais en modifiant les globules blancs, afin d’en faire de meilleurs soldats. Cette technique demande une réelle habileté, car le danger est d’obtenir des lymphocytes un peu moins spécifiques. Ceux-ci pourraient alors s’attaquer non seulement à la tumeur mais aussi à d’autres tissus tels que le cœur, le tube digestif ou les poumons.
Lors des premiers essais cliniques, certains patients sont ainsi morts d’insuffisance cardiaque ou pulmonaire car, une fois le processus lancé, il n’y avait aucun moyen de l’arrêter. C’est pourquoi on dote aujourd’hui les lymphocytes de gènes «suicides», permettant, si cela devait mal tourner, de désactiver tout le processus à l’aide d’un simple médicament comme un antibiotique ou des hormones. C’est certainement dans cette voie que l’on réalisera le plus de progrès.
– Reste la réalité du prix. Bien que les traitements contre le cancer ne représentent que 4% des dépenses de notre système de santé, ces médicaments sont extrêmement onéreux. Aujourd’hui, chaque patient suisse peut en bénéficier mais, compte tenu de l’explosion programmée des coûts, cela va-t-il durer?
– Nous sommes effectivement l’un des seuls pays à pouvoir se vanter d’avoir un système de santé aussi équitable. On a beaucoup de chance, car en Angleterre, en Europe de l’Est ou dans certains pays du sud, il est fort probable que les patients n’aient pas accès à l’immunothérapie durant les 10 prochaines années. Le problème principal en Suisse, comme ailleurs, est le prix élevé des médicaments. Nous n’avons ici que peu de marge de manœuvre pour discuter du prix des traitements avec les entreprises pharmaceutiques. Certains pays, comme la Belgique ou la Hollande, ont un meilleur pouvoir de négociation, raison pour laquelle le même médicament y coûte 50 000 euros par an, contre 100 000 chez nous.
– Vous évoquez notamment le manque de transparence des entreprises pharmaceutiques…
– Il faut savoir que le prix initial, souvent très élevé, est fixé par l’industrie pharmaceutique, qui prend en compte le remboursement et l’amortissement du coût de recherche en lien avec le médicament. Ce mécanisme est justifié, mais il manque de transparence. Le réel coût du développement de chaque médicament n’est pas connu, et il est fort probable qu’une partie de la recherche infructueuse soit également payée par cette voie.
Est-il aussi normal que, lorsque le marché d’un médicament s’élargit géographiquement ou en termes d’indications, le prix ne baisse pas significativement? Les actionnaires pourraient-ils accepter un certain compromis en termes de revenus, pour que plus de gens soient soignés? On ne prend pas assez en ligne de compte ces perspectives. C’est pourquoi il est temps d’amener l’économie dans le débat, de mettre tous les acteurs autour de la table des négociations et de trouver un moyen pour que le plan financier des entreprises pharmaceutiques corresponde à un projet sociétal compatible avec une recherche active et innovante. Sans cela, aucun pays, même la Suisse, ne sera à même de payer ces médicaments sur le long terme.
– Raison pour laquelle vous encouragez les médecins à s’engager davantage sur le plan politique?
– Oui. On manque de gens, au parlement, ayant une réelle vision rationnelle des soins qui ne soit pas biaisée par une perspective économique. La question principale est de savoir pourquoi, à l’Office fédéral de la santé publique, organe qui fixe le prix des médicaments en Suisse, ou dans les commissions de la santé à Berne, il y a des personnes qui n’ont pas envie que le prix des médicaments soit moins élevé? Le coût des traitements dans notre pays alimente clairement une économie qui n’est pas celle qui profite aux malades.
En parallèle, une surreprésentation des assurances maladie et de leurs organisations faîtières est également évidente dans les milieux politiques, de nouveau en défaveur de l’accessibilité aux soins pour les patients. Il s’agit là d’intérêts divergents qui ne demandent qu’à être débattus par la présence accrue de professionnels de la santé en politique. Au lit du malade, le seul devoir des médecins est de délivrer le meilleur traitement possible au patient quel que soit son coût, mais c’est en s’engageant qu’ils peuvent agir sur la pérennité de l’accessibilité à des soins optimaux pour tous.
https://www.letemps.ch/sciences/2017/06/16/solange-peters-devoir-doffrir-meilleur-traitement-possible-nos-patients

médecine

Contre le cancer, une appli rallonge la durée de vie

Présentée au plus grand congrès de cancérologie au monde, une étude a fait sensation en prouvant qu’un simple système de communication entre patients et soignants augmente autant la survie que les meilleurs médicaments
Et si une simple application informatique se révélait aussi efficace contre le cancer que les meilleures molécules disponibles sur le marché? Volontairement provocatrice, la question a bel et bien fait l’objet d’une conférence en séance plénière lors du 53e congrès de la Société américaine d’oncologie clinique (ASCO), qui s’est tenu du 2 au 6 juin à Chicago.
Il y était question des travaux menés par une équipe d’oncologues menée par Ethan Basch, de l’Université de Caroline du Nord. Ces derniers ont démontré que les patients qui signalent certains de leurs symptômes via une application installée sur un ordinateur vivent plus de cinq mois plus longtemps que les personnes suivant le parcours de soin classique.
Les chimiothérapies demeurent les traitements les plus utilisés en cas de cancer. Efficaces mais toxiques, ils sont souvent accompagnés d’effets secondaires néfastes. «La moitié des symptômes liés à ces effets ne sont jamais portés à la connaissance des médecins, et lorsqu’ils le sont, c’est souvent tard», explique Ethan Basch.

Symptômes déclarés en ligne

Il y a dix ans, le médecin a formulé l’hypothèse suivante: si les malades déclaraient en ligne leurs symptômes dès leur apparition au lieu d’attendre les rendez-vous chez leur médecin, cela se ressentirait-il sur leur état de santé?
Pour le vérifier, il a recruté 766 patients au Memorial Sloan-Kettering Cancer Center à New-York, tous atteints de certains cancers à un stade avancé, notamment du sein et du poumon. 441 d’entre eux ont eu pour tâche de signaler 12 symptômes (difficultés respiratoires, troubles du sommeil, pertes d’appétit, etc.) via une application nommée STAR, Symptom Tracking and Reporting, selon l’acronyme anglais.
Chaque symptôme devait être classé sur une échelle de gravité de 1 à 5. En cas de classement de rang 3 ou plus, une alerte par email était envoyée à l’équipe d’infirmiers qui pouvait rapidement intervenir. Chaque semaine, ces patients recevaient un email de rappel pour éviter les oublis. Le protocole a été bien respecté, assure le Dr. Basch: «73% des rappels par email ont reçu une réponse, y compris de la part des patients les plus âgés, ou des plus mal en point.»
Ceci mis en place, le personnel soignant disposait d’un suivi constant de l’évolution des symptômes. A des fins de contrôle, les 325 patients restants ont quant à eux suivi le parcours de soin habituel, en décrivant leurs symptômes lors des consultations. L’étude s’est étalée sur dix ans, la collecte des données ne cessant que lors du décès des participants, de leur incapacité à se servir de l’application ou en cas de retrait volontaire.

Coût dérisoire

Verdict, les personnes ayant utilisé l’application ont en moyenne survécu 31,2 mois, contre 26 mois pour le groupe contrôle, décrit l’auteur dans la revue JAMA. «Cela peut paraître modeste, mais c’est plus que ne le permettent un bon nombre de médicaments prescrits en cas de cancer métastatique», précise Ethan Basch. Cinq ans après le début de l’étude, il y avait 8% de survivants de plus dans le groupe ayant utilisé l’application.
Si le coût d’une telle méthode n’a pas été abordé par l’auteur, il est de toute façon dérisoire comparé à celui d’un médicament anti cancer. L’Avastin des laboratoires Roche, approuvé pour traiter certains cancers ovariens, augmente lui aussi l’espérance de vie d’environ cinq mois. Il coûte environ 6000 dollars par mois, fait savoir le Financial Times…
Lire aussi: «Nous sommes capables d’apprendre au système immunitaire à se battre contre le cancer»
Ce ne sont pas les seuls bénéfices soulignés par le médecin. Dans une publication précédente, basée sur les mêmes personnes, il avait fait savoir que 31% des patients ayant utilisé l’application STAR avaient retrouvé une meilleure qualité de vie, et s’étaient rendus à l’hôpital moins souvent que les autres.
Ces travaux montrent qu’une intervention relativement simple peut réduire le nombre de séjours à l’hôpital et améliorer les chances de survie





Harold Burstein, oncologue à la Faculté de médecine de l’université Harvard
Comment expliquer de tels résultats? Pour Ethan Basch, les patients ayant utilisé son application sont restés actifs plus longtemps. Or l’état de santé d’un malade se dégrade plus rapidement lorsqu’il est cloué au lit, notamment en raison d’infections.
Les infirmiers, au fait de l’évolution de leurs patients, ont également joué un rôle déterminant en empêchant la survenue de complications. Le fait de rester en meilleure santé a en outre permis à ces personnes de poursuivre leur chimiothérapie pendant deux mois de plus en moyenne, ce qui a certainement eu un impact positif sur leur survie.

Applications plus faciles à utiliser

«Ces travaux montrent qu’une intervention relativement simple peut réduire le nombre de séjours à l’hôpital et améliorer les chances de survie, commente Harold Burstein, oncologue à la Faculté de médecine de l’université Harvard et expert auprès de l’ASCO. Reste à savoir comment intégrer de tels outils dans notre pratique, ce qui sera un véritable défi».
De son côté, Ethan Basch s’attelle à la suite de ces travaux. Il prévoit de reproduire son étude à plus large échelle, dans tous les Etats-Unis. L’arrivée des smartphones, tablettes tactiles et autres montres connectées devraient aussi favoriser le développement d’applications plus faciles à utiliser aussi bien pour les patients que pour les soignants, et surtout en temps réel.
Lire aussi: Les cancers et leur part de hasard 
https://www.letemps.ch/sciences/2017/06/05/contre-cancer-une-appli-rallonge-duree-vie

Un traitement anticancéreux innovant mis sur le marché américain

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Le Keytruda est produit par les laboratoires Merck./AP Photo/Mel Evans, File)
© Mel Evans







Santé

Un traitement anticancéreux innovant mis sur le marché américain

Le Keytruda peut être utilisé pour traiter des tumeurs inopérables et porteuses de traits génétiques particuliers, détectables par des biomarqueurs
L’agence américaine des produits alimentaires et des médicaments (FDA) a donné son feu vert mardi à la mise sur le marché d’un premier anticancéreux, le Keytruda des laboratoires Merck, qui cible des tumeurs ayant un profil génétique spécifique et non pas l’organe atteint.
Lire l’éditorial: Le cancer, ce jeu de dés
«Jusqu’à maintenant, la FDA approuvait des thérapies contre le cancer en fonction de l’organe touché initialement, comme le poumon ou le sein», a expliqué le Dr Richard Pazdur, directeur par intérim des produits hématologiques et oncologiques au centre d’évaluation des médicaments de la FDA. «Nous avons désormais approuvé un traitement sur la base de biomarqueurs de la tumeur et non de l’organe affecté», a-t-il ajouté dans un communiqué.
Le Keytruda (pembrolizumab), une immunothérapie, est approuvé selon une procédure accélérée et peut être utilisé pour traiter des tumeurs chez les enfants comme chez les adultes qui sont inopérables et porteuses de traits génétiques particuliers détectables par des biomarqueurs. Ce traitement concerne aussi des malades atteints d’un cancer colorectal qui a continué de progresser après une chimiothérapie.



Un traitement déjà approuvé pour d’autres cancers

Les tumeurs ciblées par le Keytruda sont porteuses de caractéristiques génétiques dites MSI-H et dMMR. Elles affectent fréquemment le colon, les tissus endométriaux (ovaires) et gastro-intestinaux. Ces types de cancer touchent aussi les seins, la prostate, la vessie et la glande thyroïde, a précisé la FDA.
La FDA approuve un médicament selon une procédure accélérée pour traiter des pathologies incurables contre lesquelles il n’y a pas d’alternative et si la nouvelle molécule s’est avérée suffisamment efficace dans des essais cliniques.
Le Keytruda appartient à une nouvelle classe d’anticancéreux qui neutralisent une protéine, dite PD-1, utilisée par les cellules tumorales, afin d’échapper aux attaques du système immunitaire.
Lire aussi: Les cancers et leur part de hasard
Ce traitement avait déjà été approuvé par la FDA pour traiter plusieurs types de cancers comme le mélanome (tumeur agressive de la peau), le cancer avancé du poumon, de la tête et du cou et le lymphome de Hodgkin.https://www.letemps.ch/sciences/2017/05/24/un-traitement-anticancereux-innovant-mis-marche-americain

Une thérapie révolutionnaire, développée en Belgique, contre le cancer à l’horizon 2020: Qu'en pensent les oncologues? (INFOGRAPHIE)

Entretien: Laurence Dardenne Publié le - Mis à jour le
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Sciences - Santé A vouloir vaincre le cancer, ils sont aussi nombreux qu’obstinés. Les patients, avant tout, bien sûr. Mais aussi les chercheurs, les médecins, les entreprises pharmaceutiques ou biopharmaceutiques. Parmi ces dernières, basée à Mont-Saint-Guibert, la société Celyad croit dur comme fer dans son produit phare, l’immunothérapie CAR-T NKR-2. CAR pour Chimeric Antigen Receptor et NKR pour Natural Killer Receptor. Mais encore ?
Explications avec Christian Homsy, médecin, spécialisé en chirurgie, de formation, co-fondateur et actuellement directeur général de Celyad.

En quoi consiste cette technologie ?
Fondée sur la thérapie cellulaire - qui consiste à prélever des cellules du patient, les modifier pour les lui réinjecter ensuite -, la technologie en question a été découverte par un Américain, le Pr Charles Sentman du Darmouth College. Il a inventé un concept assez unique : cela consiste à prendre les cellules immunitaires du patient, les globules blancs, et les armer avec une "tête chercheuse", qui va aller chercher puis tuer les cellules cancéreuses. Parmi les globules blancs, il existe un type de globules tueurs qui sont les lymphocytes T.
Ils sont très efficaces pour tuer une tumeur ou une cellule infectée, mais en revanche, ils sont un peu "myopes". C’est la raison pour laquelle le Pr Sentman a greffé un récepteur sur ces lymphocytes T dont le rôle sera de trouver les cellules cancéreuses, un peu comme une clé qui va ouvrir une serrure. Dans le corps, nous avons en effet un autre type de globules blancs, les cellules (NK) qui elles, à l’inverse, reconnaissent bien les cellules tumorales mais ne sont pas de bonnes tueuses. Le chercheur américain a donc pris le récepteur des cellules NK qu’il a mis sur les lymphocytes T.

C’est une forme de thérapie génique ?
En quelque sorte. On construit un vecteur viral qui, va s’intégrer dans l’ADN de la cellule cible, en l’occurrence les lymphocytes T. Ce vecteur va transmettre son matériel génétique à la cellule T, laquelle va commencer à exprimer le code du virus à sa surface. Concrètement, on prend du sang du patient dont on extrait les globules blancs. Nous les "transfectons" avec le vecteur, ensuite, on les multiplie jusqu’à obtenir une certaine dose, que l’on congèle avant de l’injecter chez le patient.
Où intervient la société Celyad ?
La toute grande majorité de la recherche fondamentale en médecine provient des centres académiques. Les sociétés telles que la nôtre s’en saisissent pour les développer, en expérimentant chez l’animal d’abord, puis en conduisant des essais cliniques chez l’homme.
Où en sommes-nous aujourd’hui ?
Nous avons terminé les études chez l’animal, qui ont montré des résultats plus que probants. Les tests sur la souris ont été menés dans cinq cancers différents : deux cancers du sang (myélome multiple et lymphome), le cancer du pancréas, de l’ovaire et le mélanome. On a injecté un cancer à des souris qui ont été traitées avec ces cellules T modifiées, les CAR-T. Toutes les souris traitées ont survécu jusqu’à la fin de leur vie naturelle alors que les autres sont décédées rapidement. Maintenant, il reste à démontrer que les résultats obtenus chez le rongeur pourront être reproduits chez l’homme.
Notre première étude a été menée dans deux cancers sanguins, et conduite à des doses très faibles pour démontrer d’abord l’innocuité de notre produit. A la dose la plus élevée (30 millions de cellules injectées), il y a eu, sur les trois patients testés, une personne qui a survécu alors que nous en sommes actuellement à 8 mois. Mais surtout, nous avons pu observer une normalisation complète de ses paramètres sanguins alors que ce patient devait recevoir des transfusions toutes les 3 semaines avant son traitement, et son espérance de vie été alors limitée à deux mois.
Cela signifie-t-il qu’il est guéri ?
En cancérologie, on parle de rémission. La guérison, si elle a lieu ne peut être déterminée avant cinq ans.
Quels sont les avantages de l’approche ?
C’est moins toxique qu’une chimiothérapie, car la technique est beaucoup plus précise. On parle d’ailleurs de médecine de précision. C’est aussi une médecine individualisée puisque l’on utilise les propres cellules du patient. Un autre avantage est qu’il y a moins de problèmes immunologiques. Il s’agit de traitements extrêmement puissants et ciblés à la fois.

Et maintenant, quelles sont les prochaines étapes ?
Nous venons de commencer une deuxième étude avec des doses bien plus importantes qui seront administrées dans sept cancers différents : vessie, ovaire, sein, colorectal, pancréas, leucémie et myélomes. Cette étude, dénommée "Think", est menée aux Cliniques universitaires Saint-Luc, à Gand et à l’Institut Bordet ainsi qu’aux Etats-Unis, sur des patients qui n’ont pas répondu aux autres traitements. D’ici la fin de l’année, nous espérons avoir les résultats de la première partie de l’étude qui vise à déterminer la dose la plus efficace, et, dans le courant de l’année prochaine, une étude plus approfondie de l’efficacité sur un nombre de patients plus important.

Ce qu'en pensent les médecins oncologues

La question qui nous brûle les lèvres est : quand pourrait-on espérer la mise sur le marché de ce traitement ? " Ces médicaments s’avèrent tellement puissants que les études pour les amener sur le marché sont beaucoup plus courtes, nous répond Christian Homsy. Si tout se passe comme nous l’espérons, on pourrait donc, à l’horizon 2020, avoir un traitement commercialisé chez le patient.
Le cancer est une maladie extrêmement complexe; il y a des dizaines de cancers différents. Je pense que ce traitement peut révolutionner la façon dont on traite le cancer. Cette maladie nécessite une approche pluridisciplinaire. Cette thérapie pourrait néanmoins s’intégrer dans le traitement de la majorité des cancers."
Mais que pensent au juste les médecins des hôpitaux belges qui suivent les patients inclus dans cette étude ?
Trop tôt pour se prononcer sur l’efficacité
"Il s’agit effectivement d’une approche relativement innovante, en particulier parce qu’elle est destinée, entre autres, à des patients atteints de tumeurs solides, estime le Pr Jean-Pascal Machiels, chef du service d’oncologie médicale des Cliniques universitaires Saint-Luc. Des approches similaires sont développées pour les tumeurs hématologiques avec quelques succès encourageants. Le concept théorique est donc original et prometteur. Actuellement, nous testons cette nouvelle thérapie dans un essai clinique précoce dont le but principal est d’évaluer la toxicité du produit et d’identifier la dose optimale. Il est trop tôt pour se prononcer sur une quelconque efficacité clinique, qui devra être évaluée prochainement dans les phases ultérieures de l’essai et d’autres études cliniques. A ce stade, il s’agit donc d’une thérapie expérimentale qui ne peut être administrée que dans des conditions bien contrôlées et par des équipes expérimentées. Une mise sur le marché n’est pas d’actualité aujourd’hui."
Pour différents types de cancer
Par rapport à d’autres produits actuellement en phase d’évaluation, "le CAR-T NKR-2 de Celyad armé d’un récepteur NK a l’avantage de pouvoir être utilisé dans plusieurs types de cancer, explique pou r sa part le Dr Philippe Lewalle, responsable du laboratoire facultaire d’hématologie expérimentale, à l’institut Jules-Bordet.
En ce qui concerne les résultats préliminaires, "ils sont suffisamment encourageants, poursuit le spécialiste, pour poursuivre les essais cliniques avec optimisme, même si actuellement nous ne pouvons pas préciser pour quel type de cancer, à quel moment, à quelles doses de cellules et dans quelle stratégie globale d’association de traitements il sera le plus efficace et confirmera sa place ".
" L’immunothérapie cellulaire clinique en est toujours à ses balbutiements et de nombreux protocoles cliniques expérimentaux seront encore nécessaires pour l’amener à sa pleine maturité, tient toutefois à préciser le Dr Lewalle. Néanmoins, même si toutes les questions ne seront pas élucidées, il est raisonnable de penser que, si les résultats se confirment, une première série d’indications pourrait permettre une mise sur le marché des CAR-T NKR-2 de Celyad à l’horizon 2020."
Globalement moins toxique et plus ciblé
A propos de l’immunothérapie de manière générale, "outre la possibilité d’être efficace dans des situations de résistance aux chimiothérapies et à la radiothérapie, en raison d’un mode d’action totalement différent, l’immunothérapie - en redonnant à l’individu le pouvoir de se battre contre son cancer - offre l’avantage d’être globalement moins toxique et plus ciblée" .
"L’immunothérapie a ouvert la porte d’une toute nouvelle approche du traitement du cancer, elle représente une véritable révolution de notre façon d’aborder la prise en charge globale du patient. Elle permet des associations et des séquences de traitements totalement nouvelles et inédites qu’il faut maintenant inventer et tester. Globalement, il faut espérer que nos manipulations du système immunitaire soient assez puissantes et spécifiques pour se traduire en des guérisons définitives pour le plus grand nombre et consacrer la victoire de l’immunité sur le cancer."
Entretien: Laurence Dardenne
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Cancer de la prostate: les ultrasons thérapeutiques montrent leur efficacité

Une troisième voie se dessine pour certains malades du cancer de la prostate: l'utilisation des ultrasons sur une partie seulement de la glande malade
Une troisième voie se dessine pour certains malades du cancer de la prostate: l'utilisation des ultrasons sur une partie seulement de la glande malade
afp.com - MARTIN BUREAU

Entre un suivi médical anxiogène et une opération aux effets secondaires souvent lourds, une troisième voie se dessine pour certains malades du cancer de la prostate: l'utilisation des ultrasons sur une partie seulement de la glande malade.
C'est la conclusion d'une étude, promue par l'Association française d'urologie (AFU) et récemment publiée dans la revue de référence European Urology.
Sur un échantillon, statistiquement significatif, de 111 malades, 89% étaient toujours en vie au bout de deux ans "sans traitement radical", ont expliqué jeudi les auteurs de l'étude lors d'une conférence de presse à Vaulx-en-Velin (métropole de Lyon).
Et ceci avec peu de ces effets secondaires qui dissuadent souvent les patients, confrontés à cette maladie à évolution très lente, de se faire opérer: 97% ne souffraient pas d'incontinence urinaire et 78% voyaient leur fonction érectile préservée.
Le traitement salué par l'AFU consiste à concentrer via une sonde endo-rectale des ultrasons de haute intensité pour détruire, par la chaleur engendrée, les tissus cancéreux. Cette technologie n'a rien de nouveau puisqu'elle existe depuis 1993 mais, additionnée aux progrès de l'imagerie médicale, elle permet d'avoir une approche de plus en plus fine et ciblée.
Elle est destinée aux patients à faible ou moyen risque, atteint d'un cancer localisé de la prostate. Soit environ 20% des patients normalement promis à un traitement chirurgical.
L'AFU a souligné que son étude, réalisée dans dix centres hospitaliers français, était indépendante, même si elle était présentée dans la locaux de la société EDAP TMS, spécialisée dans l'utilisation des ultrasons en urologie, qui fabrique les équipements utilisés.
Premier cancer de l'homme, le cancer de la prostate provoque chaque année 8.000 décès en France, selon Sébastien Crouzet, chirurgien urologue à l’hôpital Édouard Herriot de Lyon. Sur les 58.000 nouveaux cas diagnostiqués chaque année, 10% font l'objet d'une "surveillance active", 80% d'un traitement local et 10% d'un "traitement radical agressif", précise-t-il.
Depuis l'an dernier et pour une période de cinq ans, le traitement focalisé par ultrasons est remboursé aux hôpitaux comme une ablation chirurgicale, ce qui devrait favoriser son adoption par les centres hospitaliers.
L'auteur principal de l'étude, Pascal Rischmann (CHU de Toulouse), a de son côté fait valoir que l'adoption de cette technologie pouvait avoir des retombées positives pour le système de santé: les soins peuvent se faire en ambulatoire et une séance réussie peut permettre d'éviter 46 séances d'irradiation.
Cotée sur la bourse américaine des nouvelles technologies Nasdaq depuis 2007, EDAP TMS est issu d'une collaboration avec l'Inserm et les Hospices civils de Lyon. La société a réalisé l'an dernier un chiffre d'affaires de 35 millions de dollars. http://information.tv5monde.com/en-continu/cancer-de-la-prostate-les-ultrasons-therapeutiques-montrent-leur-efficacite

Le nombre de décès par cancers explose chez les femmes












Un lymphocyte T (en bleu) et une cellule cancéreuse de la prostate (en rose) vus au microscope.
© STEVE GSCHMEISSNER/SCIENCE PHOTO LIBRARY / STEVE GSCHMEISSNER/SCIENCE PHOTO LIBRARY, STEVE GSCHMEISSNER/SCIENCE PHOTO LIBRARY/KEYSTONE












médecine

Des modifications inédites du génome pour soigner le cancer

Un médecin chinois va se servir d’un outil de manipulation génétique révolutionnaire pour tenter de guérir des patients atteints d’une tumeur. Une première chez l’être humain
Ce printemps, Lu You, un oncologiste à l’hôpital West China de l’Université du Sichuan, en Chine, a sélectionné dix patients. Tous souffrent d’un cancer du poumon incurable. Ils ont déjà tout essayé: la chimiothérapie, la radiothérapie, les médicaments anticancéreux. Sans succès. Mais à partir du mois d’août, ils vont recevoir une nouvelle thérapie qui pourrait révolutionner le traitement du cancer. Ils sont enrôlés dans un essai clinique qui a pour but de renforcer les défenses naturelles du corps, pour qu’il puisse lutter lui-même contre la tumeur.
Pour ce faire, Lu You va prélever sur ces patients des lymphocytes T, les cellules qui forment l’armature de notre système immunitaire. «Celles-ci seront modifiées génétiquement pour leur enlever un gène appelé PD-1 qui freine en temps normal leur capacité à attaquer d’autres cellules», explique Timothy Chan, un oncologue spécialisé dans le génome des tumeurs au Memorial Sloan Kettering Center de New York. Ces cellules seront ensuite multipliées en laboratoire avant d’être réinjectées au patient. Les chercheurs chinois espèrent qu’elles se mettront alors à attaquer la tumeur.
Cette procédure puise ses origines dans une méthode éprouvée. «L’immunothérapie, qui consiste à injecter au patient des lymphocytes T modifiés, existe depuis le milieu des années 90», note Fyodor Urnov, de l’Université de Californie à Berkeley, un généticien qui a contribué à développer certaines de ces thérapies. S’appuyant sur des techniques de manipulation génétique de première ou de deuxième génération – les ZFN et les TALEN –, des chercheurs sont parvenus en 2014 à guérir des malades souffrant de leucémies ou à introduire une mutation chez des personnes séropositives pour les rendre résistants au virus du sida.

Embryons modifiés

Ce qui est neuf, c’est l’usage d’un nouvel outil inventé en 2012 appelé CRISPR-Cas9. Il fonctionne en déployant une enzyme – Cas9 – qui a été spécialement programmée pour repérer et éliminer certains morceaux d’ADN. «Cette technologie peut insérer, effacer ou écraser des morceaux de code génétique, ce qui a pour effet d’activer ou d’éteindre certains gènes, détaille Martin Jinek, un biochimiste de l’Université de Zurich qui a travaillé dans le laboratoire américain à l’origine de cette technique. Son principal avantage est sa rapidité et son extrême précision.»
Cette paire de super-ciseaux a déjà permis des avancées dans plusieurs domaines. Elle a notamment été utilisée pour développer des champignons qui ne brunissent pas, des moustiques résistants à la malaria, des chèvres du Cachemire à la laine plus fournie ou des chiens capables de courir plus vite. En 2015, puis à nouveau au printemps 2016, des chercheurs chinois ont créé la controverse en indiquant qu’ils s’étaient servis de CRISPR-Cas9 pour modifier des embryons humains non viables, afin de voir s’il était possible de les guérir d’une maladie sanguine héréditaire ou du sida.
A lire aussi: Chirurgie de l’ADN pour bébé «sur mesure»
Mais cette technique n’a encore jamais été utilisée sur un humain en vie. Lu You sera le premier à le faire. Une autre tentative semblable est prévue pour la fin de l’année à l’Université de Pennsylvanie.
Ces essais cliniques soulèvent un certain nombre d’interrogations. Timothy Chan craint l’apparition d’une réaction auto-immune chez les patients. «Les lymphocytes T modifiés pourraient commencer à s’en prendre non seulement à la tumeur mais aussi à des tissus sains», craint-il. La réaction ne serait pas forcément immédiate: «Elle pourrait intervenir longtemps après l’injection de cellules modifiées ou seulement lorsque la dose est augmentée», précise-t-il.

Effets secondaires

Le seul moyen d’éviter ce problème serait de n’utiliser que des lymphocytes T extraits à proximité de la tumeur, car ils ont été programmés pour s’en prendre en premier lieu à cette dernière, ajoute-t-il. L’équipe du Dr Lu a indiqué qu’elle procéderait avec prudence, en n’augmentant le dosage que chez un seul patient initialement, mais cela n’éliminera pas le risque de réaction auto-immune.
Autre risque, «CRISPR-Cas9 introduit parfois des modifications génétiques au mauvais endroit», indique Martin Jinek. Ce bug pourrait avoir de graves effets secondaires, comme le développement de tumeurs. Au début des années 2000, un patient français souffrant d’une déficience immunitaire héréditaire enrôlé dans un essai clinique qui avait pour but de remplacer le gène à l’origine de sa maladie a développé une leucémie et en est décédé. L’équipe de Lu You s’est adjoint les services de la société Chengdu MedGenCell: elle sera chargée d’examiner les lymphocytes T avant qu’ils ne soient réinjectés au patient pour s’assurer qu’ils ne contiennent que les modifications génétiques souhaitées.

Patients informés

Face à ces dangers, est-il éthique de traiter des patients avec ce genre de thérapie? «Ces patients sont en phase terminale et ont épuisé toutes les autres options, estime Tetsuya Ishii, un bioéthicien de l’Université de Hokkaido, au Japon. Le bénéfice potentiel d’un tel traitement excède donc les risques.» Il rappelle toutefois que cela ne vaut que si les malades ont été informés de tous les effets secondaires et ont pu livrer leur consentement éclairé.
L’étude de Lu You ne se situe pas sur le même plan que les modifications génétiques d’embryons humains effectuées par ses collègues chinois en 2015 et 2016, note de son côté Fyodor Urnov, qui s’était à l’époque fendu d’une lettre ouverte, publiée dans la revue «Nature», pour dénoncer cette expérience. «Ici, on ne modifie pas la lignée germinale (les cellules reproductives capables de transmettre la mutation génétique à la génération suivante, ndlr) et le but est de guérir une maladie existante, pas d’éviter la survenue d’une future maladie», juge-t-il.

Cancer: l'incroyable découverte belge qui bloque les métastases

























Le docteur Pierre Sonveaux (à droite) avec l'un de ses collaborateurs - © Tous droits réservés

Une équipe de chercheurs de l'UCL a identifié comment se formaient les métastases et comment éviter qu'elles apparaissent. Les métastases sont responsables de 90 % des 27 000 décès annuels liés au cancer.
Pendant cinq ans, l'équipe de 17 chercheurs pilotée par le professeur Pierre Sonveaux a tenté de découvrir d'où viennent les métastases et comment prévenir leur apparition.
Les résultats de leur étude publiées dans la prestigieuse revue Cell Reports, valaient manifestement le temps et l'investissement consentis. Les chercheurs ont identifié des composés prometteurs qui pourraient, à l'avenir, empêcher le développement de métastases chez des patients atteints d'une tumeur cancéreuse.
"Nous pouvons être fiers, s'enorgueillit Pierre Sonveaux. Car nous sommes les premiers, au niveau mondial, à avoir identifié une voie qui est responsable des métastases." L'équipe a étudié longuement les cellules cancéreuses et découvert qu'elles produisent un déchet. "C'est le superoxyde.  Et nous avons imaginé qu'il était possible d'inactiver le superoxyde afin de bloquer les métastases."
Testé sur la souris
"Nous avons testé notre traitement sur la souris, dans des modèles de mélanomes - ces tumeurs de la peau induites par des expositions au soleil - et dans des modèles de cancer du sein humain injecté chez la souris, précise-t-il.  Dans ces deux cas, nous avons pu bloquer les métastases grâce à un traitement qui inactive le superoxyde."
Les résultats ont montré qu'une injection quotidienne d'un tel traitement était efficace dans ce cadre: cela a empêché l'apparition de métastases chez la souris en inhibant le superoxyde.
Un traitement transposable à l'être humain?
"Nous sommes très enthousiastes, mais d'un autre côté nous sommes des académiques, donc il faut raison garder. Des tests supplémentaires sur l’animal sont encore nécessaires, avant de passer chez l'homme. Nous voulons identifier si les stratégies fonctionnent aussi pour d'autres types de cancer. Ensuite, il faut faire des tests cliniques."
La décision de mener des tests cliniques est entre les mains des firmes pharmaceutiques qui possèdent les molécules nécessaires. Car un autre bon point: c'est que ces molécules existent déjà.
"Les composés, qui ont donné des résultats probants lors de nos tests, existaient déjà. Ils appartiennent à des groupes pharmaceutiques, qui les testent actuellement en phase 2 pour traiter la maladie de Parkinson ou l'hépatite C, ajoute Pierre Sonveaux. Nous savons donc que ces molécules ne sont pas toxiques pour l'homme. Cela ouvre la porte à une éventuelle validation relativement rapide d'un traitement préventif qui bloquerait les métastases cancéreuses humaines".
RTBF avec Belga

Quelles sont les chances de survie aux principaux cancers ?

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Chimiothérapie à l'hôpital Oscar Lambret de Lille.

Selon une vaste enquete publiée mardi par l’Institut de veille sanitaire (InVS) et l’Institut national du cancer (INCa), les chances de rester en vie cinq ans après le diagnostic d’un cancer se sont globalement améliorées ces dernières années. L’étude publiée mardi 2 février a été menée sur plus de 535 000 cas de cancers, sur deux périodes : 1989-1993 et 2005-2010.

Parmi les tumeurs les plus fréquentes, l’amélioration est très notable, à l’exception du cancer du col de l’utérus :
Les chances de survie s'améliorent pour les malades du cancer
Evolution du taux de survie à cinq ans entre les périodes 1989-1993 et 2005-2010
0 %20 %40 %60 %80 %100 %1989-19932005-2010ProstateSeinCôlon-rectumPoumonCol de l'utérusMélanome de la peauMyélome multiple etplasmocytomeLeucémie lymphoïde chroni…Lymphome diffus à grandescellules B
Source : InVS et INCa
Malheureusement, tous les types de cancer n’offrent pas les mêmes perspectives. Ainsi, il reste aujourd’hui extrêmement rare de survivre plus de cinq ans à un mésothéliome (cancer lié à l’amiante) ou à une tumeur au poumon. En revanche, les cancers du sein ou de la prostate sont très bien soignés.
Les maladies et leurs perspectives d’évolution ne sont pas les mêmes chez les hommes et chez les femmes, comme le montrent les deux tableaux ci-dessous :
Chez les hommes, les cancers de la prostate et des testicules présentent les meilleures chances de survie
Taux de survie à cinq ans chez les hommes atteints de cancers entre 2005 et 2010. Le mésothéliome pleural (cancer de l'amiante) est le plus souvent mortel.
0 %20 %40 %60 %80 %100 %Pourcentage de survie à cinq ans entre 2005 et 2010Mésothéliome pleuralPancréasŒsophageFoiePoumonSystème nerveux centralVoies biliairesEstomacHypopharynxOropharynxLangueCavité oraleVessieCavités nasales Intestin grêleNasopharynxLarynxSarcomes des tissus mousRectumGlandes salivairesCôlonPénisOs ReinMélanome de l'uvéeMélanome cutanéLèvreThyroïdeProstateTesticule
Testicule
Survie nette à 5 ans : 96 %
Source : InVS et INCa
Chez les femmes, les cancers de la thyroïde, de la peau et du sein présentent les meilleures chances de survie
Taux de survie à cinq ans chez les femmes atteintes de cancers entre 2005 et 2010. Le cancer du pancréas et le mésothéliome pleural (cancer de l'amiante) sont mortels la plupart du temps.
0 %20 %40 %60 %80 %100 %Taux de survie à cinq ansPancréasMésothéliome pleuralFoieVoies biliairesŒsophagePoumonSystème nerveux centralEstomacHypopharynxOvaireVessieCavités nasalesOropharynxVulve et vaginIntestin grêleLangueCavité oraleSarcomes des tissus mousCôlonLarynxRectumOsNasopharynxCol utérinGlandes salivairesReinMélanome de l'uvéeCorps utérinLèvreSeinMélanome cutanéThyroïde
Source : InVS et INCa
Comme les femmes sont davantage atteintes que les hommes par des cancers qui se soignent bien, leur taux de survie global cinq ans après le diagnostic est meilleur, selon les données de l’InVS et de l’INCa, qui divise les types de cancers en trois catégories, en fonction de leur pronostic.
Davantage de cancers à bon pronostic chez les femmes
Les femmes sont davantage touchées par des tumeurs qui se soignent "bien" (Sein, mélanome, thyroïde) alors que les hommes sont plus sujets à des cancers meurtriers (mésothéliome, pancréas, poumon...)
0 %10 %20 %30 %40 %50 %60 %HommesFemmesCancers à mauvaispronostic (moins de 33 %de survie à 5 ans)Cancers à pronosticmoyen (entre 33 et 65 %de survie à 5 ans)Cancers à bon pronostic(plus de 65 % de survie à5 ans)
Cancers à mauvais pronostic (moins de 33 % de survie à 5 ans)
Hommes: 31 %
Femmes: 17 %
Source : InVS et INCa

En savoir plus sur http://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2016/02/02/quelles-sont-les-chances-de-survie-aux-principaux-cancers_4858099_4355770.html#0A7HpcCHuRMEAoFF.99

Marseille : contre le cancer, Clairval dégaine son cyber couteau

Marseille Tags : Marseille Clairval cancer
L'établissement privé du Redon a inauguré hier son Cyberknife dernier cri














Santé - Actualités - Marseille : contre le cancer, Clairval dégaine son cyber couteau














Le Cyberknife, un nouveau "couteau" thérapeutique dont s'est doté Clairval, l'unique établissement de la région à disposer de ce petit bijou de technologie. Photo Valérie vrel
Dans la guerre de conquête sur le marché marseillais de la santé, c'est une arme tranchante que fourbit le groupe Générale de Santé (GdS)... Sous l'étendard d'un nouvel Institut de cancérologie Marseille Provence, elle a inauguré hier ce dernier équipement de radiothérapie stéréotaxique : le Cyberknife dernière génération. Une cérémonie organisée en présence de Pascal Roché, directeur général du groupe, de Cyril Szymkowicz, directeur du pôle Marseille, et des médecins radiothérapeutes de l'institut.
Clairval devient ainsi l'unique établissement de la région à proposer ce "couteau" thérapeutique, qui n'existe que dans huit centres en France (dont un à Nice, mais de la génération précédente). Ce robot articulé très mobile peut traiter une lésion très petite, fixe ou mobile, n'importe où dans le corps, avec une précision inframillimétrique. Alternative non invasive à la chirurgie pour certaines tumeurs, ce "bistouri", qui opère sans ouvrir, ne nécessite aucun système de contention ou de fixation invasif. Les indications concernent les petites et moyennes tumeurs, intra et extra-crâniennes : cerveau, poumon, rachis et moelle épinière, foie, pancréas, prostate, sein... ainsi que la ré-irradiation en zones déjà traitées. Le traitement est programmé sur 1 à 5 séances de 20 à 60 mn (contre 30 pour un traitement classique) et ne nécessite pas d'hospitalisation.
Avec ce nouvel équipement, la Générale de Santé poursuit ainsi sa stratégie de repositionnement sur les quartiers Sud de Marseille. Après l'abandon de la clinique Beauregard (revendue au groupe varois Sainte-Marguerite), le géant de la santé privé investit massivement dans la chirurgie ambulatoire à la clinique Monticelli 2, en construction à côté du stade Vélodrome. En parallèle, "l'Institut de cancérologie propose une offre de soins complète et de qualité en termes de dépistage et de traitement du cancer", explique Cyril Szymkowicz. La GdS dispose notamment d'un Pet scan, ainsi qu'une offre de soins complète (chimiothérapie et thérapies ciblées, radiothérapie, radiochirurgie stéréotaxique, curiethérapie). En se dotant du Cyberknife, l'établissement qui accueille près de 2 000 patients en radiothérapie chaque année, souhaite renforcer son activité.
Reste qu'en matière de couteau anti-cancer, l'hôpital public marseillais n'est pas en reste. L'AP-HM conserve même plusieurs longueurs d'avance avec le PerfeXion, Gamma Knife qui permet d'opérer sans ouvrir le crâne. En 2006, cette machine a été implantée en première mondiale à la Timone, qui vient d'en recevoir la toute dernière version (inauguration prévue en novembre prochain). La différence avec le Cyberknife de Clairval ? "Cela n'a rien à voir", explique le Pr Jean-Marie Régis, chef du service de radiochirurgie de la Timone. "Le Cyberknife est une très bonne machine, mise au point dans les années 90, qui répond au problème particulier du ciblage des tumeurs mobiles (du foie, de la prostate, du poumon). Mais pour le cerveau, il n'y a pas de comparaison possible : le gammaknife est vraiment révolutionnaire".















Lausanne en pole position dans la lutte contre le cancer

Le CHUV et l’Université de Lausanne (UNIL) vont devenir, avec San Diego et Oxford, un des trois pôles mondiaux de recherche sur le cancer. (Keystone)
Le CHUV et l’Université de Lausanne (UNIL) vont devenir, avec San Diego et Oxford, un des trois pôles mondiaux de recherche sur le cancer. (Keystone)
Le Ludwig Cancer Research, le canton, le CHUV et l’Université de Lausanne comptent investir près de 1 milliard de francs ces trente prochaines années pour le développement de thérapies expérimentales contre le cancer
La recherche contre le cancer compte un nouveau centre d’envergure internationale à Lausanne. Le Ludwig Cancer Research, une institution américaine à but non lucratif, prévoit d’investir une somme conséquente – 100 millions de francs ces dix prochaines années, renouvelables sur 30 ans – pour développer ses activités en immunothérapie dans la capitale vaudoise. Cette discipline s’appuie sur les défenses du corps pour lutter contre les cellules cancéreuses. Spécialiste dans ce domaine, le professeur George Coukos, chef du Département d’oncologie UNIL-CHUV, dirigera le centre lausannois, qui deviendra le troisième pôle de compétence du Ludwig Cancer Research dans le monde, après San Diego aux Etats-Unis et Oxford en Grande-Bretagne.
Financement croisé
«Le développement des recherches dans le domaine du cancer ces dernières années et les investissements promis par les institutions concernées par ce projet ont décidé Ludwig à choisir Lausanne», estime Pierre-Yves Maillard, chef du Département vaudois de la santé. Le CHUV investira 7,5 millions par an pour des thérapies expérimentales. L’Université de Lausanne financera des postes de recherche à hauteur de 5 millions par an.
Le canton s’est engagé à injecter près de 89 millions dans un premier temps pour la construction de nouveaux bâtiments dédiés à la recherche, sur le site de Dorigny et sur celui du Biopôle à Epalinges, qui hébergera l’institut Ludwig. Dans les six prochaines années, les investissements immobiliers pour la recherche s’élèveront à 300 millions, précise Pierre-Yves Maillard. «C’est un atout pour la réputation scientifique de la région. Mais aussi pour la population touchée par le cancer, chez qui les thérapies classiques ne donnent pas de résultat», ajoute le ministre socialiste. A moyen terme, de 200 à 300 patients par an devraient pouvoir bénéficier de traitements expérimentaux à Lausanne.

Le masculin bousculé, cancer de la prostate et accompagnement psychologique

Le Monde.fr |

Par Anne-Sophie van Doren, Laboratoire PCPP, EA 4056, Université Paris Descartes, Paris V et Marc Olivier Bitker, service d’Urologie, groupe hospitalier Pitié Salpetrière – Charles Foix. APHP. UPMC Paris VI. Paris
« Il n’est point d’homme qui ne veuille être un despote quand il bande ! ». Le psychanalyste Jacques André commente cette citation du Marquis de Sade ainsi : « La première contribution de la psychanalyse à la compréhension de la domination masculine suit le mouvement de l’érection. L’homme est un homo erectus, le pouvoir appartient à ceux qui se dressent, pas à ceux qui se baissent ». Derrière ceux qui se baissent, il est assez aisé d’entendre des résonnances fantasmatiques avec la maladie, la vieillesse que Chateaubriand qualifie de naufrage. Même si « se baisser » peut avoir une valence active, de choix assumé ou consenti, on peut également y voir les figures de la passivité, de la soumission voire de l’infamie. C’est en gardant ceci à l’esprit, qu’il convient d’écouter et d’entendre les patients porteurs d’un cancer de la prostate. Ces hommes cherchent tant bien que mal à rester debout ou à se relever après s’être nécessairement baissés pour sauver leur vie, après avoir accepté de sacrifier « une partie » pour sauver le tout, ce qu’ils vivent et ressentent, parfois à mots couverts, comme la honte de ne plus être virils.
Au carrefour des espaces somato-psychique et psychosexuel, le cancer de la prostate est susceptible de mettre au travail des concepts clés de la psychanalyse comme la pulsion et l’angoisse de castration. Mais il interroge également quant aux effets psychiques des traitements curateurs mais castrateurs que l’on propose aux patients. Paradoxalement, cela reste une clinique encore taboue et boudée des psychologues et psychanalystes qui s’intéressent plus volontiers au cancer du sein, peut être car les femmes se livrent plus volontiers. Mais alors que la psychanalyse est régulièrement taxée de phallocentrisme, que le sexuel est un élément nodal du fonctionnement psychique, comment se fait-il qu’elle ne se penche pas ou si peu sur le cancer de la prostate ?
Derrière le manifeste : il n’y a pas ou si peu de psychologue clinicien dans les services d’urologie, il y a le latent. Peut-être est-il difficile de penser une maladie qui viendrait malmener le centre du référentiel et la théorie sexuelle infantile, partagée par tous, celle du primat du phallus ? Bien sûr que dans la réalité consciente, cela ne semble pas un argument très recevable, mais Jacques André nous le rappelle : « Comme pour toute théorie sexuelle infantile, cela n’a guère de sens de la dire vraie ou fausse. Le phallus c’est comme Dieu, il suffit d’y croire pour qu’il existe » ! Mais justement, si tout le monde y croit, le cancer de la prostate vient alors jouer les trouble-fêtes, ce qui le rendrait peut-être par la même occasion tabou et ce qui ne peut pas ne pas nous interpeller. Maladie de l’homme mûr, elle a ceci de particulier qu’elle émerge dans le climat de castration narcissique d’un vieillissement débutant. En effet, certains évènements de vie objectifs, comme les perspectives de la retraite, les premiers petits-enfants, les prises de conscience parfois aiguës et douloureuses d’un vieillissement corporel inéluctable, sont déjà venus rappeler au sujet qu’il n’était pas éternel.
En outre, il est difficile voire impossible de se soustraire au poids environnemental. Nous sommes tous inscrits dans une société où les cultes du corps et de la performance font foi et loi. Ces hommes sont donc à la fois confrontés à la tyrannie du bien vieillir, à son injonction paradoxale (« vieillissez bien donc ne vieillissez pas ! ») mais également au dogme du mâle infaillible. C’est-à-dire que depuis leur plus tendre enfance, les petits garçons sont bercés dans l’idée quelque peu tyrannique et culpabilisatrice que « pour être viril, il faut ‘‘bander’’ ». Comment ne pas éprouver de la honte quand, sous l’effet d’un diagnostic, vous vous dites que votre corps vous lâche, que vous êtes vieux et deviendrez bientôt impuissant ?
Au premier plan, ressort le caractère massif de l’investissement phallique sur un versant très narcissique que l’on peut également articuler à l’accueil contrasté dans le couple de la maladie et des gestes médicaux. Pour simplifier, l’homme est complètement sidéré à l’idée de perdre ses érections et relativement serein quant à son pronostic vital, conformément aux dires de l’urologue. Son épouse, qui a entendu le même discours, se montre quant à elle très inquiète pour le devenir de son mari « dites-moi, vous allez le sauver Docteur, vous allez me le garder ? » et paradoxalement assez tranquille quant à la vie sexuelle du couple.
Si cela rejoint bien la proposition freudienne d’une angoisse de perte d’amour, plus objectale, qui serait l’apanage des femmes au regard d’une angoisse de castration, plus narcissique et masculine, si on peut ironiser en disant que les angoisses narcissiques des uns s’accouplent avec celles objectales des autres sur un mode compensatoire qui au final arrange tout le monde, et si bien sûr au regard du déclin physiologique, le malaise post-ménopausique n’invite plus à la même fougue charnelle qu’au printemps de la vie, on ne peut pas ne pas s’interroger sur la valeur éventuellement protectrice et défensive de l’angoisse de castration comme contre-investissement de l’angoisse de mort. Autrement dit, il est peut-être plus facile et plus confortable pour ces hommes de se dire : « zut, je ne vais plus avoir d’érection » que « zut, je vais mourir de mon cancer, je ne vais plus être ». S’opère alors un glissement sans aucun doute protecteur pour le sujet entre l’être et l’avoir.
Mais le déplacement de l’angoisse de mort sur l’angoisse de castration est un « luxe » qui n’est pas offert à tout le monde. En effet, pour certains la castration est déjà synonyme de mort. Ceux-là, pour qui l’investissement phallique est essentiel et psychiquement vital préfèrent refuser de se faire soigner au prix de leur vie : Vivre « castré » ou mourir intact/vivre à genoux ou mourir debout, telle serait une des expressions tragiques de l’ambivalence du dualisme pulsionnel, véritable dilemme cornélien qui n’offrirait à certains aucune autre alternative que la fuite et le déni.
« On ne naît pas homme on le devient… et parfois, aurait-on envie d’ajouter, on tente de le rester ». L’aphorisme beauvoirien nous montre bien la fragilité des destins subjectifs et identificatoires, ici réveillée par le vieillissement et exacerbée par la maladie. Le travail du psychologue en urologie revient aussi à accompagner le patient, sa ou son partenaire et parfois le couple dans cette épreuve où il s’éprouve douloureusement comme ayant irrémédiablement changé tout en étant le même individu, crise identitaire et narcissique majeure qui légitime avec force l’ existence de postes de psychologues cliniciens dans les services d’urologie et la mise en place d’une consultation psychologique systématique après la prise en charge d’un cancer de la prostate.


image: http://s1.lemde.fr/medias/web/img/bg/vide.png
En savoir plus sur http://www.lemonde.fr/idees/article/2015/05/25/le-masculin-bouscule-cancer-de-la-prostate-et-accompagnement-psychologique_4640156_3232.html#Sy8gK4eooSjkOfs7.99

Lutte ciblée contre la racine du cancer - LeTemps.ch

Médecine
jeudi 05 mars 2015

Lutte ciblée contre la racine du cancer

Pierre Kaldy
Coupe transversale d’une tumeur du sein. Les cellules souches cancéreuses sont colorées en rouge et les autres cellules cancéreuses, plus nombreuses en bleu clair. (Centre de recherche en cancérologie de Marseille)
Coupe transversale d’une tumeur du sein. Les cellules souches cancéreuses sont colorées en rouge et les autres cellules cancéreuses, plus nombreuses en bleu clair. (Centre de recherche en cancérologie de Marseille)
Découvertes il y a plus de dix ans dans les tumeurs du sein, les
cellules souches cancéreuses sont la clé de voûte des tumeurs. Elles
seraient responsables de la résistance aux traitements et des
métastases. Plusieurs médicaments pour les tuer spécifiquement sont en
cours d’essai
Un nouveau front dans la lutte contre le cancer est
désormais ouvert avec l’apparition de médicaments potentiels capables de
cibler les cellules souches du cancer. L’enjeu est crucial car, pour la
plupart des chercheurs, ces cellules sont la clé de voûte des cancers.
Identifié il y a une douzaine d’années dans le cancer du sein, ce type
de cellule en très faible quantité au sein des tumeurs peut reproduire
le même cancer une fois transféré à la souris. Contrairement aux autres
cellules cancéreuses, les cellules souches ne se divisent pas de façon
frénétique, ce qui contribue à leur résistance élevée aux
chimiothérapies et aux radiothérapies. Grâce à elles, le cancer peut
résister aux traitements les plus toxiques puis réapparaître sous forme
de métastases, qui sont à l’origine de la plupart des décès. Pire, de
récents travaux suggèrent que les traitements anticancéreux actuels
favorisent aussi leur apparition au sein des tumeurs.

Toutes
ces raisons font que, depuis des années, la recherche contre le cancer
en a fait une cible prioritaire. «Le ciblage thérapeutique des cellules
souches cancéreuses est une des perspectives les plus prometteuses de
ces prochaines années», confirme Christophe
Ginestier, pionnier français des cellules souches du cancer du sein au
Centre de recherche en cancérologie de Marseille
.

L’objectif
de les détruire pose le double défi de viser spécifiquement quelques
cellules noyées au sein des tumeurs, tout en épargnant les cellules
souches saines de l’organisme à la base du renouvellement permanent de
tissus comme le sang ou les intestins. Plusieurs approches récentes
montrent que ce défi commence à être relevé avec succès.

C’est le cas par exemple de l’inhibiteur BBI608 décrit récemment par des chercheurs américains de la société Boston Biochemical dans les Comptes rendus de l’Académie des sciences américaines.
Ce produit élimine toute apparition de métastase dans deux modèles de
cancer métastasique chez la souris. Mieux, et de manière inédite, de
faibles concentrations de BBI608 s’avèrent toxiques in vitro pour les
cellules souches d’une dizaine de cancers différents. Mis au point pour
bloquer une voie de signalisation ­intracellulaire spécifique aux
cellules souches cancéreuses, il épargne celles du sang. «Ces tests chez
l’homme sont les plus avancés, précise Christophe Ginestier, mais il
n’est pas le seul car une dizaine d’essais cliniques sont prévus ou en
cours dans le monde pour d’autres produits.»

L’équipe de
Christophe Ginestier et Emmanuelle Charafe-Jauffret n’est pas en reste,
puisque les chercheurs ont trouvé plusieurs moyens efficaces de cibler
ce type de cellules. Le premier est de bloquer un récepteur
indispensable à leur développement par un inhibiteur appelé reparixin. Un essai clinique est actuellement en cours avec le laboratoire pharmaceutique italien Dompé
pour déterminer son innocuité et son effet chez des patientes avant
leur opération. Le second moyen, dont l’essai clinique est en projet,
«est de bloquer une voie métabolique qui s’avère indispensable à la
survie des cellules souches du cancer du sein», ajoute Christophe
Ginestier. Le chercheur participe aussi à la mise en place d’un réseau
de laboratoires sur le sujet pour le sud de la France, parallèlement à
celui existant déjà en région parisienne, pour accélérer les découvertes
dans le domaine.

Un autre exemple est celui de la
salinomycine (ou VA-6063) de la société américaine Verastem,
actuellement testée chez des patients atteints de cancers du poumon ou de mésothéliome.
Il a été retenu pour sa toxicité particulière envers les cellules
souches du cancer du sein parmi des milliers de substances testées au
Massachusetts Institute of Technology à Harvard.

Enfin,
la société américaine Oncomed Pharmaceuticals, fondée par le découvreur
des cellules souches du cancer du sein Max Wicha de l’Université du
Michigan, a développé des anticorps dirigés spécifiquement contre les
cellules souches du cancer, et deux de ses produits font l’objet de
premiers tests chez l’homme.

La plupart de ces
médicaments potentiels sont testés en combinaison avec les
chimiothérapies classiques, l’objectif étant d’éradiquer dans la foulée
les cellules souches du cancer et d’éliminer ainsi tout risque de
récidive de la maladie. De manière inattendue, cet objectif semble déjà
atteint par la metformine, médicament très courant utilisé depuis des
décennies contre le diabète de type 2.

En 2005, des
chercheurs découvrent que les diabétiques traités avec ce produit anodin
présenteraient un risque moins élevé de développer un cancer du sein ou
du pancréas que les autres patients. L’observation est ensuite élargie à
d’autres cancers et des travaux récents montrent que la metformine peut
bloquer spécifiquement le développement des cellules souches du cancer
in vitro. «Il s’agit d’un bel exemple de l’efficacité d’un traitement
ciblant ces cellules, commente Christophe Ginestier, bien que l’on ne
comprenne pas encore très bien d’où vient la spécificité de son action.»
Plusieurs dizaines d’études cliniques sont en cours pour vérifier
directement chez les patients cet effet anti-tumoral de la metformine.
En cas de succès, ce médicament pourrait connaître une seconde carrière
pour prévenir l’apparition ou la récidive d’un cancer. Si l’une de ces
approches aboutit, le cancer n’aura peut-être plus aussi souvent le
dernier mot
.http://www.letemps.ch/Page/Uuid/35ada990-c28f-11e4-a445-d520cd1a7313/Lutte_cibl%C3%A9e_contre_la_racine_du_cancer

Lien entre suppléments et cancer des testicules




















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MONTRÉAL – Les hommes qui consomment des suppléments afin de développer leur musculature multiplient leur risque de souffrir d’un cancer des testicules, prévient une étude publiée dans le British Journal of Cancer.
Les suppléments mis en cause sont notamment des comprimés ou des poudres de créatine ou d’androstènedione.
L’auteur principal de l’étude, Tongzhang Zheng, a précisé que le risque de cancer testiculaire est particulièrement élevé chez les hommes qui ont commencé à consommer des suppléments avant l’âge de 25 ans, chez ceux qui en consommaient plus d’une sorte ou chez ceux qui en consommaient depuis plusieurs années.
M. Zheng et ses collègues ont interrogé près de 900 hommes, dont 356 qui souffraient d’un cancer des testicules. Ils les ont notamment questionnés concernant des facteurs comme le tabagisme, la consommation d’alcool, la sédentarité, l’histoire familiale de cancer testiculaire et des blessures à cette partie du corps.
Même en tenant compte de tous ces facteurs, les hommes qui avaient utilisé des suppléments gonflaient de 65 pour cent leur risque de souffrir d’un cancer des testicules, comparativement aux hommes qui n’en avaient jamais consommé.
Le risque augmentait de 121 pour cent chez les hommes qui ont commencé à prendre des suppléments avant l’âge de 25 ans, de 156 pour cent chez ceux qui en consommaient depuis trois ans et plus, et de 177 pour cent chez ceux qui en consommaient plus d’une sorte.
L’incidence de cancer des testicules est passé de 3,7 cas par 100 000 hommes en 1975 à 5,9 cas par 100 000 hommes en 2011, sans que les scientifiques ne comprennent pourquoi.
M. Zheng admet que le cancer testiculaire demeure très mystérieux, mais estime que l’association notée par son étude démontre que les suppléments utilisés pour développer la musculature sont possiblement un facteur de risque important et modifiable.
http://journalmetro.com/plus/sante/756960/lien-entre-supplements-et-cancer-des-testicules/



















Satisfait ou remboursé : le nouveau credo des labos

Le Monde | • Mis à jour le | Par




















Le suisse Roche présente, jeudi, un programme de suivi des patientes atteintes d’un cancer du sein et soignées avec son Herceptin.
Des médicaments « satisfait ou remboursé » ? L’idée peut paraître farfelue, mais elle fait son chemin, alors que le prix des nouvelles molécules s’envole. Le laboratoire suisse Roche, leader dans le domaine du cancer, présente jeudi 2 avril un programme de suivi de patients qui va dans ce sens. Son compatriote Novartis, numéro un mondial du secteur pharmaceutique, assure qu’à l’avenir, les laboratoires seront payés au résultat et non plus au comprimé. Et ce principe s’applique déjà depuis 2014 au Sovaldi, dont le prix – environ 41 000 euros par patient – menaçait les comptes de la Sécurité sociale. Son fabricant Gilead devra rembourser une bonne partie de cette somme en cas d’échec de son traitement contre l’hépatite C.
Ces contrats dits « de performance » sont un outil précieux pour le Comité économique des produits de santé (CEPS), l’instance qui, en France, négocie le prix des médicaments avec les labos. « Ils contribuent à la maîtrise des budgets et sont une alternative au rationnement de l’accès aux traitements onéreux », souligne Francis Megerlin, professeur d’économie de la santé à l’université Paris-Descartes. Cette approche suppose une évaluation « en vie réelle » de l’efficacité des médicaments, qui peut-être différente de celle observée lors des essais cliniques.
Celgene est l’un des premiers à s’être lancé dans l’aventure. Cette biotech américaine commercialise l’Imnovid, un traitement contre des cancers rares du sang. Le CEPS lui a accordé un prix élevé : 8 900 euros par cycle (les patients en enchaînent cinq à six). En contrepartie, en août 2014, le laboratoire s’est engagé à rembourser l’Assurance-maladie en cas d’échec du traitement.

« Données en vie réelle »

Pour l’apprécier, les deux parties se sont entendues sur des critères. Et sur le terrain, le laboratoire a mis en place un registre qui permet de suivre en temps réel le patient. Au début et à l’arrêt du traitement, ainsi qu’à chaque consultation, le médecin doit renseigner une fiche. Les données sont anonymisées, puis transmises à un prestataire de Celgene qui se charge de leur analyse statistique. Près de 1 000 patients, sur les 2 000 potentiellement concernés, sont déjà inscrits dans ce registre. A la fin de l’année, le nombre de « non-répondeurs » déterminera le montant du chèque à signer par Celgene.
« Le caractère exhaustif de ce registre est unique », se félicite Franck Auvray, qui dirige la filiale française de Celgene. « Le fait de travailler sur des données en vie réelle facilite le dialogue avec les autorités, et cela nous permet aussi de conforter les données recueillies lors des essais cliniques. » La biotech envisage d’étendre ce dispositif à d’autres molécules de son portefeuille, comme le Revlimid, un anticancéreux vendu entre 155 et 190 euros la gélule selon le dosage.
« Le principe du prix au milligramme ne fonctionne plus », Corinne Le Goff, présidente de la filiale française de Roche
De son côté, Roche s’est engagé à suivre en vie réelle l’ensemble des femmes traitées avec son Herceptin. Cet anticancéreux indiqué dans certains cancers du sein a coûté en 2012 près de 270 millions à l’Assurance-maladie. Le laboratoire espère, dans un premier temps, recueillir les données sur l’utilisation actuelle de l’Herceptin (indication, dosage, durée) et, dans un second temps, sur son efficacité. Il ne s’agit pour l’instant que d’un pilote, mais à terme, il espère trouver une formule pour lier le prix de ses médicaments aux observations effectuées en vie réelle.
« Le principe du prix au milligramme ne fonctionne plus », estime Corinne Le Goff, présidente de la filiale française de Roche. « Nos médicaments ont un impact différent selon les cancers et les patients auxquels ils sont prescrits. Le prix doit refléter ces différences de performances », précise-t-elle, en citant l’exemple de son Avastin, l’anticancéreux le plus vendu en France. Selon la Haute Autorité de Santé (HAS), il représente un progrès « important », « modéré» ou « mineur » selon les cancers. Pourtant, son prix est le même, un peu moins de 1 000 euros la dose !

« Bases de données fiables et exhaustives »

Ces outils sophistiqués aident aussi les médecins. « Nous sommes très désireux d’avoir des bases de données fiables, exhaustives et prospectives afin d’affiner la prise en charge des patientes », souligne le docteur Luis Teixeira, qui exerce au Centre des maladies du sein de l’hôpital Saint-Louis, à Paris, où 1 000 femmes sont traitées chaque année. Depuis quelques années, les praticiens utilisent des logiciels pour mieux suivre les malades, mais il n’existe pas encore de registre national recensant tous les patients comme cela existe, par exemple, en Italie.
Pour les médicaments plus courants, d’autres options, moins complexes et moins coûteuses, existent. Le belge UCB, qui a accepté de prendre en charge le coût de son Cimzia pour les personnes atteintes de polyarthrite rhumatoïde dont l’état ne s’améliorerait pas au bout de trois mois, se fie aux bases de données de l’Assurance-maladie, qui recensent les interruptions de traitement. « Nous avons choisi ce critère simple, car un suivi en vie réelle aurait été trop contraignant pour les médecins, voire dissuasif, alors qu’il existe d’autres options thérapeutiques », explique Jean-Michel Joubert, directeur des affaires gouvernementales chez UCB.
En 2013 et 2014, le laboratoire a ainsi remboursé à l’Assurance-maladies les sommes déboursées pour le traitement des patients qui n’ont, in fine, pas répondu au Cimzia. Ce montant est confidentiel, « mais il est non négligeable », selon M. Joubert. En contrepartie, UCB a pu négocier pour son médicament un prix à peine moins élevé que celui obtenu par ses concurrents – 9 900 euros par an, – alors qu’il ne s’est pas montré plus efficace et qu’il est arrivé plus tard sur le marché.
La France n’est pas la seule à s’être convertie à ce principe. En Allemagne, Novartis a conclu un accord similaire avec les autorités pour son Aclasta, un traitement contre l’ostéoporose : en cas de fracture chez un patient, le laboratoire rembourse le médicament. Et au Royaume-Uni, Johnson & Johnson a accepté un deal comparable pour son anticancéreux Velcade.
Quand il est trop compliqué d’obtenir un résultat patient par patient, la performance peut être évaluée grâce aux « notes » attribuées par la Haute Autorité de santé et, en particulier, celle qui reflète l’apport du médicament par rapport aux thérapies existantes : l’amélioration du service médical rendu (ASMR). Elle s’échelonne de I (progrès majeur) à V (absence de progrès thérapeutique) et conditionne en partie le prix du médicament. En 2013, 90 % des médicaments examinés par la HAS ont obtenu un V et seulement 5 % une ASMR de I, II ou I.

Abaisser le coût moyen du médicament

Les laboratoires qui contestent leur note peuvent s’appuyer sur des études en vie réelle pour renégocier avec les autorités. L’un des premiers contrats de ce type a été signé par le CEPS en 2005 avec Johnson & Johnson. La HAS avait accordé un IV à son Risperdal, un traitement contre la schizophrénie. « Nous lui avons accordé le bénéfice du doute et l’avons mis au défi d’obtenir une ASMR III dans un délai de trois ans, faute de quoi le prix du Risperdal serait baissé et la différence remboursée à l’Assurance-maladie », indique Dominique Giorgi. Johnson & Johnson n’a pas réussi à convaincre la HAS de réviser son jugement malgré des études complémentaires et a dû rétrocéder environ un tiers de son chiffre d’affaires à l’Assurance-maladie.
Tous ces mécanismes reviennent, in fine, à abaisser le coût moyen du médicament. Alors pourquoi ne pas tout simplement négocier avec le CEPS une remise sur le prix initial ? « Le principe du satisfait ou remboursé est moins arbitraire : nous sommes payés pour la valeur que nous apportons, estime M. Joubert. Nous espérons aussi que les médecins seront sensibles à cette démarche lorsqu’ils auront le choix entre plusieurs médicaments. » Autre avantage : en continuant à afficher un prix « catalogue » élevé en France, les laboratoires sont en meilleure position pour négocier avec les autorités dans les pays voisins.
« Tous les laboratoires ne sont pas favorables au “satisfait ou remboursé” », reconnaît M. Giorgi, citant l’exemple d’une biotech s’apprêtant à lancer un médicament destiné à traiter une maladie respiratoire rare. « En échange du prix élevé qu’elle demandait, nous souhaitions qu’elle s’engage sur le maintien d’une certaine capacité respiratoire chez les patients traités, raconte-t-il. Elle a refusé en avançant que ce critère était trop aléatoire. Nous sommes donc revenus à une négociation plus classique. »
Pour réduire la facture de l’Assurance-maladie, le CEPS négocie depuis longtemps des ristournes, principalement liées au volume de prescription. Le comité peut aussi décider de plafonner le chiffre d’affaires d’un laboratoire et le contraindre à rembourser tout ce qu’il a gagné au-delà d’un certain seuil. Ces dispositifs ont été appliqués dès 2014 au Sovaldi et aux autres traitements de l’hépatite C en complément de l’application du principe « satisfait ou remboursé ». Résultat : la facture pour l’Etat est passée de 1,2 milliard à 650 millions d’euros. Il ne reste plus que quelques jours au laboratoire Gilead pour remettre son chèque à l’Assurance-maladie.

En savoir plus sur http://www.lemonde.fr/economie/article/2015/04/01/satisfait-ou-rembourse-le-nouveau-credo-des-labos_4607305_3234.html#lDyEDJTvJrEDho97.99

La protonthérapie d’IBA reste la première du monde

Yves Cavalier Publié le - Mis à jour le
Actualité
IBA, premier fournisseur mondial de solutions de protonthérapie pour le traitement du cancer, a vu son carnet de commandes atteindre un niveau record en fin d’année : 256,2 millions d’euros, soit une hausse de 39 % par rapport à 2013. Le chiffre d’affaires a progressé de 3,8 % à 220,6 millions, tandis que le résultat net a atteint 24,3 millions d’euros alors qu’il était négatif l’année précédente. Le résultat récurrent avant impôts et charges, celui qu’observent d’abord les investisseurs, a pour sa part augmenté de 10,4 % pour s’établir à 22,9 millions d’euros, une hausse de 25 % d’une année à l’autre. Et tout porte à croire que ce rythme de croissance pourra être maintenu voire même porté vers 13 à 15 % dans les quatre ans qui viennent, a expliqué la direction financière lors d’une conférence téléphonique.
Ce n’est donc pas sans raison qu’on surnomme IBA la "spin off la plus lucrative de l’UCL". D’autant que sur cette base, IBA a annoncé un dividende de 0,17 euro par action pour l’exercice écoulé, ce qui représente un pay-out ratio (part du bénéfice distribué) de 20 %, un ratio que le groupe dirigé par Olivier Legrain espère voir atteindre 30 % dans les années qui viennent.
Des revenus pour 15 ans
Sur l’année, 27 contrats de service et de maintenance ont été signés en protonthérapie, ce qui représente 468 millions d’euros de revenus attendus pour les 10 à 15 prochaines années, se réjouit IBA. Le segment Dosimétrie a vu son chiffre d’affaires reculer de 6,6 % à 42,89 millions d’euros, mais ce résultat a été compensé par la hausse de 6,7 % de la division Protonthérapie et Autres accélérateurs, à 177,68 millions.
"2014 a été une année charnière pour IBA qui a pu tirer profit d’une adoption accrue au niveau international de la protonthérapie, la solution de radiothérapie la plus avancée et la plus précise pour les patients cancéreux", a commenté Olivier Legrain. Le CEO confirme donc qu’IBA maintient son avance concurrentielle, grâce notamment à des innovations constantes de sa gamme. "Les avancées technologiques que nous avons réalisées avec le système Proteus ONE, la précision du Pencil Beam Scanning et la technique d’imagerie CBCT représentent des avantages concurrentiels uniques pour nos clients", précise-t-il.
Leadership confirmé
IBA reste à l’avant-plan des avancées technologiques en radiothérapie et continue à renforcer sa position de leader en développant de nouvelles solutions, telles que la thérapie adaptative ou la thérapie par ions carbone. "IBA maintient son solide leadership dans le domaine de la protonthérapie avec plus de 50 % de parts de marché en 2014", souligne son CEO Olivier Legrain qui précise : "L’Asie et les marchés émergents représentent des marchés de plus en plus importants pour IBA, qui a d’ailleurs vendu quatre systèmes de protonthérapie dans cette région en 2014."
IBA a démarré l’année 2015 avec un niveau record de son carnet de commandes et un pipeline très sain. Elle bénéficie de la hausse des ventes globales et l’intérêt croissant pour ses systèmes de protonthérapie. En outre, grâce aux solutions plus abordables, et à un meilleur accès au financement pour ces systèmes, sans parler du coup de pouce de la baisse de l’euro, "nous sommes convaincus que nous poursuivrons notre forte progression dans les années à venir", conclut Olivier Legrain.

Non, le cancer n’est pas le fruit du hasard !

LE MONDE | • Mis à jour le | Par

Par Annie Thébaud-MonyEn ces premiers jours de 2015, les médias ont diffusé le message selon lequel le cancer serait essentiellement le fruit du hasard. Une aubaine pour les industriels de l’amiante, de la chimie, des pesticides, du nucléaire, du pétrole et j’en passe… Pour eux, sans aucun doute, cette « découverte scientifique » devrait clore toute controverse sur le rôle des risques industriels dans la survenue du cancer !

L’origine de cette pseudo-découverte est un article paru dans la prestigieuse revue Science, le 2 janvier, présentant les résultats d’une corrélation statistique particulière (Christian Tomasetti et Bert Vogelstein, « Variation in cancer risk among tissues can be explained by the number of stem cell divisions », www.sciencemag.org, 2 janvier). Partant de l’observation d’une différence de fréquence du nombre de cancers selon les organes (poumon, colon, cerveau, etc.) – à l’exclusion de ceux qui sont actuellement en augmentation vertigineuse (sein et prostate) –, Christian Tomasetti et Bert Vogelstein font l’hypothèse que ces variations s’expliqueraient par des modalités différentes de division cellulaire au sein de ces organes. Ils prennent en considération ce que les biologistes appellent les cellules souches, qui ont la capacité de s’autorenouveler, de se différencier en d’autres types cellulaires et de proliférer en culture. Ils établissent ensuite une corrélation statistique entre le nombre total de divisions cellulaires de ce type de cellule sur la durée moyenne de la vie dans la population américaine et le risque moyen de survenue du cancer de tel ou tel organe aux Etats-Unis. Statistiquement significative, la corrélation est alors interprétée comme validant l’hypothèse selon laquelle le cancer serait issu – pour l’essentiel – d’un sinistre loto cellulaire. La faute à « pas de chance » !
Ce raisonnement simpliste fait penser à d’autres corrélations qui auraient pu fonder des hypothèses tout aussi fantaisistes. Pour alerter les étudiants de l’Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS) sur les risques d’interprétation hâtive en matière de statistiques, Joseph Klatzmann, ancien administrateur à l’Insee, ancien professeur d’économie rurale à l’Institut national agronomique Paris-Grignon, directeur d’études à l’EHESS, citait fréquemment l’exemple suivant (Joseph Klatzmann Attention Statistiques ! Comment en déjouer les pièges. La Découverte, 1985, dernière réédition, 1996) : entre les années 1950 et 1990, la courbe de croissance d’utilisation des réfrigérateurs a été exactement parallèle à celle de l’épidémie de cancer. Serait-ce l’utilisation du réfrigérateur qui cause le cancer ? A l’évidence, une telle interprétation prêterait à sourire si elle ne reflétait pas ce que les auteurs de l’article de Science se sont permis de faire, à savoir extrapoler d’une corrélation à l’affirmation d’une causalité.

Trois angles morts

Or, au moins trois angles morts de leur « démonstration » la discréditent totalement. Tout d’abord, ils omettent de faire référence dans leur modèle au fait que la cellule souche ne se transforme pas spontanément en cellule cancéreuse. Elle le fait sous l’effet de mutations qui elles-mêmes sont produites par des agents cancérogènes externes. On retrouve ici le rôle de l’amiante, des rayonnements ionisants, des fumées diesel, des pesticides et autres substances toxiques connues depuis longtemps pour leurs propriétés cancérogènes (sans parler de toutes celles dont la toxicité n’a pas été testée…).
Le deuxième angle mort est ce qu’occulte le recours à une incidence globale du cancer dans la population générale, à savoir les inégalités face au cancer. Pour ce qui est de la situation française (qui n’est pas fondamentalement différente de celle de la population américaine), un ouvrier a dix fois plus de risque de mourir de cancer (et de façon précoce avant 65 ans) qu’un cadre supérieur. Sauf à considérer que les ouvriers ont des cellules souches tout à fait particulières – ce qui ressemblerait à une forme d’eugénisme –, force est de considérer, pour comprendre cette inégalité, la différence très significative d’exposition à des cancérogènes professionnels, mise en évidence par une enquête du ministère du travail. Selon l’enquête Sumer 2010 réalisée par la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques et la direction générale du travail-Inspection médicale du travail, les ouvriers sont dix fois plus exposés dans leur travail à des cancérogènes que les cadres supérieurs.
Le troisième angle mort est la non-prise en compte par Christian Tomasetti et Bert Vogelstein des connaissances acquises de longue date sur les caractéristiques fondamentales du cancer, suite aux travaux de nombreuses disciplines scientifiques autres que l’épidémiologie. Cette maladie commence, certes, au cœur des cellules mais s’inscrit, pour chaque individu touché, à la croisée de deux histoires. L’une est celle des atteintes, simultanées et/ou répétées, provoquées par les agents toxiques (poussières, substances chimiques, rayonnements) au cours de multiples événements de la vie professionnelle, résidentielle, environnementale et comportementale ; l’autre est, face à ces agressions, celle des réactions de défense de l’organisme, elles-mêmes extrêmement variables selon les individus. Plus se multiplie la présence de molécules toxiques dans la vie quotidienne, et plus se multiplient aussi, non seulement les processus mutagènes ou cancérogènes propres à chacun d’eux, mais ce qu’on appelle la synergie entre eux et aussi la manière dont ces différents processus interfèrent eux-mêmes avec les mécanismes de défense de l’organisme.
Ajoutons que l’étude ainsi publiée par la revue Science a été sponsorisée par des fondations privées dont la première est le fonds Virginia & D. K. Ludwig pour la recherche sur le cancer. Le fondateur en est Daniel Ludwig, un magnat américain du transport maritime qui fut le promoteur des supertankers, mais aussi de la déforestation en Amazonie brésilienne pour l’exploitation arboricole d’espèces de pins et eucalyptus à croissance rapide pour le marché mondial de la pâte à papier. Vendant cette exploitation à un consortium brésilien, Daniel Ludwig a investi le produit de cette vente dans le fonds qui porte son nom, soutenant ainsi la production de connaissances sur le cancer, utiles aux industriels mais fondamentalement nuisibles à la santé publique.

Répercussion médiatique

Que la statistique appliquée au cancer s’inscrive, une fois de plus, dans cette mise en doute systématique des effets mortifères des risques industriels, que j’ai longuement décrite récemment, ne m’étonne malheureusement pas. En revanche, mon inquiétude est la répercussion médiatique d’un tel article et ses effets sur l’opinion publique, alors que l’épidémie de cancer a pris des proportions catastrophiques en France et dans le monde. Entre 1984 et 2012, le nombre annuel de nouveaux cas est passé, en France, de 150 000 à 355 000. Selon l’Organisation mondiale de la santé, pas moins de 15 millions de décès sont dus au cancer dans le monde chaque année soit presque un décès toutes les deux secondes. Et encore, ces chiffres sous-estiment grandement ce qui se passe dans les pays où une part importante de la population est privée d’accès à un quelconque diagnostic de cancer.
Or le cancer est évitable, à condition d’éradiquer les cancérogènes en milieu de travail, dans l’environnement et la consommation. Pourtant, dans le champ de l’épidémiologie, des chercheurs s’obstinent à produire des modèles statistiques dénués de sens par rapport à la réalité dramatique du cancer. L’outil mathématique utilisé pour cette production de l’incertitude donne à la démarche l’apparence de la rigueur, de l’objectivité, pour tout dire de la science. Surtout, cela rend quasi impossible l’échange et la discussion entre, d’une part, les travailleurs et citoyens, victimes de cancers associés à l’exposition aux substances toxiques, et, d’autre part, les scientifiques qui jonglent avec les chiffres, abstraits et anonymes, de milliers de cas de cancers. Ainsi, des spécialistes servent la cause des industriels, en renforçant, par des travaux scientifiques publiés, l’incertitude concernant les liens entre toxiques et cancer.
Avec l’extension de la chimie, du nucléaire, la prolifération des cultures OGM, la dissémination des nanoparticules, les risques de la téléphonie mobile et autres nouvelles technologies, sous couvert de « progrès », industriels et responsables politiques s’affranchissent chaque jour davantage de l’obligation première fondamentale du respect de la vie, avec la complicité des plus prestigieuses institutions scientifiques. L’article paru dans Science, le 2 janvier, en témoigne une fois encore.
Annie Thébaud-Mony est sociologue, directrice de recherches honoraire à l’Institut national de la santé et de la recherche médicale, chercheuse associée au Groupement d’intérêt scientifique sur les cancers professionnels (GISCOP 93) à l’université Paris XIII. Elle est l’auteure de Travailler peut nuire gravement à votre santé (La Découverte, « Poche », 2008) et de La science asservie. Santé publique : les collusions mortifères entre industriels et chercheurs, La Découverte, Paris, 2014.

En savoir plus sur http://www.lemonde.fr/idees/article/2015/01/07/non-le-cancer-n-est-pas-le-fruit-du-hasard_4550613_3232.html#dVb1mzwlubSqsvBp.99
santé samedi 06 décembre 2014

Les Américains accros à la testostérone

Julie Zaugg new york
La prise de testostérone pourrait s’accompagner d’un risque accru de souffrir de maladies cardiovasculaires (SSPL via GETTY IMAGES)
La prise de testostérone pourrait s’accompagner d’un risque accru de souffrir de maladies cardiovasculaires (SSPL via GETTY IMAGES)
Aux Etats-Unis, les hommes sont de plus en plus nombreux à prendre des suppléments d’hormone masculine. Vanté comme elixir de jouvence, ce traitement ne serait pourtant pas sans danger
Un couple traverse les Etats-Unis dans une voiture décapotable bleue, s’arrêtant pour faire une partie de minigolf et regarder le coucher de soleil. L’homme caresse le volant d’un air viril, avant d’embrasser sa femme fougueusement. Il semble bien dans sa peau, confiant de sa masculinité. Cette publicité vante les bienfaits d’AndroGel, une pommade à la testostérone.
Les hommes américains sont toujours plus nombreux à prendre cette hormone. En 2013, ils étaient 2,3 millions, quatre fois plus qu’au début des années 2000. Chez les plus de 40 ans, 3% de la population suit un tel traitement, contre 0,81% en 2001. Le phénomène est mondial, mais il est le plus marqué aux Etats-Unis. Le nombre de doses de testostérone prises par les patients américains a presque décuplé entre 2000 et 2011, selon une étude du chercheur australien David Handelsman. En Europe centrale (la zone qui comprend la Suisse), il a doublé durant cette période.
Comment expliquer ce boom? «Jusque dans les années 1990, les traitements à la testostérone n’intéressaient pas grand monde, explique Bradley Anawalt, un professeur de médecine de l’Université de Washington qui a étudié le phénomène. Ils étaient utilisés pour traiter une maladie appelée l’hypogonadisme, qui concerne environ 2,5% de la population et est causée par une anomalie des testicules.» Mais tout a changé au milieu de la décennie: «Des études ont démontré que, d’une part, la testostérone diminue naturellement à partir de l’âge de 30 ans et que, d’autre part, la prise de cette hormone chez les personnes en bonne santé leur permet d’accroître leur force et leur masse musculaire», poursuit-il.
L’industrie pharmaceutique s’est aussitôt précipitée sur ce filon d’or. «Elle a pratiquement inventé une maladie, baptisée Low T, dont les symptômes (fatigue, libido en berne, perte d’énergie, prise de poids) sont si vagues que la plupart des hommes d’un certain âge vont s’y reconnaître, détaille John Mack, qui tient un blog appelé Pharma Marketing. Cela lui a permis d’élargir le spectre des patients potentiellement concernés par ces traitements.» Aujourd’hui, la testostérone représente un marché à 2,4 milliards de dollars, contre 324 millions de dollars en 2002.
Cette stratégie de marketing s’est accompagnée d’un barrage de publicités à destination du grand public, qui passent en boucle à la télévision ou lors d’événements sportifs et présentent la testostérone comme un élixir de jeunesse. Plusieurs sites internet ont vu le jour, comme www.isitlowt.com (une page web financée par AbbVie, le fabriquant de l’AndroGel), pour permettre aux mâles inquiets de s’auto-diagnostiquer au moyen d’un quiz en 10 questions. Parmi les questions figurent des banalités comme «Manquez-vous d’énergie?», «Appréciez-vous moins la vie?» ou «Etes-vous triste ou irritable?».
John Morley, un endocrinologue qui enseigne à l’Université de Saint-Louis, connaît bien ce questionnaire. «C’est moi qui l’ai rédigé, à la demande d’Organon [une entreprise pharmaceutique néerlandaise] et contre rémunération, sourit-il. Cela m’a pris 20 minutes, assis sur les toilettes.» Il admet que ce quiz sommaire «prend trop de personnes dans son filet». Et ses conclusions n’ont de valeur que si elles sont validées par un médecin. «Mais trop de praticiens ne font pas leur travail, se contentant de prescrire de la testostérone à tous les patients qui le leur demandent», déplore-t-il. Une étude de l’Université du Texas a récemment démontré que 25% des Américains qui prennent cette hormone n’ont jamais subi de test sanguin pour mesurer leur taux de testostérone.
Le phénomène a été encore accentué par la mise sur le marché de formulations (patchs, gels, pilules), qui facilitent la prise de testostérone. «Avant, on devait s’appuyer sur des injections, une méthode beaucoup plus invasive», souligne Ronald Swerdloff, le chef de la division d’endocrinologie à l’Université de Californie. Les ventes de l’Axiron, un gel roll on lancé en 2010 par Eli Lilliy, ont crû de plus de 900% entre 2011 et 2012. Une chaîne de cliniques spécialisée dans les traitements à la testostérone, The Low T Center, a même vu le jour en 2009. Elle compte plus de 50 établissements à travers le pays. «Environ un tiers des patients qui se sont fait prescrire de la testostérone n’en ont pas besoin», estime un expert médical, qui préfère rester anonyme.
Mais est-ce vraiment un problème? On manque d’informations sur l’efficacité de ces traitements. En revanche, plusieurs études ont montré un risque accru de problèmes cardiovasculaires chez les personnes prenant de la testostérone. En 2010, une étude clinique portant sur un gel à la testostérone a même dû être stoppée, en raison de la trop forte incidence de crises cardiaques. Plus tôt cette année, l’autorité américaine de surveillance des médicaments (FDA) a exigé que ces traitements soient assortis d’un avertissement sur leur risque de provoquer des caillots sanguins.
«La testostérone pourrait également augmenter le risque de cancer de la prostate», indique Ronald Swerdloff, qui rappelle que la suppression de cette hormone fait partie du traitement contre ce type de cancer. Elle affecte également la fertilité et peut provoquer de l’acné et une perte de cheveux. «On assiste à une répétition des erreurs commises avec les thérapies hormonales de substitution prescrites à toutes les femmes ménopausées durant des années, avant qu’on ne se rende compte de leurs dangers», déplore Mary Schooling, professeur de santé publique à l’Université de la ville de New York.
La FDA a cherché à plusieurs reprises à brider l’ardeur des entreprises pharmaceutiques en les accusant de promouvoir les traitements à la testostérone au-delà des usages autorisés par l’agence (off label), une pratique illégale. Sans succès. «La définition – avalisée par la FDA – de ce qui représente une déficience en testostérone est trop vague», soupire Mary Schooling. Et les pharmas sont malignes. «La plupart de leurs publicités ne mentionnent pas explicitement le nom d’un médicament, se contentant de «sensibiliser» la population aux dangers du Low T, ce qui leur permet d’échapper aux accusations de promotion off label», glisse Steve Woloshin, professeur à l’Institut de santé publique de l’Université Dartmouth.
Mais la résistance s’organise. Le 17 septembre dernier, la FDA a convié un panel consultatif d’experts à se pencher sur la question. Il lui a recommandé d’interdire les traitements à la testostérone pour tous les cas qui ne relèvent pas de l’hypogonadisme. La fontaine de jouvence pourrait bientôt se tarir .
http://www.letemps.ch/Page/Uuid/183bb084-7c97-11e4-a4b4-65a0dc79857a/Les_Am%C3%A9ricains_accros_%C3%A0_la_testost%C3%A9rone 























Cancers : le poids de l’obésité

LE MONDE | • Mis à jour le | Par

Près de 500 000 des nouveaux cas de cancer survenus en 2012 chez des adultes – soit 3,6 % du nombre total des cancers dans le monde – seraient liés à un surpoids ou une obésité, selon une vaste étude publiée dans The Lancet Oncology, le 26 novembre. Melina Arnold (Centre international de recherche sur le cancer, Lyon) et ses collègues soulignent que le tribut est particulièrement lourd pour les pays riches : deux tiers de ces tumeurs associées à un excès de poids sont recensées chez des patients vivant en Europe ou aux Etats-Unis.



































Fraction des cancers attribuables à l'obésité, en 2012, par pays, chez les hommes (en bleu) et les femmes (en rouge).
Un indice élevé de masse corporelle (ou IMC, poids divisé par la taille au carré), c’est-à-dire supérieur à 25, est un facteur de risque bien identifié de pathologies chroniques telles les maladies cardio-vasculaires, le diabète, l'arthrose... De multiples études scientifiques ont aussi confirmé l'association entre le surpoids et des cancers, notamment de la sphère digestive (œsophage, côlon, rectum, pancréas), du rein, et (chez la femme après la ménopause) du sein, de l'ovaire et du corps de l'utérus (par opposition au col).

Plusieurs facteurs

Ces liens peuvent s'expliquer par plusieurs facteurs : le surpoids favorise la prolifération des cellules, et une inflammation chronique... Des modifications hormonales seraient en cause dans certaines localisations, par exemple pour les cancers du sein et de l’utérus.
La situation est en tout cas d'autant plus inquiétante que la fréquence de l'obésité et du surpoids est en constante augmentation depuis les années 1980. A l'échelle mondiale, plus d'un tiers de la population est désormais concernée par un excès de poids (dont 12 % par une obésité).
Pour estimer l'importance de ce facteur de risque dans la survenue des cancers à travers le monde, l'équipe de Melina Arnold a travaillé sur plusieurs sources, dont Globocan, une base de données du CIRC qui livre les estimations les plus récentes pour 28 types de tumeur dans 184 pays. Les chercheurs ont ainsi calculé, dans chaque pays, la fraction des cancers survenus en 2012 attribuable au surpoids observé dix ans plus tôt, en 2002.

Les femmes plus touchées

Les résultats sont éloquents : au total, 3,6 % des nouveaux cas de tumeur maligne des adultes, soit 481 000, seraient en lien avec un IMC élevé. La proportion est significativement plus importante chez les femmes (5,4 %) que chez les hommes (1,9 %), en raison surtout du nombre élevé de cancers spécifiquement féminins (utérus, sein) après la ménopause.
Sans surprise, une grande hétérogénéité géographique est constatée, les pays en voie de développement étant, en tout cas pour l'instant, nettement moins touchés par les cancers « poids dépendants » que les pays riches. Dans ceux où le niveau de vie est le plus élevé, environ 8 % des cancers féminins et 3 % des tumeurs masculines sont associées à un excès de poids, la proportion étant respectivement de 1,5 et 0,3 % dans les pays les plus pauvres.

Derrière les infections et le tabac

Les auteurs appellent toutefois à des efforts globaux dans la lutte contre l'obésité, car si l'épidémie se stabilise dans certaines régions (Etats-Unis par exemple), elle continue de progresser dans bien d’autres : Amérique latine, Caraïbes et Afrique du Nord principalement.
Par comparaison, le nombre de cancers attribuables à des infections (hépatite B, papilloma virus...) est de l'ordre de 2 millions de nouveaux cas par an, soit 16 % du total des tumeurs, rappellent Melina Arnold et ses collègues. Le tabac serait, lui, impliqué dans 20 % des tumeurs, et 1,4 millions de décès annuels par cancer. Autant de tumeurs malignes potentiellement évitables par des politiques publiques de prévention et une amélioration des comportements individuels.
 Sandrine Cabut
Journaliste au Monde 
http://www.lemonde.fr/pathologies/article/2014/11/26/cancers-le-poids-de-l-obesite_4529285_1655270.html 

Les cancers, première cause de décès en Belgique chez les hommes

AFP Publié le - Mis à jour le
Sciences - Santé

Les maladies cardiovasculaires restent la principale cause de décès en Europe malgré des améliorations sensibles enregistrées dans bon nombre de pays, selon des travaux publiés mercredi dans la revue European Heart Journal.
En compulsant des données de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) disponibles pour 52 pays européens, l'étude a permis de montrer de grandes divergences selon les pays.
Dans des pays à forts revenus comme la Belgique, le Danemark, la France, le Luxembourg, les Pays-Bas, le Portugal, la Slovénie, l'Espagne et Saint-Marin, les maladies cardiovasculaires provoquent désormais moins de décès que les cancers chez les hommes.
Aucun reflux n'est en revanche perceptible dans des pays comme la Russie, l'Ukraine, le Belarus et le Kazakhstan, où les personnes de 55 à 60 ans ont plus de risques de mourir de maladies coronariennes que les Français âgés de 75 à 80 ans.
Le taux de décès pour les hommes comme pour les femmes de tous âges est six fois plus élevé en Russie qu'en France, indique notamment l'étude.
Les maladies cardiovasculaires sont des maladies qui affectent le coeur et les vaisseaux et qui peuvent entrainer arrêts cardiaques et accidents vasculaires cérébraux (AVC).
Elles tuent environ 4 millions de personnes par an en Europe - dont 1,8 million souffrant de maladies coronariennes, un million des suites d'un AVC et 1,2 d'autres maladies cardiaques -, ce qui représente plus de la moitié des décès observés.
Mais si la situation s'améliore globalement chez les hommes, les maladies cardiovasculaires restent la principale cause de décès chez les femmes dans tous les pays européens à l'exception du Danemark, selon les dernières statistiques disponibles.
"Cette différence s'explique principalement par un taux plus élevé d'AVC", indique Nick Townsend, de l'Université d'Oxford, l'un des auteurs de l'étude.
Il explique également que la baisse globale des décès dans les pays à forts revenus est "probablement liée" à une meilleure prise en compte des facteurs de risque cardiovasculaire, à la lutte contre le tabagisme ainsi qu'à des traitements préventifs plus efficaces. "Mais d'autres facteurs comme le développement de l'obésité suggèrent que cette tendance à la baisse pourrait bien être remise en cause", ajoute-t-il.
Interrogé sur les écarts constatés entre les différents pays européens, Mike Rayner, un collègue de M. Townsend, a estimé qu'elles étaient essentiellement dues à des causes environnementales.
"Elles s'expliquent surtout par des différences de mode de vie (alcool, tabac, alimentation) et dans une moindre mesure, par la prise en charge médicale de ces malades" a-t-il indiqué à l'AFP.

médecine lundi 18 août 2014

L’Arc lémanique au cœur de la nouvelle révolution anticancer

Cellules cancéreuses parmi des globules rouges. Le cancer du sang se traite déjà par immunothérapie. (Keystone)
Cellules cancéreuses parmi des globules rouges. 
Le cancer du sang se traite déjà par immunothérapie. (Keystone)
A Lausanne et Genève, des chercheurs tentent de concrétiser les espoirs soulevés par l’immunothérapie. Cette méthode de lutte contre les tumeurs apparaît aussi prometteuse que risquée
C’est un espoir resté longtemps lointain, qui aujourd’hui devient réalité. L’immunothérapie, nouvelle piste de traitement des cancers, a le vent en poupe dans le monde scientifique et médical. En juin, au congrès de l’Association américaine d’oncologie clinique à Chicago, pléthore de présentations de chercheurs ont confirmé les premiers succès de cette promesse thérapeutique.
Et la Suisse est en pointe. A Genève et à Lausanne, les centres d’oncologie multiplient les études en laboratoire et chez l’homme. «Ces projets sont incroyablement ambitieux et impliqueront, à terme, des centaines de patients par année», dit Olivier Michielin.
Le responsable de la consultation mélanome au CHUV et chef de l’unité de recherche en oncologie au Centre Ludwig de l’Université de Lausanne y collabore avec George Coukos, directeur du Centre suisse du cancer à Lausanne depuis juillet 2012. Cet expert du domaine a jadis créé un centre d’immunothérapie du cancer de l’ovaire à l’Université de Pennsylvanie (Etats-Unis).
Dans le corps humain, un type de globules blancs appelé «cellules T» est normalement capable de reconnaître et d’éliminer les cellules cancéreuses. L’immunothérapie consiste à «super-stimuler» ces cellules T chez un patient, de manière à l’aider à lutter contre le cancer. Une idée simple mais qui s’avère compliquée à mettre en pratique. En effet, les cellules tumorales sont souvent capables «d’échapper» au système immunitaire en diminuant son efficacité. Cela explique que les recherches sur l’immunothérapie aient mis si longtemps avant de percer. C’est l’accumulation exponentielle de connaissances sur le fonctionnement du système immunitaire qui a permis la récente percée.
On oublie souvent que la première réussite dans le domaine de l’immunothérapie est l’allogreffe de moelle osseuse chez les patients souffrant de leucémies. Cette technique consiste à transférer chez eux la moelle osseuse d’un donneur compatible, appelée à devenir le nouveau siège de fabrication des globules rouges et blancs du sang. «Cette technique, efficace, permet de changer le système immunitaire et d’introduire des globules blancs «neufs» et plus aptes à combattre les cellules tumorales», précise Pierre-Yves Dietrich, directeur du Centre d’oncologie des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG).
En étudiant de plus près les cellules T du sang, des scientifiques ont découvert à leur surface des molécules jouant un rôle de «poste de contrôle» capable de freiner ou d’accélérer l’action contre la tumeur. Or une protéine étudiée depuis les années 1990 et appelée ipilimumab est capable d’annihiler le frein éventuel que ces molécules peuvent induire, et d’éviter ainsi que la réponse immunitaire ne s’éteigne.
En 2010, des études cliniques ont évalué l’utilité d’injecter cette protéine. Les résultats, chez des patients ayant un cancer agressif de la peau, furent spectaculaires: ceux dont la maladie était contrôlée à trois ans ont une forte chance de voir ce bénéfice se poursuivre jusqu’à dix ans, voire plus. «C’est une révolution, estime Olivier Michielin. Ces travaux ont montré que l’immunothérapie peut changer drastiquement la survie des patients.» Sur la base de cette idée, et en visant aussi d’autres mécanismes de contrôle des cellules T dans le cas de cancers avancés de la peau, du rein et des poumons, plusieurs médicaments ont été développés, qui sortiront en Europe et en Suisse dans quelques mois.
Malgré ces espoirs, et même si certaines molécules sont en cours de validation pour une utilisation en clinique, celles-ci ne remplaceront pas demain les thérapies classiques comme la chimiothérapie ou la radiothérapie.
Et l’injection de ces anticorps dits «immuno-modulateurs» n’est pas sans danger. En effet, l’hyper-stimulation des globules blancs peut les amener à se retourner contre les tissus sains, en particulier la peau, le foie et le système digestif. Pierre-Yves Dietrich rappelle aussi que «ces traitements sont très complexes et réservés à des centres pointus. Certains patients peuvent faire des réactions auto-immunes aiguës pouvant être mortelles.» Actuellement, il n’existe pas de moyen de prédire ces réactions. L’enjeu ultime de ces thérapies est donc d’arriver à un équilibre dans l’activation des globules blancs.
S’ajoute aux effets secondaires le fait que nombre de malades ne répondent pas à ces traitements. Cette observation stimule la recherche, si bien que d’autres types d’immunothérapie sont à l’étude. Ceux-ci sont basés principalement sur la «rééducation» des cellules immunitaires, soit par vaccination, soit par thérapie cellulaire.
Dans cette dernière méthode, les cellules T déjà présentes dans la tumeur sont prélevées en laboratoire, multipliées puis réinjectées chez le patient. Le premier scientifique à avoir mis au point ce protocole est Steven Rosenberg de l’Institut national du cancer aux Etats-Unis. Il a obtenu des résultats très positifs sur des malades au pronostic sombre. En 2010, il a publié d’autres travaux où il avait modifié génétiquement les cellules T pour leur ajouter une molécule d’accroche (dite «CAR»), qui reconnaît spécifiquement les cellules tumorales.
Avec cette méthode, des études sur des patients leucémiques réalisées par Carl June de l’Université de Pennsylvanie ont montré des réponses saisissantes chez les sujets traités. Des résultats sur la base desquels l’expert américain et son homologue du CHUV George Coukos vont collaborer. «La thérapie «CAR» est un des projets phares au centre de recherche de Lausanne, dit Olivier Michielin. Le volet d’ingénierie cellulaire [manipulation en laboratoire des cellules T, ndlr] se fait en partenariat étroit avec l’EPFL, l’Institut Ludwig et le CHUV.» Le chercheur, lui, tente en particulier d’optimiser la reconnaissance de la tumeur par la molécule implantée dans la cellule T.
Son travail, mené à l’Institut suisse de bioinformatique, consiste à simuler en 3D, à l’aide d’ordinateurs surpuissants, la structure de la liaison entre la cellule T et la tumeur: «En manipulant les cellules T du patient, nous visons à obtenir des «super-cellules tueuses». Lui et plusieurs chercheurs du laboratoire ont acquis l’expertise de simulation 3D en travaillant avec Martin Karplus, qui a reçu le Prix Nobel en 2013 pour cette technologie. Les études chez la souris montrent que les cellules T modifiées agissent contre le cancer que les rongeurs développent. Les premiers essais cliniques chez l’homme sont prévus vers 2015.
Cette thérapie cellulaire aussi entraîne des effets secondaires. Olivier Michielin et son groupe tentent de mettre au point un mécanisme de sécurité en incorporant dans les cellules T des interrupteurs moléculaires, ceci pour éviter leur éventuelle et dangereuse hyper-activation. Des essais cliniques pour prouver la validité de cette idée sont aussi prévus dans les prochaines années.
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http://www.letemps.ch/Page/Uuid/cd9e15f4-2646-11e4-9a79-d749102b8541/LArc_l%C3%A9manique_au_c%C5%93ur_de_la_nouvelle_r%C3%A9volution_anticancer

«L’immunothérapie est une approche très convaincante»

(EPFL)
(EPFL)
Michel Aguet, ancien directeur de l’ISREC, un institut spécialisé dans la lutte contre le cancer, commente les récents succès de l’immunothérapie
Le Temps: Est-ce que l’immunothérapie est une réelle révolution dans le traitement du cancer?
Michel Aguet: C’est une approche très convaincante. Les connaissances accumulées et les résultats récents suggèrent fortement que l’immunothérapie, dans certains contextes – et non de manière générale comme souvent présenté –, jouera un rôle, au prix d’effets secondaires non négligeables. Mais il faut tempérer l’enthousiasme tout en respectant le progrès. Traiter une tumeur reste un problème complexe.
– Cette thérapie pourrait-elle remplacer la chimiothérapie?
– Conceptuellement, l’immunothérapie pourrait être utilisée pour contrôler une maladie tumorale résiduelle, c’est-à-dire quand il reste peu de cellules cancéreuses. Cela implique automatiquement de combiner ce traitement avec un traitement classique qui réduit la masse tumorale (chirurgie, chimiothérapie, radiothérapie). Etablir la séquence des soins est une des questions qu’il faudra creuser par un long travail d’étude clinique de comparaison des traitements pour essayer de déterminer la meilleure combinaison. L’immunothérapie ne représentera qu’un volet d’une thérapie. La chimio est loin d’être abandonnée.
– Les centres d’oncologie misent-ils sur l’immunothérapie au détriment d’autres domaines?
– Depuis la découverte des anticorps immuno-modulateurs, la recherche sur l’immunothérapie s’est beaucoup développée. En recherche appliquée, les grands groupes pharmaceutiques, tels Merck, Roche et AstraZeneca, ont des programmes. Il y a un phénomène de mode. Mais on ne peut pas dire que cette méthode entre en compétition avec d’autres domaines. L’immunothérapie est un volet de la recherche qui remonte à loin, avec un regain d’intérêt dû à ses succès récents. Mais il y aura des patients pour lesquels l’immunothérapie ne sera pas applicable, ce qui justifiera d’autres approches.
– L’immunothérapie ouvre-t-elle la porte vers un traitement personnalisé des cancers?
– Ces thérapies ont des taux de réponse variables. Il faudrait pouvoir prédire qui répond ou non au traitement, et donc avoir des biomarqueurs. C’est un des défis à relever par l’immunothérapie: mieux comprendre qui sera sensible au traitement et établir des stratégies de traitement personnalisées. Autre challenge: identifier des cibles spécifiques pour les cellules immunitaires, c’est-à-dire les marqueurs qui sont différents entre la tumeur et le tissu sain.
– Les centres d’oncologie de l’Arc lémanique ont-ils un rôle à jouer dans ce domaine?
– De manière générale, toute la recherche contre le cancer a énormément évolué dans l’Arc lémanique ces 15 dernières années. Par la quantité et la qualité, la région est extrêmement bien positionnée pour contribuer au niveau international dans le domaine de l’immunothérapie en particulier.
http://www.letemps.ch/Page/Uuid/bf0648e0-2646-11e4-9a79-d749102b8541|1

Cancer : des solutions pour améliorer la qualité de vie des malades

Le Monde.fr | • Mis à jour le | Par

Plus de 25 000 cancérologues venus du monde entier ; 5 000 présentations, sous forme de conférences et de posters ; un hall d'exposition gigantesque pour les laboratoires pharmaceutiques et (un peu) les associations de patients… Le congrès annuel de l'Association américaine d'oncologie clinique (ASCO), qui se tient du vendredi 30 mai au mardi 3 juin à Chicago (Illinois), est toujours bien la grand-messe de la cancérologie mondiale.

Le rendez-vous, incontournable pour les spécialistes, est avant tout consacré aux traitements, et plus particulièrement aux médicaments, dont les noms deviennent, d'année en année, de plus en plus imprononçables, et les modes d'actions — souvent présentés sous forme de sigles — carrément opaques pour les profanes.
Il n'est cependant pas uniquement question de thérapies ciblées ou d'immunothérapie, une approche qui a particulièrement le vent en poupe cette année. Pour la 50e édition de l'ASCO, placée cette année sous le thème « science et société », plusieurs études concernant la qualité de vie des malades et de leurs proches ont été présentées, vendredi 30 mai, aux médias.
PRÉSERVER LA FERTILITÉ APRÈS UN CANCER DU SEIN
Première bonne nouvelle, un essai clinique mené par l'équipe de Halle Moore (Cleveland) montre qu'un traitement hormonal permet de préserver la fertilité des femmes traitées pour une tumeur du sein, avant leur ménopause.
De fait, l'infertilité par atteinte ovarienne est un effet secondaire fréquent des chimiothérapies pour cancer (du sein ou d'un autre tissu). Avant de commencer un tel traitement, les femmes jeunes qui souhaitent avoir des enfants ont la possibilité de congeler des ovocytes ou des embryons. Mais ces pratiques, loin d'être systématiques, restent lourdes à mettre en œuvre, et onéreuses dans les pays où elles ne sont pas prises en charge.
Financée par les instituts nationaux de la santé, l'étude américaine présentée au congrès a inclus 257 femmes atteintes d'un cancer du sein dont les récepteurs hormonaux étaient négatifs. Après tirage au sort, elles ont été traitées soit par chimiothérapie seule, soit associée à de la goséréline — une hormone analogue entraînant la libération des gonatrophines, qui stimulent l'ovaire — commercialisée sous le nom de Zoladex par le laboratoire Astra Zeneca.
Deux ans après, la fonction ovarienne était nettement moins perturbée chez les femmes ayant reçu des injections mensuelles d'hormones que chez les autres. Et le nombre de grossesses et de naissances a été presque deux fois plus élevé : dix-huit bébés (issus de seize grossesses) sont nés dans le groupe traité par goséréline, et douze (issus de huit grossesses) chez les autres. D'autres grossesses sont en cours, là aussi en nombre plus élevé dans le premier groupe.
Mieux, Halle Moore et ses collègues ont eu la surprise de constater qu'avec un recul de quatre ans, le taux de survie était plus élevé (+ 50 %) chez les femmes ayant reçu les injections. Si ces bons résultats se confirment, ils pourraient bien faire évoluer les pratiques et donner ainsi une nouvelle option aux patientes jeunes qui souhaitent avoir des enfants après leur traitement.
LE SOUTIEN DES PROCHES, FACTEUR IMPORTANT
Dans un autre registre, une autre étude américaine confirme que dans le cancer comme dans d'autres pathologies chroniques, le soutien des proches est un facteur important à prendre en compte. « Le soutien de ces malades prend plus de huit heures par jour à leurs aidants familiaux. Le stress de ceux-là peut avoir des conséquences néfastes sur leur propre état de santé, et sur celui du malade », souligne l'investigatrice principale de l'étude, Marie Bakilas (université d'Alabama).
Testé dans des familles avec un patient atteint d'une forme récidivante ou métastasée de cancer, un système de soutien téléphonique s'est révélé efficace pour les symptômes dépressifs et la qualité de vie de l'aidant, et plus eficace encore s'il était débuté précocement. Son impact sur le malade lui-même n'a en revanche pas été mesuré.
SUPPRIMER CERTAINS MÉDICAMENTS
Enfin, toujours dans l'optique d'améliorer la qualité de vie à défaut de guérir, une autre équipe a décidé de regarder si des traitements non destinés à traiter directement le cancer, en l'occurrence la prise de statines (des médicaments contre le cholestérol), pouvaient être allégés chez les cancéreux en fin de vie.
« Les malades en phase terminale ont souvent plus de dix médicaments à prendre, alors qu'ils ont du mal à avaler et peu d'appétit, justifie Amy Pickar Abernethy (université Duke), venue présenter ses résultats. Sans compter le risque d'interactions médicamenteuses, et d'accumulation d'effets secondaires. »
L'étude a été conduite auprès de 400 patients prenant des statines depuis au moins trois mois, et ayant moins d'un an d'espérance de vie du fait de leur cancer. Le médicament a été arrêté pour la moitié d'entre eux. Le constat des chercheurs est sans appel : la qualité de vie a été plutôt améliorée (+ 10 %) dans le groupe privé de la prise de statines.
Surtout, l'arrêt de cet anticholestérol n'a pas entraîné un excès de complications cardio-vasculaires par rapport au groupe traité. La durée — en jours — jusqu'au décès était même légèrement allongée (quoique non significativement sur le plan statistique). Mais c'est avec des arguments économiques que les chercheurs ont asséné le coup de grâce : plus de 600 millions de dollars pourraient être économisés chaque année aux Etats-Unis si toutes les personnes avec une espérance de vie inférieure à un an arrêtaient leur traitement anticholesterol, estiment-ils.
Sandrine Cabut (Chicago, envoyée spéciale)
Journaliste au Monde http://www.lemonde.fr/sante/article/2014/05/31/cancer-des-solutions-pour-ameliorer-la-qualite-de-vie-des-malades_4429677_1651302.html




























Médecine samedi 22 février 2014

Des éléments radioactifs pour assaillir le cancer

Le réacteur de l’Institut Laue-Langevin à Grenoble, en France, où sont produits des isotopes utiles en oncologie, comme le lutétium 177.
Des radioisotopes sont employés pour diagnostiquer et traiter les tumeurs. La recherche vise aujourd’hui à les rendre plus efficaces et plus ciblés

Cancer : 1,5 milliard d'euros pour lutter contre les inégalités

LE MONDE | • Mis à jour le | Par




























Accès au dépistage, retour à l’emploi : François Hollande présente mardi 4 février le troisième plan contre la première cause de mortalité en France.

En présentant le Plan cancer, troisième du nom, portant sur la période 2014-2019, mardi 4 février à Paris, François Hollande devait clairement affirmer son objectif : réduire les inégalités sociales liées à la maladie. Si le président de la République a choisi cet axe pour développer une stratégie visant à mieux soigner et à « guérir plus de personnes malades », c'est qu'il existe une injustice sanitaire avec le cancer.

Environ 3 millions de personnes ont ou ont eu un cancer au cours de leur vie. Principale cause de mortalité en France avec 148 000 décès estimés en 2012 et 355 000 nouveaux cas par an, il demeure la pathologie dans laquelle les inégalités de santé sont plus prégnantes que dans d'autres pathologies.
« Si l'accès aux traitements est à peu près égalitaire partout en France pour chaque malade, l'accès à l'information n'est pas homogène, pas plus que la façon dont on gère les effets secondaires, notamment les effets sociaux, constate le professeur Jacqueline Godet, présidente de la Ligue nationale contre le cancer. [La maladie] accentue ou crée de la précarité sociale, économique ou professionnelle. Il y a de fortes disparités selon les territoires ou les origines sociales. »
RÉDUIRE LE DÉLAI POUR UNE IRM DE 27 À 20 JOURS
Pour y remédier, le nouveau plan, annoncé à l'occasion de la Journée mondiale contre le cancer, est doté d'un financement total de 1,5 millard d'euros. Il renforce notamment les moyens et l'accès au dépistage. C'est le cas du cancer du col de l'utérus – responsable de 1 000 décès par an. Le professeur Agnès Buzyn, présidente de l'Institut national du cancer (INCa), rappelle que l'accès à son dépistage organisé « reste très différencié socialement et n'est proposé actuellement que dans 13 départements pilotes ». Il sera donc « étendu à l'ensemble du territoire », sans reste à charge.
Lire également l'entretien avec Fabien Calvo et Harold Warmus : Cancérologie, pistes croisées
Le plan vise à réduire le délai moyen d'attente pour obtenir un examen par IRM pour bénéficier d'un diagnostic. Actuellement de 27 jours, il devra passer à 20 jours maximum sur l'ensemble du territoire. L'accès à des soins de qualité sera facilité par la publication, avant 2017, d'indicateurs de qualité de l'ensemble des établissements. Le développement d'autorisations de mise sur le marché conditionnelles des médicaments, avec renégociation des prix en fonction de l'usage effectif, vise à favoriser les possibilités de bénéficier des médicaments réellement innovants.
Le plan a également pour cible l'impact du cancer sur la vie personnelle. Il instaure ainsi une sorte de « droit à l'oubli » permettant de ne pas faire figurer la mention de ce cancer dans le questionnaire médical lié à un emprunt. Il sera inscrit dans la convention « S'assurer et emprunter avec un risque aggravé de santé », qui permet aux personnes ayant ou ayant eu une maladie grave d'obtenir plus facilement un prêt immobilier ou un crédit à la consommation. S'il n'est pas possible d'y parvenir lors de la renégociation de cette convention, prévue dans dix-huit mois, le gouvernement le fera par la loi.
IMPACT FORT DU NIVEAU D'ÉTUDE SUR LA MORTALITÉ

Le droit à l'oubli portera sur les cancers dont les études montrent qu'ils guérissent et pour lesquels l'espérance de vie est équivalente à celle de la population générale. Tous les cancers de l'enfant et de l'adolescent seraient concernés ainsi que certains cancers de l'adulte.
« Le deuxième Plan cancer avait déjà inscrit la réduction des inégalités de santé, mais elles n'ont pas diminué, faute d'avoir fixé des objectifs clairement définis », estime le professeur Jean-Paul Vernant, qui a remis en juillet 2013 un rapport pour le troisième plan. Le nouveau plan suit sa recommandation de réduire significativement les inégalités d'accès aux soins, notamment liées aux dépassements d'honoraires et des restes à charge pour les malades.
Le troisième plan s'attache ainsi à faciliter les possibilités de bénéficier d'une reconstruction mammaire après cancer du sein, comme le plan précédent l'avait fait pour les atteintes de la sphère ORL, par exemple après ablation du larynx. Cela passera par la prise en charge de ces frais « par l'assurance maladie obligatoire et complémentaire dans le cadre de contrats solidaires et responsables » et par la réduction des dépassements d'honoraires grâce aux dispositions conventionnelles.
La maladie touche toutes les couches sociales sans distinction. Mais « la France est un des pays d'Europe de l'Ouest où les inégalités sociales de mortalité par cancer sont les plus importantes, quel que soit le sexe », rappelle le rapport « Les cancers en France en 2013 », que l'INCa a rendu public mardi 4 février. En effet, le risque de décéder d'un cancer entre 30 et 65 ans est deux fois supérieur chez les ouvriers que chez les cadres et les professions libérales. Le niveau d'étude a un impact fort. La mortalité liée au cancer du sein est plus faible chez les femmes cadres, alors que l'incidence est supérieure chez elles.
Ces disparités se révèlent face aux différents facteurs de risques (tabac, alcool, sédentarité, environnement, alimentation…) dans les comportements de prévention – c'est-à-dire dans l'impact des messages et leur capacité à être diffusés et entendus –, dans le recours au dépistage et l'accès aux soins, constate l'INCa.
Lire nos témoignages : Malade et précaire, la double peine
A cela s'ajoute ce que l'INCa appelle les « déterminants intermédiaires » : modes de vie, conditions de travail… On parle alors de double peine. Les personnes les plus défavorisées ont plus de risques d'avoir un cancer et d'en mourir. Les cancers professionnels sont tristement emblématiques. Sur les 2,37 millions de salariés exposés à des cancérogènes dans le cadre de leur travail, 70 % sont des ouvriers, également plus exposés au tabac et à l'alcool.
Quant au retour à l'emploi, les plus favorisés se réinsèrent plus facilement. Actuellement, parmi les personnes en activité lors de leur diagnostic, trois sur dix ont quitté leur emploi deux ans après, souligne l'argumentaire du nouveau plan, et, là encore, les écarts se creusent entre ouvriers et cadres supérieurs. « La situation est très inquiétante, certaines conditions de précarité peuvent orienter des traitements vers le bas », alerte même le professeur Laurent Zelek, cancérologue à l'hôpital Avicenne de Bobigny.
médecine mardi 04 février 2014

Dépistage du cancer du sein: une attaque injuste?

Francesca Sacco
L’efficacité de la mammographie pour prévenir le cancer du sein a récemment fait l’objet d’un rapport très critique. (Reuters/Archives)
L’efficacité de la mammographie pour prévenir le cancer du sein a récemment fait l’objet d’un rapport très critique. (Reuters/Archives)
Le rapport récent qui remettait en cause l’efficacité des programmes de dépistage du cancer du sein est largement critiqué
Touche pas à ma mammographie! Un vent de fronde s’est levé dimanche parmi les responsables des programmes de dépistage du cancer du sein, contre le dernier rapport du Swiss Medical Board (SMB) qui conclut à l’absence de bénéfice de ce dépistage organisé. Tous les cantons romands ont mis en place de tels programmes, qui prévoient un examen radiographique des seins tous les deux ans pour les femmes de 50 à 69 ans. En Suisse alémanique, en revanche, la situation est variable; 12 cantons entre Zurich et la Suisse centrale n’ont pas prévu une telle initiative.
Dans son rapport, le SMB recommande de mettre un terme au dépistage organisé du cancer du sein et de ne pas étendre ces programmes à de nouveaux cantons, car leur rapport coût-bénéfice est «très défavorable». Pour parvenir à cette conclusion, le SMB, qui se présente comme un «organisme indépendant de l’administration, des prestataires et de l’industrie», s’est livré à un calcul théoriquement simple. Il a mis en balance les coûts financiers et les inconvénients des programmes de dépistage avec les bénéfices qui en découlent, c’est-à-dire la qualité et les années de vie gagnées pour les femmes qui s’y soumettent.
Les avantages? Le dépistage organisé permet de sauver une à deux vies pour chaque millier de femmes incluses dans un programme cantonal via son gynécologue. Et les inconvénients? Sur ce nombre, une centaine recevra un résultat faussement alarmant («faux positif»). Sans compter toutes celles qui se verront diagnostiquer une anomalie qui n’évoluerait jamais vers une tumeur si elle n’avait pas été diagnostiquée – on parle alors de «sur-diagnostics».
Il s’agit ensuite de traduire les gains et les pertes en termes financiers, afin de savoir si la balance penche du bon ou du mauvais côté. L’exercice s’avère vite périlleux. En effet, certains experts soutiennent, par exemple, qu’il faudrait inclure dans les coûts les frais de traitement des maladies dont les femmes souffriront ultérieurement du fait qu’elles vivront plus longtemps. D’autres estiment que l’on devrait tenir compte des salaires moyens qui pourront continuer à être perçus après l’intervention oncologique. Résultat: le rapport coût-efficacité d’un même traitement peut être jugé positif dans un pays et négatif dans un autre. Au final, le consensus s’avère difficile à trouver.
Le cas du dépistage systématique du cancer du sein est l’illustration de ce nœud gordien. Depuis des années, l’on sait que le rapport coût-efficacité des programmes organisés est bien moindre qu’on ne l’aurait espéré. En 2010 déjà, on pouvait lire dans le New England Journal of Medicine que ceux-ci ne permettaient de réduire la mortalité que de 10% seulement, contre les 25 à 35% calculés en 2002 par l’Organisation mondiale de la santé.
Comment se fait-il qu’à partir des mêmes données scientifiques, le SMB aboutisse à des conclusions opposées à celles des autorités responsables de ces programmes, pour lesquelles ils permettent sans doute de sauver des centaines de femmes en Suisse, sur 5400 cas diagnostiqués annuellement, et qui ont manifesté dimanche leur «consternation» à la lecture du rapport?
Un élément de réponse figure sur le site du SMB: son conseil d’experts et son bureau sont surtout composés d’éthiciens et d’économistes de la santé, tous Alémaniques, qui ont pour mission de formuler des recommandations «à l’attention des décideurs politiques et des fournisseurs de prestations». Ils examinent exclusivement les prestations couvertes par l’assurance maladie de base et peuvent demander à l’Office fédéral de la santé publique une «clarification du caractère controversé d’une prestation», ce qui peut conduire à une restriction, voire à une exclusion de la prise en charge de celle-ci par les caisses maladie. Interrogé, le président de l’organe responsable du SMB, Peter Suter, admet que l’intérêt du rapport est plus politique que médical. Et que sa tâche consiste à «faire un peu de lobbying auprès des politiques» pour que le rapport trouve une écoute.
«Le choix des études passées en revue présente des lacunes, la période d’observation est trop courte, le cercle des experts consultés est insuffisant et pratiquement aucune évaluation internationale des prestations médicales réalisées par des institutions reconnues n’a été prise en considération, probablement parce qu’elles mènent à d’autres conclusions», commente Doris Summermatter, présidente de la Fédération suisse des programmes de dépistage du cancer (Swiss Cancer Screening). «De plus, on ne trouve aucune trace de coopération avec le réseau européen d’évaluation des technologies de santé.»
«A mon avis, ce rapport ne présente pas un intérêt scientifique suffisant pour qu’on s’y arrête, estime Michel Thentz, ministre du département de la santé, des affaires sociales, du personnel et des communes du canton du Jura. «Et pour tout dire, je trouve très agaçant qu’un comité d’experts scientifiques se permette d’émettre des recommandations d’ordre politique», déclare encore le président de la Conférence latine des affaires sanitaires et sociales (Class). Questionnés, plusieurs gynécologues confient qu’en l’absence de décision politique, surtout au niveau cantonal, les conclusions de ce nouveau rapport ne changeront pas grand-chose pour eux.
Le rapport du SMB est aussi critiqué sur la façon dont son contenu est présenté: consultée l’année dernière en tant qu’experte par le SMB, Doris Summermatter a eu le sentiment, avant même que les conclusions du document ne soient rédigées, que plusieurs de ses «remarques et explications nuancées» n’allaient pas être retenues. Sous le couvert de l’anonymat, le président d’une société suisse de médecine rapporte une histoire similaire: un de ses collègues, consulté lui aussi comme expert, a eu la surprise de voir que son point de vue n’avait pas été intégré dans le rapport, quand bien même son nom y est mentionné comme référence. «Au sein même de l’organe responsable du SMB, il est probable que tout le monde ne soit pas d’accord sur les recommandations finales adoptées», dit Doris Summermatter.
«L’OFSP va étudier le rapport du SMB et suivre les discussions des spécialistes à ce sujet, affirme sa porte-parole Catherine Cossy. En l’état actuel des connaissances, la mammographie pour le dépistage précoce du cancer du sein est utile et les femmes sont en mesure de comparer son utilité et ses dommages pour elles-mêmes.»
L’association faîtière des caisses maladie, Santésuisse, rejoint en revanche l’avis du SMB, qui va dans le sens d’un allégement des coûts à la charge des assureurs: «Le dépistage systématique par mammographie n’est pas efficace, souligne Christophe Kaempf, responsable des relations publiques. Une mammographie sur dix est interprétée faussement et donne lieu à une prise en charge médicale inutile. Pour Santésuisse, il serait préférable de renoncer à ces programmes, sous leur forme actuelle. Il faut réfléchir à d’autres pistes de détection préventive, tel le dépistage génétique.»«La question soulevée par le SMB est débattue depuis des années au niveau international et la réponse est tantôt positive, tantôt négative, en fonction du point de vue des gens qui s’expriment», remarque Markus Zimmermann, maître d’enseignement et de recherche en théologie à l’Université de Fribourg. Le rapport du SMB semble donc refléter l’air du temps: «C’est à la mode de contester l’intérêt du dépistage du cancer du sein en raison des risques de résultats erronés et d’une rentabilité plus faible que prévue», déclarait en janvier 2011, dans La Recherche, Marc Espié, directeur du Centre des maladies du sein à l’Hôpital Saint-Louis, à Paris.
http://letemps.ch/Page/Uuid/e6ee01d2-8cfd-11e3-a0c7-33a92f4fec1d|3

LeTemps.ch | L’innocuité du vaccin contre le cancer du col de l’utérus remise en cause
justice 09:23

L’innocuité du vaccin contre le cancer du col de l’utérus remise en cause

Laetitia Clavreul Le Monde
(Jessica Rinaldi / Reuters)
(Jessica Rinaldi / Reuters)
D’autres poursuites contre le Gardasil pourraient suivre, alors qu’une plainte pénale a été déposée en France vendredi 22 novembre pour «atteinte involontaire à l’intégrité de la personne humaine» par une jeune femme de 18 ans. Elle accuse ce vaccin contre le cancer du col de l’utérus de graves effets secondaires sur le système nerveux central
L’association Les filles et le Gardasil se félicite de ce premier dépôt de plainte, dans un communiqué publié par le cabinet d’avocats de plusieurs d’entre elles dimanche en fin d’après-midi, et précise qu’une autre plainte est en cours de rédaction, «tant pour blessures involontaires que pour des infractions connexes (publicité trompeuse, prise illégale d’intérêts entre autres)».
Sclérose en plaques, maladie de Verneuil et polymyosite
«Il est important de signaler que la sclérose en plaques n’est pas la seule pathologie dont peuvent être atteintes les jeunes femmes, il y a beaucoup d’effets indésirables potentiels», insiste Me Camille Kouchner, du cabinet Atticus, l’une de leurs avocates. Cette dernière compte déposer plainte dans les toutes prochaines semaines pour des clientes souffrant de la maladie de Verneuil, une affection de la peau chronique entraînant l’apparition de furoncles, qui affecte lourdement le quotidien.
Ce dimanche, elle a aussi été recontactée par une jeune femme souffrant de la polymyosite, affection caractérisée par une dégénérescence des fibres des muscles moteurs. Jusque-là, celle-ci n’avait «pas eu le courage» de constituer un dossier, selon Me Kouchner.
Marie-Océane, la jeune fille dont l’avocat a déposé la première plainte, peut s’appuyer sur une double expertise commandée par la Commission régionale de conciliation et d’indemnisation des accidents médicaux (CRCI) d’Aquitaine, qui a conclu à un «lien de causalité» entre l’injection de Gardasil et une «réaction inflammatoire aiguë du système nerveux central», qui après la deuxième injection a «décompensé un processus immunitaire», selon le journal «Sud Ouest». La commission a cependant limité l’indemnisation de Marie-Océane à 50% du préjudice, estimant qu’une éventuelle vulnérabilité génétique avait aussi pu jouer.
Sanofi Pasteur MSD, qui fabrique le Gardasil, a confirmé dimanche la conclusion, mais la conteste. Selon le laboratoire, elle s’appuie «uniquement sur la constatation d’une coïncidence temporelle entre la survenue et les symptômes de la maladie et de la vaccination», sans prouver le lien de causalité. http://www.letemps.ch/Page/Uuid/fa34e81a-559d-11e3-94f8-a77bdfe78e74/Linnocuit%C3%A9_du_vaccin_contre_le_cancer_du_col_de_lut%C3%A9rus_remise_en_cause#.UpO9qCduabE

Ces idées qui circulent sur le cancer

L.D. Publié le - Mis à jour le

Sciences - Santé Ce mardi a lieu la journée mondiale contre le cancer. L'occasion de faire le point entre mythes et réalités.
Non, contrairement à des idées répandues, le stress prolongé ne peut pas provoquer un cancer. Aucune étude scientifique ne l’a démontré jusqu’ici. Non, le cancer n’est pas une fatalité. Si 60000 personnes sont touchées chaque année par cette maladie en Belgique, la prévention permettrait d’éviter entre un tiers et la moitié de tous les cas de cancers.
En cette journée mondiale contre le cancer, célébrée ce 4 février, sans doute n’est-il pas inutile de faire la part entre mythes et réalités. Quelques-uns, disons.
"Il existe des risques que les Belges perçoivent (NdlR : parfois à tort) comme très importants, nous dit le Dr Anne Boucquiau, responsable du département Prévention à la Fondation contre le cancer. La majorité des citoyens pensent que les risques sanitaires liés à l’alimentation sont beaucoup plus élevés que par le passé; ce qui n’est pas le cas. Nous vivons dans un monde de moins en moins risqué mais de plus en plus incertain. […] Ceci dit, les risques avérés liés à notre alimentation existent en termes de développement des maladies non infectieuses : 30 % des cancers seraient dus à notre alimentation. Ce ne sont pas des contaminants qui sont en cause mais des facteurs comme le surpoids, l’obésité, la consommation excessive d’alcool, de viandes rouges, de charcuteries, de graisses, de sel…"
Selon le rapport publié lundi par le Centre international de recherche sur le cancer, "si les connaissances actuelles étaient correctement appliquées", plus de la moitié des cancers pourraient être évités. Ainsi, la grande majorité (96 %) des Belges fait le lien entre cancer et tabac, responsable de 30 % des décès par cancer. Pourtant, en 2013, 27 % des Belges fumaient toujours…
Et alors que le risque des ondes GSM paraît également surestimé d’après le Dr Boucquiau, la sédentarité semble, elle, sous-estimée. Or, selon un article publié dans "The Lancet", l’inactivité physique est responsable de 10 % des décès dans le monde. Enfin, n’oublions pas que la cause la plus importante de l’augmentation attendue des cancers reste l’allongement de notre espérance de vie…

http://www.lalibre.be/actu/sciences-sante/ces-idees-qui-circulent-sur-le-cancer-52f0008d3570c16bb1c3d8dc
 

Cancer 'tidal wave' on horizon, warns WHO

Mammograms Large numbers of people do not know there is a lot they can do to reduce their exposure to risk

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The globe is facing a "tidal wave" of cancer, and restrictions on alcohol and sugar need to be considered, say World Health Organization scientists.
It predicts the number of cancer cases will reach 24 million a year by 2035, but half could be prevented.
The WHO said there was now a "real need" to focus on cancer prevention by tackling smoking, obesity and drinking.
The World Cancer Research Fund said there was an "alarming" level of naivety about diet's role in cancer.
Fourteen million people a year are diagnosed with cancer, but that is predicted to increase to 19 million by 2025, 22 million by 2030 and 24 million by 2035.
The developing world will bear the brunt of the extra cases.
Predicted global cancer cases to 2035
Chris Wild, the director of the WHO's International Agency for Research on Cancer, told the BBC: "The global cancer burden is increasing and quite markedly, due predominately to the ageing of the populations and population growth.
"If we look at the cost of treatment of cancers, it is spiralling out of control, even for the high-income countries. Prevention is absolutely critical and it's been somewhat neglected."
The WHO's World Cancer Report 2014 said the major sources of preventable cancer included:
  • Smoking
  • Infections
  • Alcohol
  • Obesity and inactivity
  • Radiation, both from the sun and medical scans
  • Air pollution and other environmental factors
  • Delayed parenthood, having fewer children and not breastfeeding
For most countries, breast cancer is the most common cancer in women. However, cervical cancer dominates in large parts of Africa.
Dr Chris Wild, WHO: "We're not going to be able to address this problem by simply improving treatment"
The human papillomavirus (HPV) is a major cause. It is thought wider use of the HPV and other vaccines could prevent hundreds of thousands of cancers.
One of the report's editors, Dr Bernard Stewart from the University of New South Wales in Australia, said prevention had a "crucial role in combating the tidal wave of cancer which we see coming across the world".
Dr Stewart said human behaviour was behind many cancers such as the sunbathe "until you're cooked evenly on both sides" approach in his native Australia.
He said it was not the role of the International Agency for Research on Cancer to dictate what should be done.
But he added: "In relation to alcohol, for example, we're all aware of the acute effects, whether it's car accidents or assaults, but there's a burden of disease that's not talked about because it's simply not recognised, specifically involving cancer.
"The extent to which we modify the availability of alcohol, the labelling of alcohol, the promotion of alcohol and the price of alcohol - those things should be on the agenda."
He said there was a similar argument to be had with sugar fuelling obesity, which in turn affected cancer risk.

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Meanwhile, a survey of 2,046 people in the UK by the World Cancer Research Fund (WCRF) suggested 49% do not know that diet increases the risk of developing cancer.
A third of people said cancer was mainly due to family history, but the charity said no more than 10% of cancers were down to inherited genes.
Amanda McLean, general manager for the WCRF, said: "It's very alarming to see that such a large number of people don't know that there's a lot they can do to significantly reduce their risk of getting cancer.
Breast cancer screening For most countries, breast cancer is the most common cancer in women
"In the UK, about a third of the most common cancers could be prevented through being a healthy weight, eating a healthy diet and being regularly physically active.
"These results show that many people still seem to mistakenly accept their chances of getting cancer as a throw of the dice, but by making lifestyle changes today, we can help prevent cancer tomorrow."
It advises a diet packed with vegetables, fruit, and wholegrains; cutting down on alcohol and red meat; and junking processed meat completely.
Dr Jean King, Cancer Research UK's director of tobacco control, said: "The most shocking thing about this report's prediction that 14 million cancer cases a year will rise to 22 million globally in the next 20 years is that up to half of all cases could be prevented.
"People can cut their risk of cancer by making healthy lifestyle choices, but it's important to remember that the government and society are also responsible for creating an environment that supports healthy lifestyles.
"It's clear that if we don't act now to curb the number of people getting cancer, we will be at the heart of a global crisis in cancer care within the next two decades."
Have you been affected by cancer? Send us your comments using the form below.

 http://www.bbc.co.uk/news/health-26014693

médecine lundi23 janvier 2012

Cancer de la prostate : regards croisés

Sandrine Cabut Le Monde
Le robot Da Vinci, utilisé pour la chirurgie de la prostate. (Martin Schutt/EPA/Keystone)
Le robot Da Vinci, utilisé  pour la chirurgie de la prostate.  (Martin Schutt/EPA/Keystone)
La traduction d’un livre américain paru en 2010, l’ouvrage «Touche pas à ma prostate», publié cette semaine en France, pourrait relancer une fois de plus le débat sur le dépistage des cancers de la prostate et leur surtraitement chirurgical
La traduction d’un livre américain paru en 2010, l’ouvrage «Touche pas à ma prostate» (Thierry Souccar éditions, 352 pages, 23,99 euros), publié cette semaine en France, pourrait relancer une fois de plus le débat sur le dépistage des cancers de la prostate et leur surtraitement chirurgical. Aux Etats-Unis, où 200 000 de ces tumeurs sont diagnostiquées chaque année, ce coup de gueule au titre explicite (Invasion of the Prostate Snatchers, soit « L’Invasion des voleurs de prostate ») a fait du bruit dans les médias et s’est vendu à 52 000 exemplaires.
Ecrit à quatre mains par un cancérologue, Mark Scholz (directeur exécutif de l’Institut de recherche américain sur le cancer de la prostate), et un patient, Ralph Blum (vivant depuis vingt ans avec cette tumeur sans intervention radicale), « ce livre est donc une collaboration entre deux experts, tous deux munis d’un certificat, l’un en papier et l’autre de chair », résume Mark Scholz. Avec des arguments plutôt scientifiques pour l’un, personnels pour l’autre, les deux auteurs dénoncent la mainmise des urologues dans ce domaine et leur interventionnisme.
Selon Mark Scholz, plus de 40 000 des 50 000 prostatectomies totales réalisées chaque année aux Etats-Unis ne sont pas justifiées, car « la grande majorité de ces hommes auraient vécu aussi longtemps sans opération ». Et ces excès sont d’autant plus inacceptables, selon lui, que le taux de complications est élevé. Après prostatectomie, un patient sur deux souffre de troubles sexuels à divers degrés, et « seuls 5 % déclarent que leur érection est aussi bonne qu’avant la chirurgie ». Des fuites urinaires surviennent « chez environ 7 % des patients traités par les meilleurs urologues », poursuit le médecin, études à l’appui.
Au fil des chapitres, il explique les particularités du cancer de la prostate et de son dépistage, pourquoi les biopsies sont une « boîte de Pandore »... « Quand votre médecin de famille vous adresse à un urologue, votre premier réflexe doit être d’avoir conscience des implications redoutables qu’il y a à se précipiter sur une biopsie de la prostate, conseille Mark Scholz. Il faut ensuite, si l’on accepte une biopsie, s’abstenir de subir un traitement irréversible jusqu’à ce que l’émotion due à la situation s’estompe, afin de prendre le temps d’analyser attentivement les tenants et les aboutissants. »
Le cancérologue fait également un point complet sur toutes les options thérapeutiques, validées ou encore à l’étude, et met en relief l’approche dite de « surveillance active », protocole précis qui peut être proposé dans certaines formes localisées et peu évolutives. En alternance avec la voix de la faculté, Ralph Blum raconte de son côté ses deux décennies de cohabitation avec le cancer. Si le suivi presque au jour le jour de son taux de PSA (marqueur sanguin des tumeurs prostatiques) et le récit de ses expériences un peu extrêmes (exploration de médecines très alternatives, notamment) rendent parfois la lecture fastidieuse, son point de vue en miroir amène d’autres éléments tout aussi instructifs.
Quid du débat sur le dépistage de ce cancer ? « Le dosage du PSA n’est pas en soi le problème, estime Mark Scholz. Le vrai souci est la réaction exagérée des médecins et des patients à l’information apportée par ce taux. La solution n’est pas de le contrôler moins souvent, mais de convaincre les médecins d’adopter une approche plus modérée lorsqu’ils conseillent une biopsie dès que le taux de PSA augmente légèrement, en particulier quand d’autres raisons peuvent expliquer cette élévation. »
Récemment, des experts américains ont adopté une position encore plus tranchée. En octobre 2011, un comité indépendant, l’US Preventive Services Task Force, a recommandé de ne plus pratiquer en routine des tests PSA chez les hommes de plus de 50 ans en bonne santé, car cela ne permet pas de sauver des vies et conduit à des examens et traitements inutiles. La dernière analyse d’une étude américaine portant sur 75 000 hommes, publiée dans le Journal of the National Cancer Institute début janvier, montre, avec treize ans de recul, que la pratique annuelle d’un toucher rectal et d’un test PSA ne réduit pas la mortalité.
En France, où les autorités sanitaires n’ont pas recommandé de dépistage systématique, le débat est aussi vif entre les partisans de cette stratégie, en particulier l’Association française d’urologie, et ses détracteurs, parmi lesquels des instances de médecine générale. Malgré la controverse, ce dépistage est une réalité. En 2007, 5 millions de dosages ont été pratiqués, dont 3,35 millions dans le cadre d’un dépistage. Depuis, leur nombre aurait encore augmenté, atteignant 6 à 8 millions par an. Corollaire, le nombre de diagnostics de cancer de la prostate a lui aussi crû de façon exponentielle, passant de 13 000 en 1990 à plus de 71 000 en 2010, avec un nombre de décès constant, 9 000 par an.
Pour l’urologue Olivier Cussenot (hôpital Tenon, Paris), le dépistage « non organisé» actuel n’est pas adapté à l’épidémiologie de ces cancers : « La moitié des prescriptions sont réalisées chez des hommes de plus de 65 ans, mais commencer à cet âge n’est pas justifié car le traitement des tumeurs dépistées n’amène alors pas de bénéfice sur la mortalité et altère la qualité de vie. » Il plaide plutôt pour un examen précoce, vers 45 ans, afin de repérer les hommes à risques, et sinon, une surveillance tous les cinq ans. Les prostatectomies ont aussi grimpé en flèche, passant de 6 000 par an en 1998 à 26 500 en 2007. Depuis, elles sont en recul (22 000 en 2010). « Il y a eu certains abus, mais les prostatectomies sont aujourd’hui en décroissance malgré l’augmentation des formes localisées de cancer, poursuit l’urologue. Cette évolution est due au recours croissant à des traitements ciblés et à la surveillance active. »
Le professeur David Khayat (cancérologue, la Pitié-Salpêtrière) insiste de son côté sur la nécessité d’une information éclairée des patients, tant pour décider d’un dépistage que pour le choix du traitement ou d’une surveillance active. « Cette stratégie de surveillance armée, que je propose à beaucoup de patients, sur des critères précis, permet le même taux de survie qu’un traitement, selon des études », précise le cancérologue.
http://www.letemps.ch/Page/Uuid/9bfbd14c-45a4-11e1-9364-c19d868867da/Cancer_de_la_prostate__regards_crois%C3%A9s#.UaYzCNjSsVU


check-up samedi13 novembre 2010

Cancer de la prostate, trop de bistouri?

Le cancer de la prostate touche les hommes dans leur intimité. Pour les aider à en parler, une association de défense des patients lance la campagne VIP. VIP comme Very Important Prostate. L’association interpelle surtout les médecins avec les questions qui dérangent: les patients sont-ils suffisamment informés? Les chirurgiens n’ont-ils pas le bistouri trop facile? Réponses de chirurgien
Europa Uomo Suisse,
une association de défense des patients atteints d’un cancer de la prostate, vient de lancer la campagne VIP. VIP pour Very Important Prostate mais aussi pour que des VIP fassent leur «coming out», comme Thomas Zeltner. Objectif prévention bien sûr mais aussi en finir avec les tabous entourant cette maladie. Au-delà de l’étrange affiche choisie pour faire passer le message – une tête d’homme emballée dans un slip – l’association pose les questions qui dérangent: les hommes sont-ils suffisamment informés des traitements et de leurs suites, les chirurgiens n’ont-ils pas tendance à trop en faire? Réponses de Christophe Iselin, chef du service d’urologie des HUG.
Le Temps: Face au cancer de la prostate, les chirurgiens
ont-ils le bistouri trop facile?
Christophe Iselin: Cela dépend à quel point l’urologue
est à niveau, il peut y avoir des variations. Mais cela fait des années que la communauté urologique sait que certains cancers prostatiques, environ un tiers, sont indolents. Dans un autre tiers des cas, les patients souffrent gravement de leur cancer mais n’en meurent pas, et un dernier tiers décèdent. Il faut donc être rusé et savoir n’intervenir que si c’est nécessaire.
– Comment savoir qu’un cancer ne nécessite pas d’intervention brutale?
– Les biopsies permettent de juger de sa méchanceté.
Comme elles ne sont positives qu’une fois sur cinq, il importe
de cibler les cas où l’on fait des prélèvements. Pour en décider, on s’appuie sur les taux sanguins de PSA mais aussi sur ceux d’autres marqueurs de ce cancer qui sont en train d’émerger. L’imagerie par résonance magnétique et l’échographie avec assistance informatique permettent aussi plus de précision.
Il y a des cas où il ne faut pas être agressif, si l’état général
du patient n’est pas bon, ou s’il a plus de 75 ans et un cancer qui n’évolue pas. Mais s’il s’agit de quelqu’un de relativement jeune, avec un cancer circonscrit, cela vaut la peine d’opérer, on peut
le guérir. D’où l’importance du dépistage qui permet d’intervenir à un stade précoce.
– L’opération a souvent des conséquences graves,
comme l’impuissance et l’incontinence.
– Elle concerne des hommes de 62 ans en moyenne,
un âge où la moitié d’entre eux ont des difficultés d’érection.
Ni l’opération, ni la radiothérapie ne vont arranger
les choses. Il est important de faire un état des lieux de la fonction érectile avant l’intervention par un simple questionnaire validé. La prostate est posée sur un «filet» de nerfs érectiles, si la tumeur est bien localisée, on peut les épargner. Mais si elle s’est développée en périphérie, c’est très délicat.
Dans mon expérience, un patient ayant au préalable une activité sexuelle régulière, dont la tumeur est circonscrite et qui est bien opéré, récupère à 80% dans les deux ans. Et de 95% pour l’incontinence. Mais c’est une intervention exigeante, nécessitant une grande pratique.
– La radiothérapie ciblée entraîne-t-elle moins
de risques?
– Non, car les nerfs sont pris dans le faisceau de la radiothérapie, la moitié des patients sont impuissants à deux ans. Par contre, lorsque la tumeur dépasse nettement la capsule, c’est une bonne indication. Il importe vraiment d’apporter des réponses extrêmement nuancées en fonction de l’âge, de l’histoire du patient et de son cancer.
– Une étude a montré une mauvaise communication
entre urologues et oncologues, les premiers étant réticents
à la chimiothérapie. Pourquoi?
– Depuis deux ans, il y a des progrès dans les chimiothérapies. Jusque-là, elles étaient assez inefficaces et génératrices de beaucoup d’effets secondaires. C’est ce qui provoquait ces réticences.
Renseignements:
Europa Uomo Suisse : www.europa-uomo.ch
Association de soutien aux personnes touchées par le cancer de la prostate: www.prosca.net

Santé : la redoutable évolution du cancer en Afrique
20/01/2012 à 16h:44
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Le bloc de chirurgie oncologique à l'Institut Salah-Azaïez de Tunis. Le bloc de chirurgie oncologique à l'Institut Salah-Azaïez de Tunis. © ONS ABID pour J.A.
Le paludisme et le sida font oublier que le cancer fait aussi des ravages sur le continent. Or sa progression y est des plus alarmantes. Une bataille sanitaire de grande ampleur doit s'engager d'urgence, qu'aucun pays ne peut gagner seul.
Le cancer tue plus que le paludisme, la tuberculose et le sida réunis. À l'échelle mondiale, il cause plus de 7 millions (13 %) des décès chaque année. Et l'Afrique n'est pas épargnée. Loin de là. Si des mesures de prévention ne sont pas prises d'urgence, l'Organisation mondiale de la santé (OMS) prévoit que, d'ici à 2030, y seront enregistrés entre 800000 et 1,6 million de nouveaux cas de cancer et entre 500 000 et 1,2 million de décès par an (soit 20 % de la charge de morbidité du continent). Un constat d'autant plus alarmant que ces estimations s'avouent sous-évaluées, faute de registres fiables qui répertorient l'ensemble des cas et des pathologies dans les différents pays.
Le cancer, maladie silencieuse, évolue de manière inquiétante sur le continent.
Diagnostic tardif
Absence de prévention, tabou de la maladie, diagnostic tardif, indigence des infrastructures, pénurie de personnel qualifié… À tous les niveaux de la chaîne, le manque de moyens est criant. Sur le plan de la prévention, des équipements, comme de l'accès aux traitements et aux soins palliatifs, le Maghreb et l'Afrique du Sud affichent une longueur d'avance. Le reste de l'Afrique subsaharienne arrive loin derrière. « Plus de 70 % des malades ne se rendent dans les structures de prise en charge que lorsqu'il est déjà trop tard », explique le cancérologue camerounais Paul Ndom, président de l'ONG Solidarité Chimiothérapie (Sochimio). Résultat : le taux de mortalité par cancer atteint 75 % dans certains pays.
Selon l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), la radiothérapie, utilisée efficacement sur plus de la moitié des malades dans les pays développés, n'est accessible que dans 21 des 54 pays du continent (couvrant moins de 20 % de la population totale), où elle est parfois vétuste et peut s'avérer dangereuse. Du côté des praticiens, le cas de la Côte d'Ivoire (qui a validé son Programme national de lutte contre le cancer en 2009) est éloquent : pour 21 millions d'habitants, le pays ne comptait en 2011 que 4 cancérologues…
Coût des traitements
L'accès aux thérapies, quand elles sont disponibles, se heurte à un problème de coût, que l'offre maghrébine, indienne et sud-africaine en génériques ne suffit pas à résoudre. Quelques laboratoires s'efforcent d'y remédier. Fin novembre 2011, un partenariat a été signé entre l'algérien Biopharm et le britannique AstraZeneca pour la production de traitements anticancéreux qui devraient couvrir, à terme, 70 % des besoins en Algérie. De grands laboratoires occidentaux soutiennent par ailleurs le financement d'infrastructures et d'équipements, et offrent tout ou partie des traitements. Par exemple, le programme « Accès » du suisse Roche permet aux patients à revenus modestes, au Maroc et en Mauritanie, de bénéficier de traitements innovants à moitié prix.
Reste qu'il est difficile de sortir de l'impasse en l'absence manifeste de volonté politique et de programmes cohérents, financés et durables. Aucun pays au monde ne peut prétendre vouloir lutter contre le cancer sans avoir mis en œuvre un plan national à cet effet. Ce qui implique l'existence réelle d'un registre national et d'un plan d'infrastructures, sans oublier le volet prévention. Certains pays ont engagé des plans nationaux, notamment ceux du Maghreb. En revanche, ainsi que le souligne le professeur guinéen Namory Keita, « hormis l'Afrique du Sud, qui a fait un grand pas dans ce sens, tous les pays au sud du Sahara font traîner l'application de leurs plans nationaux ». Et pour cause : alors que les pays africains se sont engagés, à travers la Déclaration d'Abuja de 2001, à affecter 15 % de leur PIB au secteur de la santé, ils n'y consacrent en moyenne que 3 %, ciblant en priorité le sida, le paludisme et la tuberculose.
Promesses
Cela étant, même en y accordant une politique volontariste, aucun pays n'est susceptible de faire face, seul, aux coûts élevés incontournables à tous les niveaux. D'où l'importance du secteur privé et des réseaux Nord-Sud, mais aussi Sud-Sud, qui se mettent en place entre chercheurs, praticiens, laboratoires, associations de professionnels et de la société civile. Dans le sillage de l'Organisation africaine pour la recherche et l'enseignement sur le cancer (Oarec), fondée en 1983, ou encore d'Afrocancer, créée en 2005, l'Africa Cancer Foundation a été lancée au Kenya en avril 2011. « C'est le réseau associatif qui fait évoluer les choses, avec au premier rang l'Association Lalla Salma contre le cancer, au Maroc, qui n'a pas d'équivalent en Afrique », souligne le cancérologue sénégalais Adama Ly. De leur côté, les organisations internationales multiplient les démarches, à l'image de l'AIEA avec son programme d'action pour la radiothérapie contre le cancer.
Face aux promesses gouvernementales non tenues et aux plans inachevés ou virtuels, c'est de ces partenariats que viendront les progrès. « Dans de nombreuses localités rurales et dans certains bidonvilles, les acteurs privés sont les seuls prestataires de santé », a rappelé le docteur Khama Rogo, responsable de l'Initiative santé en Afrique à la Banque mondiale, lors de la réunion de l'Assemblée des ministres de la Santé de la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (Cedeao), le 5 décembre, à Dakar. Le secteur privé semble en tout cas être le seul à même, pour l'instant, d'accélérer la réalisation d'objectifs sanitaires en espérant qu'à terme la lutte contre le cancer puisse être intégrée aux Objectifs du millénaire pour le développement définis par l'ONU. Un Graal synonyme de manne financière.
29 juin 2012

Pourquoi les cancers se développent-ils ?

Auteur: Ben Lillie
Traductrice:  Carla Lavaste 
Photos: James Duncan Davidson

Mina Bissell est venue partager ses 35 ans recherche sur le cancer, 35 années de travail autour d'une même question : qu’est-ce qui fait que les cancers se développent ? Sa réponse : leurs interactions avec leur micro-environnement. Elle n'a pas été la première à en avoir l'intuition mais la première à le prouver. A la conférence TEDGlobal, elle a raconté son expérimentation.

D’une cellule unique, nous nous développons pour en former entre 10 et 70 milliards, « chacune avec la même information génétique ». La théorie dominante en cancérologie veut qu’ « il suffit d’un oncogène (gène mutant, cancérigène) dans une seule cellule pour déclencher un cancer ». Selon Mina Bissel, cette explication n’a jamais tenu debout. Si c’était exact, chaque cellule maligne de notre corps se transformerait en tumeur  et « nous serions tous de gros amas cancéreux ».
Pour sa démonstration, Mina Bissel est partie d'une tumeur maligne affectant les poulets. Les chercheurs tracent son origine à un seul gène, transmis par le premier virus à avoir été identifié comme oncogène, en 1911. Les scientifiques de son laboratoire ont marqué ce gène et constaté que lorsqu’il était injecté dans des poulets sains, ceux-ci développaient un cancer, mais s’il était injecté dans des embryons, le cancer ne se développait pas. Pourquoi cette différence ? Pour Mina Bissell, cette découverte prouve que « le micro-environnement dans lequel se développe le cancer domine le gène cancérigène lui-même ».
Pour aller plus loin, Mona Bissell et son équipe ont étudié l’acinus, l’unité de base d’une glande mammaire. Ils en ont extrait les cellules épithéliales (celles qui produisent le lait) pour les disposer dans une boîte de Pétri. En moins de trois jours, ces cellules s’étaient complètement transformées. Elles n’étaient plus fonctionnelles, s’étaient distordues et avaient arrêté de produire du lait. Autre chose autour d’elles, une chose qui faisait partie de leur micro-environnement, était également nécessaire à la production de lait.

Ils procédèrent alors à une section de la glande mammaire pour étudier les parties autour de l’acinus, qui jusque-là n’avaient été considérées que comme de simples éléments d’échafaudage, de simples supports pour ces cellules « importantes ». Peut-être que cette échafaudage émettait aussi des signaux. Ils firent donc pousser des cellules épithéliales à proximité de l’échafaudage et celles-ci se mirent de nouveau à produire du lait, démontrant ainsi l’importance du contexte.
Elle s’est ensuite attaquée à l’envers sa théorie : “Si les tissus architecturaux et le contexte font partie du message, alors des cellules tumorales avec un génome anormal devraient pouvoir redevenir normales lorsqu’on les cultive dans un micro-environnement sain ». Avec ses étudiants, elle a mis cette hypothèse à l’épreuve en utilisant des cellules malignes qu’ils ont fait pousser sur un échafaudage sain. Ils ont ainsi montré qu’ils pouvaient rendre normales des cellules qui ne l’étaient pas. Ils pouvaient même injecter ces cellules dans des souris sans qu’elles ne développent de tumeurs, contrairement aux cellules malignes qui, elles, déclenchaient des cancers. Ce qui montre, selon Bissell, qu’il existe une autre façon de considérer le cancer, dans laquelle les gènes des cellules cancéreuses sont régulées par leur environnement.
Ses découvertes ont été accueillies froidement. Missel s'est souvenue Einstein : « une idée qui n’apparaît pas folle de prime abord n’a aucun avenir ». Après avoir rendu hommage à son équipe, elle a conclu sur un conseil pour les chercheurs : “ne soyez pas arrogants, car l’arrogance tue la curiosité ».
Suivez TED Global 2012 ici au journal Le Monde en même temps que se déroule la conférence. Profitez également des TEDTalks sur itunes, sous-titrés en français.
lbl.gov/LBL-Programes/lifesciences/BissellLab/main.html
http://tedglobal.blog.lemonde.fr/2012/06/29/pourquoi-les-cancers-se-developpent-ils/


Cancer du sein: "Le surtraitement est devenu un problème de santé publique" - L'EXPRESS

Cancer du sein: "Le surtraitement est devenu un problème de santé publique"

BernardJunod
Par BernardJunod (Express Yourself), publié le 02/07/2012 à 17:27, mis à jour à 17:27
Cancer du sein: "Le surtraitement est devenu un problème de santé publique"
SANTE - "Le dépistage augmente beaucoup la proportion de surdiagnostics et fausse la perception des soignants, d'où l'illusion que les guérisons augmentent grâce au dépistage", juge Bernard Junod.
afp.com/Mychele Daniau

Le dépistage du cancer entraine parfois des surdiagnostics, juge Bernard Junod, épidémiologiste et médecin de santé publique. Chiffres à l'appui, il s'interroge sur son efficacité. 

[Express Yourself] Un jour, j'ai rencontré une femme, professeur à Sciences Po, qui s'intéressait à mon activité de recherche. Je lui dis que je travaillais sur le cancer du sein. Elle m'a répondu: "Ce n'est plus un problème, grâce au dépistage, on en guérit." Elle réagit en femme informée par les campagnes médiatiques de l'INCa instaurant une culture du dépistage. Elle n'avait pas lu l'édito ni l'article signé Sophie Coisne et Fabienne Lemarchand paru en mars 2006 dans La Recherche, "Cancer du sein: les illusions du dépistage". 

Déclaration des liens d'intérêts

Comme l'exige la loi, je vous déclare mes liens d'intérêts. Depuis 1988, mes rémunérations d'enseignant-chercheur proviennent d'institutions publiques en France, en Suède et aux Etats-Unis. Demain, je pars évaluer un programme de dépistage du cancer du sein en Arabie Saoudite, rémunéré par le Ministère de la Santé. Ma déclaration de liens d'intérêts est accessible en ligne: www.formindep.org 
La bonne nouvelle que j'ai à vous annoncer, c'est que les résultats du dépistage nous ont fait avancer dans la recherche sur le cancer. On a aujourd'hui la preuve que le mot "cancer" s'applique à deux situations qui ne se recouvrent pas toujours. 1) Le résultat de l'examen au microscope d'un prélèvement de tumeur, à savoir le cancer histologique. 2) L'évolution de l'état de santé due à la propagation d'une tumeur maligne dans l'organisme, à savoir la maladie cancéreuse. 
Une tumeur qui présente les caractères dits de malignité à l'examen au microscope ne correspond pas forcément à une vraie maladie cancéreuse. L'évaluation scientifique des effets du dépistage montre que des cancers histologiques régressent ou n'auraient jamais provoqué de symptômes au cours de la vie. Ce sont des surdiagnostics. 
Le dépistage augmente beaucoup la proportion de surdiagnostics 
Mais j'ai une moins bonne nouvelle à vous annoncer: le dépistage augmente beaucoup la proportion de surdiagnostics et fausse la perception des soignants, d'où l'illusion que les guérisons augmentent grâce au dépistage. Les données scientifiques qui le prouvent sont des comparaisons de mortalité entre groupes de femmes allouées ou non à une invitation au dépistage lors d'un essai contrôlé, ou entre populations exposées à un dépistage d'intensité variable dans l'espace (pays A versus pays B) et dans temps (avant et après l'instauration du dépistage). 
Les diagnostics et décès par cancer du sein ou par autre cause sont rapportés ici à des populations non sélectionnées selon leur état de santé. En fonction des études, la sélection des femmes fausse les résultats. La plupart des essais contrôlés ont exclu les femmes qui se présentent à l'examen de dépistage avec un cancer avancé. Leurs résultats sont faussés si les femmes non invitées au dépistage et atteintes d'un cancer avancé n'ont pas les mêmes chances d'être exclues. Leur inclusion dans le groupe non invité y augmente la mortalité et donne l'illusion de l'efficacité du dépistage. 
Les résultats sont aussi faussés quand les décès sont rapportés à un échantillon restreint aux seules patientes atteintes d'un cancer, à cause du surdiagnostic. Les critères de qualité essentiels des essais contrôlés sont la comparabilité des groupes invités ou non à la mammographie de dépistage et la constance des effectifs dans les résultats publiés. Ceci confirme la non exclusion a posteriori de femmes allouées à un groupe. Voici les résultats des trois essais contrôlés satisfaisant à ces critères. 

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Après 7 ans, le nombre de décès par cancer du sein n'était pas significativement différent dans les groupes de femmes invitées ou non au dépistage. Il est à noter que les risques de biais augmentent avec la durée de suivi. Les premières publications de résultats des études canadiennes portent sur une durée de 7 ans. 

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Les comparaisons de populations de pays où les femmes ont été exposées à une intensité de dépistage variable donnent des résultats identiques. On constate que les taux de mortalité par cancer du sein sont comparables, que le dépistage ait été intense ou non. Les trois premières comparaisons publiées par Philippe Autier en 2011 sont aussi examinées dans l'article original en tenant compte de l'évolution temporelle au sein de chacune des paires de pays comparés. La quatrième comparaison donne la mortalité par cancer du sein en France en 1980 et en 2005. Elle est pratiquement la même. Le graphique des taux par âge montre qu'en 2008 elle est plus faible jusqu'à 64 ans et plus forte à partir de 65 ans. 

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Le dépistage, à savoir l'investigation diagnostique sans signe d'appel, a beaucoup progressé entre ces deux périodes. On utilisait 308 appareils de mammographie en 1980 et 2511 en 2000. L'article que j'ai récemment publié sur l'investigation de l'épidémie apparente de cancer du sein en France procède aussi à des comparaisons à 15 ans d'intervalle de femmes de mêmes âges suivies pendant 11 ans. Il tient compte de plusieurs facteurs de risque de cancer du sein comme les traitements hormonaux substitutifs. Il apparaît que le dépistage augmente massivement le surdiagnostic sans modifier la mortalité par cancer du sein. 
La quantification du surdiagnostic attribuable au dépistage en 2008 en France s'obtient en comparant la fréquence des diagnostics et des décès avec l'année 1980 (voir figure de la page suivante). Le nombre moyen de décès par jour pour toute cause chez les femmes résidant en France est une donnée de référence pour interpréter la suite. Il n'a pratiquement pas changé, malgré l'augmentation et le vieillissement de la population entre 1980 et 2008. Ceci tient à l'augmentation de l'espérance de vie due à la prévention et à la guérison de maladies mortelles.  
Par contre, le nombre moyen de décès par cancer du sein par jour a augmenté avec l'effectif des femmes et du fait de leur vieillissement. L'augmentation de 23 à 32 du nombre de décès par cancer du sein par jour est à comparer avec celle des diagnostics de cancers histologiques : 57 en 1980 contre 169 en 2008. 

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Le surtraitement consécutif au surdiagnostic est devenu un problème de santé publique. La radiothérapie entraîne d'autres cancers et des décès par maladie cardio-vasculaire. 
En conclusion, je tire trois leçons du dépistage du cancer du sein: 
1) Comme il n'est pas prouvé que le dépistage diminue la mortalité et comme le surtraitement consécutif au dépistage est nuisible, il ne faut pas précipiter la biopsie. Il convient d'observer la dynamique de la tumeur avant de l'agresser. 
2) L'histologie n'est pas une condition suffisante pour définir une maladie cancéreuse. Il faut étudier l'histoire naturelle du cancer 
3) Pour évaluer la pertinence du dépistage, il faut identifier les experts internationaux indépendants de toute pratique du dépistage ou des soins consécutifs au diagnostic de cancer du sein. Et, aussi, informer des non-médecins pour constituer des jurys citoyens. 
Par Bernard Junod, épidémiologiste et médecin de santé publique 
Les sources des résultats présentés figurent dans l'exposé "Surdiagnostic et surtraitement du cancer du sein par radiothérapie " accessible sur le site de la Société de Formation Thérapeutique du Généraliste (www.stg.net/Colloque surmedicalisation.html 
Cette publication est le compte-rendu de mon intervention au 4e Forum Science, Recherche et Société, crée par Le Monde et La Recherche en 2009, au Collège de France. http://curie.fr/fr/recherche/4e-forum-science-recherche-societe-0. Vous pouvez également retrouver le débat en vidéo
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Commentaires (22)


gunegonde
gunegonde - 05/07/2012 11:02:37
Absolument pas d'accord avec cet article. Vous ne parlez que de mammographie, parce que c'est l'imagerie la moins chére. Pour bien dépister il faudrait une écographie. Mais le mieux c'est un scanner ou l'IRM. Vous oubliez les micro-nodules, qui peuvent être parfois pré-cancéreux. Vous parlez de cancer gueris, mais est-ce que l'on guerit vraiment d'un cancer. Quand on subit l'ablation d'un sein, il est conseillé de prendre un excellent chirurgien, et malgré tout, il reste toujours un tout tout petit foyer. Et si une métastase se décroche, la solution urgente, c'est la perfusion. Il ny a pas de surtraitement. Il ne faut pas attendre que la tumeur dépasse les 3,7 centimétres... Le meilleur conseille que l'on peut donner aux femmes, c'est de continuer le dépistage...Et de consulter tout de suite un cancérologue.

BernardJunod
BernardJunod - 05/07/2012 00:24:33
@Lycurgues :J'ai acquis mon expérience clinique par une étude nationale sur la chirurgie du cancer du sein, préparée et menée en concertation avec des cliniciens. Mon expérience de patient a aussi contribué à ma connaissance du cancer. Les comparaisons entre les 5 groupes de 19 cohortes - une par département - classés selon le changement de fréquence des interventions chirurgicales donnent des résultats exhaustifs. Des biais liés à des proportions variables de la distribution des marqueurs tumoraux dans ces cohortes exhaustives ne sont pas exclus. Ils ne sont par contre pas démontrés. L'étude publiée dans la revue médecine est précisément destinée à inciter des travaux plus approfondis. Leur objectif serait d'expliquer, par une meilleure connaissance de l'histoire naturelle du cancer, la surmortalité associée à la précocité du diagnostic et des soins qui s'ensuivent. La question que vous soulevez à propos des aspects légaux est abordée dans l'article " Ethique du dépistage du cancer du sein paru dans la revue Médecine en 2008. http://www.jle.com/e-docs/00/04/3A/2F/vers_alt/VersionPDF.pdf Il est à noter que dans le droit Français, si les critères de définition d'un cancer venaient à inclure des éléments nouveaux, il n'y aurait pas de recours possible de la part de patients victimes de surtraitement à cause de la définition antérieure. Par contre, si la démonstration du surtraitement devient patente et que la définition du cancer ne change pas, alors les risques de judiciarisation augmenteraient.

Lycurgues
Lycurgues - 04/07/2012 20:02:07
Votre manque d'expérience clinique vous fait tirer des conclusions fausses:dans votre réponse à Robespierre,vous parlez des tumeurs à 70-75 ans,or les tumeurs à partir de cet âge ont un diagnostic meilleur,un plus faible taux de métastase probablement du à une angiocroissance moindre (elle est très importante pour le développement des tumeurs)et non à un "surdiagnostic". vos tableaux ne disent pas quelle est ,au moment du diagnostic la taille des tumeurs ni leur grade TNM ou histologique,la présence d'erb-2 , la valeur du CA 15-3 sérique ou la présence ou non de récepteurs hormonaux. Mieux, vous n'avez pas répondu à ma question sur les conséquences légales d'une abstinence thérapeutique! Votre concept de surdiagnostic" est dogmatique et cherche à déconsidérer le dépistage institué et qui coûte cher.

BernardJunod
BernardJunod - 04/07/2012 18:50:22
@Lycurgues : Une définition du cancer fondée sur les caractéristiques histologiques est dogmatique. L'histoire naturelle du cancer est différente du modèle théorique auquel vous vous référez. Les proportions de guérison que vous donnez sont dues aux nombreux surdiagnostics : des tumeurs désignées par le laboratoire d'anatomie pathologique comme des cancers alors qu'elles n'auraient pas provoqué de symptômes pendant la vie de la personne. Examinez les documents cités dans mes réponses à Robespierre007 ! P.S. Je suis preneur de toute critique d'ordre méthodologique si elle est construite rationnellement

BernardJunod
BernardJunod - 04/07/2012 18:39:13
@Robespierre007 : L' agression physique d'une tumeur (biopsie et/ou chirurgie) est responsable de l'accélération des métastases dans les organes vitaux. L'atelier intitulé " Dépistage du cancer du sein, surdiagnostic et accélération des métastases " était accompagné d'un dossier scientifique que je tiens à votre disposition. http://www.atoute.org/x/note_bjunot.html Après approfondissement des possibilités méthodologiques adaptées aux données disponibles, il est apparu une diminution de la mortalité par cancer du sein due au fait que l'agression physique des tumeurs est retardée lorsqu'on arrête le dépistage à partir de 70 ou 75 ans. Ce travail a été publié dans la revue médecine en 2011. http://www.jle.com/e-docs/00/04/67/A8/vers_alt/VersionPDF.pdf L'estimation du surdiagnostic fondée sur les données observées en France est l'article sur l'investigation de l'épidémie apparente du cancer du sein paru en 2011 en anglais, accessible en traduction française sur le site du FORMINDEP. Les coauteurs sont le gratin de l'épidémiologie (Zahl, Kaplan, Olsen) et de la méthode statistique (Greenland). L'augmentation de la fréquence des diagnostics à 15 ans d'intervalle atteribuable au surdiagnostic fut de 76%.

Lycurgues
Lycurgues - 04/07/2012 17:41:33
Je ne parlerai pas des erreurs de methodologie ni des erreurs d'interprétation des chiffres donnés.Mais d'aberrations: -le terme surdiagnostic est faux:le pathologiste répond adenocarcinome et il s'agit d'un diagnostic exact éventuellement documenté par l'immuno-histochimie. -L'évolution clinique du carcinome:je vous signale qu'une tumeur de 1 cm sans ganlion axillaire ni métastase (T1,N0,M0 dans la classificationO.M.S.)guérit dans 80% des cas si elle est traitée.Plus la taille est importante plus ce taux diminue (même si elle reste sans ganglion axillaire).Si un médecin attend l'évolution clinique il se retrouvera surement devant la justice et le conseil de l'ordre pour "perte de chance de survie".Le Dr Junod est épidémiologiste et ne doit pas avoir vu de patiente depuis fort longtemps aussi est-ce une conséquence à laquelle il n'avait pas pensé. Je viens de prendre ma retraite et je suis d'accord avec Christophe 75,c'est une histoire de sous.

Lycurgues
Lycurgues - 04/07/2012 17:14:25
Je ne parlerai pas des erreurs de méthodologie et de votre interprètation des données.Mais conclure qu'il faut attendre l'évolution de la tumeur pour éventuellement la traiter est une aberration.Je vous signale qu'un petit adenocarcinome , de 1 cm,sans ganglion axillaire,ni métastase,donc T1,N0,M0 dans la classification O.M.S,guérit dans 80% des cas traités.Il y a donc 20% des patientes qui en meurent.Pour les tumeurs de taille plus importante le taux de survie décroit de manière importante.De plus l'examen histologique et l'immuno-histochimie sont parfaitement fiables.Par contre si un médecin,clinicien,suivait vos recommandations:attendrel'évolution de la tumeur pour traiter,il se retrouverait rapidement devant la justice et le conseil de l'ordre pour "perte de chance de survie ou de guérison".Mais vous vous en laveriez les mains vous n'êtes qu'épidémiologiste et n'avez pas eu de contact avec des patientes depuis fort longtemps.

Robespierre007
Robespierre007 - 04/07/2012 16:07:44
@ASenecat : Je n'ai pas hélas le temps d'approfondir la discussion. Je reconnais qu'il existe un risque de surdiagnostic mais il est minime statistiquement. La question centrale reste: est-ce que l'on soigne quelqu'un que l'on a détecté malade et qui est donc supposé tel (même s'il ne l'est pas réemnt) ou je ne fais rien et j'observe l'évolution de sa tumeur au risque de la voir dégénérer? Qui est capable de dire que telle ou telle personne est un cas de surdiagnostic? rien ni personne.

Robespierre007
Robespierre007 - 04/07/2012 15:47:10
@BernardJunod : Cher Monsieur la biopsie en tant que telle vous le savez n'est pas dangereuse (sauf cas très exceptionnelle mais le risque 0 n'existe pas) . Comme moi vous savez qu'on ne fait une biopsie qu'en cas de doute sur la tumeur suite à l'interprétation de la radiographie. Il existe effectivement un aléas que vous conviendrez avec moi minime sur le résultat (c'est une seconde étape dans le processus du diagnostic)-ll arrive aussi malheureusement que des cas de sida soient détectés par erreur après une analyse de sang et l'on demande le plus souvent une seconde analyse pour confirmation. Le plus délicat dans cette affaire est le drame humain que cela engendre. Selon les chiffres dont je crois me souvenir, et que vous pourrez sans doute me confirmer on estime qu'environ 5% des cas de tumeurs détectés pourraient régresser spontanément. Les traitements appliqués pour attaquer les tumeurs sont effectivement agressifs et induisent de nombreux effets secondaires mais chaque protocole n'offre pas le même degré de nocivité. Croyez bien que les médecins sont très conscients de cette nocivité mais quand vous dites que les traitements donne "l'illusion" d'une efficacité je peux qu'être en désaccord avec vous. Les résultats statistique le montre clairement et sont connus de tous. Il n'y a pas comme vous semblait le croire nécessairement ablation (chirurgie) après la biopsie chaque cas est particulier. la chirurgie ne contribue pas à développer des métastases qui ne sont qu'une évolution de certains cancers. Le suivi d'une lésion dans le temps est une pratique courante en médecine et vous en êtes certainement conscient. Mais pour certaines tumeurs agressives qui auront été détectée par la biopsie -à tort où à raison- si on laisse le temps à cette tumeurs de se développer c'est la vie du patient que l'on met en danger. Le principe de précaution veut que l'on agisse avec les moyens qui nous sont donnés avec le risque de se tromper car un médecin n'est pas un magicien.

ASenecat
La rédaction
Adrien Sénécat - 04/07/2012 15:04:33
@Robespierre007 : Sauf que dans le cas d'un humain, il n'y a pas que la notion de vie et de mort. Et sur les stats, la réponse de Bernard Junod à mon commentaire est plus précise que je ne le suis :).

Découverte du premier gène mutant clé dans le cancer hérité de la prostate

LEMONDE.FR avec AFP | 12.01.12 | 07h22   •  Mis à jour le 12.01.12 | 09h23

"C'est la première variante génétique majeure liée au cancer héréditaire de la prostate" que l'on découvre, souligne le Dr Kathleen Cooney, professeur d'urologie à la faculté de médecine de l'université du Michigan, l'un des principaux auteurs de cette étude parue le 12 janvier dans cette revue médicale. "On se doutait depuis longtemps que des cancers de la prostate sont héréditaires dans certaines familles, mais mettre le doigt sur la cause génétique sous-jacente a été difficile", explique le Dr William Isaacs, professeur d'urologie et de cancérologie à la faculté de médecine Johns Hopkins (Maryland), l'autre coauteur principal de l'étude. Il note que toutes les recherches précédentes avaient été infructueuses.
BÉNÉFICIER D'UN DÉPISTAGE PLUS PRÉCOCE
Même si elle ne concerne qu'une petite fraction de tous les cas de cancers de la prostate, la découverte de cette variante génétique pourrait apporter un éclairage important sur le mécanisme de développement de cette tumeur chez les autres hommes. Ainsi, ce gène mutant pourrait aider à identifier les hommes susceptibles de bénéficier d'un dépistage plus précoce ou supplémentaire à l'instar des mutations de gènes BRCA1 et BRCA2, qui accroissent nettement le risque de cancer du sein chez les femmes.
Une tumeur cancéreuse de la prostate devrait être diagnostiquée chez quelque 240 000 Américains en 2012 provoquant 28 000 décès, selon les estimations officielles. Pour cette quête du gène mutant, les chercheurs ont séquencé l'ADN de plus de 200 gènes dans une région du chromosome humain appelée 17q21-22. Ils ont commencé à travailler sur des échantillons génétiques provenant de patients atteints d'un cancer prostatique dans 94 familles qui participaient à des études à l'université du Michigan et de Johns Hopkins.
MUTATION DU GÈNE HOXB13
Chacune de ces familles présentaient de multiples cas de cancer de la prostate parmi leurs proches, comme le père, les fils ou les frères. Les chercheurs ont découvert que des membres de quatre familles différentes étaient porteurs de la même mutation du gène HOXB13, qui joue un rôle important dans le développement de la prostate au stade foetal et son fonctionnement ensuite dans la vie. Cette mutation était présente chez les dix-huit hommes de ces quatre familles atteints d'un cancer de la prostate.
Les auteurs de cette découverte ont ensuite recherché la même mutation du gène HOXB13 parmi 5 100 hommes traités pour ce cancer à Johns Hopkins ou à l'université du Maryland. Cette mutation a été découverte chez 72 hommes, soit 1,4 % des patients. Il est apparu également que ces mêmes hommes avaient plus de probabilités d'avoir au moins un parent au premier degré – père ou frère – diagnostiqué d'un cancer de la prostate. Cette mutation génétique a été découverte chez des hommes de descendance européenne tandis que deux autres variantes de ce gène ont été identifiées dans des familles afro-américaines.
http://www.lemonde.fr/planete/article/2012/01/12/decouverte-du-premier-gene-mutant-cle-dans-le-cancer-herite-de-la-prostate_1628523_3244.html
Un "superbrocoli" pour combattre maladies cardio-vasculaires et certains cancers
LEMONDE.FR avec AFP | 04.10.11 | 09h14   •  Mis à jour le 04.10.11 | 12h30
Le brocoli est réputé pour ses vertus anticancéreuses.Flickr/wintersoul1
Des chercheurs britanniques ont obtenu par croisement classique un brocoli "boosté" en composants naturels réputés bons pour la santé. Le Centre John-Innes et l'Institut pour la recherche en alimentation (IFR) de Norwich a ainsi mis au point un "superbrocoli", enrichi d'une composante réputée combattre les maladies cardio-vasculaires et certains cancers, mis en vente au Royaume-Uni cette semaine.
Les recherches sont parties d'un brocoli sauvage découvert en 1983 et possédant naturellement des niveaux élevés d'un composant appelé glucopharanine. Le superbrocoli, baptisé "Beneforte", ressemble à un brocoli normal, mais contient deux à trois fois plus de glucopharanine, qui a pour propriété de se transformer en molécule active (le sulforaphane) au contact de la flore intestinale. Ce composé actif contribue, selon plusieurs études, à réduire les inflammations chroniques et à combattre le développement de certains cancers. Le "Beneforte" augmente le niveau de sulforaphane ingéré par l'organisme de deux à quatre fois par rapport à un brocoli normal.
À CONSOMMER PLUSIEURS FOIS PAR SEMAINE
Plusieurs études ont montré que la consommation régulière de crucifères (brocoli, chou-fleur, chou, chou de Bruxelles) pourrait prévenir certains cancers. Le brocoli, consommé au moins plusieurs fois par semaine, pourrait être associé à un risque plus faible de cancer colorectal, de l'estomac, du poumon, de la prostate notamment.
Pour garder toutes ses propriétés, il doit toutefois être mangé cru, légèrement cuit à l'eau ou braisé à la poêle. Il serait également bénéfique contre les maladies cardio-vasculaires. Selon le professeur Richard Mithen d'IFR, "notre recherche a fourni de nouvelles connaissances sur le rôle du brocoli et d'autres aliments similaires, et montre comment ces connaissances peuvent aboutir au développement de variétés plus nutritives de nos légumes familiers".

Une bombe intelligente contre le cancer

Pierre-Yves Frei
BIOLOGIE SYNTHéTIQUE vendredi2 septembre 2011 Une machine moléculaire capable de tuer les cellules cancéreuses. (Yaakov Benenson)
Une machine moléculaire capable de tuer les cellules cancéreuses. (Yaakov Benenson)
Une machine moléculaire est capable d’identifier certaines cellules malignes. Cette découverte ouvre un nouvel horizon thérapeutique
Quel chemin parcouru. En 1953, Watson et Crick découvrent la structure hélicoïdale de l’ADN, le matériel génétique qui caractérise l’ensemble du monde vivant (à l’exception de quelques virus qui affectionnent l’ARN). Un peu moins de soixante ans plus tard, non seulement on a compris que cet ADN est écrit à l’aide de quatre bases élémentaires – adénine, guanine, cytosine, thymine –, qu’il forme des mots, les gènes, mais aussi un long texte apparemment désorganisé et non codant, encore que…
Cet extraordinaire travail de décryptage et de compréhension n’est pas encore terminé que déjà certains biologistes sont passés à l’étape ultérieure: l’assemblage, par génie humain, de bases et de gènes. On décrit souvent ces derniers comme les briques de la vie. Les chercheurs ont pris la métaphore au pied de la lettre. Avec des briques, on peut construire un mur. Avec des briques de vie, on peut construire un élément de vie, voire la vie elle-même.
C’est ce principe qu’ont suivi plusieurs chercheurs de l’Ecole polytechnique fédérale de Zurich (EPFZ) et du Massachusetts Institute of Technology (MIT) aux Etats-Unis pour leurs recherches publiées dans la dernière édition du magazine Science. Leur exploit? Avoir généré une machine biologique capable non seulement de détecter si une cellule est cancéreuse ou non, mais également de la détruire si d’aventure elle se révèle maligne.
Il n’en faut guère plus pour se souvenir du Voyage fantastique de Richard Fleischer, film de 1966 dans lequel un équipage embarqué dans un sous-marin réduit à l’échelle microscopique se promène dans le corps d’un éminent scientifique dont il s’agit de sauver la vie. Mention particulière pour cette scène d’anthologie où les aventuriers, dont la généreuse Raquel Welch, donnent du fusil laser contre une bande de macrophages belliqueux.
Rien d’aussi exotique dans les recherches publiées par Science, même si la réalité égale, voire dépasse la fiction. «La meilleure façon de décrire cet ordinateur biologique consiste peut-être à décrire ses trois fonctions, explique Yaakov Benenson, professeur de biologie synthétique de l’EPFZ à Bâle et l’un des auteurs de l’article. Une première partie est constituée de senseurs moléculaires capables de détecter cinq marqueurs qui doivent être présents de façon concomitante pour confirmer de façon univoque que la cellule est bien cancéreuse. La deuxième est constituée de l’ordinateur lui-même, capable d’effectuer les opérations logiques nécessaires pour enregistrer et confirmer que les cinq marqueurs, en fait des micro-ARN, sont effectivement présents. Ce n’est qu’à cette seule condition que la troisième partie de notre machine biologique se déclenche et tue la cellule.»


Pour parvenir à un tel résultat, les chercheurs ont d’abord épluché la littérature, en quête de plusieurs marqueurs capables d’identifier formellement le caractère malin d’une cellule du col de l’utérus. Ensuite, ils ont construit, brique par brique, leur fusée moléculaire à trois étages. «L’aspect synthétique consiste ici à associer différents gènes porteurs des fonctions qui nous intéressent, reprend le chercheur bâlois. Une fois cet assemblage réalisé et multiplié, on introduit le tout dans le milieu cellulaire concerné. Ces sondes génétiques pénètrent les cellules et ce sont leur machinerie interne qui, sur la base de cette recette génétique synthétique, s’occupe de construire la machine biologique.»
Une fois dans la place, cet espion n’a plus qu’à guetter les signes d’un comportement malin. S’il les détecte tous, il déclenche le programme de destruction grâce à une bombe subtile. Une cellule cancéreuse se caractérise notamment par le fait qu’elle a perdu sa capacité à se suicider, une fonction nécessaire à la survie de l’organisme. L’ordinateur, grâce à l’un de ses gènes, la rétablit et convainc la cellule d’en finir avec la vie.
L’un des points remarquables de cette recherche tient au fait que les chercheurs ont dessiné un ordinateur moléculaire qui a parfaitement accompli sa tâche, soit tuer les cellules cancéreuses et épargner les cellules saines. Sauf que ce succès a été remporté dans des milieux de cultures cellulaires. Traduction: il faut désormais transformer l’essai en expérimentant ce procédé chez l’animal tout d’abord, puis chez l’être humain.
Cette montée en puissance s’annonce délicate. Comment cette machine sera traitée par le système immunitaire de son hôte, sachant qu’il n’est rien d’autre qu’un corps étranger? «Ce n’est pas le point qui m’inquiète le plus, confie Yaakov Benenson. On sait relativement bien aujourd’hui comment diminuer la réactivité du système immunitaire.» L’incertitude concerne bien plus la façon qu’emploieront les chercheurs pour convoyer leurs ordinateurs jusque vers les cellules qui auraient besoin d’être détruites. «Nous ignorons encore s’il s’agira de les envoyer via une injection sanguine en les laissant ensuite voyager dans le corps ou s’il nous faudra viser notre cible beaucoup plus précisément par une injection directement à proximité de la tumeur.»
Une autre interrogation concerne le devenir de ces machines biologiques. Après tout, elles sont faites de gènes et, comme toutes celles de leur nature, elles sont susceptibles de connaître des mutations ou d’en induire. Qui dit que certaines de ces mutations ne pourraient pas transformer le remède en mal sournois. «Je ne peux pas dire que ce risque est nul, admet le biologiste. Néanmoins, il faut savoir que ces machines moléculaires ont été conçues pour ne résider que quelques jours au cœur de la cellule. C’est, selon nous, un temps trop court pour permettre à des mutations de se produire.»
Une opinion que les premiers essais animaux, prévus dans un ou deux ans, devraient permettre de confirmer ou d’infirmer.
http://www.letemps.ch/Page/Uuid/bb6a932a-d4d8-11e0-829f-b6fc32775ee5|  

Mieux soigner le cancer du sein grâce à la génétique

Le cancer du sein est le cancer le plus fréquent de la femme et, même s’il est de mieux en mieux soigné, il reste la première cause de mortalité chez les femmes entre 45 et 55 ans
Le cancer du sein est le cancer le plus fréquent de la femme et, même s’il est de mieux en mieux soigné, il reste la première cause de mortalité chez les femmes entre 45 et 55 ans. La Suisse, se situant au 5e rang des pays à risque, est heureusement aussi un des pays où la survie à cinq ans est la meilleure. Malgré tout, l’efficacité des traitements est loin d’être optimale. La recherche s’oriente désormais vers un traitement ciblé, tenant compte des caractéristiques génétiques de chaque patiente, car ce sont elles qui modulent la réponse au traitement. Une prise en charge personnalisée, est-ce possible? Réponses du professeur Christine ­Bouchardy, médecin responsable du Registre genevois des tumeurs.
Le Temps: Les patientes atteintes ne sont pas égales devant un même traitement?
Christine Bouchardy: Non. Pourtant, nous agissons comme si c’était le cas. Les femmes sont traitées selon des protocoles prédéfinis, sans que l’on tienne compte de leur capacité génétique individuelle à métaboliser les traitements – soit les absorber, les transporter, les faire agir et finalement les éliminer. Or cela joue un rôle crucial dans la réponse au traitement et dans les effets adverses* que celui-ci peut provoquer.
– En quoi cette approche génétique permet-elle d’améliorer le traitement?
– Deux études récentes ont montré par exemple que, en raison de l’activité de certaines enzymes, les métabolisateurs lents ne tirent aucun bénéfice du traitement anti-hormonal systématiquement prescrit pour les patientes porteuses de tumeurs sensibles aux hormones. C’est le cas d’environ 30% des patientes et leur courbe de survie rejoint celle des femmes sous placebo. Or le tamoxifène peut provoquer des effets adverses importants comme les bouffées de chaleur, mais aussi la cataracte, les douleurs articulaires, voire la survenue de secondes tumeurs. Cela ne sert à rien d’imposer cela à des femmes pour lesquelles ce traitement pourrait n’avoir pas, ou très peu d’effets. D’autres sont sensibles à la radiothérapie, toujours pour des questions génétiques. Là aussi, les complications peuvent être graves, brûlures, fibrose, insuffisance cardiaque. D’autres personnes peinent à réparer l’ADN de leurs cellules endommagé par les traitements, autant de complications que l’on pourrait prédire par l’analyse génétique.
– Vous avez projeté une étude sur les facteurs prédictifs de l’efficacité, de la résistance et de la tolérance aux traitements. Le traitement ciblé, c’est pour demain?
– La perspective d’une individualisation des traitements anticancéreux est en cours de devenir une réalité, d’ici deux ou trois ans. On pourra bientôt dire aux femmes: «Dis-moi quels sont tes gènes et je te dirais quel traitement te donner!» Actuellement, certaines patientes bénéficient déjà de cette approche dans le cadre d’études spécifiques.
– Et les tumeurs elles-mêmes, va-t-on établir leur carte d’identité génétique?
– Il faut aller dans ce sens. Le cancer du sein est une maladie très hétérogène. Les tumeurs mammaires présentant de multiples anomalies génétiques. Pour l’instant, on se contente d’établir certaines caractéristiques de la tumeur (architecture du tissu, réceptivité aux hormones, etc.), cela détermine le traitement et le pronostic, mais c’est insuffisant. D’autres marqueurs moléculaires doivent être identifiés pour un meilleur ciblage des protocoles thérapeutiques. Etablir la carte d’identité de la tumeur, ce sera prédire sa réponse au traitement.
*Journée romande des effets adverses, 10 octobre 2011, auditoire Marcel-Jenny, HUG, inscriptions obligatoires au
022 379 49 709, rcs@savoir patient.ch. Le soir à 19h30, conférence ouverte au public, même lieu.
www.savoirpatient.ch
gyneco-obstetrique.hug-ge.ch

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