dimanche 7 novembre 2021

COVID 19

OPINION

Quoi de neuf sur le front des traitements contre le covid?
Ajouter l'article à vos favorisRetirer l'article de vos favoris

CORONAVIRUS

Parmi la dizaine de médicaments en préparation, trois semblent pour l’heure se démarquer. L'un d'eux, le molnupiravir de Merck, vient d'être approuvé par les Royaume-Uni

Le médicament molnupiravir de Merck. — © Merck via AP/KEYSTONE

Cet article est publié en accès libre vu l’importance de ces informations pour le débat public. Mais le journalisme a un coût, n’hésitez donc pas à nous soutenir en vous abonnant.

L’arrivée d’un vaccin contre le Covid-19 a sans conteste représenté un changement important de paradigme dans le cours de la pandémie, en permettant de réduire les hospitalisations et les décès liés au SARS-CoV-2. Malgré tout, en raison notamment de la distribution et de l’accès inégaux à la vaccination dans le monde, une proportion importante de personnes reste à risque de développer un Covid-19 et de subir des complications.

Anzeige
     

De ce fait, l’identification de traitements contre le Covid-19, a fortiori faciles à administrer et peu onéreux, représente toujours un besoin médical majeur. D’autant plus les traitements actuellement sur le marché, à savoir les anticorps monoclonaux – très efficaces mais aussi très chers — sont encore réservés à des patients à risques élevés et nécessitent d’être administrés par voie intraveineuse à l’hôpital.

Lire aussi: Un super-anticorps monoclonal pour répondre aux futurs variants du SARS-CoV-2?

Alors où est-on sur le front de la recherche? Quelles sont, sur les dizaines de médicaments en cours de développement, les molécules qui semblent actuellement les plus intéressantes? Le point sur trois substances qui font particulièrement parler d’elles.

 

1. Le molnupiravir: une pilule déjà très convoitée

Il n’a pas encore été validé par l’administration américaine des denrées alimentaires et des médicaments (FDA) ou par l’Agence européenne du médicament (auprès desquelles des demandes d’autorisation en urgence ont été déposées respectivement à la moitié et la fin du mois d’octobre). Et pourtant, le molnupiravir, le médicament antiviral développé par Merck et son partenaire Ridgeback Biotherapeutics, a déjà été approuvé par le Royaume-Uni ce jeudi 4 novembre (c’est le premier pays à le faire), alors que les Etats-Unis ont déjà conclu une précommande de 1,2 milliard de dollars pour acquérir 1,7 million de doses, soit 700 dollars le traitement.

La cause de cet engouement? Les résultats préliminaires (non encore revus par les pairs), des essais cliniques de phase 3, présentés par la société pharmaceutique le 1er octobre et menés sur 700 personnes réparties en deux groupes. Ceux-ci ont en effet montré que, chez les personnes ayant pris le médicament dans les cinq jours suivant l’apparition des symptômes (à raison de quatre comprimés deux fois par jour pendant cinq jours), le taux d’hospitalisation était environ deux fois moindre que celui des individus ayant reçu un placebo (7,3% contre 14,1%). Le taux de décès était aussi plus faible, puisque, dans un délai d’un mois après le début du traitement, aucun mort n’a été enregistré au sein du groupe prenant le médicament, contre huit dans le groupe placebo.

Lire aussi: Molnupiravir, la pilule qui pourrait valoir des milliards

«Hormis le remdesivir administré par voie intraveineuse, toutes les études ciblant des molécules qui pourraient avoir une activité antivirale par prise orale, comme l’hydroxychloroquine, le lopinavir/ritonavir, ou encore l’ivermectine (un antiparasitaire) n’ont pas permis de démontrer d’effets significatifs contre le Covid-19, pointe Thierry Calandra, chef du Service des maladies infectieuses du Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV). Bien qu’il faille encore attendre la publication des résultats complets de l’étude de la phase 3, le molnupiravir apparaît déjà comme une approche très intéressante. On a en effet besoin de molécules permettant de cibler rapidement le virus lui-même, afin de diminuer la charge virale et de prévenir les complications et les hospitalisations chez les personnes à risque, soit en raison de l’âge, de la présence de comorbidités ou de traitements qui affaiblissent le système immunitaire.»

Carnages dans l’ARN

Comment fonctionne, au juste, ce médicament conçu à l’origine pour traiter le virus de l’encéphalite équine vénézuélienne? «Comme d’autres antiviraux, le molnupiravir agit en déclenchant ce que l’on appelle des «erreurs catastrophes» au sein du génome viral, explique Dominique Garcin, professeur associé au Département de microbiologie et de médecine moléculaire de l’Université de Genève. Le niveau de mutation induit par cet analogue de ribonucléotide est tel que le virus n’y survit pas.»

Il faut en effet savoir que lorsque le SARS-CoV-2 pénètre dans une cellule, ce dernier doit dupliquer son génome pour former de nouveaux virus. Le molnupiravir fonctionne en s’incorporant aux brins d’ARN viraux en formation pour ensuite induire de nombreuses erreurs dans la «lecture» de ces génomes. Les virus ainsi générés sont défectueux et incapables de se reproduire. Ce que l’on appelle la mutagénèse létale.

Lire aussi: Trouver un antiviral contre le Covid-19 grâce à la recherche participative

«Les études sur le molnupiravir ont été conduites sur un collectif de patients non vaccinés, décrit Oriol Manuel, médecin adjoint au Service des maladies infectieuses du CHUV et responsable du volet suisse de l’essai clinique Solidarity, qui vise à comparer l’effet de divers traitements contre le Covid-19. La différence aurait-elle été identique sur des patients vaccinés qui sont bien protégés contre les complications, je n’en suis pas certain. Il y a néanmoins, parmi ces derniers, des individus qui répondent moins bien aux vaccins, qui sont immunodéprimés, transplantés, atteints de cancer, et qui ont des niveaux d’anticorps plus faibles. Pour ces personnes, ce médicament a certainement un rôle important à jouer.»

2. Le budésonide: un corticoïde inhalé pour diminuer la durée des symptômes

Dans son indication originale, il est utilisé pour traiter des maladies respiratoires telles que l’asthme persistant ou la bronchopneumopathie chronique obstructive. De par son effet anti-inflammatoire, le budésonide (un corticostéroïde inhalé connu en Suisse sous le nom de Pulmicort) semble également montrer des effets encourageants sur le Covid-19.

Au sein de l’essai clinique randomisé PRINCIPLE conduit entre avril 2020 et mars 2021 – dont les conclusions intermédiaires en prépublication ont paru en avril sur la plateforme medRxiv –, le budésonide inhalé a été évalué chez des patients non hospitalisés âgés de 65 ans et plus, et des patients de plus de 50 ans présentant des comorbidités. Ceux-ci ont été répartis aléatoirement dans deux groupes: l’un recevant 800 microgrammes de budésonide inhalé deux fois par jour durant 14 jours (751 patients), et l’autre recevant des soins usuels (1028 patients).

Résultats: le délai de rétablissement apparaît comme diminué de trois jours chez les patients ayant reçu le budésonide. Quant aux hospitalisations et aux décès, ces derniers semblent également réduits, mais les différences ne sont pas significatives.

Modulation de la réponse immunitaire

«Les études préliminaires ont été bien réalisées et montrent un certain niveau d’évidence quant à un effet positif, commente Oriol Manuel. Il a l’avantage d’être très simple à utiliser et de générer très peu d’effets secondaires. Après la première étude parue dans The Lancet, des praticiens ont déjà commencé à utiliser le budésonide pour les personnes à risque, et probablement qu’il serait possible de l’utiliser de manière plus large dès le diagnostic posé, pour les individus qui présentent des problèmes respiratoires, des cardiopathies ou encore à partir d’un certain âge.»

«Avec le budésonide, on cible la phase inflammatoire du Covid-19 qui peut être néfaste si elle est induite par excès des réactions immunitaires, pointe Thierry Calandra. La question est de savoir le meilleur moment pour l’administrer. En effet, les corticostéroïdes sont de puissants modulateurs de la réponse immunitaire. Or, tous les pathogènes ont des mécanismes de subversion des défenses de l’hôte et on a besoin d’avoir une réponse immunitaire pour lutter contre le virus au tout début de l’infection. Je resterai donc prudent quant à une administration très précoce de ce type de médicaments.»

3. La fluvoxamine: un antidépresseur qui pourrait permettre de diminuer les hospitalisations

Les résultats sont parus le 27 octobre dans The Lancet: l’usage de la fluvoxamine, un antidépresseur de la classe des inhibiteurs de la sérotonine, permettrait de réduire d’un tiers le recours au système hospitalier en cas de Covid-19, possiblement en raison d’un effet anti-inflammatoire.

Lire aussi: L’ivermectine, un pari sur le mauvais cheval

Telles sont les conclusions d’une étude conduite au Brésil, entre janvier et août 2021, dans le cadre de l’essai TOGETHER, sur quelque 1500 personnes (âge moyen 50 ans) présentant des facteurs de risque pouvant progresser vers une forme plus sévère de la maladie.

A noter que dans le cadre de leur recherche, les auteurs ont principalement évalué deux éléments: le nombre d’hospitalisations ainsi que le passage aux urgences de plus de six heures.

Mécanismes d’action encore inconnus

«L’étude a été bien conduite et ces résultats sont évidemment intéressants, bien que le critère de jugement utilisé soit complexe, analyse Alexandra Calmy, infectiologue et médecin-cheffe de l’Unité VIH/sida des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG). La fluvoxamine est toutefois un antidépresseur ancien relativement peu utilisé en Suisse, notamment en raison de ses effets secondaires et de sa moins bonne efficacité par rapport à d’autres antidépresseurs. Par ailleurs, il n’est pas encore clair s’il s’agit d’un effet de classe, ou si cet effet est uniquement dû à la molécule de fluvoxamine. Enfin, le mécanisme par lequel ce médicament agirait est encore inconnu.»

Autre limitation: si la réponse semble marquée sur la réponse dite primaire (le recours au système hospitalier), les critères secondaires comme le temps de clairance virale, la survenue de complications ou encore la mortalité n’ont pas un impact statistiquement significatif. «Il est nécessaire d’avoir davantage d’informations avant de faire le saut et de l’utiliser en clinique», tempère également Thierry Calandra.

4. Mais encore…

Plusieurs traitements antiviraux à action directe sont actuellement à l’étude. Pfizer, par exemple, teste sa molécule appelée PF-07321332, afin d’évaluer l’activité antivirale de ce dernier lorsqu’il est utilisé en prophylaxie chez les personnes ayant été exposées au coronavirus, mais aussi sur les patients symptomatiques non hospitalisés atteints de Covid-19.

Ce vendredi 5 novembre, la compagnie a d'ailleurs annoncé que sa pilule, qui sera vendue sous le nom de Paxlovid, réduisait de 89% le risque d'hospitalisation ou de décès chez les personnes à risque de développer une maladie grave, lorsqu'elle est administrée dans les trois jours suivant le début des symptômes et en association avec le ritonavir (un médicament antirétroviral, utilisé pour le traitement de l'infection par le VIH), selon un essai clinique conduit sur 3000 participants. Compte tenu de ces «résultats très convaincants», Pfizer prévoit de soumettre les données rapidement à la FDA, afin d'obtenir une autorisation de mise sur le marché aux Etats-Unis. 

De son côté, Roche, avec son partenaire Atea Pharmaceuticals, conduit toujours des essais cliniques sur l’AT-527. «De nombreux essais sont en cours, car les médicaments antiviraux administrés oralement sont très attractifs pour proposer des traitements précoces aux personnes testées positives pour le COVID-19, notamment pour prévenir des complications», observe Alexandra Calmy.

«La fluvoxamine, le budésonide, ou encore le molnupiravir sont des traitements moins chers que les anticorps monoclonaux et que l’on pourrait utiliser à plus large échelle, conclut Oriol Manuel, mais il faut garder en tête que ce ne sont pas des médicaments miracles pour traiter le Covid-19. Pour éviter les complications, le meilleur moyen est encore de renforcer la vaccination.»

Quoi de neuf sur le front des traitements contre le covid?

Ajouter l'article à vos favorisRetirer l'article de vos favoris

CORONAVIRUS

Parmi la dizaine de médicaments en préparation, trois semblent pour l’heure se démarquer. L'un d'eux, le molnupiravir de Merck, vient d'être approuvé par les Royaume-Uni

Le médicament molnupiravir de Merck. — © Merck via AP/KEYSTONE

Cet article est publié en accès libre vu l’importance de ces informations pour le débat public. Mais le journalisme a un coût, n’hésitez donc pas à nous soutenir en vous abonnant.

L’arrivée d’un vaccin contre le Covid-19 a sans conteste représenté un changement important de paradigme dans le cours de la pandémie, en permettant de réduire les hospitalisations et les décès liés au SARS-CoV-2. Malgré tout, en raison notamment de la distribution et de l’accès inégaux à la vaccination dans le monde, une proportion importante de personnes reste à risque de développer un Covid-19 et de subir des complications.

Anzeige
     

De ce fait, l’identification de traitements contre le Covid-19, a fortiori faciles à administrer et peu onéreux, représente toujours un besoin médical majeur. D’autant plus les traitements actuellement sur le marché, à savoir les anticorps monoclonaux – très efficaces mais aussi très chers — sont encore réservés à des patients à risques élevés et nécessitent d’être administrés par voie intraveineuse à l’hôpital.

Lire aussi: Un super-anticorps monoclonal pour répondre aux futurs variants du SARS-CoV-2?

Alors où est-on sur le front de la recherche? Quelles sont, sur les dizaines de médicaments en cours de développement, les molécules qui semblent actuellement les plus intéressantes? Le point sur trois substances qui font particulièrement parler d’elles.

 

1. Le molnupiravir: une pilule déjà très convoitée

Il n’a pas encore été validé par l’administration américaine des denrées alimentaires et des médicaments (FDA) ou par l’Agence européenne du médicament (auprès desquelles des demandes d’autorisation en urgence ont été déposées respectivement à la moitié et la fin du mois d’octobre). Et pourtant, le molnupiravir, le médicament antiviral développé par Merck et son partenaire Ridgeback Biotherapeutics, a déjà été approuvé par le Royaume-Uni ce jeudi 4 novembre (c’est le premier pays à le faire), alors que les Etats-Unis ont déjà conclu une précommande de 1,2 milliard de dollars pour acquérir 1,7 million de doses, soit 700 dollars le traitement.

La cause de cet engouement? Les résultats préliminaires (non encore revus par les pairs), des essais cliniques de phase 3, présentés par la société pharmaceutique le 1er octobre et menés sur 700 personnes réparties en deux groupes. Ceux-ci ont en effet montré que, chez les personnes ayant pris le médicament dans les cinq jours suivant l’apparition des symptômes (à raison de quatre comprimés deux fois par jour pendant cinq jours), le taux d’hospitalisation était environ deux fois moindre que celui des individus ayant reçu un placebo (7,3% contre 14,1%). Le taux de décès était aussi plus faible, puisque, dans un délai d’un mois après le début du traitement, aucun mort n’a été enregistré au sein du groupe prenant le médicament, contre huit dans le groupe placebo.

Lire aussi: Molnupiravir, la pilule qui pourrait valoir des milliards

«Hormis le remdesivir administré par voie intraveineuse, toutes les études ciblant des molécules qui pourraient avoir une activité antivirale par prise orale, comme l’hydroxychloroquine, le lopinavir/ritonavir, ou encore l’ivermectine (un antiparasitaire) n’ont pas permis de démontrer d’effets significatifs contre le Covid-19, pointe Thierry Calandra, chef du Service des maladies infectieuses du Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV). Bien qu’il faille encore attendre la publication des résultats complets de l’étude de la phase 3, le molnupiravir apparaît déjà comme une approche très intéressante. On a en effet besoin de molécules permettant de cibler rapidement le virus lui-même, afin de diminuer la charge virale et de prévenir les complications et les hospitalisations chez les personnes à risque, soit en raison de l’âge, de la présence de comorbidités ou de traitements qui affaiblissent le système immunitaire.»

Carnages dans l’ARN

Comment fonctionne, au juste, ce médicament conçu à l’origine pour traiter le virus de l’encéphalite équine vénézuélienne? «Comme d’autres antiviraux, le molnupiravir agit en déclenchant ce que l’on appelle des «erreurs catastrophes» au sein du génome viral, explique Dominique Garcin, professeur associé au Département de microbiologie et de médecine moléculaire de l’Université de Genève. Le niveau de mutation induit par cet analogue de ribonucléotide est tel que le virus n’y survit pas.»

Il faut en effet savoir que lorsque le SARS-CoV-2 pénètre dans une cellule, ce dernier doit dupliquer son génome pour former de nouveaux virus. Le molnupiravir fonctionne en s’incorporant aux brins d’ARN viraux en formation pour ensuite induire de nombreuses erreurs dans la «lecture» de ces génomes. Les virus ainsi générés sont défectueux et incapables de se reproduire. Ce que l’on appelle la mutagénèse létale.

Lire aussi: Trouver un antiviral contre le Covid-19 grâce à la recherche participative

«Les études sur le molnupiravir ont été conduites sur un collectif de patients non vaccinés, décrit Oriol Manuel, médecin adjoint au Service des maladies infectieuses du CHUV et responsable du volet suisse de l’essai clinique Solidarity, qui vise à comparer l’effet de divers traitements contre le Covid-19. La différence aurait-elle été identique sur des patients vaccinés qui sont bien protégés contre les complications, je n’en suis pas certain. Il y a néanmoins, parmi ces derniers, des individus qui répondent moins bien aux vaccins, qui sont immunodéprimés, transplantés, atteints de cancer, et qui ont des niveaux d’anticorps plus faibles. Pour ces personnes, ce médicament a certainement un rôle important à jouer.»

2. Le budésonide: un corticoïde inhalé pour diminuer la durée des symptômes

Dans son indication originale, il est utilisé pour traiter des maladies respiratoires telles que l’asthme persistant ou la bronchopneumopathie chronique obstructive. De par son effet anti-inflammatoire, le budésonide (un corticostéroïde inhalé connu en Suisse sous le nom de Pulmicort) semble également montrer des effets encourageants sur le Covid-19.

Au sein de l’essai clinique randomisé PRINCIPLE conduit entre avril 2020 et mars 2021 – dont les conclusions intermédiaires en prépublication ont paru en avril sur la plateforme medRxiv –, le budésonide inhalé a été évalué chez des patients non hospitalisés âgés de 65 ans et plus, et des patients de plus de 50 ans présentant des comorbidités. Ceux-ci ont été répartis aléatoirement dans deux groupes: l’un recevant 800 microgrammes de budésonide inhalé deux fois par jour durant 14 jours (751 patients), et l’autre recevant des soins usuels (1028 patients).

Résultats: le délai de rétablissement apparaît comme diminué de trois jours chez les patients ayant reçu le budésonide. Quant aux hospitalisations et aux décès, ces derniers semblent également réduits, mais les différences ne sont pas significatives.

Modulation de la réponse immunitaire

«Les études préliminaires ont été bien réalisées et montrent un certain niveau d’évidence quant à un effet positif, commente Oriol Manuel. Il a l’avantage d’être très simple à utiliser et de générer très peu d’effets secondaires. Après la première étude parue dans The Lancet, des praticiens ont déjà commencé à utiliser le budésonide pour les personnes à risque, et probablement qu’il serait possible de l’utiliser de manière plus large dès le diagnostic posé, pour les individus qui présentent des problèmes respiratoires, des cardiopathies ou encore à partir d’un certain âge.»

«Avec le budésonide, on cible la phase inflammatoire du Covid-19 qui peut être néfaste si elle est induite par excès des réactions immunitaires, pointe Thierry Calandra. La question est de savoir le meilleur moment pour l’administrer. En effet, les corticostéroïdes sont de puissants modulateurs de la réponse immunitaire. Or, tous les pathogènes ont des mécanismes de subversion des défenses de l’hôte et on a besoin d’avoir une réponse immunitaire pour lutter contre le virus au tout début de l’infection. Je resterai donc prudent quant à une administration très précoce de ce type de médicaments.»

3. La fluvoxamine: un antidépresseur qui pourrait permettre de diminuer les hospitalisations

Les résultats sont parus le 27 octobre dans The Lancet: l’usage de la fluvoxamine, un antidépresseur de la classe des inhibiteurs de la sérotonine, permettrait de réduire d’un tiers le recours au système hospitalier en cas de Covid-19, possiblement en raison d’un effet anti-inflammatoire.

Lire aussi: L’ivermectine, un pari sur le mauvais cheval

Telles sont les conclusions d’une étude conduite au Brésil, entre janvier et août 2021, dans le cadre de l’essai TOGETHER, sur quelque 1500 personnes (âge moyen 50 ans) présentant des facteurs de risque pouvant progresser vers une forme plus sévère de la maladie.

A noter que dans le cadre de leur recherche, les auteurs ont principalement évalué deux éléments: le nombre d’hospitalisations ainsi que le passage aux urgences de plus de six heures.

Mécanismes d’action encore inconnus

«L’étude a été bien conduite et ces résultats sont évidemment intéressants, bien que le critère de jugement utilisé soit complexe, analyse Alexandra Calmy, infectiologue et médecin-cheffe de l’Unité VIH/sida des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG). La fluvoxamine est toutefois un antidépresseur ancien relativement peu utilisé en Suisse, notamment en raison de ses effets secondaires et de sa moins bonne efficacité par rapport à d’autres antidépresseurs. Par ailleurs, il n’est pas encore clair s’il s’agit d’un effet de classe, ou si cet effet est uniquement dû à la molécule de fluvoxamine. Enfin, le mécanisme par lequel ce médicament agirait est encore inconnu.»

Autre limitation: si la réponse semble marquée sur la réponse dite primaire (le recours au système hospitalier), les critères secondaires comme le temps de clairance virale, la survenue de complications ou encore la mortalité n’ont pas un impact statistiquement significatif. «Il est nécessaire d’avoir davantage d’informations avant de faire le saut et de l’utiliser en clinique», tempère également Thierry Calandra.

4. Mais encore…

Plusieurs traitements antiviraux à action directe sont actuellement à l’étude. Pfizer, par exemple, teste sa molécule appelée PF-07321332, afin d’évaluer l’activité antivirale de ce dernier lorsqu’il est utilisé en prophylaxie chez les personnes ayant été exposées au coronavirus, mais aussi sur les patients symptomatiques non hospitalisés atteints de Covid-19.

Ce vendredi 5 novembre, la compagnie a d'ailleurs annoncé que sa pilule, qui sera vendue sous le nom de Paxlovid, réduisait de 89% le risque d'hospitalisation ou de décès chez les personnes à risque de développer une maladie grave, lorsqu'elle est administrée dans les trois jours suivant le début des symptômes et en association avec le ritonavir (un médicament antirétroviral, utilisé pour le traitement de l'infection par le VIH), selon un essai clinique conduit sur 3000 participants. Compte tenu de ces «résultats très convaincants», Pfizer prévoit de soumettre les données rapidement à la FDA, afin d'obtenir une autorisation de mise sur le marché aux Etats-Unis. 

De son côté, Roche, avec son partenaire Atea Pharmaceuticals, conduit toujours des essais cliniques sur l’AT-527. «De nombreux essais sont en cours, car les médicaments antiviraux administrés oralement sont très attractifs pour proposer des traitements précoces aux personnes testées positives pour le COVID-19, notamment pour prévenir des complications», observe Alexandra Calmy.

«La fluvoxamine, le budésonide, ou encore le molnupiravir sont des traitements moins chers que les anticorps monoclonaux et que l’on pourrait utiliser à plus large échelle, conclut Oriol Manuel, mais il faut garder en tête que ce ne sont pas des médicaments miracles pour traiter le Covid-19. Pour éviter les complications, le meilleur moyen est encore de renforcer la vaccination.»

OPINION. Pour l’instant, nous n’avons aucune certitude quant à l’origine exacte des spécificités génétiques du Covid-19, écrit l’anthropologue Jeremy Narby. Le savoir des peuples indigènes d’Amazonie serait toutefois utile pour apprendre à le maîtriser

Image au microscope du nouveau coronavirus SARS-CoV-2. National Institute of Health. — © keystone-sda.ch

Le mot virus signifie poison en latin, et c’est ainsi que l’on a conçu ces entités minuscules et invisibles: comme des substances toxiques, qui n’étaient pas vivantes, et encore moins intelligentes. Mais plus nous nous penchons sur le coronavirus du Covid-19, plus nous sommes amenés à repenser nos concepts. Les pics de la couronne de ce virus sont faits d’une protéine qui possède plusieurs clés pour les récepteurs de nos cellules. C’est ce qui lui permet d’y entrer discrètement, pour ensuite détourner la machinerie cellulaire au profit de sa propre reproduction.

Le virus contient l’information génétique pour la construction de 29 sortes de protéines, qui ont toutes des tâches précises: neutraliser le système d’alarme, faire des copies du texte génétique viral et assembler de nouveaux virus à partir des pièces détachées construites par la cellule hôte. Ainsi, un seul virus peut faire des centaines de copies de lui-même à chaque cellule qu’il pénètre. Dans les infections graves, le Covid-19 finit par utiliser une deuxième clé dont il dispose, qui bloque le frein du système immunitaire lorsque celui-ci surchauffe. Bien souvent, ce n’est pas le virus qui tue les malades, mais la sur-réaction non freinée de leur système immunitaire.

Comme un serpent invisible

Cette deuxième clé est une séquence de protéine propre au Covid-19, mais qui ressemble beaucoup à des séquences de deux protéines neurotoxiques, l’une du virus de la rage et l’autre d’un venin de serpent. Pour attraper la rage, ou subir le venin d’un serpent, vous devez vous faire mordre par un animal. Mais avec une maladie respiratoire comme le Covid-19, il suffit de parler avec un ami, et quelque chose d’aussi pernicieux que la rage ou la morsure d’un serpent peut vous tomber dessus. Et puisque 35% des gens infectés ne montrent aucun symptôme, ce virus avance comme un serpent invisible qui se glisse en nous par nos voies respiratoires. Il n’agit comme aucun autre pathogène connu.

Il n’y a aucun besoin de l’intervention du génie malveillant de l’homme pour créer un virus aussi nocif

Comment se fait-il qu’il soit apparu tout à coup, si bien équipé, avec des protéines aux séquences toxiques qui semblent venir soit d’un virus distant, soit d’un serpent? Est-il le fruit de manipulations en laboratoire? Eh bien, pas vraiment. Les virus d’espèces différentes recombinent régulièrement leur ADN ou leur ARN lorsqu’ils se retrouvent dans les cellules d’un seul et même hôte. Ils disposent d’enzymes qui leur permettent de réaliser ces échanges. C’est ce qui semble être arrivé dans le cas du coronavirus du SRAS, au début des années 2000, qui serait passé de la chauve-souris à la civette, où il se serait adapté quelque peu en recombinant son information génétique, avant d’infecter les humains. Et lorsqu’un virus enrichi par un tel échange réussit à sauter la barrière des espèces, les résultats sont souvent dévastateurs. Le SRAS a tué 9% des gens qu’il a infectés, ce qui est d’une grande virulence; mais il ne se transmettait que lorsque les symptômes étaient devenus visibles, alors il s’est avéré être facile à contenir. 

Aucune certitude sur l’origine

Le Covid-19 provient très probablement d’un coronavirus de chauve-souris, avec lequel il partage 96% de son information génétique. Il aurait ensuite fait des échanges génétiques avec un virus plus distant, possiblement celui de la rage, en passant peut-être par un serpent, parce que ses séquences protéiques toxiques semblent avoir pris des plis dans la machinerie cellulaire d’un animal de cette espèce, pour finir dans un hôte intermédiaire inconnu, possiblement un pangolin, où il aurait d’ailleurs acquis une version plus efficace de sa première clé. Et le virus recombiné résultant de ce processus était équipé pour passer à l’humain. C’est un scénario possible. Mais pour l’instant, nous n’avons aucune certitude quant à l’origine exacte des spécificités génétiques du Covid-19. Toutefois, une chose est certaine: il n’y a aucun besoin de l’intervention du génie malveillant de l’homme pour créer un virus aussi nocif. Les virus sont tout à fait capables de se débrouiller tout seuls. 

Lire aussi: Guerre des scénarios sur l’origine du coronavirus

Les peuples indigènes d’Amazonie affirment que l’édifice du vivant inclut des entités invisibles, intelligentes et pathogènes, qui peuvent se reproduire dans le corps humain; et qu’afin de se prémunir de ces entités dangereuses, prêtes à nous tuer pour leur propre bénéfice, il convient de reconnaître leur intelligence et de mobiliser la nôtre pour les contrer. Pour mieux comprendre le Covid-19, et mieux lui résister, une combinaison de science et de savoir indigène pourrait s’avérer utile.


*Jeremy Narby, Anthropologue, responsable de projets amazoniens pour «Nouvelle Planète»