lundi 16 septembre 2019

A PROPOS ANESTHÉSIE ET RÉANIMATION

RETOUR VERS LA SUTURE

Anesthésie: contre la douleur, se laisser endormir

L’anesthésie s’est longtemps limitée à l’analgésie – ou soulagement de la douleur – via des techniques variées, comme l’absorption de boissons alcoolisées ou l’utilisation d’«éponges somnifères». L’anesthésie générale n’a vraiment été maîtrisée qu’au XXe siècle
Chaque mardi de l’été, Le Temps se penche sur des épisodes particulièrement sanglants de l’histoire de la médecine: les premières greffes ou césariennes, ou des pratiques aujourd’hui abandonnées comme les saignées.
Episodes précédents:
Atténuer la douleur liée aux actes médicaux: une quête qui dure depuis la nuit des temps. Quand, au XVIIe siècle, un dentiste annonce une opération tout à fait indolore, le malade sait qu’il ment comme un arracheur de dents… mais dispose encore de moyens limités pour se prémunir des atroces souffrances qui l’attendent.
Dès l’Antiquité, différentes options sont disponibles et utilisées en fonction de l’époque et de la culture: comprimer les carotides pour pratiquer la circoncision, dès les années 2000 avant J.-C.; boire un mélange de vin et de cannabis, recette archivée dans les grimoires de la médecine chinoise antique. L’usage de tout type d’alcool, avant et pendant les opérations, est par ailleurs consigné dans de nombreux écrits de communautés religieuses occidentales. Anesthésier par le froid la zone à opérer est également une méthode qui a traversé les siècles.

Des plantes bienfaitrices

Et puis il y a les bienfaits des plantes: le pavot somnifère, qui exsude naturellement le fameux opium, dont les vertus hypnotiques sont déjà répertoriées dans le papyrus d’Ebers, traité médical de l’Egypte ancienne – en particulier pour calmer les «bébés crieurs». La mandragore et ses propriétés hallucinogènes, vantées par le pharaon Akhenaton dès 1355 avant notre ère. Ces plantes, parfois agrémentées de laitue et de ciguë, imbibent les «éponges somnifères» dont ont fait usage nombre de médecins, non sans risque. L’inhalation est ainsi identifiée depuis des siècles comme une technique d’anesthésie.

Du tâtonnement à la maîtrise

Mais ce n’est qu’au XVIIIe siècle que les propriétés de gaz tels que l’éther ou le protoxyde d’azote sont mieux comprises. Ce dernier, plus connu sous l’appellation «gaz hilarant», induit une perte de sensation de douleur décrite par le chimiste William Allen en 1800 à Londres. Il faut pourtant attendre 1844 pour que le dentiste américain Horace Wells, s’utilisant comme propre cobaye, teste ce gaz en tant qu’anesthésiant.
Deux ans plus tard, le 16 octobre 1846, la première démonstration d’une opération sous anesthésie a lieu à Boston, au Massachusetts General Hospital, sous l’effet de l’inhalation d’éther, cette fois. C’est d’ailleurs cette année-là qu’apparaît le mot «anesthésie» dans le vocabulaire médical. L’année suivante, le chloroforme fait son entrée au bloc opératoire. L’obstétricien écossais James Young Simpson l’utilise pendant l’accouchement, suscitant de vives réactions dans les communautés médicales et religieuses. Mais la technique sera couronnée de succès en étant sollicitée par la reine Victoria pour la mise au monde de son septième enfant, le prince Léopold.
Selon Jean-Bernard Cazalaà, médecin anesthésiste à la retraite et président du Club de l’histoire de l’anesthésie et de la réanimation, il n’est pas étonnant que ces premiers essais concluants aient eu lieu outre-Atlantique: «Les Etats-Unis étaient une nation jeune, avec un autre état d’esprit que celui qui régnait en Europe, où pour guérir, il fallait avoir mal.» Le chirurgien français Alfred Velpeau ne disait-il pas, en 1839 encore: «La douleur et le bistouri du chirurgien sont des compagnons inséparables.»

Les hommes comme cobayes

Le docteur Cazalàa, passionné de l’histoire de l’anesthésie, s’amuse aussi de remarquer que «pour une fois, la pratique vétérinaire a bénéficié des cobayes qu’étaient les hommes». Car les techniques ont été longtemps développées sans essais préalables. On en tient pour exemple les chirurgiens de la fin du XIXe siècle, qui préparaient eux-mêmes les doses de cocaïne utilisées comme analgésique local (en particulier pour des opérations sur les yeux)… et qui se sont retrouvés cocaïnomanes avant même d’avoir pu identifier ce risque!
La pratique de l’anesthésie générale est finalement maîtrisée au cours du XXe siècle. «Une bonne anesthésie enlève la douleur et la conscience», rappelle le médecin retraité. Une anesthésie générale est ainsi composée de trois éléments: un hypnotique, qui rend le patient inconscient, un analgésique, qui supprime toute sensation de douleur, et un relaxant musculaire, en général du curare, qui facilite le travail du chirurgien. Le tout dosé sur mesure en fonction de chaque patient et suivi en temps réel par un médecin anesthésiste. Fini les pratiques empiriques, l’anesthésie est devenue science de précision!

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vendredi 6 septembre 2019

SYSTÈMES DE SANTE; QUE DIRE?



Mohamed Ali Bouhadiba: Arrêtez de diaboliser les médecins privés

Mohamed Ali Bouhadiba: Grandeur de la médecine
Lorsque en 1970 Aziz El Matri fut le premier médecin tunisien à obtenir son diplôme en Tunisie, c’était une grande fierté pour le pays. Nous étions capables de former des médecins.
Les médecins tunisiens prenaient partout la relève des français, chacun devait organiser son secteur, Béchir Hamza, la pédiatrie, Essafi, la chirurgie, Zribi l’infectiologie, Brahim Gharbi la pneumo etc etc..
On créa le planning familial qui diminua la mortalité maternelle et permit au pays de se développer économiquement, on fonda la médecine scolaire, les campagnes de vaccinations dans un pays rongé par la polio, l’institut de nutrition pour amener une meilleure alimentation chez des enfants rachitiques etc etc.
La médecine se décentralisa avec la construction de dizaines d’hôpitaux régionaux et des centaines de dispensaires, les gens n’avaient plus à venir du Sud pour se soigner dans la capitale.
Pour tout cela il fallait des géants, des pionniers de la médecine.
Aujourd'hui, il a été décidé, sur les conseils du FMI, un désengagement de l’Etat de la santé. L’état ne peut plus payer. On voit donc un manque de personnel hospitalier, un manque de moyens, des pénuries de médicaments etc..
L’idée est de réorienter les patients vers la médecine privée mais cela pose problème car les citoyens n’ont pas les moyens.
Il faut donc «soumettre» le secteur privé et pour cela le mettre d’abord sur la défensive.
Le moyen qu'on a trouvé est de le dénigrer et le dévaloriser.
Des gens qui travaillaient tranquillement se sont brusquement trouvés accusés d’être des profiteurs, des opportunistes, des suceurs de sang du pauvre peuple.
Tous les moyens furent utilisés, au début insidieux puis franchement hostiles, culminant avec des mises à mort savamment orchestrées et publiques sur les plateaux de télé.
Des journalistes mercenaires et sans scrupules utilisaient tous les trucs des interviews pour déstabiliser le médecin.
On pose une question et on interrompt la réponse. On passe brusquement du coq à l’âne. On cherche un mot qu'on tourne pour ridiculiser la personne ou on vocifère avec hauteur pour intimider le vis-à-vis.
Cette politique ne mènera à rien de bon car les médecins privés malmenés se retireront progressivement soit en prenant leur retraite soit en allant à l’étranger ou ils sont appréciés à leur juste valeur.
La suite est ce qu'on n’aurait jamais voulu voir chez nous. La médecine privée sera accaparée par les grands groupes de santé.
Des mastodontes financiers, des multinationales qui construiront de gigantesques structures avec héliport et tout le luxe qui va avec.
Les prix des soins seront alignés sur les prix internationaux, le tourisme médical connaîtra un grand essor et le pauvre tunisien se souviendra avec nostalgie du temps où il allait voir son médecin de famille....
Mohamed Ali Bouhadiba

Santé

Appareils médicaux: pourquoi les prix pratiqués en Suisse sont exorbitants

Le coût de nombreux équipements est deux à quatre fois plus élevé que dans le reste de l’Europe. Libre fixation des prix par les fabricants, marges de distribution importantes, mauvaises incitations financières… Les raisons à ces tarifs excessifs sont nombreuses. Les hôpitaux de Suisse romande ont décidé de réagir
La Suisse serait-elle la vache à lait de l’industrie médicale? A l’heure où les coûts de la santé ne cessent d’augmenter, la branche des dispositifs médicaux – tous les produits ne rentrant pas dans la catégorie des médicaments – se porte particulièrement bien dans notre pays, avec plus de 14 milliards à son actif. Il faut dire que la Suisse se situe à la tête de plusieurs classements lorsqu’il est question de prothèses, implants ou encore de stents, ces supports destinés à maintenir, notamment, les artères ouvertes.
Par leur nombre d’abord. Selon les observations de Santésuisse, faîtière des assureurs, la croissance dans ce domaine a été particulièrement importante au cours des dernières années. Avec 20 000 articulations de la hanche et 16 000 prothèses du genou implantées tous les ans, nous avons recours deux fois plus à ce type de dispositifs que nos voisins français. Le nombre de poses de stents cardiaques a aussi doublé entre 2002 et 2013, passant de 11 000 à 22 000. Même constat du côté des appareils respiratoires nCPAP – utilisés pour traiter l’apnée du sommeil – dont le nombre d’utilisateurs a fait un bond de 77% lors des cinq dernières années.
La Suisse est presque systématiquement plus chère pour des produits ayant exactement la même référence
Ricardo Avvenenti, centrale d’achat des hôpitaux Vaud-Genève
Par leur prix ensuite. Dans leur grande majorité, les dispositifs médicaux sont en effet vendus bien plus cher en Suisse. Le différentiel peut ainsi atteindre deux à quatre fois les prix pratiqués dans le reste de l’Europe. A titre d’exemple, un stent cardiaque coûte environ 240 francs en Angleterre, alors qu’il sera vendu entre 700 et 800 francs en Suisse. Les bandelettes de test de la glycémie, utilisées par les diabétiques, reviennent à 40 francs en Suisse contre 22 francs en Allemagne. Quant aux appareils nCPAP, le prix recommandé par les fabricants est de 2139 francs en Suisse, et de 1366 francs en France.



Mesures timorées

Pour Ricardo Avvenenti, directeur de la Centrale d’achats et d’ingénierie biomédicale des hôpitaux universitaires Vaud-Genève (CAIB) – qui regroupe également l’Hôpital du Valais, l’Hôpital neuchâtelois, l’Hôpital du Jura et l’Hôpital fribourgeois –, cette situation est tout simplement inacceptable: «Qu’il s’agisse de fils de suture ou de stimulateurs cardiaques, la Suisse est presque systématiquement plus chère pour des produits ayant exactement la même référence. Les prix de commercialisation y sont certes plus onéreux, mais de là à avoir des facteurs deux ou quatre, c’est totalement exagéré.»


Selon Santésuisse et la Surveillance des prix, le potentiel d’économie pourrait s’élever à 100 millions de francs annuels. Et ce, uniquement sur les appareils et dispositifs pouvant être utilisés par les patients eux-mêmes, ce qui exclut donc le marché des prothèses et des implants, pour lesquels les données sont lacunaires.
«Nous revendiquons depuis longtemps des adaptations de prix afin d’éviter aux payeurs de primes de devoir débourser des montants excessifs par rapport à l’étranger, explique Christophe Kaempf, porte-parole de Santésuisse. Début 2017, nous avons demandé de telles réévaluations concernant des dispositifs médicaux pour lesquels le potentiel d’économie s’élevait à 34 millions de francs. L’Office fédéral de la santé publique est intervenu, mais de manière trop timorée. Son adaptation ne permettra d’économiser que 300 000 francs par an.»

Manque de ressources

Le Département fédéral de l’intérieur et l’Office fédéral de la santé publique (OFSP), chargés de la gestion et de la publication de la liste des moyens et appareils (LiMA) qui détermine les montants maximaux de remboursement, ont longtemps négligé ce dossier, selon plusieurs observateurs.
Depuis 1996, date d’introduction de la LiMA, aucun contrôle systématique n’a en effet été exercé, malgré plusieurs initiatives parlementaires. «Jusqu’en 2014, il faut relever un certain manque de dynamisme autour de ces questions, confirme Claude Hêche, membre de la Commission de gestion du Conseil des Etats (PS/JU), dont le rapport sur la révision de la LiMA est sorti mi-novembre. Le Département fédéral de l’intérieur nous a expliqué qu’il manquait de ressources pour examiner ces questions.» Pris en main en 2015 par l’OFSP, l’ensemble de la liste devrait être réexaminé d’ici à fin 2019.

Peu de transparence

Reste la question principale: comment expliquer ces différences massives entre la Suisse et l’étranger? Du côté de Swiss Medtech, faîtière des entreprises actives dans les technologies médicales, on plaide la spécificité du marché suisse, plus petit et décentralisé que ses voisins. Mais l’argument ne convainc pas. «Selon nous, le surcoût acceptable lié aux frais de distribution ou aux coûts salariaux en Suisse est situé entre 20 et 30% par rapport à l’étranger, pas davantage», estime Oliver Peters, directeur général adjoint du CHUV et ancien vice-directeur de l’OFSP. Une estimation corroborée par la Commission de gestion du Conseil des Etats.
Les coûts de production ont baissé de manière drastique, ce qui ne semble pas s’être répercuté sur le marché suisse
Stéphane Johner, directeur financier, CHUV
Les prix élevés ne peuvent, en outre, être justifiés par des coûts de production plus chers en Suisse. Une part non négligeable de dispositifs, comme les appareils respiratoires, sont en effet entièrement fabriqués par des firmes étrangères. «Certains industriels avancent aussi que des prix plus bas auraient des conséquences sur la qualité et l’innovation, mais il y a de nombreux domaines où il n’y a pas eu d’évolutions majeures depuis de nombreuses années, souligne Stéphane Johner, directeur administratif et financier adjoint du CHUV. Avec l’augmentation du volume des ventes, les coûts de production ont par ailleurs baissé de manière drastique, ce qui ne semble pas s’être répercuté sur le marché suisse.»
L’autre argument massue présenté par l’industrie pour justifier les écarts de prix repose sur les services aux hôpitaux et les conseils aux patients. Problème: contrairement au reste de l’Europe, les fabricants ne donnent jamais les prix nets des produits lorsqu’il est question du marché suisse, mais incluent automatiquement les prestations supplémentaires.
«Quand on demande aux industriels de coter séparément le prix des produits et des services, on bute toujours sur un refus, s’indigne Ricardo Avvenenti. A l’étranger, si l’on souhaite bénéficier de telles prestations, on les paie à part, ici ce n’est pas possible.»
Est-ce à croire que nos médecins seraient incapables de s’en sortir seuls, aux yeux des fabricants? «Lors de l’introduction d’une nouvelle technique, la présence des représentants au bloc peut représenter un avantage, mais plus lorsque les gestes deviennent routiniers.»
Lire aussi: Dispositifs médicaux: la sécurité devra être renforcée en Suisse

Mauvais incitatifs

Face à des prix parfois exorbitants, les distributeurs ont également leur part de responsabilité. Certains n’hésitent en effet pas à percevoir des marges commerciales importantes sur certains produits, à l’image des bas de contention, sur lesquels une marge de distribution de 73% est prélevée. «C’est un point qui demande sans doute un renforcement des dispositions légales existantes, car l’on constate une grande latitude concernant les prix pratiqués par les centres de remise», appuie Claude Hêche.
Par ailleurs, le système de remboursement actuel génère aussi de mauvaises incitations. Ainsi, les assurances maladie sont obligées de payer les coûts des dispositifs médicaux à concurrence des montants maximaux de remboursement définis par la LiMA dans les années 1990. Or ceux-ci, bien souvent trop élevés, sont aussi très régulièrement considérés par les fournisseurs comme des recommandations de prix. «Ils s’appuient tous là-dessus, cela n’encourage pas la concurrence», nous confie une source proche du dossier.
Pour certains dispositifs, comme les pompes à insuline, la LiMA ne prévoit en outre qu’un remboursement en mode location, avec une obligation de changer le dispositif tous les quatre ans. Cette exception au niveau européen a son coût, puisque les diabétiques suisses paient leur pompe à insuline en moyenne deux fois plus cher que dans les autres pays. Quant aux particuliers soucieux de réaliser des économies en allant acheter leurs appareils à l’étranger, qu’ils se ravisent, puisque selon le principe de la territorialité, seuls les dispositifs fournis en Suisse sont remboursés par l’assurance obligatoire des soins.

Opération coup-de-poing

Pour lutter contre cet îlot de cherté, certains acteurs du domaine ont décidé de prendre les choses en main. «Nous observons clairement un cloisonnement du marché au niveau national, et c’est contre cela que l’on s’élève. Nous sommes prêts à utiliser toutes les mesures nécessaires pour changer les règles du jeu», indique Oliver Peters.
Concrètement? Du côté des hôpitaux, libres de s’approvisionner à l’étranger, l’heure est à une action plus frontale. «Nous avons déjà fait tout ce qui était possible en termes de massification des achats en Suisse romande, décrit Ricardo Avvenenti, directeur de la CAIB. Malgré cela, lorsque nous faisons des appels d’offres pour faire marcher la concurrence, les différences entre les fabricants sont extrêmement minces, ce qui nous fait penser qu’il y a peut-être un accord sur les prix pratiqués. C’est la raison pour laquelle nous avons décidé de procéder à des importations parallèles, afin d’avoir, enfin, une conversation d’égal à égal avec l’industrie.»
Si la démarche est soutenue par la Surveillance des prix et la Commission de la concurrence (Comco), les responsables des centrales d’achats des hôpitaux romands n’en ont pas moins rencontré des difficultés. «Dès que l’on aborde le marché avec la casquette suisse, les fabricants étrangers possédant également des distributeurs en Suisse refusent d’entrer en matière, ajoute Ricardo Avvenenti. L’un d’eux a même explicitement interdit à un distributeur indépendant de nous vendre ses produits.» Ce qui pourtant, selon la loi sur les cartels, est non seulement répréhensible, mais aussi passible d’une lourde sanction.
L’objectif des acheteurs suisses est clair. «Notre but n’est pas d’arrêter de travailler avec les distributeurs suisses, avance Stéphane Johner, directeur administratif et financier adjoint du CHUV. Nous sommes un hôpital public suisse, il est normal que nous soutenions le marché suisse, mais nous voulons aussi réussir à ramener les industriels à une situation raisonnable pour tout le monde, pour que cela ne soit pas, au final, à la population d’en payer les frais.»

Beat Vonlanthen: «L’industrie doit bénéficier de conditions-cadres optimales»

Le conseiller aux Etat (PDC/FR) est membre de la Commission de gestion en charge du récent rapport sur la révision de la liste des moyens et appareils (LiMA) pris en charge par l’assurance de base. Il est aussi président de Swiss Medtech, association faîtière des entreprises actives dans les technologies médicales.
Le Temps: N’est-ce pas un peu délicat de se pencher sur le potentiel d’économies concernant les dispositifs médicaux alors que vous représentez en parallèle les intérêts de cette branche?
Beat Vonlanthen: Pas du tout. Etant moi-même diabétique, je peux aisément voir quels sont les besoins et les soucis des patients. D’autre part, ma position à Swiss Medtech me permet de comprendre les réflexions de cette branche qui représente un facteur important de notre économie. Nous exportons une grande partie de ce que nous produisons, il est dès lors important que l’industrie puisse bénéficier de conditions-cadres optimales, qui lui permettent d’assurer l’innovation mais aussi la qualité et la diversité de l’offre.
Pourquoi, selon vous, payons-nous les dispositifs médicaux plus cher que dans le reste de l’Europe?
Les données quant aux poids respectifs des différents canaux de distribution, qu’il s’agisse des fabricants, des grossistes, des pharmaciens ou des médecins, sont encore loin d’être claires. Il faut aussi prendre en compte le fait que les prix pratiqués en Suisse comprennent des prestations supplémentaires comme la formation du personnel médical, et les salaires sont plus élevés qu’à l’étranger. Cela n’explique toutefois pas des différentiels pouvant aller jusqu’à 80%, c’est pourquoi il est important de réaliser un monitorage permettant de voir les aspects sur lesquels il est possible de réaliser des économies. Il faut toutefois souligner que la révision de la liste des moyens et appareils (LiMA) a montré qu’il existait des groupes de produits où le niveau de prix était comparable à celui de l’étranger.
Trouvez-vous normal qu’il ne soit pas possible d’acheter du matériel, comme des pompes à insuline, au lieu de devoir impérativement les louer?
Oui. La location permet d’assurer un meilleur accompagnement sur le long terme. Les équipements peuvent être échangés plus facilement si le progrès technologique offre au patient une valeur ajoutée. En cas de vente, c’est au patient lui-même d’assurer le suivi de ces appareils.
Lire aussi: Face à la réglementation, les fabricants font craindre une pénurie de prothèses
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Fausses visions sur le système privé de santé américain




Seule une faible minorité d’Américains sont des non assurés involontaires et de longue durée
Contrairement aux idées reçues, seule une faible minorité d’Américains sont des non assurés involontaires et de longue durée, et même ceux-ci ont généralement accès à des soins gratuits. Dans les faits, les problèmes du système découlent en grande partie non pas de son caractère privé, mais plutôt de la lourde réglementation à laquelle il est soumis et de la façon dont le système d’assurance fonctionne.
Dans le débat qui s’est tenu autour de la réforme du système de santé américain, on a constamment évoqué le fait que 30 à 40 millions d’Américains ne seraient pas couverts par une assurance maladie et que les dépenses publiques de santé seraient inadéquates suite à l’immixtion de la logique capitaliste dans le domaine des soins de santé. Certes, le système privé de santé aux États-Unis souffre de plusieurs problèmes et est loin d’être parfait, mais les causes de ces problèmes ne sont pas celles qu’on pense.
La première critique que l’on adresse généralement au système de santé américain concerne son manque d’universalité et l’existence d’un grand nombre de « non-assurés ». Cependant, ce problème doit être mis en perspective et relativisé. Tout d’abord, les quelques 30 à 40 millions de non-assurés représentent une minorité par rapport à la population totale de 300 millions d’habitants, de 10 à 13%. C’est-à-dire que près de 90% des Américains détiennent donc une assurance maladie privée, la plupart du temps celle de leur employeur. Quant à la majorité de ceux qui n’ont pas d’assurances privées, ils dépendent des régimes publics d’assurance maladie que sont Medicare (pour les gens âgés de 65 ans et plus) et Medicaid (pour les gens à faible revenu). Ces deux régimes publics couvrent également les handicapés.
D’un autre côté, il faut tenir compte que le fait de n’être pas assuré relève souvent d’une situation temporaire souvent causée par des transitions comme des changements d’emploi ou de situation familiale. Plus du quart des non-assurés le sont pour des périodes qui durent moins d’un an. Ensuite, une bonne partie des non-assurés ont bien les moyens financiers de se payer une assurance, mais choisissent volontairement de ne pas le faire (près d’un non-assuré sur cinq est membre d’une famille gagnant 75.000 dollars ou plus par an). Par ailleurs, près de 15 millions de non-assurés étaient éligibles au Medicaid ou à des programmes couvrant les enfants, mais ne s’en étaient pas prévalus ou ne le savaient pas. Enfin, les non-assurés disposent toujours du filet de sécurité des hôpitaux publics où ils peuvent trouver des soins. À cela, il faut rappeler que la charité privée existe bel et bien, autant de la part des hôpitaux et des médecins que des individus qui supportent les organismes de charité. On estime ainsi que les deux tiers des services de santé consommés par les non-assurés ne leur coûtent rien.
La seconde grande critique émise à l’encontre du système de santé américain présente celui-ci comme totalement privé ou presque. Il est vrai que la plupart des établissements de santé sont privés – avec ou sans but lucratif – et que les régimes d’assurance maladie privés sont généralement à but lucratif. Mais parallèlement existe bel et bien aux États-Unis des régimes publics d’assurance maladie, Medicare et Medicaid et d’importants fonds publics sont également dépensés dans différents domaines comme les hôpitaux publics ou les soins aux vétérans. Les dépenses publiques de santé sont en fait, toutes proportions gardées, plus élevées aux États-Unis que dans la plupart des grands pays occidentaux. En comptabilisant les dépenses privées, les dépenses totales sont beaucoup plus élevées que partout ailleurs. Ces sommes gigantesques expliquent pourquoi les Américains ont accès aux plus récentes technologies médicales et aux traitements les plus efficaces, et ce avec des délais minimes, malgré toutes les lacunes de leur système de santé.
Contrairement à la fausse vision d’un marché de la santé américain complètement libre, celui-ci est en fait très réglementé à plusieurs niveaux, ce qui entraîne de très grandes distorsions dans l’utilisation et la fourniture de soins et explique en grande partie les difficultés qu’éprouvent des millions d’Américains à se payer des assurances privées. Les règlements édictés par les États et le gouvernement fédéral enserrent complètement le domaine de l’assurance et limitent l’offre de polices d’assurance privée moins chères et plus accessibles. Ainsi, les assurances comprennent peu de frais fixes par service reçu ou de pourcentage du coût des services à la charge de l’assuré. Les assurés ne sont donc pas incités à rechercher les meilleurs prix et provoquent ainsi une escalade des coûts de santé. Au final, l’augmentation des coûts entraîne l’augmentation des primes d’assurance et les rend inaccessibles à un plus grand nombre de personnes. D’un autre côté, le traitement fiscal rend plus favorable les polices offertes par l’employeur que celles achetées par l’assuré lui-même. Ce traitement fiscal mène à une surconsommation d’assurance de la part de ceux qui en bénéficient et contribue à gonfler les coûts dans le secteur de la santé et fait également en sorte que le marché des assurances collectives soit très développé au détriment des assurances individuelles, d’où les primes beaucoup plus élevées pour ces dernières.
En résumé et contrairement aux idées reçues qui circulent sur le système privé de santé américain, seule une faible minorité d’Américains sont des non assurés involontaires et de longue durée, et même ceux-ci ont généralement accès à des soins gratuits. Les dépenses publiques de santé sont très importantes aux États-Unis et d’importants régimes publics d’assurance maladie existent dans ce pays. Dans les faits, les problèmes du système découlent en grande partie non pas de son caractère privé, mais plutôt de la lourde réglementation à laquelle il est soumis et de la façon dont le système d’assurance fonctionne. Le traitement fiscal des assurances et la très faible participation directe des assurés aux coûts des soins sont en partie responsables du gonflement des primes d’assurance et de la présence d’une certaine proportion de personnes non assurées. Comme dans le cas du financement public des soins de santé, lorsque le payeur est une tierce partie, les coûts ont tendance à exploser.