mercredi 30 janvier 2019

OPINIONS:

Opinion





Metin Arditi, essayiste et romancier, rencontré à Genève 
© Keystone

RENCONTRE 

«L’esprit français engendre un redoutable déni des réalités»

Metin Arditi admire la France et ce qu’elle a apporté au monde. L’écrivain suisse le dit avec passion dans son «Dictionnaire amoureux de l’esprit français». Mais cette grandeur a aussi un prix. Terrible. Epuisant. Et toujours fascinant
«Le bien, nous le faisons; le mal, c’est la fortune. On a toujours raison, le destin toujours tort.» Metin Arditi aime passionnément Jean de La Fontaine. Et surtout cette fable sur «l’ingratitude et l’injustice des hommes». Son texte, en version intégrale, est l’un de ces joyaux de «l’esprit français» auxquels l’écrivain suisse consacre ces jours-ci un fascinant Dictionnaire amoureux (Ed. Plon/Grasset). La plongée dans les délices des lettres est immédiate et savoureuse. Molière règne en maître. Jean Giono veille. Le peintre Nicolas Poussin trône en maître de «la réflexion, de la grande beauté et de l’érudition». Hommage d’un romancier à une France condamnée à plaire, aux antipodes de celle des «gilets jaunes» et des colères populaires? Au contraire…
Vous citez d’emblée, dans votre «Dictionnaire amoureux de l’esprit français», cette phrase de Molière: «Je me demande bien si la plus grande des règles n’est pas de plaire.» L’art de la séduction reste, selon vous, incontournable en France? L’obligation historique de plaire est au cœur de l’esprit français et il en découle une obligation de théâtralité que l’immense Molière avait comprise mieux que personne. Est-ce un miroir dans lequel les Français se regardent en permanence? Est-ce un terrible exercice narcissique? Non. C’est d’abord un refus de l’enfermement. L’intellectuel français classique doit s’exposer, s’exprimer, parler. La société française est une société du verbe, donc de la séduction. Est-ce glorieux? Pas toujours. Les échecs sont nombreux. On pense à Dom Juan. Mais comment ne pas avoir une infinie tendresse pour cette volonté, sans cesse, de s’affranchir des faits? En littérature, dans les arts, dans l’histoire, elle a, au fil des siècles, produit des miracles. Mais l’esprit français engendre aussi un redoutable déni des réalités.
Justement. S’affranchir des réalités pour séduire, ou pour «plaire» comme l’écrit Molière, n’est ce pas un redoutable piège? L’esprit français, c’est prendre ses distances avec le réel. Parce que le réel n’est pas ce qui compte vraiment. Prenez Versailles: c’est un palais, c’est une réalité, c’est un roi, c’est le symbole de la monarchie absolue. Mais Versailles, à l’époque de Molière, c’est la cour, c’est aussi une société artificielle, cachée derrière des masques et des paravents. L’esprit français est la clé pour comprendre à la fois la grandeur de la France, son charme fou, et ses difficultés reflétées aujourd’hui d’une certaine façon par la crise des «gilets jaunes». Les «grandes écoles» qui forment l’élite du pays distillent une formation qui dénigre l’apprentissage, le goût de la réalité, les choses simples dans lesquelles se retrouvent les artisans, les paysans, les commerçants. Mon dictionnaire est amoureux. Mon affection et ma tendresse pour le brillantissime esprit français sont infinies. Sauf que le coût de ce dernier est énorme. La société française paie un prix colossal, insupportable, à cette obsession du panache.
Votre dictionnaire n’est pas qu’une liste d’écrivains, de poètes ou de dramaturges. Il s’attarde sur des comportements comme les «applaudissements», sur des notions comme le fait d’être «besogneux», sur l’art de la conversation… Tout cela, ce formidable patrimoine culturel, n’est-il pas en train de se perdre, dissous dans la modernité et la mondialisation? Comment la recherche du plaisir pourrait-elle se perdre? Or «l’esprit français» est là: dans cette quête permanente du plaisir, si délicieuse car celui-ci ne doit pas être excessif. L’esprit français est un défi, car il conjugue plaisir et retenue. Un poème de Verlaine, tout en subtilité, n’est pas une symphonie de Beethoven. Pensez aux mélodies de Debussy… L’esprit français n’est pas fracassant. La vulgarité est le pire des défauts. J’ai beaucoup pensé à l’écrivain Jean d’Ormesson en rédigeant ce dictionnaire. D’Ormesson était pour moi la quintessence de l’esprit français. Charme. Ironie. Second degré. Formidable érudition. Or on ne devient pas Jean d’Ormesson comme ça! L’esprit français, c’est aussi cet affinage. Le bonheur se mérite. Il n’est jamais donné. Il n’est jamais simple. Il faut l’acquérir. A l’inverse, et cela peut être détestable, le fait de travailler simplement, d’être «besogneux» est affreux. Je l’écris dans le livre: «Quelle horrible épithète! L’adjectif se veut blessant. Un besogneux n’a pas d’allure. Il ne se préoccupe pas de plaire. Il ne fait pas dans la légèreté. Il ne s’occupe que d’être utile. Mais quel avenir peut donc espérer ce malotru?» Le savoir-faire est méprisé en France et cela, ce n’est pas bien. On ne peut pas vouloir plaire et être besogneux.
L’esprit français, pourtant, se conjugue parfaitement avec les chiffres. Les mathématiques, la science sont respectés… Un autre modèle de l’esprit français, pour moi, est l’encyclopédiste Georges Louis Buffon. Ce naturaliste du XVIIIe siècle, le fameux Siècle des lumières, a laissé derrière lui une œuvre gigantesque de naturaliste. Pourquoi reflète-t-il si bien cet esprit? Parce qu’il classe. Il range les animaux, les fleurs, les choses en catégories. C’est une autre obsession française: celle des étoiles, des hiérarchies dites ou non dites, des catégories. Le Guide Michelin, avec ses restaurants étoilés, est l’héritier spirituel de Buffon! La classification est partout: dans les lettres, dans les jardins, dans l’architecture.
La France des «gilets jaunes» semble a priori bien éloignée de cet esprit français. Votre dictionnaire amoureux est-il celui d’une France révolue? Absolument pas. Regardez ce qui se passe dans les rues, sur les ronds-points, aux péages d’autoroute. Les Français continuent de vouloir un roi et de réclamer sa tête! C’est le paradoxe ultime de l’esprit français qui, parce que le bouchon est sans cesse poussé plus loin, aboutit à de terribles contradictions. L’esprit français, c’est la cohabitation des contraires. Le peuple ne veut plus de la monarchie d’Etat, mais il réclame toujours l’apparat de l’Etat alors que celui-ci n’a plus d’argent. Vous me suivez? C’est inouï!
L’esprit français d’aujourd’hui, c’est la désespérance d’un Michel Houellebecq, qui, au fil de ses romans, raconte une lente déchéance des élites? Je dirai que non. Houellebecq exprime l’humeur française du moment. Il reflète ce climat absolument morose qui s’est emparé de la France pour des raisons objectives liées aux difficultés économiques et sociales. Il témoigne avec talent du fossé entre le peuple et les élites, de cette absence de compréhension et d’empathie qui mine le climat politique. Emmanuel Macron incarne évidemment à sa manière une partie de l’esprit français. Il a symbolisé ce panache, et les électeurs l’ont suivi. Jusqu’à ce qu’il cesse de plaire…

Dictionnaire
Metin Arditi
Dictionnaire amoureux de l’esprit français
Plon/Grasset

Globalisation ou fragmentations? (OPINION)

Contribution externe Publié le - Mis à jour le


Opinions
Une opinion de Benoit Tonglet, économiste.


Evoquer le concept de souveraineté, pernicieusement confondu avec l’inacceptable nationalisme de l’extrême droite, est devenu politiquement incorrect à l’encontre d’une légitime liberté d’expression.

La globalisation fait partie de l’ordre du discours ambiant et des moutonnements indéfinis de ceux qui commentent cet ordre. Cette globalisation repose-t-elle sur de réels fondements ? N’a-t-elle pas alors des nauséabonds relents politiques, géopolitiques ou économiques, réduisant chacun d’entre nous à une forme de servitude ? Faut-il se plier à l’idée d’un monde vu comme un "village global", pour reprendre l’expression du philosophe Marshall McLuhan, aux diktats des politiques, des diplomates, des économistes ? Il est temps de faire le point, le plus objectivement possible, sur cette problématique.
Une communauté d’appartenance
"L’Etat est l’ensemble des institutions qui organisent une société sur un territoire donné" selon un dictionnaire de philosophie. C’est une entité géographique où s’exerce une autorité souveraine chargée de régler la vie commune. Sa fin, comme le précise Spinoza, c’est "la paix et la sécurité de vie". Sans se recouper totalement sur le plan conceptuel, Etat et nation peuvent se confondre dans les faits. Ils forment le plus souvent un couple difficilement dissociable. Selon la suggestion pertinente d’Ernest Renan, émise dans sa célèbre conférence de 1882, "la nation est une âme, un principe spirituel. Deux choses qui, à vrai dire, n’en font qu’une, constituent cette âme, ce principe spirituel. L’une est dans le passé, l’autre dans le présent. L’une est la possession d’un riche legs de souvenirs, l’autre est le consentement actuel, le désir de vivre ensemble". La nation ne peut en aucune manière reposer sur la race, mais sur "une grande solidarité, une grande agrégation d’homme, une communauté d’appartenance".
Fragmentations piétinées
Ne faut-il toutefois pas tenir compte d’un monde fragmenté ? "On a beau parler de plus en plus de globalisation", les nations, l’Europe, le monde, restent souvent fragmentés : "Sous la couche superficielle d’uniformisation des citoyens du monde, se dissimulent toujours de nombreuses différences", comme le remarquait l’économiste Luigi Scandella en 1999. La religion, la langue, la géographie sont une invitation à se réunir, mais cette réunion n’est pas impérative dit Ernest Renan, du moins dans la mesure où religion et langue n’exercent pas d’effet de domination. Peut-on passer outre de ces "fragmentations ethnocivilisationnelles" ? Depuis quelques années, ces fragmentations sont effectivement réapparues de plus belle et allègrement piétinées.
Dans un tel contexte, c’est faire preuve de nationalisme, sous la forme de l’ "America first", que de proclamer que la globalisation, sous toutes ces formes (marché, Europe, nation), s’impose de manière unilatérale à toute différence. C’est alors que se justifie pleinement le principe d’autodétermination, c’est-à-dire le principe du droit d’un peuple à décider librement du régime politique, social et économique qui correspond à ses intérêts légitimes. Le peuple est seul habilité à estimer et à assumer "la masse critique" relative à l’exercice de la souveraineté. Mais évoquer le concept de souveraineté, pernicieusement confondu avec l’inacceptable nationalisme de l’extrême droite, est devenu politiquement incorrect à l’encontre d’une légitime liberté d’expression.
Ainsi, concrètement, on ne peut gommer d’un trait de plume certaines aspirations comme le fait notamment, dans les trois cas qui suivent, une Europe si peu démocratique. Les aspirations de régions victimes du partage de zones d’influence réalisé, à la suite de guerres, par des diplomates insensibles et stipendiés par les pays vainqueurs, au mépris des réalités pourtant évidentes et bien connues du terrain. On retiendra encore celles de la Catalogne, mais aussi d’une Wallonie refusant de ratifier le traité du Ceta. Que deviendra d’ailleurs cette même Wallonie demain, laminée entre deux cylindres, celui d’un Etat prétendument fédéral, déjà aujourd’hui aux mains de la seule Flandre, et celui d’une Europe veillant prioritairement, avec les dogmes économiques fallacieux gravés dans le marbre d’une Constitution inique, aux intérêts des multinationales, au détriment des travailleurs et des citoyens ?
Peut-on affirmer, sans idéologie sous-jacente, que les pertes engendrées par un processus d’autodétermination sont plus importantes que celles déjà enregistrées dans la soumission inconditionnelle à une autorité fallacieusement fédérale ?
Globalisante, l’Europe ?
Le comble, c’est que l’Europe, si globalisante, est elle-même dominée par deux fragmentations : celle d’une Allemagne hantée par l’hyperinflation du lendemain de la Première Guerre, et celle de pays (Allemagne, Pologne, pays baltes), envoûtés par la valeur de référence de l’ultralibéralisme.
La conclusion revient une nouvelle fois à Ernest Renan : "Le moyen d’avoir raison dans l’avenir est, à certaines heures, de savoir se résigner à être démodé." Kant va plus loin en faisant remarquer que "la plus grande transgression du devoir de l’homme envers lui-même et l’humanité  
Eric Barnabe

Pas tanné de payer bande de caves ?



Je parodie la célèbre phrase de poète québécois « Pas tanné de mourir bande de caves ? » parce que c’est exactement la même chose. Vous n’êtes pas tannés des « investissements » du gouvernement dans tout et rien ? Aujourd’hui, discutons du système de santé.
En santé, le médecin de famille est payé via à la carte d’assurance maladie que vous utilisez pour le rencontrer et il reçoit aussi un montant annuel pour être votre médecin de famille. Si votre médecin est dans un Groupe de médecins de famille (GMF), une autre subvention s’ajoute. Des infirmières peuvent même être payées par ce système, le CLSC 2.0. Êtes-vous plus capable de voir votre médecin avec tout cet argent « investi » ?
Une fois le premier mur franchi, vous devez consulter un spécialiste. Muni de votre prescription de votre médecin de famille, vous vous présentez chez le spécialiste. Un an d’attente à son bureau et si ce spécialiste est attaché à un hôpital, l’attente officielle est de six mois. Je dis officielle parce que dans les faits, vous n’aurez votre rendez-vous pour dans six mois que dans trois à six mois. Bizarre ? Pas au Québec, les horaires de médecins spécialisés ne sortent que six mois à l’avance, ce qui permet au ministre d’annoncer à l’Assemblée nationale que les médecins voient leurs patients en moins de six mois dans 85% du temps.
Mais si par malheur, vous n’êtes pas à l’agonie, vous serez sur une liste d’attente. Mais comme au Québec, vous pouvez attendre plus de trois ans pour être traité, votre état risque de s’aggraver. Résultat ? Tous les cas opérés sont des cas lourds ou urgents. Si votre hanche est usée, il y a de forte chance qu’elle pète avant votre opération. Ainsi, au lieu d’une nuit à l’hôpital pour changer une hanche (5000$), vous y serai pour dix nuits lorsqu’elle casse, le temps de commander la hanche artificielle, de vous opérer et de guérir. Nous pourrions opérer cinq fois plus de hanches si nous agissions de façon préventive. Idem si vous avez une crise d’appendicite. Le Québec a le record de péritonite, inflammation du péritoine qui se développe parce que l’appendicite n’a pas été traitée à temps. Dix jours d’hospitalisation au lieu de trois. En avez-vous pour votre argent ?
Quand vous arrivez à l’urgence, l’urgentologue qui vous recevra un jour est payé à l’acte et peut choisir dans quel hôpital il travaille. Les hôpitaux de régions ont de la difficulté à trouver des urgentologues parce qu’il n’y a pas assez de travail, ce n’est pas assez payant. C’est pourquoi vous pouvez attendre 16 à 24 heures dans la salle d’attente parce que votre enfant a une otite. La raison ? Vous n’êtes vu qu’après les vraies urgences, vous êtes le bouche-trou qui remplit la paye de l’urgentologue lorsqu’il n’a pas d’urgence à traiter. Si vous êtes à l’urgence, c’est parce que les cliniques sans rendez-vous fonctionnent sur rendez-vous seulement pour les patients inscrits ($$$). En avez-vous pour vos impôts ?
Quand enfin vous êtes hospitalisé, vous passez trois jours à l’urgence dans le corridor entre la distributrice à Pepsi et la poubelle, sous les néons et le cul à l’air. Les urgences débordent !!!
4,000 des 12,000 lits de nos hôpitaux sont en fait des CHSLD. Pendant ce temps, le ministre Barrette annonce un autre hôpital à Québec. Construire un lit dans un hôpital coûte plus de 1 M$ alors que construire un lit en CHSLD coûte 100,000$. Nous pourrions récupérer ces 4,000 lits avec des blocs opératoires, laboratoires et tous les autres outils pour soigner des personnes malades. 4000 lits en CHSLD est une dépense de 400 M$ et les mêmes 4000 lits en hôpital, un minimum de 4 M$. Pas tanné des choix de votre gouvernement ?
Lors de la dernière élection américaine, la facture des frais hospitaliers des assureurs privés aux États-Unis est entrée chez les familles américaines. La facture de 3,600$ par famille est passée à 6,000$ avec le Obamacare. Astronomique, des familles américaines ne pourront plus s’offrir une assurance santé. Horrible ? Pas tant que cela.
Cher famille québécoise, ayant réussi à vous offrir une première maison en banlieue, vous êtes la classe moyenne du Québec la plus taxée en Amérique du nord. Pour réussir à acheter cette maison, il vous a fallu présenter un revenu familial autour de 80,000$ à votre banquier et le convaincre que vous aurez encore un emploi stable dans un an. Pour ce faire, vous avez probablement donné au moins 15,000$ en impôt au gouvernement du Québec. Êtes-vous conscient que 50% de ce montant va à payer notre système de santé gratuit ?
VOUS PAYEZ 7,500$ PAR ANNÉE POUR VOTRE SYSTÈME DE SANTÉ
Si vous viviez aux États-Unis, vous auriez la faramineuse facture d’assurance santé de 6000$ avec la Obamacare, et quand Donald Trump, le diable orange, aura aboli le Obamacare, vous n’aurez qu’une facture de 3,600$ à payer. De plus, avec une facture de 50% de ce que vous coûte le système québécois, consulter un médecin est une question de minutes et non de mois. Si vous attendez 20 minutes à l’urgence, vous pourrez poursuivre l’hôpital. Et les frais accessoires n’existent pas.
Notre système de santé est gratuit ? Classe moyenne, vous payez 3,500$ d’impôt de trop juste en santé. Ajouter les routes constamment en construction et l’éducation avec plus de personnel de soutien que de professeurs et vous comprendrez pourquoi votre hypothèque augmente au lieu de baisser. http://princearthurherald.com/fr/quebec-canada/pas-tanne-de-payer-bande-de-caves

Pourquoi ce désamour des Tunisiens pour leurs médecins?

Pourquoi ce désamour des tunisiens pour leurs médecins?
Les Tunisiens ne sont ni « menteurs » ni « hypocrites » comme l’éructe, sur une télé étrangère qui a notre pays dans le nez, un Dr Diafoirus à la boussole détraquée.
Non, les Tunisiens sont francs et se disent clairement les choses, entre eux,   en famille. Qu’ils soient chez eux ou en France, docteur!
Les dernières affaires médicales ont fait couler beaucoup d’encre et n’apportent rien de bon à la communauté nationale.
Elles ont mis au jour les sentiments mêlés du Tunisien vis-à-vis de leurs docteurs. Or, le médecin est (était ?) traditionnellement le confident de la famille, le dépositaire de ses grands et de ses petits secrets lui que l’on pouvait déranger de jour comme de nuit et qui s’acquittait de sa tâche (mission) avec une abnégation et un dévouement qui forçaient  le respect.  Alors pourquoi ce désamour ?
Le bon docteur de famille  est aujourd’hui une denrée rare…..voire une espèce en voie de disparition. Paradoxalement, la démographie médicale l’a fait descendre de son piédestal. Il a été ensuite emporté par la segmentation et la forte spécialisation de l’exercice de la médecine d’aujourd’hui. Son étoile  a pâli face au scanner, à l’IRM et aux multiples analyses et autres biopsies. Pour ne rien dire de l’Internet et de ses innombrables sites médicaux qui font que les patients et leurs proches croient pouvoir discuter ses diagnostics et ses recommandations.
En un mot comme en cent, il n’a plus l’omniscience de jadis.
Avec le médecin de famille, la question de l’argent ne se posait guère. Il n’en est plus de même aujourd’hui. Certains praticiens font savoir aux patients que la CNAM ne les intéresse pas. Tel spécialiste – qui commence à travailler à 9 heures du matin pour finir tard dans la soirée- réclame 80 dinars pour une consultation de 10 minutes. On fantasme sur ce qu’il peut engranger dans  une journée et on se demande quand il trouve le temps de se mettre au courant des progrès de sa discipline. Ne dit-on pas que les radiologues ont des revenus astronomiques ?
Beaucoup de Tunisiens ne contestent pas qu’après des études fort longues et une sélection sévère les médecins doivent être correctement rétribués. Ils leur reprochent essentiellement de ne pas payer d’impôts,  eux qui ont fait des études payées par le contribuable. Allez voir combien coûtent les études médicales en Angleterre ou aux Etats Unis ! Allez voir ce qui advient à certains médecins en France en cas de manquement au devoir fiscal: Le Dr Cahuzac a ainsi perdu son honneur et son ministère et des deux orthopédistes,  pionniers de la prothèse de la hanche internationalement connus,  ont été rayés du tableau de l’Ordre des Médecins pour fraude fiscale sous la présidence du Général de Gaulle. Les Tunisiens, amers, savent aussi qu’un certain nombre de médecins  partent exercer à l’étranger sitôt prêté le serment d’Hippocrate à Tunis, Sousse, Monastir ou Sfax  alors que des praticiens d’Europe Centrale ou d’Asie….soignent nos compatriotes dans certaines régions reculées de la République où nos adeptes d’Esculape à nous ne daignent pas encore s’installer. Les Tunisiens savent  que certains spécialistes passent des weekends en France ou ailleurs pour prêter leurs services à des hôpitaux et des cliniques étrangères…..qui les paient en retranchant normalement charges sociales et impôts divers. Pourquoi accepter ces prélèvements à l’étranger et ne pas s’en acquitter en Tunisie ? Sans argent comment  le pays pourrait-il améliorer la situation dans les hôpitaux, les écoles et les routes par exemple ? Ce qui choque aussi c’est cette résistance obstinée, obtuse, entêtée   au paiement de l’impôt qui remonte à l’époque de M. Hédi  Nouira qui a tenté en vain d’instaurer des ordonnances numérotées  voire  d’installer des observateurs du fisc dans certains cabinets médicaux pour compter le nombre de patients reçus chez tel ou tel mandarin. Cette inégalité face au paiement de l’impôt exaspère nos concitoyens qui condamnent ce « piston » qui évite aux médecins le passage chez le percepteur. Pourtant,  les salariés,  les fonctionnaires et les  retraités sont régulièrement ponctionnés à la source. Certains avancent l’idée que le fisc devrait taxer sur les signes extérieurs de richesse: villas somptueuses, voitures puissantes, henchirs….
Que certains médecins veuillent s’installer à l’étranger, la Tunisie post-révolution qui tient haut le drapeau de la liberté ne saurait s’y opposer, la mort dans l’âme. En France, les anciens élèves de l’Ecole Polytechnique qui n’optent pas pour le service de l’Etat à la fin de leur cursus, sont obligés de « pantoufler » : ils paient au Trésor public une somme conséquente pour couvrir en partie leurs frais de scolarité. On pourrait imaginer quelque chose de similaire chez nous aussi, pour que l’Etat rentre dans ses frais. Les statistiques montrent que les Etats Unis font l’économie de 34 facultés de médecine grâce à l’afflux des praticiens iraniens, soudanais, palestiniens….Le Sud aide ainsi, à son corps défendant,  le système de santé de l’Etat le plus riche  du monde !
Il est vrai qu’aujourd’hui, nos praticiens sont jugés de manière expéditive sur les réseaux sociaux. Sans enquêtes et sans la moindre procédure, on jette en pâture un médecin pour erreur médicale faisant fi de la présomption d’innocence. Et les réseaux de s’enflammer. Ainsi, dernièrement, la fille d’une victime a affirmé  que son père a été transfusé  avec un mauvais groupe sanguin. Ce qui lui a été fatal. Erreur médicale et branle-bas de combat électronique. Elle l’a vu de ses yeux qu’il y avait erreur sur le groupe …et pourtant….. Supposons qu’elle a lu sur la poche de sang  administrée  à son père « groupe O » alors qu’il est du groupe A ou AB mais sait-elle  que le groupe O est donneur universel ?  Laissons donc aux spécialistes et aux enquêteurs le soin de décider s’il y a ou non erreur médicale ou mauvaise pratique avant d’accuser à tort et de livrer un nom à la vindicte publique. Et n’oublions pas les difficultés de la pratique médicale et sa complexité. « Expliquez-moi la grenouille, je vous tiens quitte de l’homme » disait le biologiste Jean Rostand.
Il faut rétablir la confiance entre les médecins et le public. L’histoire moderne de ce pays a été jalonnée par les noms des docteurs Slimane Ben Slimane, Mahmoud Materi, Tawhida Ben Cheikh, Sadok Mokaddem, Hassouna Ben Ayèd, Mongi Ben Hamida, Ali Belkhahia , Aïcha Hafsia, Ridha Mrad et une pléiade d’autres qui ont apporté leur précieuse pierre pour édifier le système de santé de la Tunisie. Que ce système doive être consolidé, amélioré nul ne peut le nier. Mais cela ne se fera pas sans les médecins et le respect de leurs droits !
Hamadi Ettounsi
 http://www.leaders.com.tn/article/21645-pourquoi-ce-desamour-des-tunisiens-pour-leurs-medecins
Emotions

Empathie, une passion qui tue

D’habitude, on n’a pour elle que des éloges. Mais cette inclination nous mène rarement au meilleur de nous-mêmes et souvent au pire, selon le psychologue Paul Bloom
«L’empathie? Je suis contre», clame Paul Bloom, psychologue canadien installé à l’université de Yale et auteur d’un livre au titre ahurissant: Against Empathy, justement, «Contre l’empathie». Définie comme la tendance à se mettre spontanément dans la peau d’autrui, l’empathie est célébrée quasi universellement comme étant l’un des traits les plus aimables de notre esprit. Selon le chercheur, elle fait en réalité plus de mal que de bien, car elle nous focalise sur les souffrances d’une personne particulière en nous laissant indifférents (ou même en nous rendant hostiles) à toutes les autres. L’empathie serait partiale, bornée, capricieuse, aveugle aux conséquences de nos actes, facile à manipuler pour attiser la haine
Le Temps: Pourquoi avez-vous appelé votre livre «contre l’empathie» plutôt qu’«au-delà de l’empathie»?
Paul Bloom: Parce qu’on se porterait mieux si on pouvait s’en débarrasser. L’empathie conduit à des jugements biaisés, elle pousse à prendre des mauvaises décisions, elle peut même nous entraîner dans des formes de cruauté. Il y a de nombreux exemples d’atrocités qui ont été fomentées en faisant levier sur l’empathie. Dans l’Allemagne des années 1930, les attaques antisémites étaient encouragées par des récits selon lesquels des Juifs avaient agressé sexuellement des enfants aryens. Dans les Etats-Unis d’aujourd’hui, Donald Trump et d’autres attisent l’hostilité contre les réfugiés en disant: je vais vous raconter une histoire… Et ils vous présentent un récit dans lequel une victime innocente a été tuée par un réfugié. Vraies ou fausses, ces histoires sont faites pour susciter votre empathie à l’égard de la victime et pour catalyser votre colère contre le groupe dénoncé comme l’auteur de ces actes. J’aimerais un monde où on dirait: arrêtez avec ces histoires, elles ne constituent pas une bonne façon de fonder une politique; fournissez-nous des données, des statistiques, des évaluations factuelles… Trump a annoncé, lui, qu’il publierait des listes de crimes commis par des immigrés. On voit bien comment l’empathie peut être convertie en arme.
– Dans le sous-titre, vous annoncez un «Plaidoyer pour la compassion rationnelle». Quelle est la différence?
– L’empathie consiste à ressentir ce que ressent l’autre. La compassion consiste, elle, à se soucier de quelqu’un qui souffre, sans pour autant éprouver soi-même ce qu’il ressent. Des études neuroscientifiques indiquent que cela correspond à deux états cérébraux différents… La compassion a plusieurs avantages. Les gens qui la développent ont plus facilement du plaisir à aider les autres, alors que les personnes très empathiques font souvent des burn-out. A la sortie de mon livre, j’ai commencé à recevoir des messages de médecins, d’infirmiers et de secouristes qui confirmaient cette distinction. Certains d’entre eux en étaient venus à abandonner leur métier parce qu’ils trouvaient trop dur de travailler avec des personnes en souffrance. Ils se demandaient: qu’est-ce qui ne va pas chez moi? Et qu’est-ce qui cloche chez mon collègue qui, lui, ne semble pas affecté? Je crois pour ma part que les meilleurs soignants sont ceux qui se soucient de vous sans ressentir eux-mêmes votre détresse. Si vous suivez une psychothérapie, vous ne voudriez pas voir votre thérapeute s’effondrer quand vous êtes triste. Vous voudriez qu’il ou elle ait à cœur de vous aider, sans refléter vos propres émotions.
– Peut-on s’amener volontairement à éprouver de la compassion plutôt que de l’empathie?
– En établissant la distinction entre ces deux notions dans le langage, on fournit un premier outil. On peut s’entraîner à la compassion, la cultiver, développer une culture qui la valorise et la favorise. Il semble par ailleurs que la pratique de la méditation renforce la compassion plutôt que l’empathie.
– Vous citez votre confrère Martin L. Hoffman, selon lequel un enfant reçoit en moyenne 4000 fois par an des incitations à l’empathie du type: «Comment te sentirais-tu si quelqu’un te faisait la même chose?» L’empathie est-elle innée, ou est-elle le résultat de ce genre d’apprentissage?
– Comme beaucoup de choses, je pense qu’elle est à la fois culturelle et innée. Certaines données suggèrent que l’empathie, comme la compassion, est déjà présente chez les nourrissons. On la rencontre également chez d’autres espèces animales. D’un autre côté, la culture peut l’alimenter et la renforcer, comme c’est le cas pour toutes les émotions. Chaque être humain a la faculté d’éprouver de la colère, mais certaines sociétés sont plus colériques (c’était le cas de mon lycée, où tout le monde hurlait et se tapait dessus…) et d’autres sont plus douces. Les membres d’un groupe humain dont la culture est plutôt débonnaire possèdent, eux aussi, les mécanismes de la colère dans leurs cerveaux, mais ils l’exercent moins que d’autres.
– Avez-vous l’impression que notre culture a «décidé» de renforcer l’empathie?
– Il y a une attitude générale dans la culture occidentale (et en tout cas aux Etats-Unis) selon laquelle les émotions représentent une forme de sagesse: il faudrait toujours écouter son cœur et nos dirigeants devraient être portés par de grands sentiments, quitte à minimiser l’importance de l’intelligence et de la rationalité. Imaginez que, aux Etats-Unis, un candidat dise: j’ai l’intention de prendre mes décisions en déterminant quelles sont les meilleures options, en réfléchissant et en les étudiant en détail… Les gens lui répondraient: nan, on ne veut pas de toi, on veut plutôt une personne avec de gros sentiments. Lorsque Al Gore était candidat à la présidence, en 2000, son équipe de campagne le mettait en garde avant chaque débat: tu as l’air trop intelligent, essaie de ne pas donner l’impression d’en savoir autant…
– Pourquoi sommes-nous donc dotés d’empathie?
– Selon une théorie, l’empathie se serait développée au cours de notre évolution dans le contexte des soins parentaux. La même hormone, l’ocytocine, semble d’ailleurs impliquée dans les deux phénomènes. Il s’agirait là d’un cas de mismatch: une caractéristique adaptée à un contexte évolutif où toutes les relations humaines étaient proches, mais mal adaptée dans le cadre d’une société plus large… Aujourd’hui, l’empathie garde un rôle positif dans les relations intimes, ainsi que dans la littérature, les films, les séries télé: pour apprécier tout cela, il vous faut de l’empathie.

Paul Bloom, «Against Empathy. The Case for Rational Compassion» (Ecco/The Bodley Head)

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Libre opinion

Lamarre, Paradis, vous démoralisez nos bons docteurs!


1 novembre 2016 | Lynda Landry - Médecin, Mont-Laurier | Santé





Si le système de santé est inefficace, ce n'est pas la seule faute des médecins, plaide l'auteure.
Photo: iStock Si le système de santé est inefficace, ce n'est pas la seule faute des médecins, plaide l'auteure.
Lettre à Diane Lamarre, porte-parole péquiste en matière de Santé, et à François Paradis, porte-parole caquiste en matière de Santé.
  Madame la Députée, Monsieur le Député, Cessez d’attaquer les médecins ! On se démène pour tenir à bout de bras un système de santé qui craque de partout. Notre salaire négocié entre autres par M. Gaétan Barrette quand il était du bord syndical, c’est de la vieille histoire.
  Attaquez-vous aux vrais problèmes : que dire de la radiographie du poumon demandée en mars, avec une petite masse suspecte que mon oeil non radiologiste n’a pas vue. Six mois plus tard atterrit sur mon bureau un résultat inquiétant… possible cancer du poumon… radiographie de contrôle dans six semaines (six semaines après la première… On est déjà six mois plus tard !).
  Possible cancer de la peau ? Deux ans d’attente pour un premier rendez-vous…
  D’autres cas, en attente de chirurgies orthopédiques avec des listes de plus de deux ans d’attente ; des cas qui se détériorent, comportent une fonte musculaire importante, ont un effet délétère sur les autres paramètres du patient tel que le taux de sucre, de cholestérol ; capacité cardiaque à force d’attendre sans bouger… Quand on parle à l’orthopédiste, lui n’a pas assez de place opératoire et met en priorité les fractures, les cancers… Pendant ce temps, le médecin de famille prescrit des narcotiques et espère qu’on n’aura pas à traiter dans le futur une narco-dépendance ou un diabète induit par l’inactivité.
  Ce sont là aussi les conséquences du système de santé inefficace que nous avons, créé par les décisions administratives. Le bureau du médecin de famille est surchargé, ce qui l’empêche de voir plus rapidement le patient ou de prendre d’autres patients. Et surtout, tout cela mine les paramètres de santé de notre population.
  Le système craque et ce n’est pas juste à cause des « méchants médecins de famille » ou des « méchants spécialistes ». Si vous ouvriez vos yeux au-delà de ce que vous croyez que les médias et les électeurs veulent entendre, vous verriez la mauvaise gestion qui paralyse le système et les médecins et autres professionnels qui travaillent dans des conditions impossibles, se débattant bénévolement pour que leurs patients aient le centième de ce que leur condition médicale demanderait selon les règles de bonnes pratiques.
  Quand le CUSM dit à ses obstétriciens de ne plus accoucher qu’un nombre restreint de parturientes, quand on n’a que trop peu de priorités opératoires et que les cas non urgents se détériorent jusqu’à devenir instables, quand les programmes d’évaluation du développement des enfants en région éloignée qui étaient universels dans des régions où l’indice de défavorisation est très élevé sont abolis, car engloutis dans les standards du grand CISSS qui ne voit pas la pertinence de niveler les services par le haut dans son territoire, donc les nivelle par le bas où ça fonctionnait bien ; quand on doit expliquer à une cliente que six mois entre sa mammographie et sa biopsie, c’est le nouveau standard ; quand pour fournir des travailleuses sociales en GMF, on retire les travailleuses sociales des CLSC et de la DPJ… voilà les réels échecs du système. Et ce n’est en rien la faute des médecins, mais d’une gestion où les patients sont bien loin d’être la réelle préoccupation. Les gestionnaires ont même dit à un hôpital (The Gazette, 30 octobre) qu’il voyait trop de patients… Attendez, mais n’est-ce pas la vocation d’un hôpital ?
  S’il vous plaît, arrêtez de nous dénigrer partout. Je n’aurais pas fait sept ans d’université, une nuit blanche tous les quatre jours durant mes quatre dernières années universitaires pour être au chevet de personnes malades, je n’aurais pas risqué de ramener à la maison poux, virus et autres maux, passé à travers deux épisodes d’épuisement professionnel, fait de l’obstétrique où je pouvais passer cinq jours consécutifs sans dormir à me nourrir de biscuits « thé social » (la cantine étant fermée quand je me libérais), fait des gardes, géré des familles anxieuses et parfois agressives, juste pour l’argent.
  Si nous avons choisi ce métier, pour la plupart, c’est par vocation. Pas celle du « Docteur Wilby » : celui-ci avait une femme à la maison qui veillait au grain et il n’a pas vu grandir ses enfants, mais par amour de l’humain quand même ; par amour de mes patients et par souci de santé publique aussi. Oui, nos revenus sont enviables, mais pour beaucoup moins de soucis, je serais administratrice, propriétaire de pharmacie ou ingénieure comme quelques-unes de mes amies qui font exactement le même salaire, dorment la nuit, ont des congés parentaux sans se sentir jugées et ont eu leurs études payées par le gouvernement. Et le droit d’incorporation. Si ce n’était que pour le salaire, j’aurais choisi une autre profession.
  Or, le « bashing » dont ma profession est l’objet, entre autres à cause de vous, vos collègues politiciens et les médias qui s’en délectent, commence à irriter plusieurs de mes confrères et moi-même. Plusieurs songent à changer de profession, changer de provinces ou de pays, prendre leur retraite prématurée, plusieurs l’ont déjà fait.
  Résultat, nous sommes moins de soldats sur le terrain pour nous battre pour le bien de nos patients. Vous démoralisez nos bons docteurs qui ont la vocation et vous leur enlevez ce qui leur reste de motivation et de fierté. Vous devenez la voix de Barrette et faites exactement ce qu’il attend de vous. Est-ce vraiment le mandat que vous vous êtes donné ?
  S’il vous plaît, réfléchissez au mal que cet acharnement cause sur le terrain. Si cela ne vous convainc pas, venez passer une journée sur le terrain avec nous ! Appelez-moi, et je me ferai un plaisir de vous entretenir de notre réalité de terrain. Merci de prendre le temps de vous poser la question. http://www.ledevoir.com/societe/sante/483531/lamarre-paradis-vous-demoralisez-nos-bons-docteurs

La recherche médicale doit développer une médecine bon marché

On ne peut plus encourager la recherche médicale sans se soucier de ses répercussions sur les coûts de la santé, dit Lena Lio, députée UDC au Grand Conseil vaudois
En 2015, le Conseil fédéral a lancé un Programme national de recherche intitulé «Système de santé». Doté d’une enveloppe de 20 millions de francs, il vise à encourager les recherches innovantes, afin d’améliorer les performances en matière de diagnostic et de thérapie, et d’enrichir la littérature scientifique. Soit! Mais faut-il pour cela appauvrir les assurés?
On ne trouve en effet, dans ce programme, aucune volonté de s’attaquer à la question du coût de ce «Système de santé». Pourtant, le conseiller fédéral Alain Berset l’a répété à plusieurs reprises: le développement de nouvelles techniques médicales est l’un des deux facteurs qui déterminent l’augmentation des primes de l’assurance-maladie de base, l’autre étant le vieillissement de la population.

N’y a-t-il vraiment rien de mieux à faire?

Or les «solutions» proposées ici ou là pour lutter contre la hausse des primes ont ceci en commun qu’elles n’influent ni sur le développement des nouvelles techniques ni sur la qualité du vieillissement.
Qu’elles s’appellent «moratoire sur l’ouverture des cabinets», «liberté de contracter», «clause du besoin», «révision du Tarmed» ou «caisse unique», elles ne s’attaquent en rien aux deux sources reconnues du problème. N’y a-t-il vraiment rien de mieux à faire?
Dans le domaine de l’énergie, les cleantech nous suggèrent une réponse: le problème du réchauffement climatique a contribué à réorienter la recherche vers des solutions adaptées à la situation, ouvrant du même coup de nouveaux marchés.

Réduire le coût des examens ou des traitements

Par analogie, il est temps de promouvoir les cheapmed: des méthodes qui visent à réduire le coût des examens ou des traitements – sans diminution de qualité – et à améliorer les conditions du vieillissement. Antoine Hubert, directeur du groupe Aevis, ne dit pas autre chose: l’innovation peut permettre de stopper la hausse des primes, à condition d’être orientée vers la réduction des coûts.
Ainsi, un programme de recherche de l’École polytechnique fédérale de Lausanne vise «à développer des équipements médicaux efficaces, de haute qualité et à un prix accessible pour la population.» La population… du tiers-monde! Un objectif louable, à ceci près qu’aujourd’hui, le problème du coût de la santé n’est plus seulement un défi pour le tiers-monde: c’en est un aussi pour notre pays.
Dans ce contexte, il est inacceptable d’engager des fonds publics pour développer des techniques médicales ultraperformantes, visant à «enrichir la littérature», sans se soucier du coût qu’elles engendreront pour la population, quitte à propulser les primes de l’assurance de base à des hauteurs inabordables. L’aspect économique doit faire partie intégrante de tout projet de recherche financé par la Confédération ou d’autres collectivités publiques. Il devrait même en constituer l’objectif principal.
Le virage des cheapmed est inévitable à plus ou moins long terme. Et le moins long terme serait certainement le mieux.

Lena Lio, députée UDC au Grand Conseil vaudois.
https://www.letemps.ch/opinions/2016/10/10/recherche-medicale-developper-une-medecine-marche 

Paris et Bruxelles doivent agir pour sauver l’Etat palestinien

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Le drapeau palestinien aux Nations unies à New York.

Par un collectif d’ambassadeurs

Depuis de nombreuses semaines, une intifada à l’arme blanche et à la voiture bélier se poursuit dans les territoires palestiniens, à Jérusalem et en Israël même. Cette vague de violence - si déplorable soit elle – exprime la frustration et l’humiliation ressenties après près de cinquante ans d’occupation militaire et policière par Israël. Elles sont aggravées par les rumeurs concernant la récupération par les Juifs du Mont du Temple. Comme on pouvait s’y attendre, le gouvernement israélien fait l’amalgame entre ces violences spontanées et le terrorisme international de Daech. Or, la forme et la nature des actes commis par les Palestiniens sont évidemment d’un autre ordre que ceux du nihilisme à prétexte religieux qui a frappé récemment à Paris. La répression de ces actes par Israël entraîne, selon l’usage, beaucoup plus de victimes qu’ils n’en font.
Cet état de choses montre que le vieux conflit israélo-palestinien s’impose toujours au milieu des sanglantes turbulences qui ébranlent le Proche-Orient, parmi lesquelles, comme l’a dit récemment M. Fabius, il représente un « potentiel d’embrasement ». Depuis l’assassinat de Yitzhak Rabin en 1996, aucune perspective de paix n’a abouti. Un statu quo perdure, qui cache une main mise sans cesse accrue par Israël sur la portion de Palestine concédée aux Palestiniens depuis 1967. L’annexion de Jérusalem Est, la construction d’un mur spoliateur, l’installation de 650 000 colons, l’enfermement de Gaza, en sont les témoignages les plus significatifs.
Nationaliste et religion
Si le principe de deux États reconnu par les Nations Unies depuis 1947 reste l’objectif théorique de toute négociation, il est évident qu’il a perdu beaucoup de crédibilité, comme le « processus de paix », la surface d’un Etat palestinien viable se réduisant comme une peau de chagrin. Le caractère nationaliste et religieux du dernier gouvernement de M. Nétanyahou, dont une composante influente ne cache pas sa volonté d’établir le Grand Israël de la mer au Jourdain, ne laisse guère de doute à cet égard.
On est donc légitimement conduit à considérer que la question palestinienne demeure entière, alors même qu’elle constitue un objet grave de dissentiment avec le monde arabo-musulman et qu’elle est, en toutes circonstances, utilisée contre l’Occident par les extrémismes religieux.
Face à cette situation, que faisons-nous ? Les États-Unis, seul intermédiaire accepté par Israël, ont renoncé à toute action significative, pour sauver l’accord nucléaire avec l’Iran. Il est à craindre que le prochain président, qu’il soit démocrate ou républicain, soit encore plus inféodé, par le jeu d’intérêts électoraux, aux positions israéliennes. L’Europe, dont le rôle est rejeté par Israël, est inhibée par l’ombre de la Shoah et la puissance de lobbies qui défendent les options les plus extrêmes de la droite israélienne.
Cependant, les principes qui gouvernent nos institutions nationales et internationales et la force du droit font leur chemin, soutenus par le sentiment d’une injustice de plus en plus répandu dans l’opinion publique. Le Parlement français, après d’autres, a demandé que le gouvernement français reconnaisse l’Etat palestinien. L’Union européenne s’est résolue à exiger l’étiquetage des produits des colonies israéliennes. Le ministre français des Affaires étrangères prépare une résolution pour le Conseil de Sécurité en vue d’établir les bases d’une reprise des négociations sous contrôle international. En cas d’échec, la France reconnaîtrait l’East palestinien. Faut-il attendre jusque-là ? Rien n’assure en effet que cette résolution puisse aboutir. Rejetée a priori par Israël, elle aura peu de conséquences sur le terrain mais ouvrira une nouvelle étape irrécusable sur la voie du futur Etat palestinien. Ne pourrait-on par ailleurs imaginer que la coalition internationale contre Daech fasse un effort équivalent à celui qu’elle fait sur le plan militaire dans la recherche d’une paix qui permettrait au peuple palestinien de jouir enfin de ses droits et à Israël d’assurer sa pérennité dans un véritable consensus régional ?
Sans attendre une telle éventualité, il nous semble que :
-La reconnaissance immédiate de l’Etat palestinien s’impose à la France, pionnière depuis le général de Gaulle d’une solution de droit entre Israël et la Palestine. Cette reconnaissance devrait si possible être concertée avec la Grande-Bretagne et les pays méditerranéens de l’Union européenne (Espagne, Italie, Grèce) ;
-Le traité d’association entre Israël et l’Union européenne devrait être suspendu tant que la colonisation se poursuivra et que les droits humains des Palestiniens ne seront pas respectés ;
-La coopération économique et scientifique privilégiée dont bénéficie Israël devrait également être mise en veilleuse, selon de nouvelles lignes directrices adoptées par l’Assemblée européenne ;
Il faut oser cette rigueur pour détourner Israël d’une politique d’apartheid où il perdra son âme. Il faut le convaincre que sa sécurité ne peut être assurée sans la satisfaction des droits des Palestiniens, musulmans comme chrétiens.
Si rien ne se passe, le glas sonnera pour les Palestiniens, dont l’accès à la liberté et à la dignité sera fermé ; pour Israël, dont la sécurité ne reposera plus que sur l’usage de la force ; pour le monde occidental qui tournerait le dos aux valeurs dont il se réclame.
L’indifférence qui gagne nos sociétés vis-à-vis d’un conflit interminable ne doit pas faire oublier la signification essentielle qu’il revêt en termes de civilisation. Ce conflit ne s’éteindra ni par la force, ni par le silence. Il est de la responsabilité de chacun de contribuer à sa solution.
Les ambassadeurs signataires de cette tribune sont Yves Aubin de La Messuzière, Denis Bauchard, Bertrand Dufourcq, Christian Graeff, Pierre Hunt, Patrick Leclercq, Jean-Marc de La Sablière, Jean-Louis Lucet, Gabriel Robin, André Ross, Jacques-Alain de Sédouy et Alfred Siefer-Gaillardin

En savoir plus sur http://www.lemonde.fr/idees/article/2016/02/03/paris-et-bruxelles-doivent-agir-pour-sauver-l-etat-palestinien_4858462_3232.html#T7UlqEFak6VCEWCk.99


Les quincados, génération pathétique?

Avec près d'un demi-million de visites, notre reportage à la rencontre des «quincados», ces quinquagénaires qui vivent comme des trentenaires, est l'article le plus lu en 2015 sur notre site.

Ils ont entre 45 et 55 ans, mais vivent comme des jeunes de 30 ans. Et ils ont peut-être raison
C’est un soulagement. La levée d’une certaine culpabilité. Vous avez entre 45 et 55 ans, parfois de grands enfants, mais, des habits au langage, en passant par les loisirs, les sports et les voyages, vous continuez à vous comporter comme un jeune de 30 ans. Vous vous trouvez pathétique, on dit de vous que vous êtes un éternel adolescent? Vous avez vu le film While We’re Young et vous vous êtes reconnu? Vous avez tort de vous flageller, car, pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, l’âge a rajeuni, dit le sociologue Serge Guérin, et le regard social doit évoluer. On a bien envie de l’écouter.
Le quincado. Non, ce n’est pas un nouveau jeu de la Loterie Romande. C’est une appellation née en 2013 définissant cette population d’un bon niveau socioculturel qui vit son âge senior (depuis ses 50 ans) avec un élan déconcertant. Etonnamment, ce terme est plutôt appliqué aux femmes. Sans doute parce que les hommes ont, depuis longtemps, leur midlife crisis où ils s’inventent une nouvelle vie. Le quincado, donc, est un baby-boomer qui a grandi dans les années 60, 70 et qui préfère la liberté à l’autorité, les sorties aux corvées, le travail choisi à la besogne subie, les voyages improvisés aux vacances programmées. Rien n’est arrêté, tout est à créer. Les spécimens féminins sont proches de leurs filles adultes avec qui elles partagent t-shirts et, parfois, petits copains. Les prototypes masculins aiment les jeux vidéo, le sport à haute dose et les soirées qui durent jusqu’au petit matin. Tous deux sont plutôt des accros des réseaux sociaux. Fin de la liste, car, précisément, un quincado ne veut pas se laisser enfermer. Sa vie, il la façonne au jour le jour et rejette toutes les étiquettes…
Lire aussiMère et femme au travail: y a-t-il encore des superwomans?
Mylène a 55 ans, mais en paraît dix de moins. Depuis quatre ans, cette Parisienne, ex-directrice d’une agence de publicité, tient un blog, Happyquinqua.com, et a toutes les caractéristiques de ce nouveau label. «Si je suis une quincado? Je trouve le terme un peu barbare, mais je me reconnais bien dans la définition. Depuis que j’ai vendu ma boîte de pub, je fuis tout ce qui peut me stresser et, oui, ma vie ressemble assez à un conte de fées», sourit-elle au téléphone. Jogging régulier dans les parcs parisiens, voyages fréquents à New York à travers un échange d’appartement, consulting pour jeunes entreprises, cafés avec les copines, sorties culturelles, lecture et écriture, Mylène affiche de fait un quotidien libéré. Comment réagit son entourage à cette existence fluide? «Mon ami, qui a mon âge, est un créatif. Il s’accommode très bien de ce fonctionnement.
«Hier soir, on a jamé tous les trois, mon ami au piano, mon fils à la guitare et moi au chant»
Idem pour mes enfants. Que ce soit mon fils de 27 ans ou ma fille de 22 ans qui vit à New York, les deux semblent contents d’avoir une maman dynamique et libre de ses mouvements. Encore hier soir, on a «jamé» tous les trois, mon ami au piano, mon fils à la guitare et moi au chant, et on a passé un magnifique moment. Enfin, pour mes parents, je ne vis pas dans la même ville qu’eux, mais je vais les voir une fois par mois et ils sont solidaires de mes choix. Même assez fiers, je crois.»
Que Mylène se sente jeune, c’est un fait et, visiblement, un fait réjouissant. Mais souhaite-t-elle aussi «paraître» jeune? Autrement dit, a-t-elle recours à la chirurgie esthétique pour atténuer les effets du vieillissement? «Déjà, je me suis toujours protégée du soleil, mais depuis cinq ans, je fais des injections de botox, de manière très modérée, une fois tous les deux ans, répond l’intéressée. Mon esthéticien m’applique aussi des masques et un traitement à la lumière pulsée. Je suis contre la chirurgie esthétique, car elle trahit ce qu’on est. Mais je ne pourrais pas ne rien faire dans mon milieu où toutes mes amies agissent en douceur contre les ravages de l’âge!»
Lire aussi: Un enfant? Non merci. Enquête sur ces couples qui ont fait le choix de ne pas devenir parents
La question de l’intervention sur son propre corps semble superficielle et pourtant, elle est cruciale. Serge Guérin, sociologue, précise la nuance: «Les quincados ne sont pas le reflet d’un refus de vieillir, ils sont les bénéficiaires d’un rajeunissement objectif. Il y a encore quinze ans, un quinquagénaire qui se faisait licencier était un homme fini. Aujourd’hui, un quinquagénaire qui se fait licencier entame une nouvelle vie, car il sait que son existence peut encore durer quarante à cinquante ans.» Les personnes qui recourent à la chirurgie esthétique se situent dans un tout autre processus, sanctionne le sociologue. «Elles ne s’assument pas, s’éloignent d’elles-mêmes, se nient, et ça, c’est problématique.»
«Je suis en effet un grand gosse»
Sinon, le spécialiste est formel. Auteur de Silver Génération, un ouvrage qui lutte efficacement contre dix idées reçues concernant le vieillissement, troisième et quatrième âge compris, Serge Guérin affirme que «l’âge a rajeuni». Il distingue trois mutations à l’origine de cette évolution. «Il n’y a jamais eu autant de gens en activité à 50 ans. Ensuite, c’est la première fois dans l’histoire que cet âge correspond à la moitié de la vie. Enfin, c’est aussi la première fois que les gens arrivent à 50 ans dans une telle forme, que ce soit sur les plans physique ou neurologique.»
Une juvénilité dont témoigne Sébastien, qui, à 48 ans, se prépare à un avenir de quincado flamboyant. «Je suis en effet un grand gosse. J’adore flâner dans les rayons de jouets ou passer des soirées sur les jeux vidéo. J’aime aussi prendre une fausse voix au téléphone et faire marcher mon interlocuteur. Et encore ceci: je fréquente pas mal de gens qui ont facilement dix ans de moins. D’où un langage assez jeune avec des blagues franchement limites qui choquent mes deux enfants, pourtant adultes.»
Evidemment, ce constat de juvénilité décontractée concerne moins «les personnes qui travaillent sur un chantier», admet le sociologue, mais «la société doit évoluer et réaliser qu’à 50 ans aujourd’hui, on est moins vieux qu’il y a encore quinze ans».
Qu’en est-il des enfants? Comment ces jeunes de 20 à 30 ans trouvent-ils leur place dans cette nouvelle société saturée de vieux rayonnants? «Je suis contre l’idée de guerre des générations, poursuit Serge Guérin. Aujourd’hui, le savoir est transversal. Il n’est pas rare qu’un adulte âgé demande à un jeune de lui expliquer quelque chose, notamment sur le plan technologique. Chacun a donc sa légitimité.»
Et l’autorité? Mylène l’avoue volontiers: dans l’éducation de ses enfants, elle a toujours privilégié «l’amour et l’autonomie» avec, concède-t-elle joliment, des «résultats relatifs». «Là, on touche à un point sensible», reconnaît Serge Guérin. «Issus des années post-68 où il était interdit d’interdire, les quinquas pratiquent souvent un rapport copain-copain avec leurs enfants. Ce qui provoque certaines dérives en matière de hiérarchie, c’est vrai.» L’antidote? «Repenser la transmission. Je suis contre la relation autoritaire, mais je suis pour la relation d’autorité. C’est-à-dire une relation dans laquelle le quinquagénaire connaît sa valeur et transmet son expérience aux générations d’après.» Le quincado? Loin, très loin d’un individu infantile et décérébré.
Silver Génération, Serge Guérin, Ed. Michalon, Paris, 2015.
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Marie-Pierre Genecand

http://www.letemps.ch/societe/2015/08/26/quincados-generation-pathetique 

opinions
Opinion

Les sciences humaines, plus nécessaires que jamais

Inutiles, les sciences sociales et humaines? C’est complètement faux, comme le démontre Alain Boillat, doyen de la Faculté des lettres de l’Université de Lausanne, qui s’inquiète des attaques répétées contre le savoir
En écho aux recommandations formulées par le ministère japonais de l’éducation aux universités publiques de couper drastiquement dans les budgets dévolus aux sciences humaines et sociales (SHS) en raison de leur manque supposé de «productivité» (et sans doute, plus fondamentalement, en raison du foyer de contestation du pouvoir qu’elles représentent), un argument similaire a été brandi en Suisse durant la récente période électorale. Ce type de formation académique constitue, on le sait, une cible facile en ce que la discussion de ses objectifs implique de se confronter à une certaine complexité du monde contemporain qui demeure inintelligible dès lors que l’on s’en tient à une vision simplificatrice. Si une formation comme celle des Lettres – sur laquelle je mettrai l’accent ici – ne conduit pas à un goulet d’étranglement en l’espèce d’un métier taillé sur mesure, c’est afin de privilégier un épanouissement personnel, le développement d’un esprit critique et d’un sens de la synthèse ainsi que de compétences rédactionnelles et communicationnelles qui répondent en fait à tout un faisceau d’activités professionnelles. Les sciences humaines font plus qu’offrir des savoirs: elles livrent des outils pour construire ces savoirs et les situer dans leurs généalogies et leur contexte. Ces compétences peuvent paraître plus fécondes pour penser et bâtir «l’Avenir suisse» que les injonctions platement utilitaristes – et en l’occurrence mal documentées – formulées par la fondation homonyme (voir Le Temps du 9 octobre 2015).
A notre époque de massification de la communication écrite et orale, des messages audiovisuels et de l’archivage numérique des données, les savoirs et méthodes des sciences humaines, pluridisciplinaires voire plurilingues comme elles le sont en Suisse, n’ont probablement jamais été d’une telle «utilité» (pour adopter provisoirement une logique strictement économique qui s’avère impropre à rendre compte des missions de la formation académique), alors que les collaborations des chercheurs des universités avec la cité et de nombreuses institutions se sont intensifiées par ces biais. Bien que le professeur Ola Söderström ait exposé de manière fort convaincante l’été passé, dans les pages du Temps, combien les arguments avancés contre les SHS étaient fallacieux et participaient d’une «politique de l’ignorance nécessaire au succès de l’UDC», il me paraît important, en cette période post-électorale favorable à l’amnésie, de souligner à nouveau combien de telles formations universitaires sont en prise avec les réalités d’aujourd’hui.
Tordons le cou à certains clichés: l’argument voulant que le marché n’ait guère besoin d’étudiants en SHS est démenti par les statistiques d’employabilité, c’est-à-dire par le principal critère dont arguent leurs détracteurs. En effet, les chiffres diffusés par l’Office fédéral de la statistique (OFS) à la suite d’une enquête menée en 2013 auprès de jeunes diplômés révèlent que les compétences des personnes formées en SHS coïncident avec les besoins du tissu économique suisse, le taux de chômage s’y révélant identique à la moyenne de l’ensemble des formations universitaires. Söderström notait que le taux de chômage des diplômés de SHS cinq ans après leur diplôme (2,8%) était même inférieur à celui des diplômes en sciences exactes et naturelles (3,8%), tandis que le salaire moyen est strictement identique. Si l’on prend les chiffres plus spécifiques à l’Université de Lausanne extraits des mêmes statistiques de l’OFS afin de considérer le taux de chômage une année seulement après l’achèvement du Master, on observe que ce taux se monte à 5% pour les diplômés issus d’une formation en Lettres, alors qu’il est de 11% pour les diplômés de sciences économiques, et que la moyenne, tous parcours académiques confondus, est de 6%. Si les résultats des différentes facultés se tiennent ainsi dans un mouchoir de poche, c’est que chacune d’elles répond, à sa manière, aux besoins fort diversifiés de notre société, et à des choix en termes de parcours de vie; il faut s’en réjouir, plutôt que de se borner à vouloir canaliser les diplômés dans des voies balisées qui tendent à exclure l’ouverture à la nouveauté.
On observe par conséquent que l’argument de «l’inutilité» des SHS n’est pertinent à aucun égard; il témoigne avant tout d’un aveuglement inquiétant, à l’heure où nombre d’enjeux politiques et sociétaux demandent plus que jamais de replacer l’être humain au cœur des réflexions.
http://www.letemps.ch/opinions/2015/12/03/sciences-humaines-plus-necessaires-jamais










La santé a besoin de fondations solides

Van Vyve Valentine Publié le - Mis à jour le
Opinions Une opinion de Francis Martens, président de la Fédération nationale des psychologues praticiens d’orientation psychanalytique (APPPsy).
La reconnaissance officielle du psychothérapeute a-t-elle du plomb dans l’aile ? Il est capital que le législateur protège cette spécificité en se montrant à la fois très souple sur la pluralité des chemins et d’une exigence radicale sur la qualité des formations. Une loi sur la psychothérapie et la santé mentale - en chantier - paraissait prometteuse. Dans la plus totale opacité, l’actuel ministère de la Santé semble la mettre à mal. Il est bon dès lors de faire quelque lumière sur les réalités du terrain en y pointant des repères objectifs. D’autant plus que si l’ignorance politique semble ici la règle, c’est dû au faible impact de ce domaine sur le budget de la santé. Or, promouvoir une politique réaliste en matière de santé mentale constituerait sans doute la forme de prévention la plus efficace et la moins coûteuse en matière de santé tout court.
Données scientifiques
Pour ne pas céder aux pétitions de principe, passons sommairement en revue quelques données scientifiques issues de la sociologie, de l’épidémiologie, et de recherches expérimentales jamais remises en cause.
Il existe une forte corrélation entre le nombre de consultations en psychiatrie et le degré de pauvreté et de destruction du lien social.
Vu leur impact sur la fonction immunitaire, le stress et la dépression favorisent le déclenchement et le développement de nombre de maladies tant exogènes qu’endogènes.
Ils s’insèrent souvent dans des schémas de causalité circulaire : par exemple, la dépression peut favoriser l’éclosion de cancers, lesquels deviennent eux-mêmes facteurs de dépression.
La dépression est statistiquement corrélée en premier avec la solitude, en second avec le chômage, cause lui-même de destruction du lien social et de solitude.
Selon l’OMS, la dépression est en passe de devenir la deuxième cause d’invalidité au monde après les maladies cardio-vasculaires.
D’après la littérature médicale, le meilleur traitement connu de la dépression consiste en une association de pharmacothérapie et de psychothérapie.
Depuis plus d’un demi-siècle, des milliers d’études expérimentales en double aveugle mettent en évidence une efficacité de 33 % en moyenne de l’effet dit "placebo" - tous types de pathologie et tous types d’intervention thérapeutique confondus (de la psychothérapie à la chirurgie, sans oublier les molécules).
Pour des raisons idéologiques, ces résultats - parmi les mieux documentés en médecine - ne sont pas pris en compte par le modèle dominant. Ils n’ont pourtant rien d’une anecdote. Ils indiquent scientifiquement que, dans toute intervention soignante, une part énorme de l’efficacité thérapeutique est à attribuer à des facteurs non spécifiques : à la relation soignante, à l’intelligibilité des soins et de la situation, à la sécurité ressentie, à la confiance dans la compétence des intervenants, à la non-violence des interventions, au confort et à la bienveillance proposés par l’institution soignante.
Dans cette perspective, la qualité de l’hôtellerie hospitalière, la disponibilité et le nombre du personnel infirmier est aussi importante que la compétence en matière d’imagerie médicale.
Effet "placebo" plutôt que "nocebo"
Cette facette non valorisée bien qu’efficace de la prise en charge thérapeutique n’est pas dépensière. Son coût s’avère sans commune mesure avec celui d’actes onéreux et intrusifs, relevant parfois plus d’un souci managérial de rentabilisation de l’hôpital que d’une réelle exigence diagnostique ou thérapeutique. En outre, la non prise en compte des facteurs de guérison atypiques relevant de l’effet "placebo" (latin : je plairai), peut causer un effet "nocebo" (je nuirai) susceptible de compromettre, d’annuler ou d’inverser l’effet d’actes techno-médicaux en principe adéquats. Cela peut tuer.
En privilégiant l’aspect relationnel de la dimension soignante, la relation psychothérapeutique systématise la prise en compte des facteurs mis en lumière par l’"effet placebo". S’adressant à la personne totale, elle s’avère le complément nécessaire de la techno-médecine des organes. L’une comme l’autre nous sauve quelquefois la vie.
L’impact tant préventif que curatif des psychothérapies et leur peu de coût intrinsèque en font un agent déterminant d’économies budgétaires. Déjà de ce seul point de vue, il importerait de privilégier le renforcement du cadre des services de santé mentale et des services de psychiatrie et de psychologie des hôpitaux.
Il faut préciser ici que les études de médecine ne forment ni à la psychologie, ni à la psychothérapie. De par l’aspect clinique soutenu de l’enseignement et des stages, elles débouchent sur la profession de médecin. Les études de psychologie ne forment pas non plus à la psychothérapie, elles ouvrent seulement sur une culture générale en matière de psychologie. Ne comportant aucune initiation soutenue à quelque pratique que ce soit, elles ne débouchent sur aucune profession en particulier. Il faut savoir que les stages - déjà insuffisants par le passé - ont été réduits par "Bologne" à leur plus simple expression. Pour les psychologues, la formation vient après le diplôme et par de multiples chemins.
Parcours des psychothérapeutes
La profession de psychothérapeute, de son côté, s’étaie sur divers cursus et compléments d’études mais n’en résulte pas directement. Elle est le fruit de formations personnelles auxquelles s’astreignent psychiatres, psychologues, médecins, travailleurs sociaux, etc. Ces formations se déroulent dans le cadre de troisièmes cycles universitaires ou d’instituts privés qui mettent l’accent sur la pratique supervisée et le trajet thérapeutique personnel - aucune psychothérapie ne se réduisant à une technique. La maturation personnelle du thérapeute apparaissant essentielle, la profession s’appuie forcément moins sur des cursus que sur des parcours de vie. Il est capital pour le législateur de protéger cette spécificité en se montrant à la fois très souple quant à la pluralité des chemins et d’une exigence radicale quant à la qualité des formations.
Approche interdisciplinaire
La prise en compte de la santé mentale - indissociable de la santé sociale et de la santé tout court - ne peut être le fruit que d’une approche interdisciplinaire et d’une perspective politique globale. La création d’un Conseil supérieur de la santé mentale, organisé dans le cadre de l’AR 78 sur l’exercice des professions de la santé, est une priorité. Par-delà tout corporatisme, il devrait réunir les acteurs multiples du terrain réel : psychothérapeutes, médecins généralistes, psychologues, psychiatres, travailleurs sociaux, éducateurs, orthopédagogues, personnel infirmier, représentants du monde de l’enseignement, de la justice, de la police, etc.
Vu la spécificité de la profession de psychothérapeute, vu la diversité bénéfique des chemins qui y mènent et vu son impact sur les économies en matière de santé, un Conseil supérieur de la psychothérapie devrait être mis en place lui aussi. Les psychologues cliniciens quant à eux bénéficient déjà de la Commission nationale des psychologues et de son instance déontologique. Ils auraient évidemment leur place au Conseil supérieur de la santé mentale.
http://www.lalibre.be/debats/opinions/la-sante-a-besoin-de-fondations-solides-56113edc35700fb92f6db776 













"La corruption est dans la nature de l'homme"

Contribution lecteur Publié le - Mis à jour le
Une opinion de Pierre Defraigne, directeur exécutif du Centre Madariaga-Collège d’Europe, Directeur Général honoraire à la Commission européenne.

Le pot-de-vin est une tradition à laquelle le gouvernement chinois tente de mettre fin. Alors qu’une forme de collusion systémique entre capitalisme et pouvoir politique mine les bases mêmes de la démocratie américaine. L’Europe doit se prémunir de ces dérives.
Le visage émacié est celui d’un Grand Inquisiteur. Pourtant l’œil pétillant annonce un sens certain de l’humour. Numéro 5 du régime, Wang Qishan dirige la redoutable CCDI (Commission centrale d’inspection de la discipline) qui prévient, traque et punit les manquements à la discipline du Parti communiste chinois (PCC). Son propos est sans détours : Wang Qishan voit la corruption comme une menace mortelle pour le régime. Xi Jinping n’a-t-il pas récemment comparé le PCC au Kuomingtang de Chiang Kaï-Check passé à l’Histoire pour le plus corrompu dans la mémoire de la Chine contemporaine ?
Enrichissement privé
La corruption est universelle bien entendu, car elle est dans la nature de l’homme. Mais en Chine, la tradition du tribut du disciple au maître, du vassal au suzerain et celle des échanges de présents a nourri cette anthropologie du cadeau qui devient aujourd’hui pot-de-vin ou libéralité indue. Le recouvrement du marché et du politique ainsi que le côté discrétionnaire du pouvoir multiplient les occasions de faire de l’acte d’autorité publique un enrichissement privé. En outre, les cadres rigoureux du Parti léniniste et révolutionnaire des débuts sont désormais soumis à la pression d’une société qui s’enrichit en creusant les inégalités. "Il est glorieux d’être riche", avait proclamé un peu imprudemment Deng Xiaoping, le véritable père du miracle chinois. Dans un Parti de 8O millions de membres, la tentation d’user du pouvoir pour capter des miettes du banquet ou carrément émuler les "tycoons" du privé s’est faite très forte. Nombre y ont cédé et le discrédit touche le PCC à un moment où il est amené à passer d’un modèle de croissance à deux chiffres, tirée par l’exportation et l’investissement, à une croissance moins élevée, mais orientée vers la correction des trois déséquilibres qui compromettent la sécurité et la stabilité de la Chine : les écarts de revenus, le retard des provinces de l’intérieur et les dommages environnementaux.
Les écuries d’Augias
Ces réformes exigent la confiance de la nation dans le parti unique, mais elles heurtent de plein front des intérêts établis. Reconstruire la confiance et avoir raison des résistances aux réformes exige une éradication implacable de la corruption, qui est entendue dans un sens très large. Un dispositif de comités locaux de discipline, des inspections surprises et un recours massif aux technologies numériques pour connecter au quartier général le citoyen de base témoin ou victime d’un abus, doivent conduire à nettoyer les écuries d’Augias : tigres et moustiques seront traités pareillement. Le tableau de chasse est déjà impressionnant et, bien entendu, les adversaires des réformes ne sont pas ménagés. L’acte à double effet reste un procédé utile de gouvernement en Chine comme ailleurs. Que faut-il attendre de cette vaste campagne qui se veut choc culturel ?
Le PCC veut en effet recréer une Tribu de Lévi qui ne cède plus à la tentation des Marchands du temple. Mais les cadres du Parti redeviendront-ils des serviteurs frugaux et austères de l’Empereur alors même que le capitalisme chinois déploie à l’envi ses séductions et ses dérives ? Nul n’en sait rien, mais l’expérience montre qu’en Chine tout est possible : d’un côté la règle de droit fait son chemin; de l’autre il ne faut pas exclure une mise au pas des capitalistes chinois eux-mêmes par le PCC.
Il vaut sans doute mieux pour l’Europe que la Chine gagne la bataille contre la corruption. Car, qu’on l’aime ou non, le PCC est destiné à rester longtemps encore la colonne vertébrale de la Chine. L’alternative serait l’implosion de la Chine à la manière de l’URSS ou de la Yougoslavie, scénario que personne de sensé ne peut souhaiter à l’Ouest. Mais du moins en Chine aujourd’hui, le dernier mot appartient toujours au politique.
Corruption légale ?
Est-ce encore vrai en Amérique ? La grande alliée de l’Europe, relativement à l’abri de la corruption "à la chinoise", ne s’est-elle pas embarquée dans un type de corruption, légale celle-ci ? Une forme de collusion systémique entre capitalisme et pouvoir politique mine en effet les bases mêmes de la démocratie américaine. De plus en plus, les groupes d’intérêts, lobbys et firmes globales achètent littéralement le pouvoir, en pesant de tout leur poids sur les législations et leur mise en œuvre. Ils agissent par deux canaux principaux.
D’une part, la "porte à tambour" entre Wall Street et le Congrès ou la Maison-Blanche a permis ces deux dernières décennies, notamment à des banquiers de Goldmann Sachs, d’occuper des postes stratégiques dans l’administration pour gérer la crise financière à laquelle ils avaient contribué. Ils ont ainsi, au nom du "trop gros pour faire faillite" mis leurs banques à l’abri, aux frais du contribuable américain, mais surtout au prix d’une récession sans précédent depuis 1929, qui pèse encore sur l’Europe.
Suffrage censitaire
D’autre part, le financement désormais non plafonné des campagnes électorales - présidence et congrès - par les entreprises et autres groupes d’intérêts a pour contrepartie directe des exemptions fiscales, un traitement indulgent des délits de concurrence, un traitement préférentiel dans les contentieux commerciaux extérieurs et dans les grands contrats militaires.
Désormais, avec une forte abstention des plus pauvres et des jeux d’influence qui amplifient le vote des super-riches, l’Amérique n’est-elle pas en train de s’engager dans la voie d’une démocratie censitaire ? L’équilibre entre marché et politique s’est rompu en Amérique. A quand un nouveau Roosevelt pour le rétablir ?
L’ Europe doit pour sa part se garder sur deux fronts : combattre la corruption partout et résister chez elle à la collusion qui guette.
Titre, chapeau et intertitres sont de la rédaction.
http://www.lalibre.be/debats/opinions/la-corruption-est-dans-la-nature-de-l-homme-5601739535700fb92f18ab98 
 
Oui au Kosovo, non à la Palestine?
jeudi15 septembre 2011
Marcelo Kohen
Loin de torpiller les négociations pour la paix au Moyen-Orient, l’existence de la Palestine comme Etat membre des Nations unies les favorise. Elle donne des perspectives sérieuses à une population lassée de tant de promesses non tenues. Par Marcelo Kohen

La Palestine s’apprête à déposer une demande d’admission pour devenir Etat membre des Nations unies, précisant que son étendue territoriale est celle définie par les lignes existant avant la guerre des Six-Jours de 1967 et ayant Jérusalem-Est pour capitale. Les Etats-Unis ont déjà annoncé qu’ils opposeront leur veto au sein du Conseil de sécurité. Des Etats européens comme la France, le Royaume-Uni, l’Allemagne et la Suisse n’ont pas encore indiqué quelle sera leur attitude. Ils partagent avec les Etats-Unis le fait d’avoir eu à l’égard du Kosovo une politique d’encouragement et de reconnaissance immédiate de la déclaration unilatérale d’indépendance. A la différence de la Palestine, le Kosovo n’a pas demandé à être admis aux Nations unies. Non pas tant parce qu’il craint un veto certain de la Russie et de la Chine, mais tout simplement parce que Pristina sait ne pas pouvoir compter sur une majorité d’Etats en sa faveur à l’Assemblée générale. La Palestine, en revanche, bénéficiant déjà d’une large reconnaissance internationale, est sûre de trouver la majorité de deux tiers requise au sein de l’organe plénier de l’ONU.
S’agissant de situations dans lesquelles deux entités cherchent à s’imposer comme Etats souverains, la comparaison de l’attitude des autres Etats à leur égard est ici pertinente. Cette comparaison sert à mesurer le poids qu’ils attribuent au respect du droit international dans leur prise de position ainsi que la cohérence de leur argumentaire politique.
Les questions palestinienne et kosovare sont toutes les deux sur l’agenda des Nations unies. Dans les deux cas, il y a eu des négociations entre les parties concernées avec la médiation, soit de l’ONU, soit d’Etats tiers. Les coïncidences, toutefois, s’arrêtent là. L’Assemblée générale avait déjà approuvé en 1947 une résolution envisageant un Etat juif et un Etat arabe en Palestine. Depuis des décennies, l’ONU reconnaît le droit du peuple palestinien à l’autodétermination à l’intérieur du territoire occupé par Israël en 1967. Le droit des Palestiniens à avoir leur propre Etat est aujourd’hui unanimement reconnu, y compris par Israël. En revanche, après les bombardements de l’OTAN et la sanglante répression du régime de Milosevic, le Conseil de sécurité a mis en place une administration internationale sur le territoire qu’il avait reconnu comme faisant partie de la Serbie. D’un côté, droit à créer un Etat sur un territoire qui ne relève pas de la souveraineté d’un autre Etat. De l’autre, absence de ce droit sur un territoire reconnu comme faisant partie d’un Etat membre de l’ONU. Dans le cas du Kosovo, le Conseil de sécurité a envisagé un processus politique en vue de déterminer le statut final du Kosovo, sans préjuger de son résultat. Dans le cas de la Palestine, le résultat envisagé est la création d’un Etat. Pour le Kosovo, après deux ans de négociations, le médiateur nommé par le secrétaire général, Martti Ahtisaari, a proposé l’indépendance et estimé que des négociations ultérieures étaient superflues car les positions des parties étaient inconciliables. Les Etats-Unis et les pays européens qui ont soutenu la déclaration unilatérale d’indépendance du Kosovo ont justifié leur action en mentionnant que la poursuite des négociations n’aurait aucun sens et que la Serbie ne pouvait avoir un droit de veto, sous-entendant que les Albanais du Kosovo pouvaient déclarer l’indépendance sans attendre que la Serbie soit d’accord. Dix-huit ans ont passé après l’ouverture du processus d’Oslo entre Israël et l’OLP. Tous les délais établis par les différentes initiatives de paix se sont écoulés sans que les parties ne parviennent à un accord sur les questions-clés des frontières, Jérusalem et des réfugiés. Par contre, le gouvernement israélien a poursuivi sa politique de colonisation de la Cisjordanie. Les Etats-Unis et certains gouvernements européens considèrent cependant que la création de l’Etat de Palestine doit être le résultat de négociations bilatérales, ce qui implique d’octroyer à Israël un véritable droit de veto: tant qu’un gouvernement israélien ne sera pas d’accord, il n’y aura pas d’Etat palestinien.

La contradiction entre les attitudes adoptées à l’égard du Kosovo et de la Palestine est flagrante. C’est sans doute une illustration absolue de la politique du «deux poids, deux mesures». Examinons si les autres arguments avancés contre l’admission de la Palestine à l’ONU sont pertinents:

1. «La démarche palestinienne délégitimise Israël.» (Obama, 19 mai 2011). La démarche palestinienne ne remet pas en cause l’Etat d’Israël. Au contraire, elle implique la reconnaissance de son existence et consolide la solution des deux Etats. S’appuyant sur les frontières de 1967, elle comporte une reconnaissance du statu quo existant après la première guerre arabo-israélienne de 1948, au cours de laquelle Israël a obtenu plus de territoire que celui envisagé par la Résolution 181 (II) de l’ONU concernant le partage de la Palestine. Un vote en faveur de la Palestine comporte en réalité un message de rejet aux extrémistes des deux bords, tant les partisans du Grand Israël que ceux d’une Grande Palestine. Le mouvement pacifiste et d’autres dirigeants responsables d’Israël ne sont pas opposés à la demande palestinienne.

2. «Les Palestiniens se sont engagés à créer leur Etat par le biais des négociations avec Israël.» C’est un argument qui aurait eu sa pertinence durant les cinq années prévues par les Accords d’Oslo ou durant les périodes fixées par la Feuille de route du Quartette, aujourd’hui totalement dépassées. Il semble incohérent de critiquer les Palestiniens pour cette démarche unilatérale – par ailleurs, toute demande d’admission à l’ONU est par définition unilatérale – alors que le gouvernement Netanyahou-Lieberman poursuit unilatéralement sa politique d’expansion des implantations en Cisjordanie.

3. «Les éléments pour l’existence d’un Etat palestinien ne sont pas réunis.» A la différence de la situation en 1988, lorsque l’Etat palestinien a été proclamé à Alger, il existe aujourd’hui une autorité palestinienne exerçant déjà des compétences étatiques sur le territoire palestinien et à l’égard de sa population. La Palestine entretient des relations diplomatiques avec une large majorité d’Etats qui composent la communauté internationale, est membre à part entière de l’organisation régionale pertinente (la Ligue des Etats arabes) et partie à un nombre important de traités multilatéraux et bilatéraux. La Banque mondiale et le FMI estiment que les institutions palestiniennes sont en mesure d’exercer des compétences étatiques. Certes, l’occupation israélienne implique une capacité limitée d’exercice des compétences souveraines, mais il existe aujourd’hui un minimum d’effectivité qui permet de parler de l’existence d’un Etat. La comparaison avec d’autres situations d’effectivité limitée est pertinente. Lorsque la Bosnie-Herzégovine a été admise à l’ONU, le gouvernement de M. Izetbegovic ne contrôlait qu’une partie minime du territoire de l’Etat. De même, le fait que l’Irak ait été sous occupation militaire américaine en 2003 n’a pas impliqué la disparition de l’Etat. Les Etats qui ont reconnu le Kosovo n’ont pas été découragés par le fait qu’il existe toujours une Mission intérimaire d’administration des Nations unies sur place et que le pouvoir suprême en matière de sécurité du territoire relève de la KFOR, et non des autorités de Pristina.
4. «L’admission de la Palestine est contraire au processus de paix.» Une telle admission ne se substitue pas au processus de paix. Un Etat palestinien ne règle pas les conflits existants, notamment les frontières, la sécurité, les réfugiés et l’utilisation des ressources. Ces différends exigeront d’être résolus bilatéralement, quel que soit le vote sur l’Etat palestinien au sein de l’ONU. La Feuille de route elle-même envisageait la création de l’Etat palestinien avant même que tous les différends soient résolus.
Loin de torpiller les négociations pour la paix au Moyen-Orient, l’existence de la Palestine comme Etat membre des Nations unies les favorise. Elle donne des perspectives sérieuses à une population lassée de tant de promesses non tenues, permet l’exercice du droit palestinien à l’autodétermination, apporte un certain rééquilibrage des principaux acteurs et permet de concevoir leurs relations sur un pied d’égalité juridique, favorisant ainsi leur sécurité mutuelle. Car il ne faut pas oublier que l’existence d’un Etat comporte des droits, mais aussi des obligations internationales.
 http://www.letemps.ch/Page/Uuid/00a3bf3c-def9-11e0-a124-ad6fde2c3afb|

C’est ça, ma vie de femme noire chez les blancs - La Libre.be

L’appel à boycotter Israël déclaré illégal

LE MONDE |










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Manifestation propalestinienne, à Lyon, le 5 septembre.

Il n’y a plus aucun doute possible : le simple appel à boycotter des produits israéliens est totalement illégal en France. Et sévèrement puni. Deux arrêts de la Cour de cassation du 20 octobre, passés inaperçus en dehors des réseaux militants et des juristes spécialisés, font de la France l’un des rares pays du monde, et la seule démocratie, où l’appel au boycott par un mouvement associatif ou citoyen pour critiquer la politique d’un Etat tiers est interdit.

Concrètement, la Cour de cassation a confirmé la condamnation par la cour d’appel de Colmar de 14 militants du mouvement Boycott, désinvestissement, sanctions (BDS) à 28 000 euros de dommages et intérêts aux parties civiles et chacun à une amende de 1 000 euros avec sursis. Il leur est reproché d’avoir, le 26 septembre  2009 pour les uns et le 22 mai  2010 pour les autres, participé à une manifestation dans un magasin Carrefour à Illzach, près de Mulhouse (Haut-Rhin), «  appelant au boycott des produits en provenance d’Israël  ». Ils portaient des tee-shirts avec le slogan «  Palestine vivra, boycott Israël  » et distribuaient des tracts aux clients sur lesquels était écrit   : «  Acheter les produits importés d’Israël, c’est légitimer les crimes à Gaza, c’est approuver la politique menée par le gouvernement israélien.  »
Il n’a été relevé aucune dégradation, aucune entrave au fonctionnement du magasin (qui n’a pas porté plainte) ni aucun propos antisémite. Le mouvement BDS déploie sa stratégie dans de nombreux pays (Grande-Bretagne, Etats-Unis, Belgique, Allemagne, etc.) au moyen d’appels aux boycotts commerciaux, universitaires ou culturels pour faire pression sur Israël.
Pour la haute juridiction française, cela est néanmoins constitutif du délit de «   provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance à une ethnie, une nation, une race, ou une religion déterminée  » (article 24 alinéa 8 de la loi sur la presse).

Seuls les embargos sont légaux

La campagne BDS lancée par des militants propalestiniens en 2005 à travers le monde fait l’objet depuis 2010 de poursuites systématiques dans l’Hexagone. Une circulaire aux procureurs datant de février 2010 – Michèle Alliot-Marie était alors ministre de la justice – visait spécifiquement les «  appels au boycott de produits israéliens  » et recommandait aux parquets d’apporter «  une réponse ferme  ».
Mais les tribunaux et cours d’appel ont hésité et divergé, entre annulations de poursuites, relaxes au nom de la «  liberté d’expression  » et condamnations au titre de la «  provocation à la discrimination  ». Désormais, l’interprétation de la Cour de cassation s’impose à tous. Seuls les boycotts décidés par l’Etat, à savoir les embargos, sont légaux.
«  C’est une grande régression  », s’offusque Antoine Comte, l’avocat de BDS, qui se dit « déterminé à porter l’affaire devant la Cour européenne des droits de l’homme  ». Il compte invoquer l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme sur la liberté d’expression. La Cour de Strasbourg ne devrait pas trancher avant deux ou trois ans. M. Comte insiste sur le fait que la loi de 1972 introduisant ce délit de provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence «  était destinée à protéger les individus contre le racisme  ».

La France est isolée sur cette voie

Glenn Greenwald, le journaliste américain connu pour avoir publié les révélations d’Edward Snowden sur les programmes de surveillance des Etats-Unis, a vertement réagi sur son site (The Intercept) à la décision du 20 octobre. Il raille la «  France, autoproclamé pays de la liberté, qui fait de vous un criminel  » pour être allé dans un supermarché vêtu d’un tee-shirt appelant à boycotter d’Israël.
Pour Pascal Markowicz, avocat, membre du comité directeur du Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF), la Cour de cassation «  se contente d’appliquer la loi  ». Si la France est isolée sur cette voie, «  c’est que beaucoup de pays n’ont pas de lois aussi poussées en matière de lutte contre les discriminations », analyse-t-il. « Le problème est que derrière BDS il n’y a pas que la volonté de critiquer un Etat ou de défendre une cause. » Certaines actions du BDS ont parfois donné lieu à des propos antisémites.
Le cas français «  pose problème  » en revanche à Patricia Vendramin, coauteure d’un livre d’analyse sur les pratiques du boycott (Le Boycott, Ingrid Nyström et Patricia Vendramin, Presses de Sciences Po, 144 p., 13  euros). Directrice d’un centre de recherche en sociologie et sciences politiques à l’université de Louvain-la-Neuve, elle constate qu’en France «  tous les appels au boycott ne sont pas traités de la même manière  ». Les appels au boycott contre l’Afrique du Sud du temps de l’apartheid, contre la Birmanie du temps de la junte ou même le Mexique au moment de l’affaire Florence Cassez n’ont jamais fait l’objet de poursuites.

«  Liberté de choix  »

«   La décision de la Cour de cassation est totalement contraire à ce mouvement de fond de la société civile où les consommateurs se mobilisent sur des questions d’éthique  », dénonce Ghislain Poissonnier, un magistrat qui soutient le mouvement BDS. « Perçu à certains moments comme l’arme des pauvres, le boycott trouve aujourd’hui toute sa place dans l’univers des activistes contemporains », soulignent Mmes Nyström et Vendramin en conclusion de leur ouvrage. Sauf en France.
Dans leur arrêt, les juges constatent que cet appel au boycott discrimine «  à raison de l’origine et de l’appartenance nationale des producteurs et des distributeurs israéliens  ». Ils concluent que la liberté d’expression peut être soumise à « des restrictions ou sanctions qui constituent (…) des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la défense de l’ordre et à la protection des droits d’autrui  ».
Une interprétation que conteste Jean-Christophe Duhamel, ingénieur en recherche en droit à l’université de Lille-II. «  Le droit d’autrui est respecté puisque l’appel au boycott est un appel au consommateur à exercer sa liberté de choix. Il ne s’agit pas d’une action qui, par exemple, empêcherait la livraison de produits israéliens dans le magasin, et cela n’entrave en rien la liberté économique du producteur israélien. »
Cette «  défense de l’ordre et de la protection des droits d’autrui  » invoquée par la Cour de cassation fait craindre à M. Poissonnier «  des conséquences en chaîne pour la liberté d’expression ». Et d’interroger  : «  Les droits de producteurs étrangers doivent-ils prédominer sur une liberté politique ? Où est la limite ?  »

En savoir plus sur http://www.lemonde.fr/police-justice/article/2015/11/06/l-appel-au-boycott-de-produits-israeliens-est-illegal_4804334_1653578.html#JIdeGt0dGiah4fwk.99










La Palestine et son occupation coloniale

Contribution lecteur Publié le - Mis à jour le
Opinions Une opinion d'Akram Belkaïd, journaliste indépendant. Dernier livre paru : Etre arabe aujourd’hui (Ed Carnets Nord)

L’affaire devrait être entendue tant elle est évidente. Les violences qui se déroulent aujourd’hui à Jérusalem et dans les Territoires palestiniens occupés ou contrôlés par Israël sont incontestablement liées à cette occupation. Et le plus étonnant c’est que cette flambée n’arrive que maintenant. Pour dire les choses simplement, le peuple palestinien n’en peut plus d’être privé de ses droits les plus élémentaires. Il n’en peut plus d’être humilié quotidiennement et de ne pas voir son sort s’améliorer. Vingt-deux ans après les accords d’Oslo, le processus de paix est enterré et aucune perspective ne se dégage pour lui dans le ciel noir d’un Proche-Orient en proie à de multiples conflits.
Dans les multiples analyses que l’on peut lire dans la presse occidentale, notamment française, se déploie une campagne insidieuse qui cherche à disqualifier la révolte palestinienne. Et la méthode employée doit être dénoncée. D’abord, les attaques au couteau ou, plus rarement, à la voiture-bélier, sont mises dans le même sac que les manifestations quotidiennes de la jeunesse palestinienne face aux militaires israéliens. Ainsi, on installe dans l’imaginaire occidental l’idée qu’il ne s’agit que d’attaques sanglantes contre des juifs. L’intention est claire, le fait d’insister sur l’usage de la violence discrédite la revendication politique et la dénonciation de la colonisation.
Déjà lors de la seconde intifada
Ensuite, et c’est le plus important, il y a une tentative manifeste de répandre la thèse selon laquelle les motivations réelles de la contestation ne sont pas politiques mais religieuses. Autrement dit, ce n’est pas le maintien d’une présence militaire et policière israélienne en Cisjordanie ni l’essor continuel de la colonisation ni encore moins les attaques que subissent les villages palestiniens isolés de la part de colons (lesquels jouissent d’une totale impunité) qui serait la source de cette colère. Non, on nous explique que c’est un conflit désormais religieux où les musulmans, comprendre les Palestiniens, ont décidé de s’attaquer aux juifs, comprendre les Israéliens. Pourquoi maintenant ? Eh bien, ce serait parce que les musulmans auraient décidé de défendre coûte que coûte la mosquée d’Al-Aqsa - à laquelle les neuf-dixièmes des Palestiniens qui vivent en Cisjordanie ou à Gaza n’ont pas accès, il faut le rappeler - contre une tentative de contrôle accru du Mont du Temple par les autorités israéliennes.
La mise en avant de l’aspect religieux pour caractériser la colère palestinienne n’est pas nouvelle. En 2000, déjà, c’est ce que les partisans d’Israël avaient avancé lors de la seconde intifada. Les manifestants palestiniens, d’hier et d’aujourd’hui ont beau réclamer leur terre, le retrait israélien des territoires occupés et le démantèlement des colonies - illégales selon le droit international, il faut, là aussi, le rappeler - c’est donc la piste de l’effervescence religieuse qui est retenue. Pourquoi ? La réponse est évidente.
Ramener la question israélo-palestinienne au religieux c’est faire passer au second plan le fait colonial. C’est occulter cette occupation illégale qui engendre injustices et drames pour les Palestiniens. Dans un monde où l’islam a mauvaise presse ne serait-ce qu’en raison des atrocités commises par le groupe de l’Etat islamique (EI) et d’autres organisations djihadistes, ramener la contestation palestinienne sur le terrain du religieux, c’est chercher à la discréditer sur le plan international. Daech et les jeunes lanceurs de pierres, ce serait donc la même chose… Pour Israël et ses partisans, on comprend l’utilité (et l’urgence) de cet amalgame quand on sait que les appels récurrents au boycottage des produits issus des colonies israélienne voire de l’Etat hébreu ne cessent de gagner en audience dans le monde entier.
Refus d’un Etat palestinien
Reste enfin l’argument suprême qui entend fustiger la protestation palestinienne (et ceux qui ont de la sympathie pour elle). Les Palestiniens, comme la majorité des Arabes, continueraient à ne pas accepter l’existence d’Israël et chercheraient encore à détruire cet Etat. Or cette affirmation ne résiste pas à l’examen des faits. D’abord, Israël existe et nombre de pays arabes entretiennent des relations officielles ou, c’est plus fréquent, officieuses avec ce pays. Ensuite, depuis 1973, aucun pays arabe n’a attaqué Israël (qui ne s’est pas gêné pour envahir le Liban à plusieurs reprises). Il est temps que les partisans d’Israël admettent que les Arabes comme les Palestiniens ont tourné la page. Appelons-ça de la résignation, du renoncement, du pragmatisme ou du réalisme mature : le résultat est le même : le temps des slogans tels que "mort à Israël" ou "les Juifs à la mer" est bel et bien révolu.
Par contre, ce qui n’existe toujours pas, ce qui ne cesse d’être renvoyé aux calendes grecques, ce qu’Israël refuse encore et encore de voir apparaître, c’est bien l’Etat palestinien. Nombre d’experts qui connaissent bien la région affirment même qu’il n’y aura jamais de solution à "deux Etats". Le panorama est donc bien moins compliqué qu’on ne le dit. D’un côté, un Etat reconnu sur le plan international, une armée puissante, un arsenal nucléaire, des citoyens qui peuvent aller et venir où bon leur semble, en Israël comme ailleurs dans le monde (exception faite de nombreux pays arabes). De l’autre, un peuple sans pays, sans passeport, confiné un jour, parqué le lendemain, qui sait très bien que l’objectif à long terme est de le maintenir dans cet état de servitude ou, à défaut, de le faire partir ailleurs. La question israélo-palestinienne est d’ordre colonial. Chercher à faire croire le contraire, c’est être partisan d’un statu quo qui fait les affaires (à court terme) d’Israël.
"Les Palestiniens sont pires qu’Hitler"
Dans ce contexte, il n’est guère étonnant de voir le Premier ministre Netanyahou dédouaner Hitler qui, selon lui, n’aurait décidé d’exterminer les juifs que parce que Mohamed al-Hussein, mufti de Jérusalem (qu’il n’a rencontré qu’en novembre 1941…) le lui aurait suggéré (!). Voilà donc les Palestiniens accusés d’être à l’origine de la Shoah… Une manœuvre minable qui reprend un autre mot d’ordre : "les Palestiniens sont pires qu’Hitler". A vomir…
Cette réflexion a été publiée dans la rubrique "La chronique du blédard" du "Quotidien d’Oran".













Islam : rouvrir les portes de l’interprétation

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Opinions
Une opinion de Charles Delhez, aumônier de l'Université de Namur.
Le patrimoine musulman est grevé d’éléments belligènes. Ainsi peut-on lire, parmi d’autres du genre, ce verset : "Tuez-les partout où vous le rencontrerez, chassez-les des lieux d’où ils vous auront chassés" (II, 191). Sans doute est-il défensif (ainsi que le diront les musulmans). Il n’empêche. La barbarie d’aujourd’hui s’en inspire. N’est-il pas temps de déclarer de tels passages "antihumanistes", selon le mot de Ghaleb Bencheikh ?
Dans un contexte de violence
Qu’il y ait de quoi nourrir une spiritualité dans le Coran, c’est certain. Mais le Livre est aussi politique, polémique et même guerrier. Certains penseurs musulmans sont prêts à reconnaître qu’il y a dans les textes fondateurs une pente certaine vers la violence, le Coran n’opérant pas de prise de distance par rapport à la société arabe de l’époque (à la différence des évangiles que, hélas, le christianisme n’a pas toujours suivis fidèlement). La vie du Prophète elle-même a été marquée par des razzias et même des massacres (1). Il ne s’agit pas de faire le procès du passé, mais de voir comment ne pas y être enchaîné. Or, hélas, c’est de ce passé que s’inspirent l’Etat islamique, Boko Haram, etc.
Le philosophe soufi Abdennour n’hésite pas à inviter le monde musulman à se remettre en question, estimant que le "monstre" de l’islamisme était sorti de son propre ventre ("La Libre", 12 janvier). Un bon tiers des sourates, en effet, datent de la période médinoise (622-632), après l’Hégire donc. Elles organisent politiquement, militairement, pénalement les fidèles de Mahomet en vue de la conquête de La Mecque d’où il avait été chassé. Et ils y réussiront en 630. S’inaugurait ainsi l’expansion arabe par les armes et le commerce, qui fut très rapide (2). N’est-ce pas la maladie native de cette religion où le texte sacré est autant politique que mystique et associe trop souvent religion et violence ? Les musulmans ont d’ailleurs l’habitude de distinguer le contexte mecquois plus mystique et le contexte médinois plus politique et militaire.
Tant que l’on enseignera que le Coran est "incréé", que le texte que nous lisons est la transcription exacte de celui qui est auprès d’Allah, il restera intangible. Or, il y a peut-être une autre histoire que celle qui s’est imposée théologiquement. Selon certains historiens, ce pourrait ne pas être sous le 3e calife Othman (mort en 656), mais plus tard, sous la dynastie omeyyade (661-750), à l’époque de la mise en place d’un empire arabe, que le Coran a reçu sa forme définitive. Il faut aussi considérer les Hadiths, ou Traditions prophétiques, au nombre de plusieurs milliers. Ils relatent des faits et gestes de Mahomet et ont une certaine valeur de révélation. Leur rédaction s’étale sur une longue période, et notamment sous les omeyades.
Tant le choix que l’interprétation de ces hadiths peuvent orienter dans des sens très différents. La pente vers l’idéologie y est glissante. Contextualiser ainsi le Coran et les Hadiths permettra d’éviter le fondamentalisme qui demeure toujours une tentation. L’actualité, hélas, l’illustre.
Les textes sacrés évoluent
Les événements récents obligent l’islam à contextualiser les textes coraniques, par-delà même une certaine conception de ce livre sacré. Au XIe siècle, dans l’islam sunnite, les "portes de l’interprétation" furent fermées, les croyants devant se contenter d’un commentaire répétitif du Coran. Il faut les rouvrir pour pouvoir relire le texte à la lumière de ce que la modernité a apporté de positif. Mais peu nombreux sont ceux qui y sont prêts tandis que ceux qui s’y hasardent - l’" islam des Lumières" - rencontrent de solides résistances, voire des persécutions.
"On ne peut enfermer la Parole de Dieu dans une parole humaine, car celle-là dépend toujours d’un contexte anthropologique, culturel, historique et linguistique", estime l’islamologue franco-marocain Rachid Benzine. C’est cela qu’un islam moderne doit pouvoir admettre. Tout livre saint est, en effet, écrit dans un contexte particulier. C’est particulièrement visible dans la Bible, véritable "bibliothèque nationale" rassemblant des œuvres étalées sur environ dix siècles. Elle est une relecture constante des livres précédents à la lumière de l’actualité nouvelle ou d’une évolution de la pensée religieuse.
Il y a donc une histoire de la rédaction de la Bible, mais il y a aussi une histoire de sa lecture. A la lumière des découvertes scientifiques modernes, par exemple, on ne lit plus les récits de la création de la même façon qu’au Moyen Age. Déjà, le pape Grégoire le Grand, au VIe siècle, estimait que "la Bible évolue avec celui qui la lit". On peut aisément repérer des étapes dans cette interprétation des livres sacrés. Ainsi, au XVIe siècle, le protestantisme relança une lecture moins fondamentalisme des textes sacrés.
"A quand un Luther musulman ?", se demande l’écrivain algérien Kamel Daoud. Qui aura l’audace de revoir le rapport au texte, comme les chrétiens l’ont fait progressivement depuis la Réforme ? Quelles que soient les difficultés historiques et contextuelles du Coran, il faut donc pouvoir lui appliquer les règles de la critique textuelle utilisées pour l’histoire des textes bibliques et autres œuvres littéraires.
Pour un "islam européen"
Je forme le vœu qu’advienne un "islam à caractère européen". Qu’il puisse influer sur l’évolution de l’islam mondial. Ceux qui s’y attellent ont besoin du soutien des philosophes et des théologiens occidentaux, qu’ils soient chrétiens, musulmans ou agnostiques/athées. Une minorité grandissante se réclame de l’islam dans notre pays. Entendront-ils la voix des radicalistes (mieux organisés) ou celles qui veulent un monde pluriel et ouvert ?
De nos jours, la ligne de démarcation ne passe plus entre croyants et non-croyants, mais entre ceux qui, au sein même des différentes religions, rêvent d’un monde fraternel où chacun pourra vivre selon ses convictions et ceux qui espèrent toujours la victoire de leur propre religion, fût-ce par la violence aveugle. Ce n’est pas tant le christianisme qui est en danger sur notre planète (même s’il souffre beaucoup), que la démocratie - non pas le système politique, toujours à réformer, mais l’idéal qu’elle traduit.
A ce propos, d’ailleurs, l’islam n’est pas le seul à devoir se remettre en question. Notre monde occidental présente aussi des faiblesses. Puissent les textes sacrés de chacune des religions être une contribution positive, et non une entrave, au dialogue des civilisations.
(1) Du vivant du Prophète, l’islam a progressé par la violence, concession faite par Mahomet à la culture du temps. La bataille de Badr (en 624), première victoire militaire, est, aux yeux des musulmans, emblématique. Après la bataille de la Tranchée, la tribu juive de Médine qui refusa de se battre au côté de l’islam fut massacrée.
(2) En 635, Damas était conquise, en 637, Jérusalem et en 639, Ctésiphon, la capitale perse; entre 639 et 646, l’Egypte.
Titre, chapeau et intertitres sont de la rédaction.

Les portes de l’interprétation de l'islam sont ouvertes

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Opinions Une opinion de Chemsi Cheref-khan, docteur en droit et licencié en Sciences sociales (ULB).
Après une période florissante de débats sur l’interprétation de l’islam, le courant religieux a connu un coup d’arrêt, désigné la "fermeture des portes de l’ijtihad". L’orthodoxie n’est pourtant pas l’unique voie existante. Nous avons besoin d’un islam européen, soutenu par nos dirigeants. Dans une "libre opinion" (LLB du 31 août dernier), le chroniqueur Charles Delhez propose quelques réflexions avec lesquelles les intellectuels musulmans de notre pays ne peuvent être que d’accord. En particulier, quand il appelle de ses vœux l’émergence d’un "islam à caractère européen". Pour notre part, nous aimerions apporter à ce texte remarquable quelques compléments d’information et de réflexions. Parlons en premier lieu du titre : "Rouvrir les portes de l’interprétation", l’allusion étant faite à l’expression bien connue : "fermer les portes de l’"ijtihad". Ce dernier terme signifie, en arabe, "interprétation", aussi bien dans les domaines de la philosophie et de la théologie que dans le domaine de la jurisprudence.
Tradition orale
Quel est le contexte et qui a décidé de fermer les portes de l’ijtihad ? Que fallait-il comprendre par là dans le contexte de l’époque ? Du vivant du prophète, et longtemps après sa mort, la "révélation" demeure une tradition essentiellement orale. On connaît le risque d’altérations qui guette la transmission orale. De fait, c’est en constatant que les gens racontaient n’importe quoi, en prétendant que c’était compris dans la révélation, que l’autorité politique décide de confier à quelques "érudits" le soin de mettre les choses par écrit. C’est ainsi que le Coran, en tant que "livre" est né. On sait aussi que plusieurs versions existaient, jusqu’à ce que l’autorité politique en choisisse et en impose une, c’est-à-dire, la "vulgate" qui est arrivée jusqu’à nous.
Une période riche en débats
Les années, voire les siècles, qui ont suivi la mort du prophète ont été riches en débats philosophiques et théologiques. Les Arabes, comme les peuples convertis à l’islam, découvraient d’autres philosophies et religions, s’interrogeaient sur les rapports entre la "foi" et la "raison", se demandaient si le Coran était "créé" ou "incréé", se permettaient de critiquer la description "anthropomorphique" de Dieu. Pendant ce temps, les théologiens jurisconsultes élaboraient le substrat normatif de l’Etat islamique.
C’est dans ce contexte que sont nées les quatre écoles juridiques du sunnisme dont l’école "hambalite", tout à fait minoritaire au départ mais qui, de nos jours, grâce au mouvement "wahhabite", porté par les pétrodollars saoudiens, est devenue largement majoritaire. Faut-il préciser que le wahhabisme-hambalite représente le courant le plus rétrograde du sunnisme, tandis que l’école "hanéfite", très répandue dans les anciens territoires ottomans, peut être qualifiée de "libérale", tout cela sur le plan des règles normatives, s’entend.
Au service des tyrans
Dans son remarquable "Islam et liberté, un malentendu historique", (éd. Albin Michel), le regretté M. Charfi, humaniste tunisien (professeur d’université, ancien ministre de l’Education de H. Bourguiba, ancien président de la Ligue tunisienne des droits de l’homme), nous explique comment, au cours de l’histoire, les théologiens jurisconsultes se sont mis au service des tyrans, dans leur entreprise de confiscation du pouvoir. La confiscation du pouvoir par les tyrans allait de pair avec la confiscation du pouvoir de "dire le droit" par les théologiens de la charia qui estimaient qu’en matière d’interprétation, tout était dit.
Remarquons que ce processus n’a pas empêché les "penseurs philosophes", de leur côté, d’exercer leur "liberté de pensée", de proposer un "libre examen des textes dits sacrés", d’affirmer qu’en cas de conflit entre la foi et la raison, cette dernière devait primer, que le Coran, vu son processus d’élaboration, ne pouvait pas être de la même essence divine que Dieu.
Nous ne pouvons que regretter au passage que beaucoup de penseurs musulmans qui n’ont jamais accepté de fermer les portes de l’ijtihad ont payé de leur vie leur liberté de pensée et de conscience. De même que, avec le recul, on devrait admettre que ceux qui ont décrété la fermeture des portes de l’ijtihad n’avaient aucune légitimité, de même, de nos jours, il n’appartient à personne de déclarer "rouvertes" les portes de l’ijtihad.
Les intellectuels musulmans, en particulier ceux que Rachid Benzine appelle les "nouveaux penseurs de l’islam" (voir également Albin Michel), certains mouvements soufis, les Alévis d’Anatolie et autres mouvements religieux qualifiés d’"hétérodoxes" par les tenants d’une orthodoxie autoproclamée, n’ont jamais renoncé à l’"étude historico-critique" des textes dits sacrés, qu’il s’agisse du Coran, de la Sira (la biographie prétendument canonique du prophète), les recueils d’"hadiths" (les dires et les faits du prophète), ces derniers écrits datant de plus d’un siècle après la mort du prophète de l’islam.
Absence d’instance légitime
On peut se réjouir ou se désoler de constater que la tradition musulmane ne connaît pas l’équivalent d’un pape, n’a pas de Vatican, ne peut donc pas avoir de "concile", ne connaît ni "directeurs de conscience", ni "magistère", ni même de "sacrements". C’est dire que l’on ne voit pas quelle instance aurait suffisamment de légitimité, de crédibilité, et d’autorité pour obtenir un consensus sur une hypothétique réforme de l’islam, concernant notamment les textes "fondateurs".
La responsabilité de chaque croyant…
En revanche, il appartient à chaque musulman, en son âme et conscience, d’interpréter ces textes, de les considérer non pas comme des "textes sacrés qui enferment et qui opposent", mais comme étant des "écritures saintes, sources de guidance et d’inspiration", qui approchent. C’est le point de vue que nous avons défendu déjà, lors d’un colloque à l’Abbaye de Maredsous, en novembre 2007, "Quel islam pour notre pays ? Libérer la pensée musulmane contemporaine pour mieux vivre ensemble".
… et des démocraties européennes
Merci à Charles Delhez qui appelle de ses vœux un "islam à caractère européen" et qui en appelle à un dialogue de civilisations. Mais nous sommes en droit de nous demander où sont les autres intellectuels, les dirigeants politiques, les élites académiques de ce pays pour accompagner les jeunes musulmans nés ici dans leur élévation spirituelle ? Qui soutient les musulmans désireux de concilier leur islamité avec leur citoyenneté, de penser et vivre leur islam dans la démocratie et la modernité, en toute liberté ? Pour que les "portes de l’ijtihad demeurent ouvertes à jamais", pour que la liberté de conscience prime la liberté de religion, trop souvent prétexte à faire de l’islam un catalogue de "permis/interdits", de "licites/illicites", de "haram/halal", pour que l’islam s’intègre, enfin, dans notre démocratie libérale de pacification, il est urgent de débarrasser les musulmans d’ici des théologiens de la charia et du djihad venus d’ailleurs.
Et là, nous sommes en droit d’attendre de l’Europe, de ses démocraties, de ses instances dirigeantes, qu’elles prennent aussi leur responsabilité et qu’elles ne laissent pas seuls les musulmans démocrates face aux islamistes radicaux.
http://www.lalibre.be/debats/opinions/les-portes-de-l-interpretation-de-l-islam-sont-ouvertes-560806ea3570b0f19ef13745 














C’est ça, ma vie de femme noire chez les blancs
Contribution lecteur

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Opinions

Une opinion de Zdena
Mtetwa-Middernacht. D'origine zimbabwéenne, elle est doctorante à la
Brussels School of International Studies de l'Université de Kent et vit
en Belgique. 
Il fut une époque où les règles de
bienséance codifiant les sociétés dites "éclairées" interdisaient toute
référence à l’appartenance raciale d’une personne. L’on préférait
expliquer les choses, et notamment les différentes façons dont les gens
sont traités, par d’autres facteurs que la race. Ces derniers temps,
toutefois, mon vécu de femme noire évoluant dans une société
majoritairement blanche m’a obligée à remettre en question cette idée,
au point de me dire que l’incapacité de la société européenne à faire
face à la réalité de ses préjugés revient à une forme de déni.
Plus je tente de me convaincre que le racisme ambiant est le
fruit de mon imagination, plus sa réalité revient au galop, m’obligeant
à y revenir, encore et encore, au fil des contrôles aux postes
frontières.

À Bruxelles
Je fais souvent le trajet entre Bruxelles et Johannesburg et
le contraste entre mes expériences dans les deux aéroports est
édifiant. Permettez-moi de m’expliquer et de décrire quelques scénarios
typiques.

Lorsque j’atterris à Bruxelles, j’endure l’interrogatoire de
routine que la police des frontières réserve de façon récurrente aux
non-Européens : à qui venez-vous rendre visite ? Combien de temps
resterez-vous dans le pays ? Quelle est votre adresse exacte pendant
votre séjour ? Pouvez-vous me montrer votre billet retour ? Le
fonctionnaire examinera en détail mon visa pour s’assurer qu’il ne
s’agit pas d’un faux et apposera finalement le cachet sur mon passeport,
sans grande conviction.


Je me dirige ensuite vers le tapis roulant pour récupérer ma
valise. On m’arrête juste avant la sortie, pour inspecter ma valise. Je
regarde autour de moi et remarque que le fonctionnaire qui m’interroge
et examine ma valise est entouré d’autres voyageurs également arrêtés
juste avant la sortie. Ils sont tous soit de race noire, soit,
apparemment, de religion musulmane. A l’évidence, ce sont là les seuls
critères utilisés pour déterminer si une personne est suspecte.

En Afrique
Quelques mois plus tard, j’atterris à l’aéroport
international de Johannesburg ou à l’aéroport de Bulawayo, au Zimbabwe.
Les passagers se dirigent vers leurs files de contrôle passeports
respectives. Les Européens n’ont pas eu besoin de demander un visa à
l’avance, ils le recevront à leur arrivée à l’aéroport. Ils ne subiront
pas d’interrogatoire, et auront même en général droit à un sourire de la
part du fonctionnaire.

Profilage racial contre Ebola
Prenons un autre exemple. Je suis dans la file des
passeports non européens au terminal Eurostar de Bruxelles, m’apprêtant à
monter sur le train de Londres. Je voyage avec mon mari mais, lorsque
nous avons commencé à voyager ensemble, nous nous sommes rapidement
rendu compte que sa couleur de peau (blanche) me protégeait de la
déshumanisation des contrôles aux frontières. Nous nous étions dès lors
mis d’accord que, par principe, nous ne passerions jamais le contrôle
passeports ensemble, car accepter ce genre de protection reviendrait à
accepter que certaines personnes ne valent à être reconnues que si elles
sont protégées par la blancheur de la peau (et toutes les identités
culturelles y associées) du "protecteur".

Je commence par subir le long interrogatoire donc l’objectif
est de savoir si je voyage seule, alors que j’ai un visa d’affaires.
Apparemment, ce serait plus facile pour les forces de l’ordre de laisser
passer des hommes et femmes d’affaires non européens voyageant avec des
européens… Le fonctionnaire me demande alors si j’ai été exposée au
virus Ebola. Etrangement, cette question n’est pas posée à aucun
passager blanc. Et pourtant, paradoxalement, toutes les personnes que je
connais qui ont été dans des pays affectés par le virus Ebola sont des
Occidentaux blancs qui travaillent dans le secteur de l’aide au
développement. Je me demande si la stratégie de profilage racial sera
vraiment efficace pour prévenir la propagation du virus Ebola au
Royaume-Uni…


"Difficilement reconnaissable"
Durant le voyage de retour vers Bruxelles, le fonctionnaire
au contrôle des frontières français prend ma carte d’identité et me fixe
du regard, puis fixe à nouveau ma carte d’identité, et ceci à plusieurs
reprises. Il me demande de retirer mon bonnet de laine et de regarder
dans plusieurs directions, tout cela alors qu’il tente de vérifier si la
photo sur ma carte d’identité est vraiment celle de mon visage.

Mon mari, qui se tient derrière moi, grince des dents mais
honore notre accord et n’intervient pas. Lorsque c’est son tour de
passer, il demande : "Est-ce vraiment nécessaire de fixer une personne pendant quatre minutes et une autre pendant à peine trois secondes ?" Le fonctionnaire lui répond : "Je fais juste mon travail ! Certaines personnes sont plus difficilement reconnaissables que d’autres."

Lorsque mon mari me rejoint de l’autre côté du comptoir,
nous restons là quelques instants afin d’observer si les autres
personnes dans la file d’attente, et en particulier celles avec un
bonnet de laine, sont dévisagées de la même manière. Un homme noir est
prié d’enlever son bonnet et se fait examiner pendant plusieurs minutes.
Trois femmes blanches portant un bonnet de laine et certaines portant
des lunettes passent le contrôle frontière en quelques secondes et il
n’est demandé à aucune de retirer leur bonnet ou leurs lunettes.

Le privilège du blanc
Cette série d’anecdotes n’est qu’un échantillon parmi les
nombreux incidents similaires que j’ai endurés au cours des dernières
années. Il semble indéniable que, même en 2015, non seulement le
profilage racial persiste mais qu’il soit devenu une norme globale et
acceptable, surtout aux postes-frontières.

Les autorités nous diront que ce profilage est mis en place
pour des raisons de sécurité, mais il continue d’être basé sur, et la
perpétue, la perception que seuls certains groupes représentent une
menace, que cette menace soit envers la sécurité ou la santé publique.

Le privilège lié à la couleur de peau blanche a imposé une
sorte de condition sur la migration et la mobilité. Alors que les
personnes de certaines nationalités sont considérées comme de vrais
citoyens du monde, qui peuvent choisir où elles souhaitent vivre et
voyager sans beaucoup d’entraves, d’autres, y compris celles originaires
de pays qui accueillent à bras ouverts ces mêmes citoyens du monde,
sont considérées comme suspectes uniquement sur base de la couleur de
leur peau.

Les luttes historiques contre la discrimination raciale nous
ont appris qu’il appartient toujours à la victime de poursuivre sa
propre libération. Dans les cas de contrôle frontières, ceci s’avère
évidemment très difficile. Lorsque le discriminateur se tient aux
frontières de son territoire et détermine, même brutalement, les
conditions d’entrée sur le territoire, où allez-vous pour réclamer votre
humanité ?

Il faut s’interroger sur le genre de monde dans lequel nous
vivrions si le monde noir commençait lui aussi à mettre en place des
politiques d’accès à ses territoires aussi discriminatoires.

Cet article fut à l’origine publié dans le Mail
& Guardian, un hebdomadaire sud-africain. Il fut traduit par
Gwénaëlle Dereymaeker, d’origine belge et vivant à Cape Town, en Afrique
du Sud. Elle a à de nombreuses reprises été témoin de traitements
similaires à ceux exposés par l’auteure de cet article, à savoir des
politiques discriminatoires aux postes-frontières en Europe. Elle n’a
jamais été soumise au même traitement dans n’importe quel port d’entrée
en Afrique.
Titre, introduction et intertitres sont de la Rédaction.
Religion

Cardinal Robert Sarah : "On ne peut oublier ses racines sans danger"





















© M.MIGLIORATO/CPP/CIRIC
© M.MIGLIORATO/CPP/CIRIC

Dans son livre Dieu ou rien (Fayard, 2015), le cardinal Sarah décrit une Europe qui abandonne la foi.

Nommé, il y a trois mois, préfet de la Congrégation pour le culte divin et la discipline des sacrements, le cardinal Robert Sarah a été pendant plusieurs années à la tête du Conseil pontifical Cor Unum, en charge de la charité du pape. Ce Guinéen, réputé proche de Benoît XVI, incite les Occidentaux à remettre la foi au centre de la société. Nous l’avons rencontré à l’occasion de son passage en France pour la parution d’un livre d’entretiens avec le journaliste Nicolas Diat.
Votre ouvrage s’intitule Dieu ou rien. L’alternative est pour le moins radicale…
Sans Dieu, l’homme ne sait pas ce qu’il est ni où il va. Bien sûr, il peut prendre son indépendance. Mais sans Dieu, l’homme va vers l’impasse. Depuis presque deux siècles, le nihilisme s’est développé, les hommes se sont éloignés de tout ce qu’ils ne peuvent pas contrôler scientifiquement. Pour lutter contre cette disparition de Dieu, il faut que ceux qui croient en lui montrent qu’il est indispensable dans leur existence, que leur vie en est totalement imprégnée.
Vous avez connu la dictature du président Sékou Touré, notamment lorsque vous étiez tout jeune archevêque de Conakry, charge à laquelle vous avez été nommé en 1978, à l’âge de 34 ans. Dans de telles circonstances, en quoi consiste la résistance ?
Résister, c’est ne jamais se décourager face aux difficultés. La foi implique toujours une souffrance. Pendant ces années-là, je me retirais parfois en prière pendant deux ou trois jours, pour puiser des forces. Dieu était ma force. Dans les persécutions, il faut s’accrocher à notre rocher. Et les difficultés les plus impossibles à porter ne sont pas celles qui viennent de l’extérieur mais bien de l’intérieur.
Même si vous évoquez dans votre livre des « fleurs cachées extraordinaires », vous décrivez une Europe sans Dieu. Le constat est un peu rude, non ?
Il y a encore des chrétiens très engagés, une vraie vitalité, mais il y a un abandon de la foi chrétienne. Dieu est absent de la plupart des préoccupations. Un jour viendra où l’on se rendra compte qu’on doit revenir à nos valeurs chrétiennes, qui sont aussi la culture de l’Occident. On ne peut pas oublier ses racines sans danger. Je ne dirais pas que je suis pessimiste, mais l’Europe est dans une situation très inquiétante, notamment concernant la famille. Les femmes ne font plus d’enfants, le nombre des divorces explose. Les jeunes générations n’ont plus de modèles. Il faudra à l’Occident une grande dose d’humilité pour recevoir des autres. Mais c’est une nécessité. Les Africains peuvent, par exemple, en apprendre beaucoup aux Européens sur le respect de la vie, de la famille, des personnes âgées…
On a vu lors du récent synode sur la famille que certaines exigences doctrinales et/ou pastorales de l’Église catholique pouvaient susciter l’incompréhension, par exemple, à propos de la communion des personnes divorcées remariées.
Ce que le Seigneur nous demande aujourd’hui, il l’a aussi demandé à nos prédécesseurs. L’Église doit faire passer son message avec le vocabulaire d’aujourd’hui mais elle ne peut pas changer la substance de ce message. La pédagogie pastorale doit être affinée par chacun d’entre nous. Le synode peut donner des indications générales, mais chaque évêque, chaque prêtre doit trouver comment le dire dans son contexte spécifique. Le christianisme n’est pas une question de morale, c’est la rencontre avec une personne, Jésus-Christ. Cela dit, il ne faut pas donner des illusions aux gens. Dieu est bon, certes. Mais un père de famille est bon avec ses enfants et ne les laisse pas pour autant faire n’importe quoi.
Le synode sur la famille semble néanmoins avoir généré une certaine confusion auprès des fidèles…
La faute de cette confusion nous revient, à nous, cardinaux. Avoir publié un texte, qui était un document de travail, et qui ne reflétait pas les discussions des pères synodaux, c’est véritablement une faute grave. Nous avons publié une chose inconcevable et abandonné le thème de la famille au profit de questions marginales.
Vous avez été nommé à la tête du dicastère en charge de la liturgie. Quelle sera votre mission ?
Le pape veut que j’aide l’Église à mener la congrégation de manière équilibrée et dans le respect absolu des textes du Concile, dans la continuité du travail énorme accompli par Benoît XVI dans ce sens. Il y a encore beaucoup de chemin à faire. Beaucoup ont interprété Sacrosanctum Concilium, la constitution sur la liturgie, comme un livre de recettes où chacun pouvait puiser pour inventer sa propre liturgie. Mais ce n’était pas du tout l’intention. La liturgie veut nous ramener à Dieu, nous faire célébrer le rapport entre Dieu et l’homme. C’est cela qu’a voulu Benoît XVI, et c’est ce que veut aujourd’hui François : faire en sorte que ce rapport soit vrai. En même temps, il faut montrer que ce qui a été vécu avant n’est pas à rejeter. Paul VI nous a donné un nouveau rite et nous devons en profiter, mais en faisant en sorte que les deux rites puissent s’enrichir mutuellement.
Quel regard portez-vous a posteriori sur la réforme liturgique, 50 ans après son introduction ?
La réforme liturgique était nécessaire. Lorsqu’une personne entend tout ce qui est dit, elle est sans doute mieux disposée à entrer dans le mystère. Mais ce n’est pas forcément parce que l’on comprend tout qu’on vit les choses plus profondément. Mes parents n’ont jamais étudié le latin, sont toujours allés à la messe en latin, et ils étaient de bons chrétiens. Le nouveau rite permet de rentrer davantage dans la célébration, mais ce n’est pas parce que je comprends que je rentre automatiquement dans le mystère, nous le voyons bien aujourd’hui. Il ne s’agit pas d’une question de langue, mais de cœur.
http://www.lavie.fr/religion/catholicisme/cardinal-robert-sarah-on-ne-peut-oublier-ses-racines-sans-danger-10-03-2015-61081_16.php



















Le médecin paresseux - Opinion - L'Hebdo Journal

Le médecin paresseux

Lettre ouverte de la Dre Patricia Marchand

Médecin de famille depuis 2009 œuvrant en bureau et aux soins palliatifs à domicile

Le médecin paresseux ou « medicus omnipraticus » est une race de médecin
de famille trop présente aux yeux de plusieurs personnes dont le
ministre de la santé. Permettez-moi de mieux approfondir vos
connaissances sur le sujet.





















Le médecin paresseux a suivi en
général une formation universitaire de 6 à 8 ans dont 4 ans dans les
milieux hospitaliers. Les nombreuses gardes et les innombrables heures
de formation ne lui font pas peur et il obtient son permis de pratique
après la réussite d’une longue série d’évaluations et d’examens tant
théoriques que pratiques.

Le paresseux doit par la suite trouver l’endroit idéal pour bâtir son
nid ; processus parsemé d’obligations dans lequel il doit se conformer à
diverses instances. Nul ne peut s’établir où il le veut sans devoir
rendre des comptes. Il en va de même pour le choix de ses activités. Au
final, il doit accomplir un drôle de rite lui imposant de pratiquer au
moins 12 heures par semaine en établissement parmi des priorités
déterminées dont l’urgence, l’hospitalisation, l’obstétrique,
l’hébergement, les soins à domiciles, la santé mentale et j’en passe. Le
paresseux pratique des activités diverses et stimulantes mais souvent
dans des conditions précaires. Pourtant le paresseux adore ce qu’il
fait. Il mange souvent peu, saute des repas ou grignote en remplissant
des dossiers ou formulaires interminables. Il reçoit des appels à toute
heure du jour ou de la nuit quand il ne s’amuse pas tout simplement sur
différent quart de travail (jour, soir et nuit). Certains paresseux
poussent même l’audace jusqu’à fonder une famille!

Vous comprendrez que ce qui précède est un clin d’œil humoristique à
la situation complexe dans laquelle les médecins de famille sont
actuellement plongés. Mais ce qui est bien réel c’est ce qui se passe en
dehors du temps que vous passez avec le médecin de famille qui vous
soigne, que ce soit à l’urgence, à l’hospitalisation, au bureau ou à la
naissance de votre enfant. Nous devons remplir un nombre incessant de
documents de toutes sortes, rejoindre les spécialistes, les centres de
rendez-vous pour demander les examens jugés urgents, gérer les retours
d’appel et tous les résultats des examens et consultations demandés.
Sans compter que le manque de ressources dans les autres professions du
domaine de la santé oblige les médecins à tenter de combler ces lacunes
en vous fournissant des conseils sur vos habitudes de vie et du soutien
psychologique. Nous dépassons très souvent le cadre de la simple
consultation médicale. Sans oublier que les connaissances augmentent
sans cesse, les nouveaux médicaments aussi et qu’il faut prendre le
temps de garder notre savoir à niveau. Il faut communiquer ce
savoir-faire et ce savoir-être aux futurs médecins ; prendre le temps de
leur faire des rétroactions. Les médecins de famille ne sont pas des « paresseux ».
Nous ne souhaitons qu’une seule et unique chose, un meilleur accès à un
médecin de famille et des soins en lieu et en temps opportun. Nous
sommes tous perdants de la piètre qualité du système de santé actuel. Le
projet de loi 20 bien qu’alléchant puisqu’il promet un médecin à tous
les Québécois ne remplira pas sa promesse. Les quotas sont irréalistes
et ce sont vous les patients qui n’auront plus la qualité à laquelle
vous êtes en droit de vous attendre. Un nivellement par le bas c’est
tout ce qui attend le Québec. Des solutions tangibles sont sur la table
depuis des années, mais les gouvernements changeants n’ont pas pris le
temps de s’y investir parce que ce n’est pas électoralement populaire.

Les paresseux sont des professionnels fondamentalement bons qui ne
souhaitent que la santé et le bonheur de leur prochain. Ceux qui
« accepteront » la baisse de 30% du revenu en fonction d’un quota
arbitraire le feront au nom de profondes convictions. Les médecins de
famille méritent votre soutien!

Organisations:  http://www.lhebdojournal.com/Opinion/2014-12-12/article-3973877/Le-medecin-paresseux/1

Le CSF fait du tort aux femmes


4 mars 2015 | Sylvie Dufresne - Médecin de famille depuis 31 ans et mère d’une fille, lettre à Julie Miville-Dechêne, présidente du Conseil du statut de la femme (CSF), contresignée par 46 autres médecins de famille | Santé



















Les activités menacées par le pl20, qui pénalise directement les femmes, sont notamment l’obstétrique (13 rendez-vous sont nécessaires pour un bon suivi lors d’une grossesse) et les cliniques de santé du sein. 
Photo: Thinkstock Les activités menacées par le pl20, qui pénalise directement les femmes, sont notamment l’obstétrique (13 rendez-vous sont nécessaires pour un bon suivi lors d’une grossesse) et les cliniques de santé du sein. 
Madame, votre mémoire en commission parlementaire sur le projet de loi 20 (pl20) est très surprenant et dénote une connaissance très fragmentaire d’un problème fort complexe. Le problème de l’accessibilité des soins en première ligne est connu et dénoncé depuis très longtemps par les médecins qui déplorent les mauvaises décisions gouvernementales et le peu d’aide apporté par le ministère de la Santé pour favoriser une médecine efficiente. Cette situation ne repose pas uniquement sur les médecins de famille, malgré les propos diffamatoires de M. Barrette.
  C’est tout le réseau de la santé qui est embourbé et qui contribue à un problème de congestion en première ligne. Nombreux sont les groupes déplorant le pl20 : Me Ménard, ardent défenseur des patients, le Collège des médecins du Québec, dont le mandat est d’assurer une médecine de qualité au service du public, les doyens des quatre universités, dont le mandat est de favoriser une relève de qualité, l’Association des jeunes médecins du Québec (AJMQ), l’Association des médecins urgentistes du Québec (AMUQ), M. Paul Lamarche, administrateur en santé et bien d’autres. Comment se fait-il que le CSF, dans son souci pour l’intérêt des femmes patientes, ne s’est-il pas rallié à ces experts ? Votre attitude est incompréhensible et affligeante. Le CSF a-t-il mal compris les conséquences désastreuses du pl20 ? Craint-il de déplaire à l’État qui subventionne sa propre institution ? Ne réalise-t-il pas que le pl20 va nuire aux femmes du Québec, aux jeunes filles, aux mères, aux femmes plus âgées, à toutes les femmes. Peut-on occulter que, avec toutes les exigences du pl20, les médecins vont devoir exercer une médecine de débit ? Et, pour ce faire, les médecins devront délaisser des champs de pratique qui ne permettent pas de remplir les quotas.
  Les activités menacées par le pl20, qui pénalise directement les femmes, sont l’obstétrique (13 rendez-vous sont nécessaires pour un bon suivi lors d’une grossesse), la périnatalité, les cliniques de santé du sein, d’allaitement, de planification familiale, de santé mentale (plus de femmes que d’hommes consultent pour ces services), les trousses d’agression sexuelle. Ce sont des soins essentiels pour les femmes que le CSF met en péril.
  De plus, ce sont les plus vulnérables qui seront touchés par le pl20. Les femmes figurent en grand nombre parmi cette clientèle, celles avec des maladies chroniques, avec des problèmes de santé mentale, atteintes d’un cancer, réfugiées, toxicomanes ou alcooliques. Aujourd’hui, nous sommes, femmes médecins, beaucoup plus nombreuses ; notre pratique est teintée de notre sensibilité, de notre vision des choses, de nos préoccupations sociales et familiales. Dans le pl20, je me sens bafouée et j’ai l’impression que nos différences ne sont pas perçues comme complémentaires, mais plutôt comme source du problème.
  C’est infiniment triste en 2015 de pointer entre autres la féminisation de la médecine comme responsable des problèmes de première ligne. Avec la féminisation de la médecine, un tournant, pourtant réclamé, s’est produit. On ne valorise plus le volume des médecins masculins d’antan, mais la qualité de la relation médecin-patient, l’écoute et le temps de qualité passé avec son médecin.
  Ce sont toutes les Québécoises qui subiront les conséquences de votre incurie à remplir le mandat du CSF, soit défendre les droits et les intérêts des Québécoises. En plus, vous endossez une pratique de débit, de travail à la chaîne, et non de qualité et d’humanisme, car ce sont l’écoute, l’empathie et la prise en charge globale qui caractérisent notamment le travail des femmes médecins. Il n’y a pas de mot pour vous décrire ma tristesse et ma profonde déception de voir les droits des femmes, de mes concitoyennes, être malmenés ainsi. Quel tort irréparable vous faites aux femmes devant cette catastrophe annoncée !


Signataires:

Annick Reid, médecin de famille
Elisa Pucella, médecin de famille, Laval
Sophie Bernier, médecin de famille, Roberval
Nadine Gauthier, omnipraticienne en gériatrie, CSSS sud Lanaudière, 4 enfants et patiente d'un médecin
Julie Fréchette médecin de famille Trois-Rivières clinique de santé sexuelle et soins à domicile (clientèles majoritairement féminines dans les 2 cas)
Nancy St-Arnaud, médecin de famille, Bécancour
Caroline Noory, médecin de famille depuis 25 ans
Aline Levi, médecin depuis 30 ans, fière femme québécoise, mère de cinq professionels, dont 2 femmes québécoises
Annie Cardin St-Antoine, médecin de famille,Vaudreuil
Patricia Bell, omnipraticienne, Montréal
Anne Bhéreur, M.D, médecin de famille, Montréal
Rita Tan, médecin et mère de bientôt 2 enfants
Christine Motheron, omnipraticienne, mère de 3 enfants
Catherine Martineau, médecin de famille UMF Charles-lemoyne, mère de 2 enfants
Kim Gloutney, omnipraticienne en périnatalité, clinique d'allaitement, suivi de grossesse et pédiatrie, mère de 3 enfants
Marie-Eve Gilbert, médecin de famille et d'urgence, maman de deux enfants
Mylène Simard médecin de famille, hospitalisation CSSS Jonquiere et GMF cyriac Jonquiere
Sylvie Letovanec, médecin de famille depuis 30 ans ST Jean sur Richelieu
Mai-Anh Le Van, urgentologue, Centre Universitaire de Santé McGill
Isabelle Collin, médecin de famille, UMF Laurier, Hospitalisation CHUQ, Université Laval, Québec
Marie-Eve Godin, médecin de famille GMF Cyriac, hospitalisation et planning, CSSS Jonquière
Julie Potvin, médecin de famille, Roberval
Ariane Murray, médecin de famille, UMF de Verdun, CHSLD Réal Morel, mère de 2 enfants
Lisa O'farrell, médecin de famille, GMF du carrefour, Québec
Josiane D'Amico, médecin de famille et chef d'UMF, Hôpital du Sacré-Coeur de Montréal
Kim Pion, médecin de famille urgence, CSSS Chicoutimi
Annie Jauron, CSSS Pierre-Boucher, UMF de Verdun, GMF Marguerite-D'Youville, professeure chargée d'enseignement clinique, mère de 3 enfants
Valérie Haf Gagné, médecin de famille, CSSS Jeanne-Mance, UMF des faubourgs, chargée d'enseignement clinique de l'Université de Montréal, mère de deux enfants
Annick Reid, médecin de famille, Boisbriand, mère monoparentale
Sophie Mazur, médecin de famille, Rawdon, clientèle très majoritairement féminine, monoparentale, 4 adolescents
Anne Pomerleau, Rouyn-Noranda, santé de la femme (obstétrique, planning familial, IVG)
Annie Vigneault, médecin d'urgence, Hôpital Maisonneuve Rosemont
Geneviève Côté, médecin de famille, CSSS Laval, chargée d'enseignement clinique à l'UMF CLSC du Marigot, fondatrice de la Clinique Accueil Santé de Laval, aidante naturelle de sa grand-maman atteinte de troubles cognitifs
Marie-France Rollin, médecin de famille au GMF de l'Outaouais, mère de deux jeunes enfants
Marieke Gardner, médecin de famille, urgence et soins intensifs Hôpital Lasalle, mère d'une fille de 18 mois
Anne Rochette, médecin de famille CSSS Thérèse de Blainville
Sophie Zhang, médecin de famille, CLSC des Faubourgs, CHSLD Bruchési, CRAN (Centre de recherche et d'aide aux narcomanes)
Julie Drouin, rhumatologue, Trois-Rivières
Cynthia Houle, médecin de famille urgence CSSS de l'Énergie, Shawinigan
Sophie Laporte médecin de famille planning CLSC Montréal-Nord, pouponnière Hôpital Sacré-Coeur
Rachel Nassif ,médecin de famille, CSSS du Lac-des-Deux-Montagnes, Centre jeunesse des Laurentides et mère d'une petite princesse de 10 mois
Yanouchka Labrousse, médecin de famille, UMF Charles LeMoyne
Diane Rheault, médecin de famille, GMF Ste Dorothée, Laval
Caroline St-Pierre, médecin de famille, Québec, mère de 3 enfants
Joanie Guay, médecin de famille à Roberval, obstétrique, santé de la femme, trousse médico-légale, mère d'une cocotte de 5 mois
Rachel Leclerc, omnipraticienne, CSSS des Aurores Boréales, mère de 2 enfants (bientôt 3)
Myriam T-Harvey, médecin de famille, Les Escouminshttp://www.ledevoir.com/societe/sante/433396/le-csf-fait-du-tort-aux-femmes

 

L’internet, un progrès ?



Elargir l'accès à l'internet, le rendre abordable pour tous est assurément une initiative louable. C'est en tout cas celle que vient de lancer Internet.org, une coalition d'acteurs de l'internet où l'on trouve Facebook, Samsung, Ericsson, Nokia, Opera, Qualcomm et Mediatek. Le but initial de cette association a été clairement annoncé par Mark Zuckerberg lui-même via communiqué de presse (.pdf) (clamant : "la connectivité est-elle un droit de l'homme ?") et article dans le New York Times : "réduire le coût de la fourniture de services internet mobile à 1% de leur niveau actuel dans les 5 à 10 ans à venir en améliorant l'efficacité du réseau et les logiciels de téléphonie mobile". L'objectif est clair : offrir un accès internet aux deux tiers de l'humanité qui ne sont pas encore connectés au réseau. Connecter la planète, rien de moins.
Page d'accueil d'Internet.org
Effectivement, tout consommateur de services de l'internet mobile ne peut que souscrire à cette perspective. Tout le monde semble souscrire également à l'élargissement de la connectivité à l'humanité tout entière. Pourtant, à bien y regarder, ces objectifs que nous avons tous largement intégrés, que nous ne questionnons plus, ne sont pourtant pas sans ambiguïtés.

Comme l'explique Alexis Madrigal (@alexismadrigal), rédacteur en chef de The Atlantic, la vidéo promotionnelle qui accompagne cette initiative n'est pas sans équivoques.
Celle-ci utilise en effet des extraits d'un discours du président John Kennedy, savamment coupés et sélectionnés, qui semblent mettre l'accent sur l'importance des communications pour assurer la paix. Or, le discours de Kennedy, prononcé dans une université américaine en juin 1963 y est largement tronqué. La vidéo oublie de rappeler le contexte dans lequel il a été prononcé : la guerre froide, quelques mois après la crise des missiles de Cuba. Leur portée venait alors de la menace nucléaire, pas des réseaux de communication. Alors que Kennedy en appelait à un programme mondial de discussions entre nations, reformulé par Facebook, le propos sonne comme un appel au développement d'une plateforme, comme si cela pouvait être une solution à tous les maux actuels. Mais surtout, relève avec pertinence Alexis Madrigal, suite aux révélations d'Edward Snowden sur la collecte de données mise en place par la NSA avec la complicité active des grands acteurs de l'internet et des opérateurs de téléphonie mobile, force est de constater que ce type de discours tombe à plat. La réalité de ce qui est dans l'intérêt des grandes entreprises du web (avoir de plus en plus d'utilisateurs) élargit également la portée de la surveillance. "Dans un monde post-Snowden, les déclarations enflammées pour l'élargissement de la connectivité deviennent un peu ridicules", ironise Madrigal. Les grandes entreprises du Net ne peuvent désormais plus faire semblant d'être des saints. La philanthropie bienveillante de Zuckerberg peut être sincère, mais elle est trop liée à ses propres intérêts commerciaux pour être honnête.

Certes, la mission d'Internet.org semble raisonnable et même réalisable, estime un peu rapidement Madrigal. Aucun grincheux ne peut contester à une industrie de vouloir élargir sa clientèle en proposant des produits meilleurs marchés. Pourtant, l'objectif affiché est ambitieux et force est de constater que la stratégie pour y parvenir est pour l'instant assez floue, estime Jack Flanagan pour le New Scientist. Si faire des applications et des logiciels plus efficaces est l'objectif le plus réalisable à court terme (notamment en terme de compression de données), la question de l'élargissement de l'infrastructure du réseau à des populations éloignées de toutes infrastructures, qui n'ont bien souvent accès ni à l'eau, ni à l'électricité ni aux soins médicaux, risque de s'avérer plus délicat. Et pour l'instant, le projet Loon de Google, qui propose de développer un réseau d'accès sans fil grâce à des ballons flottant dans la stratosphère, bien qu'encore à l'état de prototype expérimental, semble plus avancé que la coalition Internet.org. En attendant d'en savoir plus sur les modalités de réalisation de ces objectifs, force est de constater que la coalition en reste à une déclaration d'intention un peu vaine.


Mais cette coalition ne cherche pas seulement à accroître l'efficacité technique et économique de l'internet. Elle suggère également, à un niveau idéologique, que la connectivité signifie la paix et que l'accès à l'internet est synonyme de progrès. Et peut-être que cela nous semble à tous moins évident aujourd'hui qu'hier, estime Madrigal. "Jusqu'à un certain point, cela pouvait avoir du sens d'associer Facebook à la paix. Mais ce temps est terminé. Certes, les gens aiment l'internet. Certes, ils vont sauter sur lui s'il est disponible, malgré les difficultés liées au manque de respect de la vie privée. Le business technologique est sauvé. Mais ce n'est pas pour autant que nous devons une adulation à ses leaders. Nous ne devrions pas avoir à adorer les produits web, ou les gens qui les font, ou les valeurs qu'ils portent pour utiliser l'internet."

De quel progrès la connectivité est-elle porteuse ?


Sur son blog, la sociologue américaine, Jen Schrardie (@schrardie), s'emporte : Non, Facebook n'est pas un droit de l'homme ! et rappelle la critique de l'idéologie de la Californie, celle du néolibéralisme de la Silicon Valley formulée par les théoriciens des médias britanniques Richard Barbrook et Andy Cameron dès les années 90. Cette idéologie qui affirme que la technologie, le capitalisme et l'individu mènent à une participation égalitaire. Pour elle, les principes d'Internet.org fleurent bon le bon vieux déterminisme technologique. Et la sociologue de se moquer de l'association trop rapide faite entre la technologie et la croissance. "L'internet en soi ne résoudra pas les problèmes structurels des pays en développement. Pensez-y de cette façon : les avantages économiques que connait le monde développé (souvent construits sur le dos des pays en développement), pourraient surtout favoriser la croissance de l'internet, plutôt que l'inverse." Pour connecter le monde entier, il faudrait avant tout une économie plus socialisée que ne le propose le modèle néolibéral et individualiste du net.
Mais surtout, la sociologue dénonce un autre mythe de l'internet : le fait que nous puissions tous participer librement une fois que nous sommes connectés. Et Jen Schrardie de pointer vers ses articles de recherche sur "l'écart de production numérique" qui expliquent même parmi tous les gens qui sont en ligne, ou ceux qui consomment des contenus en ligne, il subsiste des divisions sociales importantes entre ceux qui produisent des contenus en ligne et ceux qui ne le font pas. Et à mesure que l'activité politique et économique se déplace sur l'internet, l'accès et les compétences deviennent essentiels. Et ces compétences là, ne seront pas résolues par le seul accès. Tant s'en faut.
Le chercheur Phil Nichols (@philnichols) sur son blogrepris par The Atlantic - revient lui sur le lien intrinsèque entre connectivité et progrès que suggère cette initiative (même si on pourrait adresser sa critique à bien d'autres initiatives de défense et de promotion de l'internet, voire même à l'internet tout entier…). Pour lui, il est temps d'expliciter de quel progrès il est question quand on présuppose que l'internet en est un.
Phil Nichols décortique l'argumentaire de l'initiative en se référant à la critique de mouvement pour l'alphabétisation du début du XXe siècle. Longtemps, l'alphabétisation, comme l'internet aujourd'hui, a été réifiée comme quelque chose ayant une valeur intrinsèque. "Diffuser l'alphabétisation au niveau mondial n'avait pas seulement pour but d'enseigner aux gens à lire, elle a également imposé des valeurs sur comment et sur ce que les gens devaient lire." L'internet, comme l'alphabétisation du monde en son temps, est doté de valeurs, comme la capacité à stabiliser et démocratiser la société ou à favoriser le développement économique... Sans que le lien de l'un à l'autre n'ait jamais été vraiment et fermement établi.

Longtemps les théories de l'alphabétisation ont suggéré que là où l'alphabétisation était introduite, elle avait eu pour conséquence d'introduire des changements cognitifs, sociaux, économiques et scientifiques… Il a fallu attendre les travaux des anthropologues Claude Lévi-Strauss ou Jack Goody notamment pour que s'atténuent les jugements de valeur dans les comparaisons culturelles. Reste que malgré ces travaux, l'idée que les cultures lettrées étaient moralement et intellectuellement supérieures est une idée qui n'a cessé de se sédimenter, quand bien même cela s'avérait inexact. L'alphabétisation n'étend pas la démocratie ni les capacités cognitives des individus… 

"Il a fallu attendre les années 80 pour que la force bienveillante de l'alphabétisation sur le développement social commence à être attaquée." Des chercheurs comme Sylvia Scribner, Michael Cole, Shirley Brice Heath ont montré que l'alphabétisation, en soi, ne garantissait ni une augmentation des aptitudes intellectuelles ni la mobilité sociale. "Synthétisant et étendant ces études, Brian Street concluait que nos idées sur l'alphabétisation sont souvent drapées dans l'idéologie et que, même si elles sont partagées et diffusées sous couvert d'altruisme, elles impliquent toujours une question de pouvoir – un pouvoir qui a souvent pour intérêt d'accroître le contrôle social et de préserver les hiérarchies sociales."

Pour Phil Nichols, l'argument principal qu'Internet.org utilise pour justifier sa vision repose sur une distinction binaire entre connectés et non-connectés – une opposition simple qui rappelle la fracture entre alphabétisés et non-alphabétisés. "De la même façon que ces distinctions ont souvent été utilisées pour renforcer la supériorité des populations alphabétisées sur les autres, on trouve un sens semblable dans la supériorité de la mission d'Internet.org dans le fait d'apporter les mêmes chances à chacun que celles que connaît un tiers du monde aujourd'hui".

Le discours d'Internet.org suggère que la raison pour laquelle certains ont plus d'opportunités que d'autres repose sur le fait qu'ils soient connectés à l'internet. Qu'importe si ce raisonnement est réducteur et condescendant et met de côté les obstacles réels qui entravent les chances de pays moins "connectés". Qu'importe si cette faiblesse de connexion est un symptôme plutôt qu'une cause. "L'internet – tout comme l'alphabétisation avant lui – est présenté comme une panacée, un moyen autonome pour soigner tous les maux" économiques et sociaux de toutes les sociétés.

Diffuser l'alphabétisation c'est donc imposer des valeurs à d'autres cultures. De la même manière, promouvoir la connectivité n'est pas liée au désir des gens de se connecter d'une manière spécifique. "Bien que nous attribuions souvent un esprit démocratique et participatif inné à l'internet, la quasi-totalité de notre activité en ligne aujourd'hui est médiée par des plateformes dont les protocoles imposent une logique très précise dans la façon dont nous pouvons utiliser ces sites ou nous connecter les uns aux autres. Et les données générées par cette activité – un peu comme les informations diffusées à travers l'enseignement de l'alphabétisation – peuvent être tout autant utilisées pour exploiter que pour libérer."

Cela ne signifie pas que ces nouveaux utilisateurs à venir de l'internet ne pourront pas en tirer parti, l’utiliser et le façonner pour qu'il réponde à leurs propres besoins… Mais ce n'est assurément pas l'objet d'Internet.org. Rien ne prouve à ce jour que l'internet apporte la paix, le progrès ou une meilleure qualité de vie. L'alphabétisation au numérique, la "littératie", ne signifie pas seulement avoir accès à l'internet, mais en comprendre le fonctionnement, comprendre qui l'a construit, comment, pourquoi, et surtout apprendre à l'utiliser comme moyen d'émancipation… pas comme moyen d'assujettissement.

Emancipation ou assujettissement ?

Reste que comme le souligne très bien Claire Cain Miller dans une tribune pour le New York Times, "Dans la Silicon Valley, cette terre de légende où l'on trouve des robots et des voitures sans conducteurs, une conviction profonde motive tout un chacun : si vous le construisez, ils viendront." Cela signifie que si les ingénieurs peuvent construire quelque chose, alors les gens suivront, adopteront ce que les ingénieurs ont imaginé. Le problème n'est pas de savoir si les gens devraient ou non le faire, mais chacun estime que les gens finiront par s'adapter à ce qui leur est proposé. Et force est de constater que la plupart du temps, nous nous adaptons, estime la journaliste Claire Cain Miller. "Ce sentiment de malaise qui accompagne souvent notre première expérience avec une nouvelle technologie se dissipe rapidement et nous sommes conquis." C'est ce qui explique que nous soyons prêts à échanger nos données personnelles contre des outils si commodes, si "libérateurs"… en apparence. Qu'importe si les ingénieurs et concepteurs n'ont pas réfléchi aux conséquences, aux implications morales, sociales, personnelles, économiques ou politiques… La force du "progrès", des nouvelles propositions techniques, est de toujours parvenir à s'imposer, quelles que soient leurs conséquences, même si celles-ci s'avèrent finalement dramatiques.

Comme le disait avec beaucoup d'humour dans une très pertinente fable l'informaticien Laurent Chemla cet été, ou comme le résume très bien Alexis Mons, directeur général délégué d'Emakina et auteur de Marketing et Communication à l’épreuve des foules intelligentes  : "Le numérique nous façonne. Il nous amène à penser les choses, à faire les choses d’une certaine façon. Et s’il y a des services ou des produits à succès sur le net, ce n’est pas simplement de l’économie, ils nous amènent à penser autrement."

La connectivité, les services et produits que nous utilisons, nous transforment. Et le plus souvent c'est cette transformation que nous appelons progrès, quand bien même ses effets ne seraient pas tous positifs, tant s'en faut, comme l'exprimait déjà Jacques Ellul dans le Bluff technologique : "Nous sommes situés dans un univers ambivalent, dans lequel chaque progrès technique accentue la complexité du mélange des éléments positifs et négatifs."

La connectivité, l'accès ne sont pas un outil du progrès, ils sont devenus le progrès lui-même. Pourtant l'internet n'est ni noir ni blanc. Il est à la fois un moyen d'émancipation et un moyen d'assujettissement. Nous le façonnons et il nous façonne. Tout l'enjeu est que cet internet de demain, ce "système technique", demeure suffisamment ouvert, suffisamment divers, suffisamment neutre pour permettre encore un peu d'émancipation et pas seulement notre assujettissement. Mais pour cela, il ne nous faudra pas compter seulement sur la doucereuse philanthropie des promoteurs d'Internet.org…

Hubert Guillaud
http://internetactu.blog.lemonde.fr/2013/09/27/linternet-un-progres/
Doubé Binty restitue la vraie histoire : Bédié, une si petite faute en 99 ?
Publié le lundi 19 mars 2012   |  Le Nouveau Réveil


Visite
© Abidjan.net par Prisca
Visite de courtoisie : le nouveau Président de l`Assemblée nationale, Guillaume Soro chez Bedié
Mercredi 14 mars 2012. Abidjan. Résidence du Président du PDCI-RDA et du RHDP. Le nouveau Président de l`Assemblée nationale, Guillaume Soro rend une visite de courtoisie au président Henri Konan Bedié (photo).



Coup d’Etat pour faire avancer la démocratie” par ci, “révolution des œillets par là” : tout semblait porter à croire que le coup de force du 24 décembre 1999 n’était qu’un épiphénomène sans grande conséquence sur la vie de la Côte d’Ivoire et de son peuple.
Et pourtant, douze ans après, nous sommes tous revenus de tout ! Déliquescence de l’Etat, pays déglinguée, dégringolade économique, disparition de toute valeur morale, de toute éthique, massacres et tueries sans nombre, vol, pillage et viol.. ! Des volumes entiers ne suffiraient pas à contenir la description exacte de l’état de délabrement de tout le pays et de ses enfants.
Nous nous sommes laissés enchanter par les chants des syrènes, oubliant que nous étions dans le détroit de Messine et que si par extraordinaire nous échappions à Charybde, Scylla était là pour nous happer ! Et c’est ce qui est arrivé !
Un de nos amis hélas aujourd’hui disparu, qui avait fui la révolution sankariste en 1984 pour se réfugier chez nous nous a dit, lorsqu’il s’est résolu à retourner quatre ans après dans son pays :“ je vous souhaite tout, sauf un coup d’Etat.”
Nous avions alors ri, estimant pareil scenario impossible en Côte d’Ivoire, ce pays bâti avec passion et amour par l’orfèvre qu’était le Président Félix HOUPHOUET-BOIGNY.
Comment pouvions-nous penser, nous Ivoiriens fiers comme Artaban, que pareille mésaventure pouvait nous arriver, alors que nous vivions en bonne intelligence et dans la convivialité les uns avec les autres ?
Les autres pouvaient craindre la survenance d’un coup d’Etat mais sûrement pas notre belle Côte d’Ivoire, ce “pays rutilant de bonheur et de gloire !”
Et pourtant des hommes sages nous invitaient à la prudence car de la même manière qu’“un homme ne connaît pas sa fin”, de la même manière une nation ne peut savoir ce que lui réserve la Fortune !
Un de nos patrons, gestionnaire avisé et hors pair, que la Parques a hélas tragiquement tué, nous disait sous forme de leitmotiv :“ construire est extrêmement difficile mais il suffit d’une toute petite décision malencontreuse prise en une fraction de seconde pour que ce que vous avez bâti pendant de nombreuses années à la sueur de notre front s’écroule !”
Douze ans après la danse endiablée d’un certain leader politique au Gabon où il était parti se cacher pour le cas où le coup en préparation ne réussirait pas, nous ne pouvons aucunement prétendre que les deux personnes citées plus haut ont été des Cassandre, des oiseaux de mauvais augure ou des “prophètes d’apocalypses toujours différés !”
Nous avons naïvement pensé que tous ceux qui criaient “démocratie” à gorge déployée ou même de développement autocentré (?) et auto géré ( ?) étaient réellement de vrais démocrates qui avaient de surcroit la solution à tous les problèmes économiques et sociaux de notre pays.
Nous avions déjà commencé à nous poser des questions lorsque nous avions constaté qu’alors que le locataire du palais présidentiel a soigneusement évité à son pays un bain de sang, la junte militaire s’adonnait sans retenue aux tueries d’opposants ou de putschistes supposés et délivrait une autorisation de tuer à des structures, tel le PC crise, dont la mission était de se substituer à tous ceux qui avaient des comptes à régler à quelqu’un !
Cette situation était devenue si intolérable que les Ivoiriens souhaitaient le départ de ce régime militaire.
Et lorsqu’en octobre 2000, monsieur Gbagbo et le FPI, avec l’aide précieuse d’amis socialistes français s’auto proclamaient vainqueurs de l’élection présidentielle, personne ne trouva à redire tant était grande la joie de voir partir les militaires !
On confiait notre sort à celui qui se prévalait d’une virginité politique et on était convaincu que tout allait aller pour le mieux dans le meilleur des mondes.
On avait tout simplement perdu de vue que la transition militaire avait été une transition militaro FPI et que par conséquent monsieur Gbagbo et le FPI ont été partie prenante dans toutes les dérives de cette transition de même qu’ils ont été étroitement associés à toutes les décisions qui avaient trait à la conduite du pays.
La suite des évènements allait le démontrer amplement.
Ainsi, c’est après avoir maté dans le sang et massacré les militants du RDR, c’est après avoir fait le premier charnier dans notre pays et c’est après avoir fait trucider plus de 350 personnes manifestant pour le départ ou le maintien, c’es selon, du général Guéi, que monsieur Gbagbo s’installait au Palais présidentiel après avoir escaladé cette montagne de cadavres !
Le ton était ainsi donné et désormais, ce passage de Saint Mathieu citant le prophète Jérémie sera toujours présent dans notre esprit : “Une voix dans Rama s’est fait entendre, pleur et longue plainte : c’est Rachel pleurant ses enfants ; et elle ne veut pas qu’on la console, car ils ne sont plus.”
Ainsi, pendant les dix ans du régime de la refondation, la Côte-d’Ivoire pleurant ses enfants refusera de se laisser consoler, car ces enfants qui ne demandaient qu’à vivre n’étaient plus !
Celui qui dansait cet entrechat au Gabon pour se réjouir de la réussite du coup d’Etat censé faire avancer la démocratie allait se révéler le pire bourreau de la Côte d’-Ivoire et son peuple !
Le coup d’Etat du 24 décembre 1999 était en réalité le seul moyen d’y arriver pour ceux qui voulaient coûte que coûte accéder au pouvoir sans en avoir la carrure.
Tout le monde connaissait le programme du Président BEDIE et ses 12 chantiers de l’Eléphant d’Afrique. Tous les adversaires, pour ne pas dire plus, du Président BEDIE savaient qu’ils ne pourraient jamais l’inquiéter a fortiori le battre avec un tel programme et une telle ambition.
Tous les adversaires du Président BEDIE savaient que celui qui a géré avec ce brio qui a suscité l’admiration de tous, la dévaluation du FCFA ne pouvait être stoppé par les déclarations d’opposant sans programme réel et sans envergure politique vraie.
Le Président BEDIE voulait que notre pays fît partie des nations émergentes et devînt une nation industrialisée en l’espace d’une génération.
Tous les adversaires du Président BEDIE savaient qu’il n’était pas l’homme des paroles en l’air ou des propos démagogiques et que par conséquent, il allait réaliser ce qu’il s’est engagé à faire.
Tous les adversaires du Président BEDIE savaient que le miracle ivoirien des années 1960-1970 était l’œuvre du ministre BEDIE sous l’autorité du Président HOUPHOUET-BOIGNY.
Ils étaient conscients que le Président BEDIE ne reculerait devant aucune difficulté, lui qui a pris un pays déclaré en cessation de paiement et qui réussissait malgré tout non seulement à payer le salaire des agents de l’Etat mais à leur offrir une gratification, une première fois en Côte d’Ivoire!
Chercher à battre un tel homme dans les urnes était une chimère, une aventure de Don Quichotte s’en prenant aux moulins à vent !
Alors, peu importe à ce que la Côte d’Ivoire pourrait endurer : seul un coup d’Etat pouvait débarrasser ces adeptes du ôte-toi pour que je m’y mette de cet adversaire redoutable, redouté et invincible.
C’est ce qui fut fait.
Mais ces personnes aux ambitions démesurées pensaient naïvement que parce qu’elles allaient hurler qu’elles apportaient la démocratie ( ?) si chère aux Occidentaux, les aides “pleuvraient” sur la Côte d’Ivoire et que ce “petit incident” n’aurait aucun effet sur la Côte d’Ivoire et son devenir.
La suite, nous la connaissons. Le bricolage et le pilotage à vue ne peuvent être le socle d’une politique nationale sérieuse. Quand en plus, on se livre à un tribalisme (?) ombrageux au contour plus que douteux qui fait fuir notre pays par les investisseurs, on comprend aisément la chute vertigineuse de la Côte d’Ivoire.
Paraphrasant la laitière, la Côte d’Ivoire pouvait dire avec ces refondateurs qui ne savaient même pas comment poser un pied devant l’autre : adieu stabilité politique, adieu développement économique, adieu fraternité et paix sociale, adieu plein emploi, adieu scolarité, soins et santé pour tous, adieu pays émergent et industrialisation en l’espace d’une génération, adieu décollage immédiat d’un pays que “la révolution ( ?) refondatrice a fait reculer de cinquante (50) ans !
Ils ont pensé que le coup d’Etat dont la motivation donnée par le général Guéï était qu’il fallait écarter une ethnie qui avait trop duré au pouvoir, était un jeu ; ils ont pensé que le pouvoir et la gestion du pays étaient un jeu au point de ne retenir que l’aspect jouissif du pouvoir se faisant ainsi les membres patentés du troupeau d’Epicure !
Quel résultat pouvaient-ils obtenir ? AUCUN ! Ils ont échoué en tout et partout cherchant à se cramponner indument au pouvoir pour couvrir leurs lacunes béantes et pour éviter de répondre de leurs actes si horribles !
Qu’est-ce qu’il a eu raison cet ami de tout nous souhaiter tout sauf un coup d’Etat ! Qu’es-ce qu’il avait raison notre illustre et grand patron de nous mettre en garde contre les décisions stupides apparemment innocentes mais aux conséquences désastreuses.
Aujourd’hui, malgré la paix ( ?) qui semble revenue ( ?) nous ne savons toujours pas très bien où nous sommes ni où aller.
La pauvreté continue de sévir avec le coût de la vie toujours insupportable même pour les médicaments.
Ainsi un collyre comme le castarstat qui était de 1800 francs CFA est brutalement passé à 5600 francs.
Les déclarations et autres effets de manche pour faire croire qu’on maîtrise le coût de la vie sont un leurre.
Quant à la sécurité, elle est aujourd’hui un casse-tête pour tous avec le phénomène des coupeurs de route qui ne sont ni plus ni moins que les anciens ( ?) éléments des FRCI démobilisés ( ?) et partis avec leurs armes.
Ainsi, des populations entières, des opérateurs économiques et des cars de transport sont attaqués et pris en otage par ces malfrats sans foi ni loi.
La petite faute du 24 décembre 1999 considérée comme une peccadille a finalement débouché sur des horreurs sans nom, la ruine du pays, la dépravation totale des mœurs et une pauvreté jamais égalée des populations !
L’initiative PPTE avait été acquise par le Président BEDIE et devait être exécutée en mars 2001. A cause de ce coup d’Etat stupide, de l’amateurisme sidérant de ceux qui ont prétendu nous gouverner et partant de la perte de confiance dans notre pays, nous continuons, à présent, de courir après ce PPTE qui devrait permettre de desserrer le carcan de la misère et de la pauvreté.
Tout est à refaire ou même à faire et on ne sait trop par où commencer.
Au fait à quand la réouverture du Lycée Mermoz ?
Doubé Binty


Politique

Discours : Henri Konan Bédié - Ouverture du 12e congrès du PDCI
Publié le vendredi 4 octobre 2013  |  africanaute.com


Ouverture
© Abidjan.net par Atapointe
Ouverture du 12e congrès ordinaire du PDCI-RDA, en présence de plus de 4 000 délégués
Jeudi 03 octobre 2013. Palais de la Culture de Treichville. Le 12e Congrès du PDCI-RDA qui se déroulera les 3,4 et 5 octobre, s`est ouvert en présence de plus de 4000 délégués.




Discours du président Henri Konan Bédié lors de l’ouverture du 12e congrès du PDCI qui se tiendra jusqu’à dimanche 6 octobre 2013 à Treichville et qui verra l’élection du prochain dirigeant du parti.

Mesdames et Messieurs les Congressistes,
Honorables Invités,
Mesdames et Messieurs,

Je veux d’abord vous remercier tous de l’honneur que vous nous faites en répondant favorablement à l’invitation du Comité d’Organisation de ce Xllème Congrès de notre Parti.
En le faisant, vous nous manifestez non seulement de l’amitié mais aussi la haute estime dans laquelle vous nous tenez et que nous apprécions.

Je veux remercier les délégués des partis frères, venus de l’extérieur du quadrilatère que constitue notre pays, pour nous apporter le témoignage de leur amitié. Que cette présence nous permette de renforcer les relations qui existent si heureusement déjà entre nos formations politiques.

Je veux saluer et remercier également les Ambassadeurs et autres hauts représentants de pays amis et frères qui vivent avec nous et suivent nos affaires. Veuillez transmettre, Excellences, à vos souverains respectifs les remerciements infinis que nous leur adressons et notre souhait de voir que se concrétisent et se renforcent les liens particuliers qui existent entre nos pays. Soyez remerciés, vous-mêmes, de la sympathie avec laquelle vous suivez l’évolution de notre formation politique et de notre pays.
Aux responsables des partis politiques Ivoiriens, je veux également dire merci.

Notre Congrès est également le vôtre car nous discutons, sous des angles différents peut-être, d’un sujet qui nous est commun, le devenir de notre chère partie, la Côte d’Ivoire. Nous nous réjouissons donc de votre présence réconfortante, convaincus que nous saurons, malgré les divergences politiques qui peuvent exister entre nous, trouver des points communs pour défendre, ensemble, la mère patrie et la démocratie.
La communication est aujourd’hui, d’une importance capitale pour toute formation politique en ce qu’elle transporte à une vitesse vertigineuse les informations d’un point à l’autre de l’univers. A ce titre, je veux saluer les journalistes de tous les organes de presse, écrite, audio ou visuelle. Leur description de l’événement d’aujourd’hui, donnera une visibilité particulière à nos travaux.

Mesdames et Messieurs les Congressistes,
Chers Compagnons,
Mesdames et Messieurs

Avril 2002- Octobre 2013.Cela fait onze (11) longues années et quelques mois que nous ne nous sommes pas retrouvés en congrès. Nous, Ivoiriens et surtout nous, militants du PDCI-RDA, nous en connaissons les raisons.

Quand se tiennent les assises du onzième Congrès, les S, 6,7 et 8 avril 2002, nous sommes pleins d’espoir. Certes, nous souffrons toujours des traumatismes laissés par le funeste coup d’Etat du Général Robert GUEI et ses «jeunes gens ».

Venus avec un esprit de vengeance, ils ont copieusement pillé ce qui appartenait aux militants du PDCI-RDA et également ce qui était le patrimoine de ce parti. Les bureaux seront fouillés et vidés de leur contenu, y compris les effets personnels de ceux qui y travaillaient. Le mobilier est saccagé ou emporté à Cocody, à Treichville, au Plateau, à Yamoussoukro, partout où il y avait un bien immobilier appartenant au PDCI. Il est inutile de parler des archives, ni des moyens financiers qui étaient accessibles.

Les nouveaux maîtres du pays installeront une justice expéditive avec des bandes organisées à la manière de la mafia italienne dont elles prennent d’ailleurs les appellations: camorra, brigades rouges etc. Le PC-Crise va s’illustrer dans cette sauvagerie. Tout y est passé: vol, viol, assassinat, etc.
Quand arrivent les élections de 2000 que le Général GUEI fait organiser, les candidats du PDCI-RDA seront purement et simplement éliminés sous les prétextes les plus fallacieux.

Le nouveau maître tout puissant des lieux, se fera toutefois rouler dans la farine par Laurent Gbagbo qui prendra les rênes du pouvoir après un vote dans des conditions que lui-même reconnait comme ayant été des « conditions calamiteuses ».

A la vérité, les quelques électeurs qui ont pris part à cette consultation bien spéciale d’où ont été écartés tous les candidats du parti qui gênait, c’est-à-dire le PDCI-RDA, étaient placés devant un choix cornélien. IIs avaient à choisir entre un militaire« putschiste» et un populiste, civil celui-là, qui promettait la lune face aux déconvenues d’un pouvoir militaire brutal. Ils ont pensé bien faire en portant leur choix sur celui qu’ils considéraient comme étant le moindre mal.

On peut se demander, après coup, si c’était vraiment le bon choix.
Le PDCI-RDA éliminé, il fallait partager le gâteau, c’est-à-dire le pouvoir, entre ceux qui avaient participé à cette forfaiture.

En toute apparence, le partage n’avait pas été fait à la satisfaction de tous car deux années après, le 19 septembre 2002 intervient une mutinerie, à un mois du deuxième anniversaire de l’avènement de Laurent Gbagbo. Dirigée par de nouveaux acteurs qui apparaissent sur la scène politique nationale, la rébellion se transforme par la suite en une véritable guerre qui divise le pays en deux parties, la partie nord aux rebelles et la partie sud au gouvernement de Laurent Gbagbo.

C’est alors que vont s’engager de multiples discussions et négociations tendant à ramener la paix dans ce qu’on commence à qualifier de "crise ivoirienne".
Vont se succéder les concertations aussi bien en Côte d’Ivoire, en Afrique que hors d’Afrique. Il y aura d’abord, juste après le déclenchement de la crise, le ballet diplomatique des pays membres de la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest, CEDEAO, appuyés par l’ONU, l’Union Africaine, l’Union Européenne, la France et les Etats-Unis. Réunis à Accra, au Ghana, sur convocation du Président Abdoulaye WADE, Président du Sénégal, les Chefs d’Etat de cette organisation régionale condamnent le coup de force et imposent un cessez-le feu qui est signé le 17 octobre 2002 à Bouaké.

Suite à ce cessez-le feu, le Président Gnasingbé EYADEMA du Togo est désigné par ses pairs pour diriger un groupe de contact de haut niveau en vue d’assurer la médiation entre les forces ivoiriennes en présence. Pendant deux mois, les frères ivoiriens vont discuter à Lomé, mais sans résultat palpable.
Pendant ce temps, des mini sommets de chefs d’Etats ou de gouvernements se multiplient dans différentes capitales africaines: Bamako, Dakar, Abidjan, etc. Toutes ces rencontres se soldent également par un échec.
C’est alors que le Président de la République française convie à une table ronde, les forces politiques ivoiriennes, à Linas-Marcoussis, du 15 au 23 janvier 2003. Ces discussions aboutissent le 23 janvier 2003, à la signature de l’accord dit "Accord de Linas-Marcoussis"
Cet accord donne lieu à un partage de pouvoir entre les différentes forces politiques participantes et désigne l’Ambassadeur Seydou Diarra comme Premier Ministre du gouvernement de réconciliation nationale, le 25 janvier 2003, à l’Ambassade de Côte d’Ivoire à Paris.

Mais chacun se souvient que Laurent Gbagbo et ses partisans ne sont pas prêts à accepter les clauses de cet accord. Pour eux, il s’agit ni plus ni moins de leur arracher leur pouvoir.
Bien qu’ils acceptent la nomination de l’Ambassadeur Seydou DIARRA, comme Premier Ministre, l’application de l’accord se heurte à de nombreux blocages, toutes choses qui vont nécessiter un nouveau sommet de chefs d’Etat africains, une fois de plus à Accra.

En effet, devant les difficultés d’application des Accords de Linas-Marcoussis, les chefs d’Etat africains se retrouvent les 6 et 7 mars 2003 à Accra. Cette table ronde se tient à l’initiative du Président ghanéen John KUFFOR, Président en exercice de la CEDEAO et ne réunit que les forces signataires des Accords de Linas- Marcoussis. Ce sera Accra II.

Ici encore, la mise en application des résolutions prises échoue et entraine l’organisation d’un troisième sommet qui se tient le 11 novembre 2003. Ce sera Accra III. Cette rencontre se soldera également par un échec dans la mesure où aucune solution concrète n’a été trouvée à la crise ivoirienne.
Les tergiversations continuent en effet et les protagonistes ivoiriens sont obligés de se déporter à Pretoria, en Afrique du Sud.

Le 6 avril 2005, est signé l’Accord de Pretoria. A la suite de cet accord, Charles Konan Banny est nommé Premier Ministre avec la bénédiction des Présidents Olusegun OBASANJO du Nigeria, Mamadou Tanja du Niger et Thabo Mbeki d’Afrique du Sud.
Ceci se passe le 4 décembre 2008. Le 28 décembre, Charles Konan BANNY forme son premier gouvernement de transition. Il tient le premier conseil de gouvernement et adresse son premier message à la nation.
L’année 2006 se déroule sans fait marquant, mais le 16 septembre 2006, Charles Konan BANNY doit former son deuxième gouvernement de transition.
Et puis, à la surprise générale, sans, en apparence que le Premier Ministre en poste en ait été informé, on apprend que des discussions ont été entreprises dans le plus grand secret entre Laurent GBAGBO et Guillaume SORO, les deux protagonistes du conflit ivoirien sous le regard bienveillant de Blaise COMPAORE, Président du Burkina Faso. Ce sera l’Accord Politique de Ouagadougou, APO. Cet accord est signé le 4 mars 2007 et quelques jours plus tard, Guilaume Kigbafory SORO, Secrétaire général des Forces nouvelles, est nommé Premier Ministre au Burkina Faso, par l’Accord Politique de Ouagadougou. Trois jours plus tard, un décret confirme cette nomination (29 mars 2007).

C’est dans cette situation que le pays, cahin caha, va se déporter jusqu’aux élections générales de 2010.
Je n’ai pas souhaité entrer dans le détail du quotidien des Ivoiriens, jusqu’à l’élection présidentielle de 2010 qui devrait donner à la Côte d’Ivoire, un nouveau Président et des dirigeants légitimes. Il faut se souvenir en effet, que les refondateurs pour des raisons évidentes ont voulu se donner, gratuitement, un mandat supplémentaire de cinq années, ce qui fait donc que les élections prévues en 2005, ont été renvoyées aux calendes grecques.

L’élection présidentielle de 2010 a donc été organisée comme nous savons tous et les faits sont trop récents pour qu’il soit nécessaire d’y revenir.
Battu au second tour, par la coalition formée par le Rassemblement des Houphouetistes pour la Démocratie et la Paix, le RHDP, Laurent Gbagbo n’a pas reconnu sa défaite et a voulu se maintenir, coûte que coûte, au prix de la vie de milliers d’Ivoiriens. La suite est connue de vous tous ...
Aujourd’hui, la situation de notre pays redevient normale et nous nous en réjouissons, mais pour l’histoire, il est bon que nous n’oublions jamais ce que nous avons vécu, afin surtout que les générations futures n’aient pas à recommencer ou à revivre pareil drame.

La guerre a créé dans notre pays une situation nouvelle qui rappelle, tristement, ce qui se passait dans l’Allemagne du temps du sinistre Adolf Hitler au point que des analystes n’hésitent pas à comparer le régime ivoirien du Front Populaire à celui de la Gestapo : calomnies, délations, arrestations arbitraires, assassinats étaient devenus le lot quotidien des Ivoiriens qui ne comprenaient rien à ce qui leur arrivait.
Le FPI qui a toujours proclamé haut et fort qu’il soutenait la liberté d’expression et la liberté de la presse a menacé régulièrement d’emprisonner et au besoin d’éliminer tout journaliste qui oserait écrire contre le pouvoir, bâillonnant ainsi les journalistes qui devaient désormais se soumettre à la pensée unique, celle du chef Laurent Gbagbo.

C’est que le chemin vers une pratique démocratique, sous le régime « frontiste » a été bien long. Sous l’apparence d’un Etat démocratique « agressé» où fonctionnaient de nombreux partis politiques et une société civile souvent aux bottes des partis, sévissait une dictature qui ne disait pas son nom. Ainsi, alors que l’égalité des citoyens constitue la base de la démocratie, de nombreux citoyens étaient empêchés de prendre part aux votes, tout simplement, parce que vivant dans des régions du pays dont ils n’étaient pas originaires.

La situation peut se résumer à partir de l’observation qu’a faite un lecteur d’un quotidien ivoirien, non militant du PDCI-RDA ou du RHDP: « Aujourd’hui obnubilés par le pouvoir, les chantres de la démocratie vraie et du socialisme d’hier, ont du mal à opérer leur mue pour une vision moderne de la démocratie. Une vision moderne où on ne meurt pas pour une simple manifestation constitutionnellement admise, une vision moderne où on ne va pas en prison sur simple dénonciation ou pour des convictions exprimées, une vision moderne de la démocratie où pour un oui ou pour un non, la terreur des bruits de bottes ne soit exhibée comme un épouvantail aux populations déjà meurtries par la paupérisation avancée, enfin une vision moderne de la démocratie où à chaque étape d’élection, les règles du jeu démocratique restent intactes pour tous. Est-ce un luxe inaccessible aux Ivoiriens qui font la politique? »

Au plan économique, la situation, déjà grave à la suite d’une gestion approximative et de fait des militaires, était désastreuse .En plus d’une fiscalité insupportable qui a eu pour seul effet de tuer l’impôt, la guerre avait fait de la Côte d’Ivoire un pays à haut risque .En conséquence, plus rien n’allait. Les commerces, les industries et les usines fermaient les uns après les autres. Naturellement, ce sont des milliers d’Ivoiriens qui se retrouvaient dans la rue, au chômage.
Le drame se vivait surtout au plan social. La guerre a créé de nouvelles situations et les Ivoiriens qui ont su développer un humour caustique parlaient de la vie des de nombreux PDG, entendez « Populations Déplacées de Guerre ».11 s’agissait de fonctionnaires et hauts cadres qui avaient tout perdu du fait de la guerre et étaient obligés de rappliquer sur Abidjan où ils vivotaient, souvent dans des conditions indescriptibles.
Les nombreux décès enregistrés pendant cette période n’ont pas d’autres explications que le stress, l’humiliation, la déconvenue ...

Il convient d’ajouter les effets du népotisme ou la faveur accordée aux gens de sa région d’origine, de sa tribu, de son village ou de sa famille au détriment des autres, même s’ils présentaient des qualifications meilleures. A cette pratique qui n’est rien d’autre que le tribalisme, il y a lieu d’adjoindre les règlements de comptes politiques. Ainsi, par l’effet conjugué de ces pratiques, de nombreux cadres, parce que n’étant pas de la même famille, du même village, de la même tribu, de la même région ou du même parti politique, se retrouvaient au chômage ou au mieux, assis chez eux à ne rien faire. Le FPI s’était signalé dès son accession au pouvoir, par le versement du sang des Ivoiriens. Mais cela ne devait pas surprendre, car, déjà dans l’opposition, le FPI se caractérisait par l’utilisation de la violence comme moyen privilégié de la conquête du pouvoir. Rappelons brièvement l’introduction de la machette à l’école par le bras séculier de ce parti, la Fédération estudiantine et scolaire de Côte d’Ivoire (FESCI), ainsi que l’assassinat dans des conditions horribles d’un étudiant du nom de Thierry Zebié en 1990.

Chacun garde également à l’esprit l’horreur indescriptible de l’accession de Laurent Gbagbo au pouvoir avec les morts dont on ne connaît pas le nombre exact du charnier de Yopougon.
Dès l’installation des refondateurs au pouvoir, les massacres et les tueries ont commencé et se sont poursuivis. Les tueries étaient devenues si quotidiennes qu’elles semblaient ne plus émouvoir, puisqu’elles entraient, impunément dans la pratique quotidienne.

A cela sont venus s’ajouter les déchets toxiques achetés et déversés à différents endroits de la ville d’Abidjan. Les Ivoiriens et le monde entier ont été en effet, scandalisés par le déversement des déchets toxiques qui ont fait des morts et des milliers de malades. Les coupables sont connus. Le premier ministre Charles Konan BANNY qui avait pris des mesures conservatoires de suspension des principaux responsables a été désavoué par le Président Laurent Gbagbo: les coupables ont repris tranquillement leurs occupations et leurs privilèges, plus forts que jamais. Aujourd’hui, plusieurs années après ce crime, un semblant de procès s’est ouvert à l’encontre des menus fretins de l’affaire, alors que les principaux responsables continuent bien tranquillement, sans regrets et sans compassion même pour les morts et les malades!
La corruption était rampante et elle se pratiquait à tous les niveaux, dans les services publics comme dans les services privés.

On ne reviendra pas sur ce qui se passait dans les grandes écoles, chargées pourtant de former des cadres de haut niveau à qui reviendra demain, la charge de diriger le pays. Il n’est pas nécessaire de donner des cas car chaque Ivoirien a vécu la situation. Pour avoir dénoncé ce fait, un jeune diplômé, à la recherche d’un premier emploi, a été écroué et a purgé, jour pour jour, un an de prison pour insulte au Chef de l’Etat.
Ainsi, au plan politique la situation de la Côte d’Ivoire se résumait par une crise de confiance entre le pouvoir FPI et l’opposition d’une part, et la confiscation des libertés par ce pouvoir d’autre part, ce qui compliquait davantage le contexte politique particulièrement fragile.

En rappelant ces faits, il ne s’agit pas pour nous d’enfoncer un adversaire qui se trouverait déjà à terre, après la crise postélectorale, mais de nous souvenir de l’atmosphère qui a régné dans notre pays pendant ces longues années, jusqu’à l’élection présidentielle de 2010.
Ce trop rapide tour d’horizon indique à chacun, qu’il n’était pas possible, dans ces conditions, de tenir un congrès, car si le onzième congrès s’est tenu du 5 au 8 avril 2002, comme indiqué plus haut, le suivant, le douzième, aurait dû se tenir en 2007 déjà.

La paix revenue, le dictateur parti à la Cour pénale internationale, la CPI, il n’y avait donc plus de raisons pour que nous ne puissions pas nous retrouver.
Mais, direz-vous qu’a fait le PDCI-RDA, pendant cette longue période? Comment s’est-il comporté? Il est important de répondre à ces questions parce que trop de choses inexactes se disent ou s’écrivent, sur le Parti Démocratique de Côte d’Ivoire.

En Parti fondateur de la Côte d’Ivoire, le PDCI-RDA ne s’est jamais départi des vertus que lui a légué le père fondateur, Félix Houphouët-Boigny. Le PDCI-RDA est resté un parti de dialogue, un parti de rassemblement, un parti prônant entre les Ivoiriens. On oublie trop souvent que dès que les premiers coups de feu ont éclaté, j’ai demandé au Président Laurent GBAGBO de s’asseoir et de discuter avec les mutins. Ce fut une fin de non- recevoir.

A quel titre devrais-je donner de tels conseils, puisque je n’avais pas pu conserver le pouvoir moi-même, m’avait-on rétorqué à l’époque. La suite est connue.
Lorsqu’il s’est agi de retour de la paix dans le pays, le PDCI-RDA a apporté, partout, sa marque. Ainsi, ai-je participé, au nom du PDCI-RDA, aux différentes conférences organisées à cet effet. Et d’abord, à la Conférence de Linas-Marcoussis, puis à toutes celles d’Accra (Accra l, Il et III) , à celle de Pretoria en Afrique du Sud. Lorsque l’Accord Politique de Ouagadougou a vu le jour, j’ai régulièrement participé aux discussions.

Partout, j’ai fait entendre la voix du PDCI-RDA, celle de l’amour, de l’entente, du dialogue et ce, malgré ce que cela a pu m’en coûter à titre individuel ou collectif.
Mesdames et Messieurs les Congressistes,
Mesdames et Messieurs,

On se plait, dans certains cercles, à dire que le PDCI-RDA a perdu, en se référant aux résultats électoraux obtenus qui sont bien en de ça de nos espérances. Mais il est honnête de reconnaitre que malgré les coups que nous avons reçus, malgré les brimades imposées à nos militants, notre Parti continue d’être une force qui compte sur la scène politique nationale.

Comparaison n’est pas raison. Combien sont-ils, les partis politiques qui ont subi ce que le PDCI-RDA a subi et qui continuent de jouer le rôle que joue le PDCI-RDA aujourd’hui?
Quels sont ces partis de gouvernement, à l’image du PDCI-RDA qui continuent d’occuper la place qui est celle du PDCI-RDA sur la scène politique nationale? Il y en a peu à la vérité. Or, tout comme le roseau, le PDCI-RDA plie et ne rompt pas. Et ceci, malgré les menaces, les saignées, les achats de conscience et le fait de trop de nos militants qui aiment bien sécher leur linge là où brille le soleil.

A la suite du premier tour de l’élection présidentielle de 2010, il est bon de rappeler que le rang que j’ai occupé n’était pas le mien! Malgré la mauvaise organisation de la direction de ma campagne, j’ai pu noter, preuve à l’appui, que j’avais été spolié d’au moins six cent mille voix et j’en ai informé différentes chancelleries, y compris l’ONUCI, le Conseil Constitutionnel et la Commission électorale indépendante qui ont été saisis par mes soins.

Mais vous conviendrez avec moi que les dés étaient déjà pipés. Le recomptage des voix qui paraissait indiqué en la circonstance, la menace que nous sentions déjà venir, l’accusation de mauvais perdant dont je serais l’objet, m’ont amené à ne pas poursuivre, d’autant plus que mon jeune frère, le Président Alassane OUATIARA était arrivé en seconde position et était, par conséquent, le mieux placé d’entre nous, conformément à ce que nous avions convenu, au niveau du RHDP. Nous devions donc le soutenir et c’est ce que j’ai fait, en demandant aux militants du PDCI-RDA de porter leurs voix sur Monsieur Alassane OUATIARA au second tour. Les résultats sont connus.

Les élections législatives du 11 décembre 2011 devraient permettre de renouveler les députés qui, élus en décembre 2000 pour cinq ans, étaient encore reconnus comme tels après dix ans de mandat. Dans l’urgence, un certain nombre d’éléments ont dû être maintenus en l’état. C’est ainsi que la liste électorale, la composition de la Commission électorale indépendante, la CEI et le mode de scrutin n’ont pas été modifiés. En revanche, la carte des circonscriptions a été densifiée, surtout dans les campagnes, ce qui a amplifié la sous-représentation des grandes villes et notamment de la capitale économique, Abidjan. Le ministère de l’Intérieur est passé de 174 à 205 circonscriptions, et de 225 à 255 sièges de députés à l’Assemblée nationale.

Moyennant quoi, si la moyenne nationale est de 22 453 électeurs pour un député, elle varie de 106834 à Cocody à 2 207 à Gbeleban (dans la région septentrionale du Denguele). On remarque également que sur les 30 nouveaux sièges, 21 ont été créés dans le nord du pays, favorable au RDR.
Sur les 1 160 candidats enregistrés par la CEI pour se disputer les 205 circonscriptions, on comptait 227 PDCI, 231 RDR, et 498 « indépendants» s’affichant sous les couleurs de 34 formations révélant souvent des dissidences au sein des principaux partis.

Sans grande surprise, le ROR a raflé la mise au soir du 14 décembre 2011 avec 127 députés.
Le PDCI n’a guère profité du boycott du FPI et devait se contenter de 77 sièges (contre 98 lors de la précédente législature de 2000, boycottée alors par le RDR...). Les autres alliés du RHOP en remportaient 10 (UDPCI, Union pour la Démocratie et la Paix, et le MFA, Mouvement des Forces d’Avenir). Les «indépendants» obtenaient 35 sièges, mais parmi les nouveaux élus figuraient des dissidents du RDR ou du PDCI, notamment des jeunes qui n’avaient pas obtenu l’investiture officielle et avaient malgré tout fait campagne. Dix- huit (18) d’entre eux sont revenus au POCI-ROA après leur victoire.

A l’issue des législatives partielles organisées le 26 février pour solder les 52 cas de contentieux, la composition de la nouvelle Assemblée nationale s’établissait ainsi : 138 députés RDR, 86 députés PDCI, 17 députés indépendants, 8 députés UDPCI, 3 députés MFA et 1 député UPCI.
Le PDCI-ROA, vient donc en deuxième position, après le RDR.

Au titre des élections municipales et régionales qui bouclaient la boucle des consultations électorales, elles se sont déroulées le 21 avril 2013 et ont permis de renouveler les maires et les conseillers municipaux dans 197 communes, d’élire les présidents et les conseillers régionaux dans 31 régions.
Sur les 665 candidats enregistrés par la CEI pour se disputer les 197 circonscriptions municipales, on comptait au niveau des têtes de listes, 126 PDCl, 171 ROR, 14 UDPCI, 347 «indépendants» et 7 de diverses formations politiques (PIT, UDCY... ).

Dans le même registre, pour les 31 circonscriptions régionales, la CEI a enregistrée sur les 83 candidats retenus, 23 PDCI, 19 RDR, 1 UDPCI et 40 « indépendants ».
Sur les 197 communes, les résultats s’établissent comme suit: PDCI-RDA: 52; RDR: 68; UDPCI : 05, Indépendants: 72.

Même si pour le PDCI on constate un recul par rapport aux élections municipales de 2000, on peut remarquer que sur les 11 communes du district d’Abidjan, huit (8) sont PDCI.
Ensuite, le PDCI présente le meilleur taux de réussite avec 41,27% (52/126), le RDR 39,77% (68/171), UDPCI 35,71% (5/14) et les Indépendants 20,75 (72/347).
Au niveau des régions, sur les 31 régions, les têtes de listes PDCI ont obtenu 14, le RDR 10, l’UDPCI 01, et les indépendants 06. Ici aussi par rapport au nombre de candidats présentés, le PDCI présente le meilleur taux de réussite avec 60,87% (14/23), le ROR 52,63% (10/19), UDPCI 100% (01/01) et les Indépendants 15,00 (06/40).

Avec les 14 régions présidées par des militants PDCI et 2 autres régions gérées par des indépendants proches du PDCI, soit 16 régions sur 31, on peut dire que le Parti a la main mise sur:
Une population électorale de 2 374889, soient 62% des électeurs des régions;
53 départements sur 102, hormis ceux des districts d’Abidjan et de Yamoussoukro;
86 communes dont 47 sont déjà PDCI.

Enfin, on note l’absence de liste RHDP dans le nord du pays et toutes les têtes de listes des listes RHDP sont PDCI.
Mesdames et Messieurs les Congressistes,
Mesdames et Messieurs,
Faut-il dès lors, après le parcours difficile qui a été le sien, jeter le PDCI-RDA aux orties?
Je ne partage pas ce point de vue. Je suis de l’avis que notre formation politique peut faire plus et mieux. Il nous suffit pour cela d’un plus grand engagement, d’une plus grande conviction et d’une meilleure organisation.
L’engagement et la conviction me paraissent évidents quand j’observe le comportement de la majorité de nos militants. Mais il faut reconnaitre que le fonctionnement de notre formation politique laisse parfois à désirer. C’est la raison d’être des aménagements que nous souhaitons introduire et que nous proposons aux Congressistes.

Nous suggérons ces aménagements aux Congressistes pour rendre le parti plus fort, plus efficace et plus performant. C’est de la sorte qu’il pourra aboutir à ce que nous souhaitons tous et qui est l’objectif de tout parti politique, la conquête et la gestion du pouvoir d’Etat.
Dans ce cadre, je propose aux Congressistes la mise en place d’une ossature administrative et technique du parti, composée de cadres et d’agents qui travailleraient à temps plein.

J’ai déjà, à la suite de la réunion du Bureau Politique du 2 juin 2013, procédé à la désignation de deux responsables chargés, l’un des finances et du patrimoine et l’autre de l’administration électorale. Il reste à envisager la désignation de:
-un directeur de la communication et du suivi de l’opinion nationale et internationale;
-un directeur de l’administration du personnel et de l’immatriculation des militants, en liaison avec le directeur financier;
-un responsable de la gestion de la Boutique du Parti, pour mettre fin à l’utilisation abusive du logo du parti.
Au titre des Statuts et Règlement intérieur du Parti, je propose aux militants, la restructuration du Parti pour en faire un instrument à la mesure de nos ambitions.
Ainsi, au niveau des organes centraux, je propose que le Congrès, organe suprême du Parti reste inchangé de même que la Convention Nationale qui est l’organe de discussion et d’appréciation des activités du Parti dans l’intervalle des Congrès, conformément aux statuts.
S’agissant du Président du Parti, il est proposé que la limite d’âge dans les critères de candidature, soit supprimée.
Concernant le poste de Secrétaire général du Parti, il est proposé qu’il soit supprimé en tant qu’organe central et transformé en Secrétariat du Président du Parti. Il devient le Secrétariat Exécutif, comportant une vingtaine de membres. Le Secrétaire Exécutif supplée le Président du Parti en cas d’absence de courte durée.

Le Bureau Politique, demeurera l’organe exécutif du Parti. Il comprend deux cent cinquante (250) membres désignés et proposés au Congrès par le Président du Parti pour élection.
Le Conseil Politique dans lequel étaient reversés les doyens du Parti se transforme en Conseil des Sages.
Le Grand Conseil est supprimé en tant qu’organe central. Il est décentralisé au niveau des régions et comporte entre quarante(40) et cinquante(50) membres par région; il devient le Grand Conseil Régional.
En ce qui concerne les organes décentralisés du Parti, il y aura désormais, outre le Grand Conseil régional, la délégation départementale ou communale, à raison d’une délégation par département ou par commune; la délégation générale, à raison d’une délégation par pays; la section à raison d’une section pour deux mille(2000) habitants; la section extérieure, à raison d’une section par région à l’étranger.

Les sections extérieures composent la délégation générale; enfin, le comité de base, structure de base du parti dans laquelle se retrouvent, par village ou par quartier, au moins deux cent(200) habitants.
S’agissant des organes spécialisés, la Jeunesse du PDCI et l’Union des Femmes du PDCI, il est suggéré que l’une et l’autre éclatent, la JPDCI en trois branches, une rurale, une urbaine et une scolaire et universitaire. Les Présidents de l’une ou l’autre sont élus en Assemblée générale. La Coordination des trois(3) branches est assurée par un membre du Secrétariat Exécutif.

Quant à l’UFPDCI, elle éclate en deux branches: une urbaine et l’autre rurale. Les Présidentes de chacune des branches est élue en Assemblée générale et leur coordination est assurée par un membre du Secrétariat Exécutif.
Relativement aux organes annexes, il est proposé que l’Inspection du Parti ait essentiellement pour mission le contrôle et l’évaluation du fonctionnement et de l’administration du parti. Quant au Commissariat aux Comptes, son rôle reste inchangé. Le Conseil de Discipline et le Conseil de l’Ordre du Bélier fusionnent pour former le Conseil de Discipline et de l’Ordre du Bélier.
Je suggère enfin que soient supprimés, le Comité de Médiation et la Commission de la Promotion des Femmes qui n’ont pas, à l’expérience, donné les résultats escomptés.
Les Commissions techniques nationales vont remplacer et les Secrétariats nationaux et les commissions techniques permanentes. Au nombre de vingt(20), elles comprennent dix (10) à quinze (15) membres chargés de mener des études sur tous les secteurs d’activité et de proposer au Président du Parti les orientations souhaitables pour alimenter sa position politique.
Pour la formation politique des militants, il est nécessaire et même urgent de ressusciter l’Institut d’Etudes politiques du Parti.

Il aura pour but de renforcer et de systématiser la formation des militants. Il aura également à concevoir et à développer la propagande du Parti.
Le logo du Parti, qui a été déposé à l’Organisation mondiale pour la propriété industrielle, OMPI, est aujourd’hui utilisé dans un désordre organisé. La Boutique du Parti va désormais gérer et exploiter le label du Parti et son Logo.

S’agissant enfin des structures informelles comme les groupes et clubs de soutien, elles sont transformées en structures spécialisées et deviennent des Mouvements associatifs proches du PDCI-RDA.
Le Parti Démocratique de Côte d’Ivoire, notre formation politique fonctionne dans un environnement qui est non seulement commun à tous les ivoiriens, mais que nous voulons influencer et naturellement orienter. C’est à ce titre qu’il nous importe de donner non seulement au Parti, mais aussi à la Côte d’Ivoire entière, notre propre vision de ce que doit être notre pays. C’est la raison pour laquelle les Congressistes auront à se pencher sur les différents secteurs d’activité. Repartis en différentes commissions, les Congressistes auront à se pencher sur les conclusions des responsables des sous-commissions préparatoires, lesquels ont examiné les problèmes de la nation et ont émis des avis, notamment sur la Constitution de l’an 2000 qui doit être revue de sorte à rééquilibrer le pouvoir exécutif par la création d’une vice- présidence; rééquilibrer le pouvoir législatif par la création du Sénat.

Dans ce cadre et du Conseil Economique et Social, il est souhaité la fixation d’un délai pour la nomination de ses membres et sa mise en place effective.
La restructuration de la Commission électorale indépendante(CEI) a été suggérée car sa configuration actuelle est dépassée et il convient de tenir compte de la nouvelle donne.
S’agissant de la réforme administrative, la réduction du nombre de régions, pour les ramener de 31 à 12, a été suggérée, tout comme il a été souhaité que le découpage soit revu sans tenir compte de préoccupations électoralistes, politiques et tribales .Par ailleurs, les dénominations des Régions doivent être débarrassées de connotations ethniques.

Mesdames et Messieurs les Congressistes,
Mesdames et Messieurs,
Nous nous trouvons à un tournant très important de la vie de notre Parti. Pour arriver à la tenue de la présente rencontre, il nous a fallu le temps que vous savez. Il fallait qu’un minimum de paix soit retrouvé. La paix est intervenue parce que les enfants d’Houphouët-Boigny que nous sommes se sont mis ensemble, ont su taire leurs querelles ou leurs divergences pour chasser le tyran Laurent Gbagbo .C’est bien ce qui nous permet aujourd’hui de nous retrouver.

De plus en plus, des voix discordantes se font entendre à propos de l’alliance que nous avons mise en place le 18 mai 2005 à Paris et qui nous a permis de nous débarrasser de la Refondation.
Nous ne pouvons pas remettre en cause l’existence de cette alliance, même si nous sommes tous d’avis que des réglages y sont absolument nécessaires.

Ces réglages sont à opérer au niveau de l’organisation de la Conférence des Présidents et du Directoire. Il s’agira de restructurer le RHDP pour le rendre plus opérationnel, à travers le fonctionnement de la Conférence des Présidents en tenant compte des premières difficultés de parcours.
S’agissant du Directoire je suggère que la présidence tournante soit remise en vigueur pour une représentation égalitaire des dirigeants des partis membres de l’alliance.

Les réglages sont également nécessaires pour les futures élections municipales et régionales.
Les partis membres doivent éviter les calculs politiciens et s’engager à établir des listes communes dans toutes les circonscriptions électorales. Des débats francs doivent être envisagés pour éviter les quiproquos et les décisions anticonstitutionnelles et antidémocratiques, sources de dissensions. Il faut des réglages pour pouvoir gouverner ensemble.
A cet effet, il faut que les Présidents des partis membres de l’alliance engagent des actions vigoureuses tendant à réaménager le gouvernement pour tenir compte de l’équilibre entre les régions et les partis membres; le découpage électoral, manifestement trop favorable à certaines régions, le nord en particulier, en dépit de leur poids démographique dans la nation mérite d’être corrigé; enfin, ouvrir les emplois de la Présidence de la République aux cadres des Partis membres du RHDP.
Les relations fraternelles et chaleureuses entre les militants des partis membres du RHDP pendant le deuxième tour de l’élection présidentielle et la crise postélectorale semblent se refroidir et se distendre de plus en plus depuis l’installation du Président du RDR, le Dr Alassane OUATTARA, à la Présidence de la République. Des mesures doivent être prises pour réchauffer ces relations.
Dans ce cadre, il conviendra de formaliser l’alliance en la déclara comme un groupement de partis politiques, chacun gardant cependant son autonomie.

Mesdames et Messieurs les Congressistes,
Mesdames et Messieurs,
Je ne pourrai terminer cette allocution sans rappeler que l’objectif de tout parti politique est la conquête et l’exercice du pouvoir. L’histoire a voulu que notre Parti, pendant quarante (40) ans, ait pu, après l’accession de notre pays à l’indépendance, le diriger sans discontinuer et même six ans après le départ du père fondateur. Nous savons aussi que notre pays s’est complexifié au fil des années et que, parce que nous vivons sous un régime politique qui se veut démocratique, des opinions diverses peuvent s’exprimer, nous sommes conscient qu’à l’avenir, il sera impossible à un seul parti politique d’exercer ce pouvoir. L’alliance avec des formations politiques qui partagent les mêmes points de vue, devient l’unique moyen d’acquérir ce pouvoir.

Dans ce cadre, nous devons continuer notre action de formation de nos militants, d’organisation efficace de notre Parti, afin de pouvoir, même au sein d’une alliance, nous donner les moyens de diriger à nouveau la Côte d’Ivoire.

Ce sont ces moyens que nous voulons nous donner par la restructuration que nous avons proposée aux Congressistes. Elle consiste, en résumé:
-à donner au parti, une ossature administrative solide, avec des responsables chargés des finances et du patrimoine, des élections, de la communication, de la gestion du personnel et de la gestion de la boutique du parti;
-à modifier les critères d’accession au poste de président du parti, en faisant sauter la limite d’âge;
-à créer un secrétariat exécutif pour éviter les conflits de compétence;
-à réduire le nombre de membres du bureau politique pour rendre cet organe plus gérable ;
-à décentraliser le grand conseil qui devient régional;
-à reformer la JPDCI et l’UFPDCI, pour tenir compte des différentes catégories de membres de ces structures;
-à réanimer l’Institut d’Etudes politiques du parti pour assurer la formation, initial et continue des militants.
Que dire pour conclure ?
L’histoire du PDCI-RDA se confond avec celle de la Côte d’Ivoire moderne. Malgré la perte du pouvoir d’Etat, nous avons toujours marché dans les sillons tracés par le père fondateur pour défendre les idéaux de notre parti que sont l’amour, la cohésion, la tolérance, la paix, la justice et le dialogue.
Ces dix dernières années ont été catastrophiques pour notre pays et pour notre Parti.
Néanmoins, nous avons été sur tous les fronts, nous avons été de tous les combats. Nous n’avons pas ménagé nos efforts pour apporter notre expérience là où il le fallait, ou nos conseils quand nous avons été sollicités. Nous avons consenti d’énormes sacrifices, jusqu’à l’effacement total de notre ego, pour sauver la Côte d’Ivoire.

L’amour du prochain a toujours été notre sacerdoce. Mais cette assertion a quelquefois été assimilée à de la faiblesse. Malgré l’incompréhension et quelquefois même la réprobation de certains d’entre nous, nous n’avons pas failli à notre devoir.

Nous sommes garants de l’héritage du père fondateur, et en dépit des soubresauts et la perte du pouvoir d’Etat, malgré les semonces et les coups de toutes parts, nous avons maintenu le PDCI-RDA debout.
Il est difficile pour un parti plus que cinquantenaire de résister, aussi longtemps à toutes ces bourrasques.
Nous nous sommes maintenus, en tant que parti, parce que nous avons accepté, pour la plupart, à appliquer les valeurs que nous a toujours enseignées le père de la nation: le pardon et la paix, en plus du dialogue et de l’amour qui restent les vertus cardinales de notre formation politique.
Ce sont ces valeurs, Mesdames et Messieurs, qui permettent au PDCI-RDA d’être là, devant vous, dans toute sa diversité, réuni dans un même creuset, prêt pour de nouveaux combats.
Ce sont elles, ces vertus qui nous assureront notre victoire prochaine dans tous nos combats.

Je souhaite un bon congrès à tous.
Henri Konan BEDIE
Président du PDCI-RDA

 

http://news.abidjan.net/h/429440.html 

Interview-exclusive / Kouamé Konan N’Sikan parle pour la première fois : «Comment j’ai créé UTB » - «Mes rapports avec Ouattara, Bédié et Gbagbo»

Publié le lundi 19 mars 2012   |  Trait d'Union


Son histoire personnelle est d’une sagacité excitante au vu de ce qu’il est devenu aujourd’hui et de ce qu’il représente en Côte d’Ivoire dans le domaine des affaires. PDG de la plus grande compagnie de transport de masses en Côte d’Ivoire, Kouamé Konan N’Sikan est d’une nature casanière qui tranche avec le ‘’bling bling’’ de certains parvenus qui gouttent aux délices de l’argent. C’est donc un homme lucide, affable et droit dans ses bottes qui a répondu à toutes nos préoccupationsle 13 février 2012 dans son village. Exclusivité Trait d’Union … Légende vivante, vous suscitez tant de commentaires en Côte d’Ivoire depuis plusieurs années. Pourquoi ? Votre question est d’autant pertinente que je suis obligé d’y répondre pour la première fois, puisque moi aussi j’entends tout ce qui se dit sur moi. Je me gardais de parler de moi mais comme vous avez insisté jusqu’à venir me trouver dans mon village, je vais me dévoiler alors. Je suis Kouamé Konan N’SIKAN, fils d’un paysan qui était de père Baoulé et de mère Tagbanan. Je n’ai pas eu la chance d’aller à l’école donc j’aidais mon père à faire des buttes d’ignames au champ. Quand j’ai eu 15 ans, j’ai commencé à faire les buttes moi-même. Avec les tracasseries des travaux forcés, je suis allé chez les parents maternels de mon père à Katiola. C’est là bas que j’ai commencé à cultiver le riz que je vendais à Botro. Je peux vous avouer que c’est ainsi que je me suis lancé dans le commerce. Je mettais de gros sacs de riz sur ma tête que j’allais vendre. Au retour, j’achetais des poussins et autres coquelets que j’élevais. Pour un début, c’en est un… Effectivement, mon histoire étonne tout le monde mais c’est ainsi que j’ai débuté. Je vais vous épargner certains détails sinon on ne s’en sortira pas de si tôt. Quand mes poulets devenaient grands, je les vendais. Je prenais une partie de cet argent pour acheter les petits piments rouges que les Baoulé appellent ‘’Kpèssè Kpèssè’’. Ensuite je les revendais puisqu’ils étaient prisés. Mais mon histoire va s’accélérer grâce à mon grand frère Kouamé N’Zué Jérôme. Dès qu’il a commencé à travailler, il m’a acheté une caisse dans laquelle je vendais des cigarettes. A l’époque c’était les marques ‘’LIBERIA ‘’, ‘’ JOB’’ etc. C’est lui qui m’a vraiment lancé dans mes activités qui allaient faire de moi ce que vous savez aujourd’hui. Je vous raconte une anecdote, tellement mon frère m’aimait, il m’a mis à l’école à la mission catholique de Bouaké alors que j’étais déjà vieux pour le CP2. J’ai pu apprendre à lire et écrire un peu, mais trois mois après j’ai été renvoyé pour une histoire de jugement supplétif. Je ne peux jamais oublier cela et ça m’a marqué. Oui mais tout ceci n’augurait en rien du destin qui est le votre ? Tout à fait ! Cependant, il faudrait savoir qu’après le tablier, mon frère m’a ouvert une boutique. Comme lui était un grand responsable à la CFAO à l’époque à Bouaké, j’allais prendre des marchandises et produits en gros avec lui et il me faisait des remises. Il m’a même dit une fois que j’étais intelligent en agissant ainsi. Et puis un jour, comme s’il savait que j’allais devenir un transporteur, il m’a inscrit dans un garage pour apprendre la mécanique. J’ai été donc apprenti-mécanicien de 1954 à 1957, et depuis j’arrive à détecter les pannes des véhicules rien qu’en écoutant les bruits qu’ils font. Malheureusement pour moi, mon frère n’a pas eu une longue vie. A sa mort en 1957, j’ai voulu continuer l’achat de produits que nous faisions ensemble. Quelle ne fut ma surprise lorsqu’allant retirer de l’argent pour une opération, je me fais entendre dire ceci par des blancs de l’époque : ‘’N’Sikan ne connait pas papier, on ne peut pas lui faire confiance pour l’achat des produits. Donc on ne lui donne pas l’argent’’. Très déçu, je suis rentré chez moi. Et puis un jour, arrive chez moi un certain Jean Abil Gal. Il m’a tendu la main et on n’a commencé à faire l’achat de produits ensemble. C’est lui qui m’a financé après que d’autres m’ont lâché. C’est donc lui le grand déclic après la mort de votre frère ? Sans aucune contestation. J’ai aimé Jean Abil Gal parce que c’est quelqu’un qui avait pris lui aussi la relève dans une affaire familiale. A la mort de son frère, c’est sur lui que leur empire s’est reposé et il a bien travaillé. Il a été mon exemple parce qu’il travaillait avec les membres de sa famille. Ensuite j’ai observé qu’il faisait tout pour que chaque membre de sa famille soit à l’aise. Aussi je me suis juré de suivre son exemple une fois que j’aurai eu les moyens. Même s’il m’a ‘’couillonné ‘’ pendant un bon moment, je vous dis que c’est avec lui que j’ai commencé à percer le milieu des affaires. Même le grand Djibo Sounkalo m’a interpellé à l’époque en me disant ‘’ mais toi N’Sikan tu es fort hein, comment tu fais pour avoir de l’argent en travaillant avec un Juif ‘’. Ça m’a beaucoup fait rire parce que moi je me contentais des 3 F de ristournes auxquelles Jean Abil Gal m’avait habitué pour l’achat des produits. Pour moi c’était trop bon, une affaire en or. C’est bien après que j’ai su que les ristournes étaient payées à 6 F. Jusque là on ne vous perçoit pas dans le monde du transport qui vous a révélé. Pouvez-vous nous dire exactement quand vous y êtes entré ? En fait j’y ai fait mes premiers pas dans les années 60. Lorsque j’ai pu avoir quelques moyens en 1965, j’ai acheté un grumier à plus de 7 Millions de FCFA mais cela à coups de privations. Ce grumier faisait le transport des grumes entre Duékoué et Abidjan. J’étais donc déjà millionnaire. A cette période, on me surnommait ‘’N’Sikan Détail’’ parce que je pouvais me priver de manger pendant longtemps pour économiser le moindre copeck. Ce grumier m’a beaucoup apporté par la suite et je le constate un peu plus quand je vois combien ça coûte de nos jours. Vous parlez de Jean Abil Gal mais selon certaines personnes de votre région c’est le président Houphouët-Boigny qui vous a fait … Ce sont des mensonges. Ce que Houphouët a fait pour d’autres personnes, il ne l’a pas fait pour nous les Baoulé. Donc qu’on arrête de raconter ces choses. Je me suis battu à la sueur de mon front pour créer mes entreprises. Tenez! lors du décès du président Houphouët, ces mêmes personnes ont raconté que les cars de UTB appartenaient au président Bédié. Un député de l’époque racontait cela aussi mais je l’ai rappelé à l’ordre en lui rappelant comment je me suis endetté pour monter ma société. A notre époque, il suffisait qu’un jeune Baoulé se batte pour créer quelque chose qu’on y voyait automatiquement la main d’Houphouët. Ce n’est pas exact. Dites-nous alors comment vous avez crée UTB, votre société de transport ? UTB a une histoire toute particulière. En fait, cette société est née d’une frustration dont j’ai été victime dans les années 1980. Un jour j’ai eu vent de ce que des amis et frères étaient en train de créer une société de transport. Je les ai approchés pour y participer. Ils ont refusé. Fâché et frustré je me suis dit que je devais créer la mienne. Sur les conseils avisés de feu mon petit frère Kouamé Agba, je me suis lancé dans cette activité périlleuse en 1984 avec trois cars. Auparavant j’avais acheté des minicars pour mes frères qui n’ont pu bien gérer. Les débuts ont été très difficiles puisqu’il fallait gagner la confiance des banques qui étaient un peu méfiantes. J’ai donc pris tout le dernier fonds qui me restait pour créer et soutenir cette société dans les débuts à Bouaké où j’ai crée la première gare UTB. Quand je fais un parallèle aujourd’hui, je trouve que je gagnais plus d’argent avant qu’aujourd’hui. Parce qu’avant avec le ticket Bouaké-Abidjan à 2500 FCFA, ça allait en plus du personnel réduit qui n’est pas celui de maintenant. Mais ça se comprend puisque les choses ont évolué et la société a grandi. Sinon nous gagnons mais les dépenses aussi sont élevées. Aujourd’hui à UTB, les salariés touchent aux alentours de 300 Mille fcfa. Donc ce n’est pas rien. De nombreux accidents de vos cars ont fait dire aux mauvaises langues que vous faisiez des sacrifices humains pour ‘’avoir l’argent’’. Que répondez-vous ? Vous savez les Ivoiriens sont ce qu’ils sont et ils sont nombreux qui ne peuvent s’empêcher de faire des commentaires désobligeants et parfois méchants sur les activités de ceux qui se battent pour créer des entreprises. Je me pose la question de savoir comment on peut prendre l’homme pour chercher de l’argent. C’est l’homme qui cherche l’argent. Tout cela relève des commérages et de la médisance. Ce qui se passait était tout à fait simple. Il s’agissait en fait d’une question d’imprudence des premiers chauffeurs qui ne savaient pas conduire. Ils étaient tous pressés et voulaient avaler les kilomètres, le plus vite possible. Il oubliait ma doctrine qui est qu’en allant lentement on arrive surement. Lorsque les accidents survenaient, j’étais toujours abattu et en larmes. Mes proches et amis pourront vous le confirmer. Aujourd’hui, nous avons une politique qui consiste à conseiller tous les chauffeurs sur leurs responsabilités, avant chaque départ. Et vous constatez vous-même que cette approche marche puisqu’il y a moins d’accidents aujourd’hui pour ne pas dire plus. Pourtant, il y a plus de cars et plus d’hommes en Côte d’Ivoire, si tant est que ce sont les sacrifices humains qui font fructifier l’argent. Et puis vers la fin, si des gens savent que pour avoir de l’argent, il faut agir ainsi, qu’est-ce qu’ils attendent pour le faire au lieu de passer leur vie à parler des autres. Vous voyez comment c’est ridicule et bas. Mais il faut comprendre mon fils que sur cette terre, la jalousie et la fainéantise amènent certains à devenir de gros serpents. Leur venin fait souvent très mal, mais il n’est pas mortel par la grâce de Dieu. Voilà comment des gens m’ont sali. Moi j’avance et c’est ça l’essentiel dans la vie. On ne peut pas parler avec vous sans évoquer la concurrence qui a eu lieu entre la société STIF et la votre, UTB… Pour des raisons qui me sont personnelles et que je vous demande d’accepter, je ne voudrais pas m’étendre sur cette question. On était effectivement des concurrents mais nous étions des amis. Je préfère en rester là et garder nos petits secrets de transporteurs. (Rires) De trois cars en 1984 à combien pouvez-vous évaluer votre parc auto à UTB aujourd’hui et comment va réellement votre entreprise ? J’ai plusieurs cars, c’est tout. Ce qui est certain, nous ne sommes plus à nos trois cars du début. Au niveau de la société, je peux vous dire que ça va un peu. Mais il y a eu trop de voleurs à UTB. Les gens viennent au travail pour se remplir les poches et faire leur vie. Les véhicules circulent mais on ne gagne rien. Si UTB était une société européenne, j’allais m’en sortir mieux et on allait créer d’autres sociétés. Hélas ! Depuis combien de temps avez-vous remarqué qu’on vous vole et qu’est-ce que vous faites pour traquer ces voleurs ? Depuis tout temps monsieur le journaliste. Tu mets des gens qui sont très proches de toi mais qui ne pensent qu’à se remplir les poches. Depuis un bon moment j’avais remarqué cela. Vous me demandez ce que je fais contre les voleurs. D’abord je n’aime pas les voleurs et maintenant quand tu me voles, je te traduis en justice. Que tu sois proche de moi ou pas, c’est devant les juges qu’on va s’expliquer. Je ne pardonne pas aux voleurs et il faut que cela serve de leçon à ceux qui se croient intouchables parce qu’ils sont mes proches. Si je ne fais pas ça, ils vont me ruiner et je ne serais plus ‘’ N’SIKAN ’’. J’emploie plus de 700 personnes et pour rien au monde je ne peux tolérer qu’un individu vienne faire écrouler toutes ces années de labeur. Si je tolère les voleurs, c’est au moins près de dix mille personnes de toutes les ethnies qui sont en danger. J’ai des chauffeurs Ivoiriens, Burkinabé, Maliens aussi. Sans compter mes neveux et cousins qui ne jurent que par moi. Mais maintenant, il y a une nouvelle gestion et on verra. Parlons un peu politique. Vous êtes un militant du PDCI, quelles sont vos relations avec le président Bédié ? Au plan politique je lui dois beaucoup. Parce que c’est grâce à lui que je suis devenu Député-maire. En 1995, alors que j’avais travaillé énormément dans ma région et que les populations voulaient me faire un triomphe en m’élisant comme maire, des gens ont manigancé un scénario bizarre en disant que moi N’Sikan j’avais été battu aux élections municipales par un pharmacien. Tout ça parce qu’ils disaient que je suis illettré. Je suis venu à Abidjan et j’ai informé le président Bédié sur cette affaire qui était incroyable parce que personne ne pouvait et ne peut me battre dans mon fief de Diabo. Personne n’a fait ce que j’ai fait dans ma région pour que quelqu’un vienne me battre. Donc la vérité des urnes a été rétablie. Aujourd’hui encore j’ai de bonnes relations avec le président Bédié qui est notre leader. Et avec le nouveau chef de l’Etat Alassane Ouattara ? Vous savez je suis un vieux de la vieille. Il y a longtemps quand même que je suis en Côte d’Ivoire. Je connais le président Alassane Ouattara depuis bien des années. En tout cas, je n’ai pas de problèmes depuis qu’il est là, comme je n’en n’avais pas avant. Vous aviez été décoré par Laurent Gbagbo du temps de son règne. Quels souvenirs gardez-vous de lui ? C’est quelqu’un qui me respectait beaucoup. Je le respectais aussi et ça ma beaucoup plu lorsqu’il m’a décoré. Mais comme il est d’un parti et moi d’un autre, je peux dire que nos relations s’arrêtaient juste là. Sinon c’est quelqu’un que je respectais en tant que président.

Interview réalisé à Konankro (Diabo) par Valery FOUNGBE

http://news.abidjan.net/h/429400.html 

  Interview/ Après sa décoration par la grande chancelière - Le doyen N’Sikan : “Dites au président Ouattara que son acte est une reconnaissance aux méritants et un encouragement à la jeunesse

Publié le jeudi 14 juin 2012   |  Le Mandat





Décoré à Bouaké le 3 avril dernier, pour avoir mérité de la Nation dans le domaine du transport en Côte d’Ivoire, et ce en compagnie d’une soixantaine de récipiendaires dans divers grades, le doyen Konan Kouamé N’Sikan, PDG de la célèbre société de transport UTB et président d’honneur de l’association des cadres et élus du grand centre du Pdci-Rda, s’est rendu chez la Chancelière, Henriette Diabaté, le mardi 12 juin, pour lui traduire sa reconnaissance. Dans cette interview, le doyen a dit être allé traduire sa gratitude au chef de l’Etat, parce la décoration constitue un encouragement pour la jeunesse entreprenante…

Monsieur le PDG, quel est l’objet de votre visite à Mme Henriette Diabaté, la Grande chancelière de Côte d’Ivoire ?
Je me fais la promesse de traduire toujours mes remerciements à toute personne qui m’accorde considération ou me fait du bien. Et le fait que Mme Diabaté se soit déplacée jusqu’à Bouaké pour exécuter la volonté du président de la république de me décorer est un acte d’extrême considération. Dans ma civilisation, l’acte solennel pour exprimer sa gratitude est de faire le déplacement jusqu’à la personne à qui on veut traduire sa reconnaissance. Il y a bien longtemps que j’ai manifesté le désir de la voir, mais elle avait un calendrier bien chargé. Le mardi, elle m’a trouvé un moment qu’elle vient de m’accorder.

Qu’est-ce qui explique l’importance que vous semblez accorder à cette décoration ?
Le jour de la cérémonie, j’ai dit à Mme Diabaté cette phrase simple : « merci de reconnaître le mérite des citoyens. Cela entraîne une satisfaction pour les récipiendaires, pour la reconnaissance de leur mérite. Mais c’est surtout un geste qui encourage tous ceux qui osent prendre des initiatives dans tous les secteurs d’activités et dans l’administration publique. En cette période où nos enfants ont besoin d’être stimulés, c’est un geste important et cela traduit bien que le président Alassane sait réunir les conditions idéales pour aider la jeunesse à se prendre en charge avec bonne conscience ». Il est important de montrer aux citoyens que l’Etat n’est pas insensible aux efforts et au mérite des citoyens. C’est pourquoi, j’ai demandé à Mme Diabaté de transmettre mes pensées au chef de l’Etat.

De tout ce que vous menez comme activités, qu’est-ce qui constitue l’exemple de réussite que l’Etat a salué par cette décoration ?
D’après Mme Diabaté, dans l’enquête préliminaire que ses services ont menée, on leur a relevé la parfaite organisation de mon entreprise et les soucis de notre société de placer au-dessus de tout le bien-être de notre clientèle. Et ça, j’en suis particulièrement heureux, car c’est pour les clients que je prends toutes les initiatives allant dans le sens de leur satisfaction. Voyez-vous, on ne s’enrichit pas vraiment dans le transport. Si je prends le cas du secteur de l’immobilier, je peux dire que ça rapporte de l’argent d’avoir des maisons. J’avais construit des maisons, mais depuis que j’ai voulu moderniser le transport, je ne peux plus en faire. Je l’ai dit une fois à vos confrères : le camion bouffe lui-même l’argent qu’il rapporte quand il vieillit. Mais, je suis content parce que les clients sont contents de UTB. Et ils ont raison. Regardez nos cars ; ils sont climatisés et offrent un confort et une sécurité excellente. J’invite les transporteurs à nous ressembler. L’image de notre pays en sortira rayonnante, au-delà de nos frontières, et nos compatriotes seront fiers de nous. A UTB d’ailleurs, nous entendons innover bientôt, à partir d’exemples que j’ai vus en Europe lors d’un voyage. Là bas, à certains niveaux des trajets entre les villes, il y a des sites qui comptent un magasin, une station, des coins de toilettes, un petit restaurant, enfin, les commodités à satisfaire au cours d’un voyage. Je vais en faire bientôt entre Abidjan et Yamoussoukro, entre Abidjan et Duékoué, entre Abidjan et Daloa. Ça me tient à cœur d’offrir ça aux clients.

Nous sommes dans le temps de la recherche de réconciliation entre les Ivoiriens. Que pouvez-vous en dire ?
Je crois que la recherche de la réconciliation interpelle chaque Ivoirien et, dans ce sens, chacun de nous doit s’investir à réconcilier les Ivoiriens. J’ai ma petite idée là-dessus et je vais certainement vous en parler plus tard. Mais, aujourd’hui, il faut lancer l’appel à tout le monde. C’est nécessaire que nous nous pardonnions, pour qu’ensemble nous puissions faire face aux problèmes de l’insécurité des personnes et des biens. Avant, l’Ivoirien se moquait de certains pays de la sous-région où il y avait l’instabilité politique et l’insécurité. Aujourd’hui, notre pays est devenu l’illustration de l’instabilité. Je demande pardon à tous ; chacun de nous a connu les affres de la guerre, mais nous devons pardonner.

Entretien réalisé par:
Jérôme N’Drihttp://news.abidjan.net/h/435342.html

" Le populisme se base toujours, électoralement, sur des demi-vérités, voire des caricatures. C’est un fait détestable, parfois abject. Mais le danger survient lorsque pointent les abus de pouvoirs."

 analyse vendredi2 mars 2012

Déjouer les pièges du national-populisme

L’Europe a beaucoup à perdre dans la diabolisation de l’effervescence populiste au sein de nombreux pays de l’Union. Car à force de donner des leçons, Bruxelles risque d’apparaître de plus en plus comme une citadelle des élites eurocratiques aveugles. Par Richard Werly, Bruxelles
Le charisme d’un chef de gouvernement européen ne peut pas, et ne doit pas, se limiter en 2012 à ses talents de tribun et à la fascination malsaine qu’il exerce sur son peuple. Viktor Orban, ce «plébéien de droite», comme il se décrivait dans une interview au Monde, a beau disposer d’une majorité des deux tiers au parlement hongrois, ses tentatives pour juguler l’opposition sont détestables.
Soit. Mais après? Peut-on oublier son courage lors de la chute du communisme et, ces dernières semaines, son empressement à venir s’expliquer devant le Parlement européen à Strasbourg? S’interroger est d’autant plus légitime que les députés européens, si véhéments, l’accueillirent par un hémicycle aux trois quarts vide. Avant d’aligner leurs interventions jusqu’en fin de journée. Sans vrai débat contradictoire.
Le populisme à la mode hongroise est au cœur du malaise qui frappe une Union en crise, affaiblie et inquiète face à la puissance des grands pays émergents. N’empêche: y voir le diable, assuré de déboucher sur une vague de national-populisme puis sur de possibles débordements fascistes, n’est pas la meilleure stratégie pour reconquérir des peuples déboussolés.
Prenons le cas italien. Jamais, au plus fort des scandales politico-sexuels qui ont rythmé l’agonie politique du «populiste» Silvio Berlusconi, Bruxelles n’est intervenu. Les médias transalpins d’opposition criaient au muselage. Les adversaires du «Cavaliere» désespéraient de voir le grand ordonnateur de parties «bunga-bunga» aux sommets européens. Mais l’Europe restait coite, poids institutionnel de l’Italie oblige. La guerre couvait, mais n’était pas déclarée. Ce qui facilita ensuite l’arrivée au pouvoir à Rome de ­Mario Monti, homme du sérail bruxellois.
Autre illustration de ce «deux poids, deux mesures»: la timidité communautaire envers les séparatistes anti-francophones de la Nouvelle Alliance flamande (NVA), vainqueurs des législatives du 13 juin 2010 en Belgique, puis écartés de l’actuelle coalition gouvernementale. A l’exception d’une ou deux prudentes déclarations, le leadership de l’Union s’est tu, malgré les incitations du patron de la NVA, Bart de Wever, à déliter un pays fondateur de l’UE. Idem vis-à-vis de l’islamophobe néerlandais Gert Wilders, dont le parti soutient aujourd’hui la coalition au pouvoir à La Haye.
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http://www.letemps.ch/Page/Uuid/280bc406-63d4-11e1-a32e-273d6e54c97c|0 

Les femmes rendent-elles les hommes stupides ?

Improbablologie | LE MONDE SCIENCE ET TECHNO | 23.12.11 | 17h49   •  Mis à jour le 26.12.11 | 11h31
 
Les performances cognitives de l'"Homo sapiens" mâle diminuent-elles après une interaction avec un membre du sexe opposé ?REUTERS/Stringer Shanghai

En termes scientifiques, la question est reformulée ainsi : les performances cognitives de l'Homo sapiens mâle diminuent-elles après une interaction avec un membre du sexe opposé ? La boulangère est si charmante que Robert (pardon d'avance à tous les Robert) sort de la boutique avec ses croissants mais en a oublié de commander son bâtard bien cuit. Traduit par Tex Avery, c'est l'effet "ferme la bouche, idiot, tu marches sur ta langue". Des études de psychologie ont montré que les messieurs hétérosexuels réussissaient moins bien des tests cognitifs après avoir discuté avec une dame qu'avant. L'inverse n'est pas vrai. Pourquoi ?

En moyenne, les hommes ont, davantage que les femmes, la faculté de "sexualiser" les situations de la vie courante. "Bonjour voisine, que vous êtes belle en descendant votre poubelle..." Etc. Selon les biologistes, cette capacité à surinterpréter les signaux envoyés par les personnes de l'autre sexe est un biais que l'évolution a imposé à l'espèce pour que les mâles ne ratent pas une occasion de s'accoupler. Mais cet instinct de chasse de tous les instants a un coût - qui se traduit par de moins bons résultats aux tests - car l'homme "s'épuise" mentalement, consomme ses ressources cognitives (on n'ose dire "intellectuelles") en évaluant sans cesse sa partenaire pour déterminer sa valeur en tant que reproductrice, en contrôlant ses émotions, en se concentrant sur l'image qu'il désire offrir et en surveillant l'autre pour voir s'il lui fait bonne impression.
Il y a donc un effet après la rencontre. Mais y en a-t-il aussi un avant ? La seule anticipation d'une interaction avec une femme fait-elle perdre une partie de ses moyens cognitifs à l'hétérosexuel moyen ? Dans les premières pages d'Anna Karénine, Tolstoï met en scène un propriétaire terrien, Levine, sur le chemin menant à un lac gelé servant de patinoire, où il s'apprête à rencontrer la jeune femme dont il est amoureux : "Tout en suivant le sentier, Levine se parlait à lui-même : "Du calme ! il ne faut pas se troubler ; que veux-tu ? qu'as-tu ? tais-toi, imbécile." C'est ainsi qu'il interpellait son cœur. Mais plus il cherchait à se calmer, plus l'émotion le gagnait et lui coupait la respiration. Une personne de connaissance l'appela au passage, Levine ne la reconnut même pas." Pauvre garçon. Pour savoir s'il existe un "effet Levine", une équipe de psychologues néerlandais a imaginé un test dont elle a publié les résultats, en novembre, dans les Archives of Sexual Behavior.
Sous le faux prétexte d'une expérience sur le langage, les chercheurs ont fait passer un test sémantique à quatre-vingt-dix hommes et femmes en les prévenant qu'un(e) observateur(trice) se connecterait ensuite à la cabine dans laquelle ils étaient isolés pour leur donner le top-départ d'un second exercice, où ils devraient lire un texte devant une webcam. Chacun était informé du prénom de l'observateur(trice) et pouvait en déduire son sexe. Le stratagème avait pour but de créer l'attente d'une interaction à venir. Dans ces conditions, alors que, chez les cobayes féminins, aucune différence significative n'était notée selon le sexe de l'observateur, les hommes anticipant un contact avec une femme ont nettement moins bien réussi l'exercice sémantique que les autres. Le plus drôle, c'est que, l'expérience étant automatisée, la femme en question n'existait pas.

Pierre Barthélémy est journaliste et blogueur (Passeurdesciences.blog.lemonde.fr)
Pierre Barthélémy
·  MG 25/12/11 - 20h15
 Ah oui la performance ! C'est une histoire bien humaine (masculine et féminine aussi...), on s'embête avec ça et le narcissisme là-dessus ; ça nous fait une belle jambe, comme on dit ! Vous pouvez aussi opter pour un monde sans femme, enfin pour ce qui en resterait, du monde, comme certain le croient possible (sans femme), ça finirait par nous fâcher (contre nous-même). Allez, vous en reprendrez bien un peu de cette vie avec elles bien que c'est quand même pas idéal hein ? Répondre

·  Félix UD 25/12/11 - 16h19
 peut être, mais c'est tellement bon ! Répondre

·  pierre guillemot 25/12/11 - 11h57
 "Cette belle personne sent, je le vois, le mouvement, le gonflement de pensées qu’elle provoque, cependant qu’à son aspect la statue s’ébauche dans l’esprit de l’artiste." (Auguste Rodin, "Les Cathédrales de France", 1914). Ainsi, la femme nue offerte au regard serait favorable à la création. C'est Rodin dans sa verte vieillesse qui l'affirme. Qu'elle soit défavorable aux tests de cognition est négligeable à côté. "Abêtissez-vous" disait aussi Blaise Pascal. Répondre

·  téte froide ,sang chaud 25/12/11 - 11h49
  "Une femme est comme votre ombre, courrez après, elle vous fuit; fuyez-la, elle vous court après" Alfred DE MUSSET Répondre

·  Patrick VAN CLEEF 25/12/11 - 11h07
 Eh bien, heureusement que cela passe comme ca. Autant dire que c´est bien la masculinité qui apporte cette part d´humanité dans les relations entre hommes et femmes. Ceci étant dit, j´ai maintes fois observé le trouble féminin lors de relations tout à fait courtoises lors d´une première rencontre, au point même, pour la Dame, d´en perdre ses moyens... Bref, la vie est pleine de surprises et peut apporter sa part de bonheur. Se le refuser, c´est manquer de performance à ce test... du bonheur. Répondre

·  Fawzi Hakiki 25/12/11 - 11h06
 Stendhal en parle très bien, ainsi que Flaubert...l'exercice du Pouvoir érotique est une bien triste affaire, le marché l'a très bien compris...et l'Objet n'est plus lâché par les marchands...Demander à une femme de devenir un Sujet...est un blasphème en soi...pfff...je le savais moi avant de naître...ma mère me l'avait confirmé...Lisez "L'érotisme romantique chez Stendhal"...il analyse bien ça... Répondre

·  jean louis GORCE 25/12/11 - 02h54
 Comment ne pas être frappé de stupeur devant "l'origine du monde" ? Répondre

·  Pascale Walter 25/12/11 - 01h47
 Enfin, ça prouve au moins que la cognition n'est pas notre seul but dans la vie...! Il faut aussi savoir rater des tests cognitifs pour réussir sa vie amoureuse comme on rate un train pour faire sa vie avec un partenaire. Et puis aussi : on arrête d'accuser les blondes d'être bêtes parce qu'on le devient devant ellews, hein! Toi-même! Répondre

·  Le_mec_qui_râle 25/12/11 - 00h34
 La fréquentation de certaines femmes rend peut-être les hommes stupides pour la bonne et simple raison que, lorsqu'ils les rencontrent, les hommes voient une partie du flux sanguin qui irrigue leur cerveau se diriger vers un autre organe de leur corps... Répondre

·  Tube 24/12/11 - 21h35
 J'essaye tellement de me contrôler lorsque je suis avec une jolie femme me plaisant que je parviens à peine à parler avec. En conséquences je ne me tape que des moches ou simplement des filles qui ne me plaisent pas parce qu'il m'est beaucoup plus facile de les "tchatcher". Répondre

·  DrStefool 24/12/11 - 20h47
 La réponse est oui. Mais on les aime quand même... Giz Répondre

·  Paco 24/12/11 - 20h11
 Au vu des c**** dont est capable l'Homme en général et les hommes en particulier,non: il y a des prédispositions génétiques; sinon, c'est pas possible.Joyeux Noël! Répondre

·  Claude DOUCET 24/12/11 - 19h43
 Speed dating concluant systématique du bonobo à visage humain échecs répétés des mâles ordinaires ou enfin exceptions souveraines des Arsène Lupin du sexe toujours gentlemen et cambrioleurs au final ? Le reflet féminin de ces trois ordres du sexe existe aussi. Et tous ce savant mélange des genres produit aussi des scientifiques qui déflorent l'exceptionnel de la rencontre amoureuse totale où l'intelligence joue l'absence tout en tenant vigoureusment la chandelle. D'où les ruptures... Répondre

·  AE 24/12/11 - 19h01
 Vouloir un enfant de l'autre, cela va de soi dans un amour véritable. Certaines réactions qui nient cet aspect de la sexualité humaine sont assez caractéristiques d'une société sinistre, d'ailleurs finissante du fait de son propre malthusianisme. Répondre

·  GÉRARD B. 24/12/11 - 18h26
 Oui.
·  Molly 24/12/11 - 17h30
 Il faudrait mettre une grosse pancarte indiquant "Second degré" sur les articles "Improbablologie" car certains lecteurs s'évertuent à les prendre au pied de la lettre et à ne pas comprendre que l'auteur se moque en réalité toujours un peu des chercheurs qui réalisent ces études. Répondre

·  Proie facile 24/12/11 - 17h01
 Message univoque surrané. Les femmes d'aujourd'hui ont bien évolué et sont aujourd'hui souvent d'équivalentes prédatrices. Répondre

·  bof 24/12/11 - 16h55
 "nous tirer vers le bas", c'est un peu exagéré, plutôt dissipent notre attention, ce qui parait peu surprenant, pas besoin de faire des études de psychologie pour s'en douter. Ca me rappelle un défilé de mannequins féminins pour des chaussures. Dans le public les femmes regardaient les chaussures, les hommes un peu plus haut ... Répondre

·         Attila 24/12/11 - 18h10
 "tirer vers le bas", si vous voulez c'était une image...concrète. La suite pourrait être... pour les attirer au fond de leur trou.

·  pif paf 24/12/11 - 16h14
  Vous devriez envoyer cet article à tous les islamistes/machistes! bravo! on progresse Répondre

·  André F 24/12/11 - 16h08
 Article faiblard et faibles commentaires. je vous conseille de lire le bouquin d'Helen Fisher - Histoire naturelle de l'amour - c'est simple comme bonjour, une explication biologique du rapport amoureux. Répondre

·         Annick K 24/12/11 - 17h00
 Trop drôle Fisher, les quatre types de tempéraments liés à la production de corps chimiques, ça c'est effectivement fort!!!

·  max 24/12/11 - 15h57
 S'il y avait un prix de du texte le plus stupide paru dans le Monde, je crois bien que je voterais pour lui. Il y en a eu quelques autres de très bien aussi, je reconnais, souvent à mettre au crédit des psys ou des sociologues d'ailleurs, mais là pour Noël le Monde nous a gâtés. Répondre

·  Fawzi Hakiki 24/12/11 - 15h55
 je confirme oui...il ne faut avoir que des passions inactives avec l'autre sexe Répondre

·  Artémis 24/12/11 - 15h42
 Il est connu que "sur le chemin de l'amour, l'homme ne se méfie pas". Et pas seulement l'homme. Chacun sait que le cerf se chasse à l'approche au moment du brame, et le brocard au moment du rut, car leur désir l'emporte sur la méfiance... Les plaisanteries misogynes de certains gros malins montrent qu'ils sont assez proches de ces cervidés porteurs de bois... Qu'ils se méfient! Répondre

·  Annick K 24/12/11 - 15h38
 Le titre provocateur est amusant! Mais on ne sait pas en quoi consistait ce test "sémantique" et quel était le message transmis aux cobayes... S'il y avait des connaissances à mettre en oeuvre, qui risquaient d'être évaluées par l'observatrice, le résultat pourrait simplement révéler la peur d'être jugé par des femmes dotées de l'Autorité, ce qui est inhabituel... Répondre

·  Attila 24/12/11 - 15h36
 La présence d'un homme ne ferait ni chaud ni froid aux femmes ? ou intègrent-elles mieux leur sexualité? La vraie question est: Pourquoi les femmes tirent-elles les hommes vers le bas ? la réponse: devinez. Répondre

·  olc 24/12/11 - 15h35
 tristes sires Répondre

·  Moldovalaque 24/12/11 - 15h34
 Ou plutôt: "Les hommes rendent-ils les femmes intelligentes" Répondre

·  Jean Pierre Delplancq 24/12/11 - 15h32
 Lors de mes études de psychologie à l'univ, j'ai lu beaucoup d'études de psychologues et ai ainsi perdu beaucoup de temps. Les psy du niveau d'Anzieu sont rares. L'instinct s'étudie en psycho animale, l'homme n'en ayant pas, il dépend de sa culture. Comme les têtes brûlées de 68 l'ont jetée à la poubelle, il ne faut pas s'étonner de la dérive et du déclin de notre société. Celui qui regarderait sa partenaire comme reproductrice n'est qu'un déchet de l'humanité. Répondre

·         Rémi Manso 24/12/11 - 15h44
 « Celui qui regarderait sa partenaire comme reproductrice n'est qu'un déchet de l'humanité » : Heureusement que vous êtes là pour remonter le niveau de l'humanité...

·         fchrysalis 24/12/11 - 17h24
 J'ai rarement vu un tel pourcentage de commentaires imbéciles ! Ce pourcentage est toujours très élevé lorsqu'il est question de la sexualité. Heureusement que vous êtes là, M. Delplancq, pour garantir à l'homme son statut d'être à part, dotée d'une psychologie essentiellement différente de celle de tous les (autres) animaux, statut que beaucoup de travaux en… "Sciences humaines" mettent à mal, ces temps-ci !

·         Charles Darwin 24/12/11 - 22h44
 Et dÂ’où sortez vous que l'homme n'a pas d'instincts ? Alors quand il trouve une fille il doit lire un livre? Et les millions d'années de sélection chez les mammifères seraient disparus avec l'infusion de l'âme par... La Nature ?

·  Philippe MADIGNIER 24/12/11 - 15h00
 D'aucuns diraient que les hommes n'ont pas du tout besoin des femmes pour être stupides ;) Répondre

·  Sadi Carnot 24/12/11 - 14h50
 Peut-être bien. Mais attention, mesdames, asina asinum fricat. Lol.
·  Etienne Halleck 24/12/11 - 14h34
 Ahlala, les femmes... Répondre


·  gg 24/12/11 - 14h25
 C'est que nous sommes soucieux de notre prochain(e)... Le tréfonds chrétien, pardi ! Répondre


·  Nathalie Bordy 24/12/11 - 14h04
 C'est quoi une interaction ? Du franglais ? Répondre


·  CHAMPIGNAC 24/12/11 - 13h50
 "les hommes ont, davantage que les femmes, la faculté de "sexualiser" les situations de la vie courante..." Ah oui ? Et les femmes par leur façon de "s'habiller" avec les vêtements les plus minis, gorge en avant, faux seins, décolletés les plus bas possibles, épaules et bras nus, maximum de peau montrée, ne sont-elles pas en sexualisation permanente, partout, en toutes circonstances, même au bureau où l'on est sensés, elles comme nous, ne penser qu'à l'entreprise et à notre job ? Répondre



  • Sam 25/12/11 - 11h18

 Et si vous les regardiez dans les yeux ?


·  MAX LOMBARD 24/12/11 - 13h47
 Belle science que "l'improbablologie", elle rejoint à la fois le gros bon sens l'art publicitaire! Répondre


·  Naif 24/12/11 - 13h40
  Les femmes rendent les hommes stupides. En effet elle ont permis à des hommes de faire une "expérience scientifique" et à l'auteur d'écrire cet article. Vite ! donnez leur l'IgNobel de sociologie ou ... de sciences politiques ! Répondre


·  Paul Preziosi 24/12/11 - 13h34
 Pour celles ou ceux que cela intéresse, l'article original est accessible sur http://www.springerlink.com/content/j5797p0205w350p6/ (merci Le Monde). Il ne me semble pas que les spécificités et les limites du design de l'expérience autorisent une telle généralisation des résultats. Répondre


·  ismènes 24/12/11 - 13h26
 A mon avis, il y a un biais anglo-saxon : je connais des femmes confrontées au même problème, j'en déduis qu'il n'est pas réservé aux hommes. Il faudrait en déduire que les femmes sont indifférentes au choix du géniteur de leurs enfants, ce qui semble peu sérieux. D'ailleurs la littérature est pleine des émotions de jeunes (ou mois jeunes) femmes, en émoi avant de rencontrer un partenaire éventuel. Répondre


·  Joker 24/12/11 - 13h11
 Je me suis toujours posé cette question existentielle à laquelle je n'ai toujours pas de réponses :est-ce l'amour qui rend bête ou la bêtise qui rend amoureux? Répondre



  • PM 24/12/11 - 15h58

  Ce test ne parle pas d'amour... On n'est pas bête parce qu'on aime, mais parce qu'on est amoureux, nuance primordiale. Par contre, aimer n'empêche pas d'être bête. Dommage car la bêtise, elle, éloigne toujours de l'amour !


·  Daniel LACOURT 24/12/11 - 13h06
 Merci au "Monde" pour cet article à quatre sous, bien distrayant en ces temps troublés. Répondre


·  Eugène 24/12/11 - 12h59
 Enfin bon, le titre n'est pas adapté, les femmes n'y sont pour rien! Les hommes se rendent stupides eux mêmes en se la jouant séducteur. Dommage. Répondre


·  JM Lustukru 24/12/11 - 12h56
 Péter au lit est donc une preuve d'intelligence. Répondre


·  Dindon Farci 24/12/11 - 12h50
 Je veux bien le croire. La Nature fait que le mâle se pavane et la femelle choisit. Le Paon a des belles plumes et les femelles se disent "s'il supporte cela sans mourir il doit être fort" Répondre


·  Nina 24/12/11 - 12h48
 donc en mai 2007 on a viré tout le personnel masculin travaillant à l'Elysée pour mettre du personnel féminin à la place. Ce serait l'explication ? Répondre


·  Nicotine 23/12/11 - 22h18
 Heureusement les hommes et les femmes n'auront bientôt plus aucune raison objective de nouer une relation puisque hommes et femmes peuvent maintenant avoir des enfants tout seul. Enfin libre, fini la corvée de supporter l'autre. Répondre



  • Raphaël C. 24/12/11 - 14h13

 Pour Nicotine, le seul but d'une relation homme-femme est de procréer ! Quelle conception réactionnaire et minable du couple...



  • Frodon 24/12/11 - 14h36

 Sauf qu'on n'a pas encore inventé l'amante virtuelle et que c'est là, tout de même, le premier intérêt d'établir une relation.



  • Naif 24/12/11 - 14h50

 Les hommes et les femmes n'ont déjà aucunes raisons objectives de faire des enfants. Par contre certaines ont parfois une raisons objective à supporter l'autre : se faire aider pour élever les gosses.

 

Fanny Ibrahima, maire

: « JACQUES ANOMA A ÉTÉ INJUSTE AVEC BOUAKÉ »

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Ancien footballeur, le maire de Bouaké se prononce sur la situation difficile des équipes locales, reléguées au second plan. Il reproche à son ami, le président de la FIF, Jacques Anoma, d’avoir pénalisé celles-ci. Le morcellement de Bouaké en plusieurs communes est aussi abordé dans cet entretien qu'il a accordé à www.fratmat.info.
Depuis la crise, les équipes de football de Bouaké ne sont plus que l’ombre d’elles-mêmes. Elles se retrouvent en troisième division et régionale. Comment expliquez-vous cette situation inédite ?
De mon point de vue, notre ami Jacques Anoma (Ndlr : président de la fédération ivoirienne de football) a été injuste avec Bouaké. J’étais à Kumassi (Ghana), lors de la coupe d’Afrique avec lui. Nous avions longuement parlé de la situation des équipes de Bouaké. Malheureusement, il n’a pas traité nos équpes avec une attention toute particulière.
Que lui reprochez-vous ?
Une crise est survenue. Bouaké est assiégée. La population n’y est pour rien. Nos équipes, à savoir l’Alliance et l’ASCB, ont accepté d’aller jouer sur les autres stades. On les traite de rebelles et on les jette en prison. Non content de tout ça, la FIF les rétrograde en championnat régional. Ce n’est pas juste. Le président Anoma doit nous ramener où on était avant les évènements. Je le lui ai expliqué, il n’a pas voulu entendre raison.
Maintenant que la situation se normalise, nous (mairie) allons essayer de mettre deux grandes équipes sur pied, comme par le passé.
Présentement, Bouaké a quatre équipes. Vous allez donc les ramener à deux ?
Absolument. Les gens n’ont pas les moyens pour faire quatre bonnes équipes. Il faut concentrer nos forces entre deux équipes. Elles seront solides et ambitieuses. C’est ainsi que nous pourrons sauver le faootball à Bouaké.
La mairie est-elle prête à dégager une ligne budgétaire pour leur venir en aide ?
Bien entendu. Dans le budget communal, il y a toujours eu de l’argent consacré à nos équipes fanion et aux autres disciplines. Durant cette crise, nous n’arrivions même pas à payer nos salaires. Comprenez que nous ne pouvions pas entretenir le football. Comme la situation se normalise, nous reprendrons nos habitudes d’avant. Bouaké doit rédémarrer dans tous les domaines. C’est une ville qui a d’énormes possibiltés.
On parle de plus en plus de morceller Bouaké en quatre communes. Etes-vous favorable à ce projet ?
C’est une très bonne initiative que de scinder Bouaké en plusieurs communes. Ce, d’autant plus que cela aura pour avantage de rapprocher l’administration des adminitrés. Bouaké est une grande ville aujourd’hui. Je pense que trois ou quatre communes, peu importe, c’est une opportunité à saisir. Pour les autorités poliques, je ne pense pas que ce projet soit un problème. Bien au contraire, au niveau des partis politiques, on trouve toujours une solution aux problèmes de postes et autres .
Il faut savoir que nous avons fait les élections présidentielles sur le schéma de quatre communes. Le président d’alors,  Laurent Gbagbo, avait signé le décret consacrant Bouaké en quatre communes. Je ne sais si aujourd’hui on peut remettre en cause cette décision . En ce qui me concerne, je suis pour l’application de ce décret présidentiel. Une décision qui vient concrétiser un combat que nous menons à Bouaké depuis une vingtaine d’années.
Nous sortons d’une grave crise politico-militaire qui a complètement défiguré Bouaké, notamment sur le plan économique. Le moment est-il bien soit bien choisi pour mettre en œuvre ce projet ?
Bouaké n’est pas une commune agricole, encore moins industrielle. Bouaké a été et demeure encore une ville foncièrement commerciale. Je peux vous le dire, s’il y a une activité qui a prospéré pendent ces huit ans de crise, c’est le commerce. Le désordre et l’incivisme qui se sont installés dans la durée ont fait que les commerçants ne payaient plus les impôts et les taxes. Et cela a donné l’impression à l’État que rien n’a marché. C’est vrai, les caisses de la mairie et des services de l’Etat ont souffert, mais les commerçants ont mené leurs activités cahin-caha.
Sur le plan politique, cette décision ne va-t-elle pas exacerber d’autres tensions
Pourquoi ? Vous croyez qu’il n’y a pas de vives tensions avec une seule commune ? Mais non ! Un parti politique sait qui peut défendre ses intérêts dans telle ou telle localité. Il faut savoir faire le bon choix. On peut se retrouver avec une ou des communes avec plusieurs candidats, mais là n’est pas la difficulté. De toutes les façon, c’est le jeu politique qui est ouvert et qui consacre ainsi l’enracinement de notre pays à la démocratie.
Charles Kazony
Agence Bouaké
http://www.fratmat.info/index.php?option=com_content&view=article&id=9635:fanny-ibrahima-maire-l-jacques-anoma-a-ete-injuste-avec-bouake-r&catidPr Barthélémy Kotchy (Président de l’Ascad): "Laurent Gbagbo doit demander pardon"
Politique 
Interview Publié le lundi 11 juillet 2011   |  L'expression


Culture

© Abidjan.net par Emma
Culture : Pr Barthélémy Kotchy, professeur à la faculté de lettres d`Abidjan, président de l`ASCAD



Pr. Barthélémy Kotchy a accepté de sortir de sa réserve. Professeur titulaire de chaire des universités, président de l’Académie des sciences, des arts, des cultures africaines et de la diaspora (Ascad), le Doyen est reconnu pour son franc-parler. Dans cette interview, il recommande aux Ivoiriens de pardonner à Laurent Gbagbo ses erreurs dès qu’il accepte de reconnaitre sa faute. Il ne manque pas d’asséner ses vérités à Yao Ndré qui est, selon lui, le principal responsable de la crise postélectorale. L’interview-vérité.

Pourquoi ne vous a-t-on pas entendu durant la grave crise postélectorale que vient de subir la Côte d’ivoire?
La question que vous posez est très délicate. Je ne peux pas lever comme ça et intervenir lorsqu’il n’y a pas des gens disposés à m’écouter et à prendre en considération ce que je vais dire. Aussi, faudrait-il qu’on m’invite à parler. Nous nous connaissons tous dans ce pays. Je pense humblement avoir joué dans ce pays le rôle qui est le mien. La situation postélectorale que nous avons vécue ne devrait pas nous amener jusque-là où nous sommes arrivés. Dès que les choses ont commencé, mon jeune frère Seydou Diarra m’a appelé. A mon tour, j’ai appelé Sery Gnoléba. On devrait aller rencontrer Gbagbo et Alassane en compagnie de Jean Banny. Mais, les choses se sont accélérées et les armes ont commencé à tonner, dans ces conditions, on ne pouvait plus rien faire. On était vraiment préoccupés? Tous, nous aimons la Côte d’Ivoire, mais on ne pouvait rien faire. Par les armes, ils ont réglé leurs problèmes. J’en prends acte.

En tant que citoyen de ce pays, vous qui connaissez bien sa cartographie politique, quelle était votre intime conviction au sujet du verdict des urnes?
Pour qu’une élection valable, il faut qu’elle se déroule dans d’excellentes conditions. C’est Gbagbo qui disait un jour que tous les problèmes en Afrique viennent des élections mal organisées. Nous sommes allés aux élections, Gbagbo a été battu. Il devrait se retirer et revenir dans cinq ans, c’est cela le jeu démocratique. C’est Yao N’Dré le principal responsable de ce qui est arrivé au pays. Ce qu’il a fait n’est pas correct. Il n’avait simplement qu’à appliquer les textes et à faire triompher le verdict des urnes. Je l’accuse personnellement d’être le principal responsable de tout ce qui est arrivé en Côte d’Ivoire. Je l’ai dit à l’Académie ; on ne tue pas les femmes. Chez moi et en général en Afrique, quiconque tue les femmes et les enfants attire des malheurs sur lui. Après avoir tué 7 femmes, la suite des événements ne m’a plus surpris. La Côte d’Ivoire était respectée dans le monde entier avec Houphouët-Boigny, les jeunes gens qui sont arrivés après lui ont fait n’importe quoi et voilà que le pays a perdu toute sa crédibilité et son prestige. Ils se sont montrés suffisant. On ne peut pas leur donner des conseils parce qu’ils ne nous considèrent pas. C’est pour cela que je me suis retiré de la politique.

La communauté internationale était-elle fondée à intervenir dans notre crise?
C’est nous qui avions permis à l’Onu, à la France et aux Etats-Unis de s’immiscer dans nos affaires. Si nous nous étions retrouvés entre Ivoiriens pour dire attention à ceux qui étaient dans le faux, on n’en serait pas là. Si on écoutait les sages de ce pays, on n’en serait pas là. C’est un raccourci que nous empruntons pour accuser l’extérieur. Memel et moi, on avait beaucoup d’estime pour Laurent Gbagbo parce qu’il est courageux. Par exemple, il était en Italie quand il y avait la crise du 19 septembre dans son pays, malgré tout, il est rentré et a contribué à l’apaisement. Il aurait pu rester là bas. Mais, il y a des moments où Gbagbo n’est pas contrôlable. Dès les premières heures, je voulais aller le voir mais sincèrement, je me demandais s’il allait me recevoir. Entre temps, j’avais appris que certaines personnes respectables comme Sery Gnoleba approché Gbagbo, mais il n’a rien voulu entendre.

Que répondez-vous à ceux qui accusent la France de vouloir recoloniser la Côte d’Ivoire?
Je ne veux pas répondre à cette question. Chacun a ses interprétations. Mais, je pense que les gens de ma génération ont bien mené ce combat. A l’époque, l’ambassadeur de France à Abidjan se mêlait de tout. Je me suis rendu chez Houphouët pour m’expliquer à l’initiative des jeunes gens Akoto Yao, Dikebié et Hié Nea. Houphouët a parlé pendant 10 mn et m’a cédé la parole. J’ai demandé si on était indépendant, il a dit oui ; j’ai demandé si l’université était ivoirienne, il a dit oui. Alors je lui ai demandé pourquoi l’ambassadeur de France Raphaël Leg se comportait comme s’il était le président de la Côte d’Ivoire. C’est inacceptable. Houphouët a accepté de m’écouter et immédiatement, il a convoqué le recteur, M Garagnon, le dimanche pour l’écouter. Houphouët disait que nous n’avions pas les diplômes requis mais j’ai rétorqué que deux d’entre nous avaient les diplômes. Niangoran Bouah et Memel Fotê. Ce qui devrait être fait a été fait. Ainsi notre ainé Joachim Boni a été nommé comme deuxième assesseur de la Faculté des Lettres. Je retiens que le président Houphouët m’a reçu malgré le fait qu’entre lui et moi, ça n’allait pas du point de vue idéologique.
Pour ce qui concerne l’actuelle crise, il faut cesser de voir la France partout et dégager notre propre responsabilité. Je dis non. Qui a approché les sages pour prendre des conseils ou leur avis? Il y a un problème entre Gbagbo et Ouattara, on abandonne la voie de la sagesse africaine. Gbagbo, c’est vrai qu’on l’aimait bien, mais à un moment donné, il n’écoutait personne. C’est pour cela que j’ai pris mes distances. A mon âge, si je n’étais pas utile, je ne serais pas à la tête de l’Académie. Ça veut dire que je peux réfléchir encore.

Maintenant que Gbagbo est aux arrêts, quel sort doit-on lui réserver?
Est-ce que cette voie permet de résoudre tous les problèmes? Gbagbo est, certes, aux arrêts mais je pense qu’il doit parler avec Ouattara en présence de quelques anciens. On peut l’enfermer mais il y aura d’autres problèmes importants à régler. Lui-même, il a toujours dit qu’il aime le jeu électoral mais on n’a pas compris son attitude à l’issue du scrutin. Quand vous êtes battu à une élection, vous vous retirez et vous revenez dans cinq ans. C’est cela le fonctionnement du jeu démocratique. Mais, je pense que Yao N’Dré a voulu faire plaisir à Gbagbo alors que les résultats de l’urne ne lui étaient pas favorables.

Vous chargez Yao Ndré pourtant, il fait amende honorable, en revenant sur sa première décision…
Il a été fumiste. Il a manqué de courage. On ne joue pas avec la vie d’une nation. Et tous les morts et les dégâts qu’il a occasionnés? Ce monsieur n’est pas à sa première expérience. Il y a une année où on voulait m’assassiner, il était le ministre de l’Intérieur. Je lui ai demandé de me faire surveiller par la police. Après avoir promis de me protéger, il n’a pas bougé. C’est donc dire que les décisions qu’il prend ne me surprennent pas. C’est un homme négatif, il ne m’inspire aucune confiance.

Quelles sont, selon vous, aujourd’hui les conditions de la réconciliation?
La bonne réconciliation exige que celui qui est coupable accepte publiquement de reconnaitre sa faute. Dans cette optique Gbagbo doit demander pardon au peuple parce qu’il y a eu trop de victimes. Après cela, pour la réconciliation, il faut accorder le pardon à Gbagbo. Je n’ai jamais dit que ce que sa femme et lui ont fait est bon. Sa femme a été mon étudiante. Quand je suis tombé malade, elle est allée me voir à l’hôpital. Quand j’ai perdu ma sœur, elle m’a apporté sa compassion.
Mais, cela ne m’empêche de dire qu’elle n’a pas joué son rôle de femme, c`est-à-dire, donner de bons conseils à son époux. En Afrique, c’est la femme qui apaise, qui doit faire éviter la guerre. Gbagbo est un jeune frère que Memel et moi on aimait bien à cause de son courage. Mais, est-ce le pouvoir qui l’a rendu si méprisant? On ne pouvait plus l’aborder. Les choses sont restées ainsi jusqu’à la mort de Memel.

Les victimes de Gbagbo réclament justice. Que faut-il faire?
C’est vrai. Elles ont même raison de réclamer justice et vengeance. Mais rien de ce qui sera fait à Gbagbo ne réveillera les morts. C’est pourquoi je leur demande de faire preuve de beaucoup de courage et de hauteur. Ce n’est pas facile, je le reconnais. Je suis convaincu que si Gbagbo est gracié et remis dans les mêmes conditions, il ne refera pas ce qu’il a fait. C’est pour une réconciliation vraie que je demande de pardonner. Tous les Ivoiriens y compris Gbagbo ont tiré les leçons de ces événements. Peut-on faire une bonne réconciliation sans Gbagbo dont beaucoup de partisans sont à l’extérieur ? Il y aurait toujours des gens qui voudront régler des comptes dès la première occasion. Il faut éviter de nourrir la vengeance. Il y a encore des sages dans ce pays qui peuvent aider le président Ouattara à pacifier tous les cœurs. Le nouveau président qui a demandé la réconciliation ne doit pas faire comme Gbagbo qui n’écoutait plus les sages. Il s’agit de reconstruire la Côte d’Ivoire que nous aimons tous. Le pays a besoin de tous ses fils pour sa reconstruction. Si la Côte d’Ivoire est devenue cette puissance dans la sous région c’est parce qu’elle avait un sage à sa tête. Un sage qui écoutait les conseils. Quand il y avait des problèmes, Houphouët allait jusqu’au village pour écouter certains vieux. Ce n’est parce qu’on n’est pas allé à l’école qu’on n’est pas intelligent.

Le problème, c’est comment apaiser les victimes pour ne pas donner le sentiment d’impunité?
Je disais que les victimes ont raison de pleurer et de demander réparation. Mais, elles doivent puiser en leur for intérieur les ressources nécessaires pour pardonner. Cette attitude va les grandir. Quand nous tuons celui qui a tué, on ne rend pas forcément service à l’humanité. Celui qui a tué et qui sait que nous lui avions pardonné son crime vivra avec un remord éternel.
Mais moi, ce qui m’a plus attristé et affecté, c’est la mort des femmes d’Abobo. Je ne comprends pas comment on a pu pousser la bêtise humaine jusqu’à ce point. Et pourtant, nous devons pardonner.

Vous qui aviez milité au Fpi, comment voyez-vous l’avenir de ce parti aujourd’hui?
J’ai milité au Fpi parce qu’il y avait de bonnes idées. Mais, je me suis rendu compte que le Fpi est un parti devenu dictatorial. Or, je suis foncièrement attaché aux valeurs démocratiques. C’est pour cela que Memel et moi, on s’est retirés. On s’est rendu compte que parvenu au pouvoir, le Fpi faisait ce qu’on critiquait. Lui, il est décédé mais moi, je suis encore là. Et, je suis prêt à dénoncer les antivaleurs. Pour son avenir, le Fpi doit d’abord tirer les bonnes leçons de ce qui est passé et revenir à l’idéal pour lequel est s’est battus.

Qu’est-ce qui n’a marché et qui a amené le Fpi à dévier de sa ligne originelle?
Ne me posez pas ce genre de question. Les responsables du parti savent très bien. Allez leur poser la question. C’était devenu un parti de petits dictateurs. Ils ont ignoré les valeurs du socialisme.

Pour le rayonnement de la Côte d’Ivoire, quelle sont les erreurs à ne plus commettre?
Il faut qu’on mette définitivement fin au tribalisme dans ce pays. C’est la plaie numéro un à soigner. Ce n’est pas comme ça que Houphouët a construit la Côte d’Ivoire. Ce n’est pas comme ça que nous les intellectuels qui l’avons accompagné avions conçu ce pays. Il faut bannir le tribalisme. C’est un pays carrefour. Moi, je suis Abbey d’Okoudjé. Mes aïeuls ne sont pas venus du Ghana ou du Libéria. Ceux qui sont venus nous trouver à Grand Morié, la plupart d’entre eux sont venus du Ghana. Ça c’est le village maternel de mon père. Mais, dans mon village paternel Okoudjé, les villageois ont toujours vécu là. C’était la belle époque. Les autres sont venus les trouver là. Les autochtones les ont bien reçus. C’est à partir de 1720 que les autres sont venus parce qu’ils avaient des problèmes avec Ossei Toutou au Ghana. C’est de là-bas que sont venus également les Baoulés et les Agnis. Du côté de l’Ouest, du Nord…c’est comme ça que les peuples sont venus de partout et ont formé cette Côte d’Ivoire. Autrefois les Abbey étaient très accueillants. On a toujours vécu comme ça et c’est en plein 21ème siècle que le tribalisme et la xénophobie apparaissent. Ce n’est pas normal. Nous autres, qui allons partir bientôt, ça nous inquiète. On ne peut pas construire un pays à partir du tribalisme.

Vous qui êtes enseignant de formation, quel remède faut-il appliquer à l’école qui est malade?
Il faut commencer par former ceux qui sont chargés de former les élèves et étudiants. J’ai enseigné quatre ans en France avant de venir en Côte d’Ivoire.
C’est en France que j’ai su lier la morale et le savoir; et surtout la culture qui permet de s’ouvrir à autrui et à la collectivité pour cultiver l’amour et la paix.
On a formé correctement les jeunes. Il y avait tout le monde. Des Guinéens, des Dahoméens, des Sénégalais et des Ivoiriens. Je les réunissais tous par moment et on parlait pédagogie puisque moi j’ai pratiqué une pédagogie dynamique en France. Je me suis formé afin de mieux former les jeunes. Mais, petit à petit, j’ai vu l’école se dégrader. On a commencé par donner des notes par complaisance. Deuxièmement, les filles ont commencé à devenir les maitresses des enseignants. Ensuite, les étudiants ne travaillaient pas. Jusqu’en 1972, on recevait des étudiants étrangers en Côte d’Ivoire. Il y avait une saine émulation. J’avais des étudiants étrangers très doués. Et cela motivaient les autres à étudier. Mais depuis, c’est la dégringolade. Nous organisions des congrès et des séminaires où il y avait des débats. Mais, ce qui m’a choqué c’est que les ivoiriens n’aiment que là où il y a l’argent. Quand les étrangers sont partis, la chute a continué de plus belle. Je ne me suis pas découragé et j’ai initié des séances de formation des formateurs, mais l’ivoirien n’est intéressé que par les besoins du ventre. Pour relever l’école, tout est à repenser, mais il ne faut pas oublier de former ceux qui forment puisqu’ils sont nombreux à avoir des diplômes mais, ils ne sont pas cultivés. Il faut surtout leur inculquer le sens de l’effort.

La Fesci est accusée par de nombreux acteurs du système éducatif d’être la source des problèmes de l’école. Qu’en pensez-vous?
Oh, la Fesci! Ce syndicat a relégué la formation au second rang. La solution n’est pas dans sa dissolution comme on l’entend souvent. Il faut plutôt former les étudiants au syndicalisme. Il faut leur expliquer ce que fait un syndicat et ce qu’il ne fait pas. Si on dissous la Fesci, d’autres mouvements vont naitre et se comporter comme la Fesci, d’où la formation que je préconise. On a déjà vu cela en France. Il faut que les étudiants apprennent à poser les problèmes académiques et non les problèmes de ventre.

Quelle peut être la contribution de l’Ascad pour redorer le blason de l’école ivoirienne ?
Il n’y a pas longtemps, il y avait un séminaire sur l’éducation. C’est un jeune de l’Ascad qui a mené la réflexion. Notre rôle est de définir les grandes directives et nous nous y attelons. Mais, il faut que les Ivoiriens s’intéressent à la culture comme les Sénégalais. On dirait que c’est Senghor ou Lamine Gueye qui les ont inspirés mais ce sont des faits irréfutables.
Interview réalisée par Traoré M. Ahmed

Leg/ Le Doyen Kotchy invite les victimes de la crise à se surpasser pour pardonner.
Leg 2/ Le président de l’Ascad estime que Simone Gbagbo n’a pas convenablement joué son rôle d’épouse

http://news.abidjan.net/h/404022.html 

 L’ Abbé James Aka Wadja au 10ème anniversaire de son ordination à la paroisse Ste Thérèse de Marcory, hier : «Que serions-nous tous devenus si la victoire avait choisi le camp Gbagbo ?»
Publié le lundi 19 decembre 2011   |  Le Nouveau Réveil




L’Abbé James Aka Wadja a fêté, hier, le 10ème anniversaire de son ordination. La cérémonie a eu lieu à la Paroisse Sainte Thérèse de Marcory où il a été le 3ème prêtre. Au cours de cette célébration, le célébrant a, dans son homélie tirée de l’Evangile selon Saint Luc du chapitre 1 au verset 30, rappelé la mission que Dieu a confiée à la Vierge Marie. A savoir, qu’elle enfantera un enfant qui s’appellera Jésus-Christ. Le fils dont le règne n’aura pas de fin. L’Abbé James Wadja, toujours dans son prêche, a indiqué que Dieu a envoyé son fils pour sauver ce qui est perdu. Il a fait à allusion à la Côte d’Ivoire, pays en crise politique, économique et morale. L’Abbé James, dans un discours direct, a dénoncé les auteurs de cette situation. Et les a invités à mettre fin à leurs velléités de déstabilisation du pays. A la fin de la messe, l’Eglise lui a offert un cadeau (quête spéciale). Ci-dessous, son adresse qui a réjoui les fidèles dont certains n’ont pas manqué d’applaudir quand bien même cela est interdit.

La liturgie romaine, en ce 4ème dimanche de l`Avent, au titre de l`Evangile que nous venons d`entendre, nous invite solennellement à revisiter avec ferveur le récit de l`Annonciation et, nous conduit, à une semaine jour pour jour de la fête de Noël, à nous interroger sur la portée réelle de l`Avènement du Christ pour les hommes et les femmes de notre Temps. Aussi, notre homélie de ce jour s`articulera-t-elle autour de 2 axes: d`abord, le choix de Marie comme mère de Dieu, puis le mystère de l`Incarnation et les raisons de la venue du Sauveur. Nous examinerons, en dernier ressort, la question cruciale de l`Avènement du Christ et de l`impérieuse nécessité de la restauration concomitante de la société ivoirienne et des Ivoiriennes et des Ivoiriens, condition sine qua non de la paix que Jésus nous apporte.

1/ Le Choix de Marie comme mère de Dieu

« Sois sans crainte, Marie, car tu as trouvé grâce auprès de Dieu ».Lc 1,30
C`est par cette parole de l`Ange, que Dieu Lui-même indique la mission qu`Il confie à Marie. Frères et sœurs, Dieu s`est incarné, et pour s`incarner, Dieu a voulu avoir une mère, ainsi commence l`histoire du salut, ainsi, se résume aussi la destinée de Marie, une jeune fille anonyme, vouée à un rôle unique, envers le Christ qu`elle va concevoir en son cœur et en son corps, envers l`Eglise dont elle est un membre suréminent, parce qu`elle est mère de Dieu et mère des hommes. Quel amour de la part de Dieu !

Oui, parce qu`elle devait être la mère de Jésus, la vierge Marie a été, dès le premier instant de sa Conception, préservée du péché originel ;L`Eglise nous oblige à le croire. Le pape Pie 9 a proclamé le 8 déc 1854, que la croyance de l`Immaculée Conception de Marie était un dogme de foi.

L`âme de Marie a toujours été immaculée. Ainsi, comblée des dons de Dieu, aidée de grâces surabondantes, Marie, durant sa vie terrestre, ne commettra jamais de péchés, même véniels, et s`élèvera jusqu`aux plus sublimes vertus, mais, dès le premier instant, sa petite âme est toute pieuse, toute belle, toute riche de Dieu. Les historiens nous révèlent qu`à sa naissance, la Sainte Vierge reçut le nom de Marie, nom qui, à cette période particulière de l`histoire, était fréquemment porté et qui semble signifier « souveraine» ou encore « gracieuse ».

Pour nous chrétiens, ce nom est devenu le plus beau et le plus cher de tous les noms humains, parce qu`il a été le nom de la Sainte Vierge. La petite Marie resta peu de temps dans la maison paternelle. Elle n`avait que trois ans lorsque son père et sa Mère la conduisirent au Temple de Jérusalem. C`est ce fait que la Sainte Eglise rappelle chaque année dans la fête de la Présentation de la Sainte Vierge, qui a lieu le 21 nov. le Temple de Jérusalem était une des sept merveilles du monde. Dans ses dépendances, on recevait des enfants, des jeunes filles, qui y passaient leur jeunesse, occupées à prier, à étudier, à travailler manuellement. Marie devait vivre 12 ans dans le Temple.

A sa sortie du Temple, Marie rentra à Nazareth; son Père était mort.

Etant seule héritière, elle devait se marier pour obéir à la Loi et suivre la coutume juive. Elle fut donc fiancée à Joseph qui était déjà de sa famille, et, comme elle, descendant du roi David. C`est dans cette petite maison de Nazareth où Marie partageait ses journées entre la prière et le travail, qu`eut lieu la scène de l`Annonciation rapportée par St Luc dans la page de l’Evangile de ce jour.

En somme, dès le commencement, Marie a été enveloppée, protégée, comblée par l`amour rédempteur de Dieu, pour lui permettre de collaborer au plan providentiel en parfaite «Servante» du Seigneur.

2) Le mystère de l`Incarnation et les raisons de cette Incarnation
Frères et sœurs, plus de 2000 ans après Jésus, quelle idée les hommes et les femmes de notre temps doivent-ils se faire d`un Homme -Dieu? De quelle manière Jésus peut-il posséder, en même temps, 2 principes d`être et d`action si dissemblables, à savoir la Divinité et l`Humanité ?

La réponse nous est donnée par l`Eglise Catholique qui, toutefois, nous prévient qu`il y a là un mystère, c`est-à-dire, quelque chose qui dépasse notre raison: ce mystère, elle l`appelle le Mystère de l’incarnation, de 2 mots latins: « in carne», i.e, dans la chair, pour rappeler que la 2eme personne de 4a Ste Trinité s`est unie à notre chair, à notre humanité; et elle définit l`Incarnation comme étant le Mystère du Fils de Dieu fait homme ou mieux encore «l`union de la nature divine et de la nature humaine dans la seule personne du Verbe qui est la 2ème personne de la Ste Trinité, et qui, en s`incarnant, a pris le nom de Jésus Christ».
Demandons à présent quelles raisons ont inspiré à Dieu l`extraordinaire prodige qu`est l`incarnation ?

Le Fils de Dieu s`est incarné, par amour pour nous, afin de nous sauver, de nous délivrer du péché; «Dieu, dit Jésus, a tant aimé le monde qu`II a donné son Fils unique; Il n`a pas envoyé son Fils dans le monde pour juger le monde mais afin que le monde soit sauvé par Lui» Jn 3,16-17.

Oui, le monde était perdu; l`amour Eternel de Dieu, comme nous le savons, avait créé le monde. Comme le sceau de Dieu au-dessus de son œuvre se lisent ces paroles de la Bible : « Et Dieu vit tout ce qu’il avait fait, et tout était bon», Gn 1,31. Mais bientôt, il en fut autrement du monde crée par Dieu. La semence empoisonnée du péché envahit la terre et Dieu se repentit d`avoir créé l`homme.

Une autre parole retentit alors sur le monde comme un roulement de tonnerre: «La terre est remplie de crimes; Dieu regarda la terre, elle était pervertie, car toute chair avait une conduite perverse sur la terre », Gn 6, 12; le monde était perdu. Oui, le monde était perdu !
Lorsque, du haut de son trône céleste, le Créateur tout-puissant regardait, Il apercevait des créatures qui, se détournant de Lui, marchaient sur les chemins de la ruine. Partout flambaient sur les montagnes, dans les forêts, dans les temples, les feux des sacrifices, y compris les sacrifices humains aux dieux que l`homme s`était fait à lui-même. Des peuples entiers s`enfonçaient de plus en plus, dans les marées de l`immoralité, du crime, de la bestialité, du mal.

Le monde perdu criait de plus en plus fort : «Cieux, faites descendre la Justice ... », exprimant ainsi son désir d`un Dieu sauveur. Attentif au cri de détresse de l`homme, sa créature privilégiée, «Dieu envoie son propre Fils, le Sauveur des pécheurs, qui vient alors chercher et sauver ce qui était perdu».

3) L`Avènement du Christ et l`impérieuse nécessité de la restauration concomitante de la société ivoirienne et des Ivoiriennes et des Ivoiriens, condition sine qua non de la paix que Jésus apporte au monde

Frères et sœurs, la CIV, cette portion de l`univers que Dieu, par amour, a créée et a donnée à ses habitants pour leur bonheur, à l`image du monde ancien, était perdue par la faute de sa propre progéniture, par la faute de ceux-là mêmes que Dieu avait dotés de talents et auxquels il avait confié la charge de conduire et de servir, comme de bons pères ce pays qu`il aime, des dirigeants qui, hélas, motivés par des intérêts bassement -égoïstes et mesquins, ont sacrifié aux idoles qu`ils se sont fabriqués à eux-mêmes, à savoir l`argent, le pouvoir, la puissance et les honneurs, au détriment de l`intérêt supérieur de la Nation et qui, se détournant de Dieu, ont progressivement plongé la Côte d’Ivoire dans les affres de la violence, de la terreur et de la guerre. Oui, les Ivoiriennes et les Ivoiriens ne sont pas amnésiques, qui se souviennent encore du cycle infernal de violence .qui s`est emparé de leur pays depuis les graves évènements de l’assaut final, du Boycott actif, et surtout du putsch militaire du 24 décembre 1999, qui a conduit une certaine frange de la population ivoirienne à jubiler et à danser aussi bien en public que dans les salons, et à sabler le champagne sous le prétexte aberrant que ce putsch était de nature à faire avancer la démocratie!

Qui ne se souvient, paradoxalement, depuis lors, de l`assassinat de la démocratie dans notre pays, un pays où il a fait bon vivre pendant des décennies, une terre d`espérance, à l’hospitalité légendaire qui avait largement ouvert ses frontières et ses portes à toutes et à tous, sans aucune discrimination, mais qui, hélas, a entrepris ce grand saut dans l’inconnue, cette folle aventure dans laquelle certains de ses propres enfants l’ont engagée ?
Qui ne se souvient de cette race de politiciens qui ont juré la main sur le cœur de faire goûter à la Côte d’Ivoire les délices de la démocratie authentique et de lui apporter le vrai bonheur, à travers moult promesses mirifiques lorsqu`ils étaient dans l`opposition?

Peut-on, aujourd`hui, affirmer que la Côte d’Ivoire, depuis lors, a connu plus de démocratie, plus de justice, plus de progrès ? Quelles actions de développement a-t-on initiées au bénéfice des Ivoiriennes et des Ivoiriens pour leur bien-être et pour leur bonheur?
Combien d`écoles, de dispensaires, d`hôpitaux, de maternités, de routes, d`universités, a-t-on construits, combien d`emplois a-t-on créés, dans 1`intervalle ?

N`a-t-on pas plutôt assisté au pillage systématique des richesses de notre pays, au détournement massif des deniers publics, de l`argent du pétrole et du gaz?
N`a-t-on pas plutôt assisté à la main mise d’une certaine frange de la jeunesse, telle une organisation mafieuse, sur l`univers scolaire et universitaire ivoirien, une jeunesse nourrie aux mamelles de la violence, irrespectueuse de ses aînés et de ses maîtres, embrigadée et instrumentalisée à souhait, à qui leurs mentors ont inculqué la culture des non-valeurs et dont ils sont devenus les bras armés, une certaine jeunesse qui s`est illustrée dans l`art d`occuper les rues, de défier et de proférer des injures à l`encontre des institutions internationales, une jeunesse désœuvrée qui vocifère à longueur de journée, distille sa haine et son venin contre les prétendus ennemis de la République, une jeunesse qui a le goût de l`effort, du travail et des études en horreur, mais qui a réussi la prouesse de sortir de ses laboratoires un brevet d’invention inédit qui n`a rien à envier au supplice de la crucifixion introduit par la Rome antique, à savoir «l`effroyable supplice du collier».

Frères et sœurs, les ténèbres avaient couvert la terre d`Eburnie et l`obscurité avait enveloppé ses habitants, par la faute de ceux-là mêmes qui, pour assouvir leur boulimie du pouvoir acquis par tous les moyens, ont refusé d`accepter le verdict du peuple souverain. Oui, comment la Côte d’Ivoire a-t-elle pu basculer dans l`horreur. La conservation du pouvoir, d`un pouvoir personnel peut-elle expliquer la découverte dans notre pays de charniers, de fosses communes, d`assassinats, d`incendies de maisons, de chasse à l`homme, d`exactions, de tueries massives aussi bien au nord qu`au sud de notre pays, de massacres à Duékoué, de monstruosités, à savoir des têtes écrabouillées, des membres humains disloqués, etc., des centaines de milliers de déplacés ? Oui, comment de pareils horribles spectacles ont-ils pu se produire dans un pays épris de paix? Comment expliquer que, pour le pouvoir d`un seul, des Ivoiriennes et des Ivoiriens se soient laissé aveugler par la haine et le mépris du prochain, pour que la vie de l`homme n`ait plus de valeur que la vie des animaux, pour que des fils de ce pays puissent introduire sur le sol de leur mère-patrie des mercenaires libériens et sierra-léonais et autres barbouzes réputés pour leur cruauté et leur barbarie aux fins de massacrer de dignes fils et filles de ce pays ?

Comment expliquer le recours à l`achat d`armes de destructions massives utilisées contre des êtres innocents y compris des femmes qui manifestaient pacifiquement?

Comment un pouvoir qui se targue d`être d`essence divine peut-il s`adonner au fétichisme le plus sanglant contre lequel les efforts de la Communauté Internationale et des leaders africains sont demeurés infructueux ?

Quel est ce pouvoir qui n`hésite pas à acquérir des armes pour la bagatelle de 8 cent milliards de nos francs, alors que son peuple souffre de la pauvreté, de la misère, de la maladie, et fait couler le sang sans discontinuer ? Quel spectacle répugnant, digne de l`Apocalypse que les cadavres des milliers de malheureuses victimes qui ont fécondé les rues et les champs de la Côte d’Ivoire, notre pays ? Les ténèbres régnaient sur notre pays, et la Côte d’Ivoire courait à sa perte, mais le message de l’Ange à Marie nous est aussi adressé, à nous habitantes et habitants de cette portion de la planète : « Voici que tu vas concevoir et enfanter un fils, tu lui donneras le nom de Jésus », Lc 1,31.En effet, les ténèbres avaient enveloppé la Côte d’Ivoire, mais la gloire du Seigneur va se lever sur nous.

Oui, la lumière de Bethléem va luire par-delà les mers, les déserts, les montagnes, les fleuves et les forêts, dans les palais des Puissants de ce monde, dans les résidences des riches comme dans les cases et les taudis des pauvres et des petits de ce monde. Mais, pour accueillir Jésus qui vient, nous avons le devoir de nous convertir pour être en possession de sa lumière, une lumière qui vient éclairer le monde, une lumière qui vient éclairer la Côte d’Ivoire. Nous devons cependant prendre conscience que nous avons tous progressivement précipité la Côte d’Ivoire dans le gouffre, par notre indifférence, par notre mutisme coupable, nous qui avons agi à la manière de Ponce Pilate, nous qui avons adopté l`attitude de l`autruche en danger, nous qui avons la propension à caresser tout le monde dans le sens du poil.

Hélas, l`actualité socio-politique ivoirienne, depuis quelques mois déjà, au regard des actes qui sont posés par certains de nos concitoyens, des propos incendiaires et belliqueux tenus par d`autres, des menaces de reprise des hostilités, de rumeurs de violation nouvelle de nos frontières par des mercenaires, ne nous indique-t-elle pas, qu`alors que les Ivoiriennes et les Ivoiriens, dans leur écrasante majorité, aspirent légitimement à la tranquillité et au bien- être, une certaine classe politique, nostalgique du passé de ses privilèges et de ses avantages, continue de ramer à contre-courant de l`intérêt supérieur de la Nation, à savoir d`aller à la paix, à la réconciliation et à la concorde, sabotant ainsi tous les efforts consentis en vue d`engager le seul et vrai combat digne d`être mené: celui de son développement harmonieux et du progrès, pour le bonheur véritable de tous ses enfants ? Oui, croient-ils aimer la Côte d’Ivoire plus que quiconque, ceux qui, auréolés du titre pompeux d`exilés politiques et qui, de leur cachette, appellent toutes les plaies d`Egypte sur la mère-patrie qui les a nourris, et multiplient les manœuvres de déstabilisation contre la Côte d’Ivoire ? Ne feraient-ils pas mieux de rentrer dans la République, ceux-là mêmes qui, hier, ont collaboré en filant le parfait amour avec un régime qui a répandu le sang de ses propres enfants, semé la mort et la désolation et qui, aveuglé par la haine et le mépris de l`autre, loin de reconnaître humblement sa défaite et sa responsabilité dans la grave crise que nous avons vécue, utilise son fonds de commerce favori, à savoir la haine du Français et de l`Américain, coupables à ses yeux de lui avoir volé sa victoire en opérant un coup d`Etat contre son champion, aux moyens de la force militaire et de sa flotte aérienne, un champion qui a bâti sa stratégie sur l’exploitation et l`instrumentalisation de la lutte anticoloniale à des fins politiciennes.

Pensent-ils que le peuple est devenu amnésique au point d`oublier les milliers de morts et de victimes innocentes, et les enlèvements causés par leur obsession à demeurer au pouvoir en dépit de leur défaite électorale et cela, malgré les appels pressants à la raison de la Communauté internationale et de ses pairs africains qu`il a tournés en dérision ? Et, aujourd`hui, ils veulent donner des leçons de démocratie en se présentant comme des victimes, comme de doux agneaux, eux qui, non contents de boycotter des élections, appellent et empêchent des citoyennes et des citoyens d`exercer leur droit démocratique et jubilent au motif que le faible taux de participation du peuple à ces élections serait de leur fait. Face à la croisade qu`ils ont juré de mener désormais contre les tenants du pouvoir actuel, responsables à leurs yeux de tous leurs maux, n`est-on pas, avec du recul, en droit de se demander ce que serait devenue la Côte d’Ivoire, si la victoire avait choisi leur camp? La Côte d’Ivoire ne serait-elle pas devenue le théâtre de règlements de comptes, de scènes de violence inouïe, d`actes de vengeance, d`épuration ethnique, de liquidation -physique de nombre d`opposants? Auraient-ils été habités par la sagesse et la magnanimité d`épargner la vie à leurs principaux adversaires?

Frères et sœurs, Jésus notre Seigneur vient bientôt, mais pour nous donner sa paix, il réclame de nous « une conversion», c`est-à-dire un retournement complet de nos vues terrestres et égoïstes, un nouveau regard sur notre prochain, sans lequel le règne de Dieu ne peut arriver jusqu`à nous.

Tous nous avons à nous abstenir de certains actes, à sortir du cachot où nous enferme notre égoïsme, à dépasser le culte de nous-mêmes pour rentrer dans la lumière que Jésus apporte au monde.
Nous devons nous repentir, en cette fin d`année, offrir un sacrifice d`expiation pour nos fautes, pour avoir commis telle mauvaise action, en pensée, en parole ou en action. Nous avons tous péché et nous sommes déshonorés devant Dieu. Si nous disons que nous n`avons pas de péché dans la survenue de la crise socio-politique et militaire et de ses conséquences, nous nous trompons nous-mêmes et la vérité n`est pas en nous. Oui, nous devons tous expier et pour l`amour de la Côte d’Ivoire, cette mère-patrie que Dieu lui-même nous a donné à habiter, faire en sorte que plus jamais, la guerre ne survienne dans notre pays, qu`aucune rébellion n’éclate, que pas un seul mercenaire ne franchisse nos frontières, qu`aucun Seigneur de la guerre ne s`y installe, que plus jamais des Ivoiriens soient dressés contre d`autres Ivoiriens.

C`est dans cet état d`esprit que nous devons aborder la nouvelle année en confiant la Côte d’Ivoire, notre pays, et tous ses habitants au Seigneur, Lui qui est le seul Maitre du Temps, entre les mains de qui se trouve notre destinée, de la grâce duquel nous-sommes constamment dépendants.

Alors, réconciliés avec Celui dont le nom brille sur la porte d`entrée de la nouvelle Année 2012: Jésus Christ, et réconciliés entre eux-mêmes, unis et rassemblés autour de lui dans la paix et dans la concorde, les Ivoiriennes et les Ivoiriens, qu`ils soient du Nord, du Sud, de l`Est, de l`Ouest et du Centre, la main dans la main, et regardant dans la même direction, pourront enfin s`engager sur le chemin du renouveau de la Côte d’Ivoire, et entreprendre le véritable combat, à savoir sa reconstruction, son développement, son progrès, pour le bien-être et le bonheur de ses enfants, des enfants réunis dans une seule et même famille autour de leur mère-patrie, et heureux de se considérer véritablement comme des frères et des sœurs.
Bonne fête de Noël et que Jésus qui est le commencement et la fin, et qui détient les clés du temps et de l`éternité, inonde la Côte d’Ivoire et ses habitants de sa lumière et de sa paix.

Bonne, heureuse et sainte Année 2012, à toutes et à tous !

L`Abbé James Wadja (Curé de la paroisse "Notre Dame de l`Assomption" de Bizerte (Tunisie) : "Quel incommensurable gâchis pour la Côte d`Ivoire !"

Politique
Dix ans de pouvoir Fpi (1ère partie)/
Publié le samedi 11 juin 2011 | Le Nouveau Réveil

Crise post-électorale 2011
Le scrutin présidentiel du 22 Octobre 2000, selon les dires des observateurs de la vie politique ivoirienne, enregistra un très faible taux de participation des électrices et des électeurs ivoiriens. La raison ? A cette élection présidentielle, la Cour Suprême écarta injustement les candidats issus du PDCI et du RDR en général, et en particulier M. BEDIE et M. Ouattara, considérés comme des dinosaures du microcosme politique ivoirien, imposant ainsi au peuple souverain de choisir entre un Général putschiste, perçu comme un bourreau de la démocratie, et un civil, soupçonné d`intelligence avec ce dernier .

L`on comprend alors le peu d`engouement des électeurs nationaux qui, devant ce dilemme, décidèrent de porter leur choix sur le principal candidat civil, coupable, certes, de collaboration étroite avec le président du CNSP (Comité National de Salut Public), mais considéré comme le moindre mal, le Général GUEI incarnant à leurs yeux le pouvoir militaire dans toute sa brutalité et évoquant l`avènement, sur le sol ivoirien, des tristes P.C crises et des milices telles que COSA NOSTRA, CAMORA et les BRIGADES ROUGES, créées par " ses jeunes gens venus sauver la Côte d`Ivoire en danger ".

1. Les conditions de l`accession de Laurent Gbagbo au pouvoir

Le Général GUEI et Laurent Gbagbo se déclarent tous les deux vainqueurs de cette élection et, le 26 Octobre, ignorant royalement la procédure constitutionnelle, M. Gbagbo s`autoproclame Président de la République, alors que le Général GUEI clame que le FPI a eu recours à la fraude et trafiqué les résultats, affirmant même que le Parti de son adversaire a convoyé des milliers d`électeurs d`Abidjan pour aller voter à Lakota et à Gagnoa, régions entièrement acquises à Gbagbo.

Laurent Gbagbo lance alors un appel solennel au peuple dans lequel il lui demande de descendre dans la rue pour empêcher qu`on ne lui vole sa victoire. En réponse à cet appel, des milliers d`Ivoiriennes et d`Ivoiriens, toutes tendances politiques confondues, descendent dans la rue ; résultat : des centaines de morts.

La proclamation officielle des résultats, contre toute attente, offre au monde entier un spectacle étrange : celui de la rupture totale et définitive entre le RDR et le FPI, naguère réunis au sein d`une alliance sacrée, le Front Républicain.

Des manifestations sont organisées par les responsables du RDR dont les militants envahissent les rues de la capitale économique, Abidjan, à l`effet de contester pacifiquement la prise du pouvoir par M. Gbagbo, responsable, selon eux, de la sortie des représentants de leur Parti du deuxième gouvernement de Transition militaro-civile (il convient de rappeler ici la plainte de M. Gbagbo qui réclamait un traitement préférentiel dans le partage des postes ministériels et sa menace expresse de retrait de son Parti de ce gouvernement, si sa requête n`était pas agréée), ainsi que l`exclusion de Mr Ouattara de cette élection.

Les Forces de Défense et de Sécurité (FDS) tirent à balles réelles, sans sommation, sur la foule des manifestants du RDR: la Côte d`Ivoire est, dès lors, irrévocablement prise dans la spirale de la violence, car des centaines d`êtres humains sont encore massacrés, au cours de ces manifestations, tandis que d`autres sont portés disparus.

Quelques jours plus tard, c`est l`horreur : le peuple ivoirien hébété, constate que cela n`arrive pas qu`aux autres, quand il découvre, pour la première fois sur son sol, l`existence d`un charnier à Yopougon où gisaient des dizaines de corps pour la plupart nus, criblés de balles et portant pour certains, des plaies béantes, empilés les uns sur les autres.

Telles sont les conditions dans lesquelles Laurent Gbagbo va s`installer dans le fauteuil présidentiel, conditions qui ont fait dire à nombre d`analystes politiques : " qu`il a dû enjamber des cadavres d`innocentes victimes, pour accéder au pouvoir d`Etat. "

2. L`avènement de Laurent Gbagbo au pouvoir et son impact social et politique sur la vie de la Nation

Les violences meurtrières, les bains de sang, les exécutions sommaires, les rancœurs et l`esprit de vengeance qui ont prévalu à l`avènement au pouvoir du FPI, le 26 Octobre 2000, imposaient au Président fraîchement élu et à son Parti d`engager la Cote d`Ivoire dans un processus d`apaisement des cœurs et des esprits en vue d`assurer à notre pays la Paix et la Stabilité par des actes concrets, tendant à réconcilier l`ensemble des Ivoiriennes et des Ivoiriens entre eux.

Cela était d`autant plus important que, malgré la légalité que conférait au nouveau pouvoir la proclamation officielle des résultats du scrutin présidentiel par le Conseil Constitutionnel, M. Gbagbo n`avait pas la légitimité pleine et entière, nécessaire pour conduire sereinement les affaires de l`Etat, en raison de la vive contestation, au plan national, d`une frange importante de la population et, au plan international, des voix qui se faisaient de plus en plus entendre quant à la nécessité d`une reprise de l`élection présidentielle, voix qui émanaient surtout de certains chefs d`Etat africains.

Le peuple avait, certes, accepté le verdict constitutionnel, mais attendait de la part du nouveau pouvoir, des initiatives allant dans le sens de la restauration de la Paix, de la relance de l`économie et du développement, surtout que, lorsqu`il était dans l`opposition, M. Gbagbo n`avait eu de cesse de pourfendre le régime PDCI, de porter des attaques acerbes contre ses hauts cadres qu`il traitait d`incompétents et de voleurs, se faisait passer pour le chantre de la démocratie en Côte d`Ivoire et donnait du FPI, l`image de la seule poche de moralité, à travers moult déclarations et promesses mirobolantes.

L`on attendait donc de voir à l`ouvrage le nouveau pouvoir, pour le juger.

La refondation

Dès la prise de fonction de Gbagbo, les stratèges du FPI posent le diagnostic du mal dont souffrirait la Cote d`Ivoire : ce mal pernicieux qui rongerait notre pays depuis une dizaine d`années déjà, serait causé, selon eux, par la trop longue gestion du PDCI en général, et en particulier, par sa mauvaise gouvernance.

En conséquence, un gouvernement dit d`intellectuels composé essentiellement d`universitaires, est chargé, au vu de ce diagnostic, de conduire une politique dite de "Refondation " conçue par ses initiateurs comme étant la panacée susceptible de guérir et donc de sauver la Côte d`Ivoire, à savoir, reconstruire la société ivoirienne sur des bases et des valeurs nouvelles.

La politique de Refondation telle qu`appliquée par les tenants du pouvoir FPI semblait, à la pratique, dirigée contre le PDCI et son Fondateur Houphouët-Boigny qu`ils accusent de tous les maux et notamment d`avoir ruiné la Côte d`Ivoire et privé ses habitants de leur liberté, le PDCI auquel le FPI entendait enfin donner des leçons pratiques de démocratie.

Il s`agissait, à les entendre, d`instaurer désormais en Côte d`Ivoire un ordre nouveau qui passe par la libération de la parole qui, selon eux, a été étouffée et confisquée pendant des décennies, de garantir à l`ensemble de leurs concitoyennes et de leurs concitoyens la liberté d`expression et de manifestation… , bref, de gérer autrement la Côte d`Ivoire, de mieux la gérer.

Le mystère des élections tronquées, les violences concomitantes et la chasse aux sorcières
Les élections générales qui ont suivi l`accession de Laurent Gbagbo au pouvoir ont malheureusement pris le contre-pied des nobles idéaux prônés par le FPI et son leader.

Les élections législatives et singulièrement les conseils généraux, pour un Parti qui a, hier, accusé le PDCI d`avoir assuré ses victoires électorales grâce " au bétail électoral " et donc à la fraude, sont entachés de nombreuses irrégularités et de fraudes massives jamais observées en Cote d`Ivoire.

Les conditions de succès des candidats investis par le FPI dans certaines circonscriptions, en l`occurrence des candidats totalement inconnus de nombre de leurs électrices et de leurs électeurs, les violences exercées avant, pendant et après ces élections et le climat de terreur entretenu en particulier dans les régions du Sud-ouest et de l`Ouest supposées favorables au FPI, à l`effet d`empêcher des citoyennes et des citoyens d`exprimer leur vote au motif qu`ils militent au PDCI et au RDR, les mauvais traitements réservés aux allogènes d`ethnies baoulé et dioula et la spoliation de leurs biens et notamment de leurs plantations, ont conduit la presse de l`opposition à dire que le FPI venait de " commettre le plus grand brigandage du siècle ".

Dans la gestion des affaires de l`Etat censée relever du domaine de la continuité, une importante chasse aux sorcières est aussitôt entreprise, qui frappe, selon des analystes, des milliers de cadres issus du PDCI et du RDR, dont la seule faute est leur appartenance à ces deux Partis.

A la vérité, conscients de ce qu`ils constituent une minorité, au plan sociologique, les responsables du FPI réalisent que leur maintien au pouvoir ne peut reposer que sur l`exercice de la discrimination et de l`exclusion de certaines couches sociales, au moyen de la violence, de la terreur et de l`intimidation et par l`application de la célèbre méthode romaine du " diviser pour régner ".

Ainsi, M. Ouattara est déclaré inéligible et ne pourra pas se présenter aux élections législatives dans sa circonscription d`origine, Kong.

De nouvelles conditions d`identification des populations sont définies, qui visent à exclure un grand nombre de militants du PDCI et du RDR.

Dans la pratique des choses, si les opérations de vote se déroulent le plus normalement du monde dans les circonscriptions électorales considérées comme des forteresses imprenables du FPI, dans les autres circonscriptions, par contre, de nombreuses entraves sont volontairement créées pour décourager les populations et priver les militants de l`opposition de cartes d`identité et de cartes d`électeur.

En outre, les cicatrices provoquées par les vieilles querelles sur le foncier rural sont rouvertes et deviennent sanguinolentes principalement dans la région de Gagnoa et de ses environs, région d`origine de Laurent Gbagbo, où des dizaines de milliers de paysans d`ethnie Baoulé acquièrent le statut de `` déplacés dans leur propre pays``, abandonnant des milliers d`hectares de plantation aux mains des autochtones tout heureux d`en être les nouveaux propriétaires et exploiteurs, avec l`onction des cadres issus de ces régions et notamment de certains responsables du FPI, agissant comme manipulateurs souterrains, alors que des dizaines d`autres planteurs Baoulés sont physiquement éliminés.

Les ressortissants Burkinabés et autres allogènes d`origine Malinké, ne sont pas épargnés par cette brusque poussée de l`intolérance identitaire, eux qui sont supposés être un soutien actif ou passif du RDR. Bref, tout se passe dans ces zones forestières comme si le mot d`ordre officiel du régime FPI de Laurent Gbagbo était de chasser tous les allogènes, pour permettre au FPI d`y régner en maître absolu, des milliers de travailleurs Burkinabé ayant été contraints à fuir la Côte d`Ivoire.

La situation sécuritaire est, dès lors, source de vive préoccupation, à preuve le harcèlement et les tracasseries récurrentes qui visent le RDR et ses militants et singulièrement ceux originaires de la partie Nord de la Côte d`Ivoire, à travers des contrôles d`identité intempestifs.

La psychose d`une atteinte à la sûreté de l`Etat s`installe même dans le subconscient des tenants du pouvoir FPI qui, suite à de folles rumeurs de complot ourdi contre la personne de Laurent Gbagbo, ordonnent l`arrestation arbitraire et l`incarcération de militants de l`opposition jugés suspects.

Observant scrupuleusement l`adage romain du " si tu veux la paix, prépare la guerre ", le pouvoir FPI jette en prison un ancien ministre PDCI passé au RDR, dont le domicile est même perquisitionné, au motif qu`il aurait tenu des propos de nature séditieuse dans une cabine téléphonique….

L`on constate, par ailleurs, l`émergence ex nihilo d`un phénomène nouveau en Côte d`Ivoire : celui des escadrons de la mort et des milices tribales qui exercent, de jour comme de nuit, et qui se spécialisent dans la traque et la liquidation physique des opposants à Laurent Gbagbo, semant ainsi la désolation dans les rangs du PDCI et du RDR, le RDR qui en paie un lourd tribut.

Ainsi des personnalités comme Emile Téhé, l`artiste " Camara H " et le Dr Benoit Dacoury Tabley, sont physiquement éliminés, alors que des cadres de la direction du PDCI sont harcelés : cas de M. Zady Kessy Marcel, vice-président du PDCI, qui se réfugie en France, pendant que des dizaines d`autres sont obligés de se terrer.

L`atmosphère de terreur et d`insécurité qui règne à Abidjan et les exactions qui y sont commises, selon un rapport du Haut Commissariat des Nations Unies pour les Droits de l`Homme, seraient le fait d`hommes proches du pouvoir FPI et notamment de la garde présidentielle et d`une milice tribale issue de l`ethnie de Laurent Gbagbo, des éléments qui opèrent dans les domiciles de leurs victimes, à l`heure du couvre-feu.

Le Forum de réconciliation nationale : un leurre

Conçu préalablement comme étant la panacée à la fracture du tissu social ivoirien, à savoir analyser en profondeur les causes endogènes de la crise ivoirienne et proposer au peuple ivoirien des recommandations et des suggestions idoines de sortie définitive de cette crise, et dont l`apothéose fut la rencontre au sommet entre les quatre grands leaders politiques ( Gbagbo, Bédié, Ouattara et Guéi), ce Forum fut un échec patent.

La Côte d`Ivoire venait ainsi de rater l`occasion inespérée de se réconcilier avec elle-même et avec tous ses enfants, à cause de l`attitude coupable des responsables du FPI qui traitèrent M. Ouattara de " vagabond de la nationalité ", déclarèrent que la Côte d`Ivoire ne vivait pas de crise politique, allant jusqu`à nier la réalité du charnier découvert à Yopougon, au grand dam de la famille politique du RDR, le FPI dont la direction n`a eu aucun scrupule à tenir des propos haineux à l`encontre de certains Partis politiques et de leurs responsables (Laurent Gbagbo ayant révélé au cours de ce Forum que : " L`article 35 de la Constitution est fait pour régler le cas ADO "), toute chose qui a donné l`impression qu`une véritable mascarade venait d`être organisée pour servir de faire-valoir au pouvoir FPI désireux de redorer son blason.

Les conclusions et les résolutions de ce Forum furent, sans surprise, mises aux oubliettes.

Les graves menaces contre la liberté de la presse

Dans l`histoire de la Côte d`Ivoire indépendante, jamais la presse, dans son ensemble, ne s`est sentie aussi menacée.

En effet, Laurent Gbagbo, son clan et ses suppôts, dans leur tentative d`instaurer la pensée unique, ont suffisamment démontré leur haine et leur mépris pour les organes nationaux de l`opposition et même pour des chaînes de télévision et de radio étrangères dont certaines ont été interdites.

Jean Hélène, correspondant de Radio France Internationale (RFI), a été froidement abattu de deux balles dans la tête, devant les locaux abritant la direction de la Sûreté Nationale, à deux pas du Palais de la Présidence, par un agent des forces de l`ordre, un Sergent qui, paradoxalement, recevra de la promotion, peu de temps après.

Ce journaliste était à la recherche de l`information vraie relative à la libération de militants du RDR portés disparus pendant plusieurs jours, au profit de sa radio.

Quant à Guy-André Kieffer, un autre journaliste qui ne demandait, lui aussi, qu`à faire son travail, puisqu`il menait une enquête sur la filière du Café et du Cacao, porté disparu, il n`a jusqu`ici pas été retrouvé, malgré toutes les recherches.

Dans le milieu de la presse de l`opposition, certains journalistes ont reçu des menaces de mort, d`autres ont été humiliés, des journaux ont été déchirés et interdits sur certains points de vente, des sièges d`organes de presse ont été incendiés et du matériel détruit, au motif qu`ils ont fait l`apologie de la rébellion.

Et que dire du procès intenté contre les 2 journalistes du groupe ``Le Réveil``, poursuivis pour avoir offensé le Chef de l`Etat dans l`affaire `` Ali Baba et les 40 voleurs ``, et notamment de l`arrestation du journaliste Gnamentêh, jeté injustement pendant 2 semaines dans les geôles sombres de la MACA !

Que dire de la plainte du Ministre de la Réconciliation Nationale (Sic) et des Relations avec les Institutions contre le quotidien ``Le Nouveau Réveil``, pour diffamation, qui réclamait la somme exorbitante de 100 Millions de francs CFA et la suspension de la diffusion des 2 titres du groupe ``Le Réveil ``!

L`intention inavouée de ces prédateurs de la liberté d`expression et de presse du FPI n`était-elle pas de détruire le groupe ``Le Réveil``, l`un des rares journaux dont le contrôle leur échappait ?

Les graves et intolérables atteintes à l`Etat de droit et à l`autorité de la justice

L`autorité de la justice en Cote d`Ivoire n`a jamais été autant bafouée que sous le régime FPI.

Les exemples ci-après nous paraissent suffisamment révélateurs de la déliquescence de l`Etat en général, et en particulier, de l`Etat de droit et de l`autorité de la Justice, sous le régime des Refondateurs.

En Février 2004, 3 membres de la FESCI sont reconnus coupables de coups et blessures volontaires aggravés par la séquestration sur un individu, par le Tribunal Correctionnel du Plateau, Abidjan. Ils sont condamnés à 4 mois de prison fermes et à payer une amende, et déférés à la MACA (Maison d`Arrêt et de Correction d`Abidjan).

Dès l`annonce du verdict, leurs camardes de la cité Mermoz descendent dans la rue, s`en prennent à des véhicules privés, cassent, incendient et font régner la terreur dans ce secteur de Cocody.

Le même jour, l`ordre est donné aux autorités pénitentiaires de la MACA de libérer ces 3 Etudiants qui rentrent dans leur cité, sous les applaudissements, les cris de joie et de victoire de leurs camarades, sous une impressionnante escorte policière, comme des VIP, et comme s`ils étaient au-dessus de la Loi.

L`affaire Innocent Kobénan ANAKI

Comment un Chef d`état-major peut-il ordonner l`arrestation et la détention dans les locaux de la DST (Direction de la Surveillance du Territoire) d`un citoyen qui plus est parlementaire, ancien Ministre et Chef d`un Parti Politique (MFA), au motif que les propos qu`il a tenus au cours d`une émission télévisée, seraient de nature à porter atteinte à la sûreté de l`Etat ? Pourquoi cette intrusion de l`Armée Nationale dans le champ judiciaire ? Est-elle fondée à prendre ce genre de décision, à s`arroger le droit d`arrêter un Député du Peuple, dans un pays démocratique? N`y a-t-il pas une procédure spéciale à suivre dans le cas d`espèce ?

Le scandale des déchets toxiques

Nous nous rappelons que, dans le cas de cette affaire, une enquête avait été minutieusement menée, qui demandait que les responsables du déversement des déchets toxiques soient punis.

En effet, le rapport de la commission nationale d`enquête concluait à une négligence des responsables administratifs ainsi qu`une mauvaise organisation de leurs services, toute chose qui a permis la pénétration sur le territoire national de ces produits hautement toxiques et leur déversement sur le territoire du District d`Abidjan, provoquant ainsi la mort d`une dizaine de personnes et causant des maladies graves à des milliers d`autres.

Au moment où le peuple ivoirien, échaudé par les nombreuses enquêtes sans issue, s`attendait à la manifestation de la vérité, Laurent Gbagbo a pris le contre-pied du droit, et pris des décrets pour réhabiliter les différents responsables des structures d`Etat trempés et cités dans ce scandale, humiliant ainsi le Premier Ministre Konan Banny, qui les avait momentanément suspendus de leurs fonctions.

Laurent Gbagbo révélait encore une fois son mépris pour la vie humaine, consacrant ainsi officiellement l`impunité devenue désormais une règle d`or en Côte d`Ivoire.
Le sort de la jeunesse sous la Refondation

L`avenir, dit-on, appartient à la jeunesse, une jeunesse naguère prunelle de l`œil de la Nation, choyée pendant des décennies, mais qui, depuis l`intrusion du FPI de Laurent Gbagbo sur la scène politique ivoirienne, a été inféodée, instrumentalisée, abrutie et endoctrinée ; une jeunesse à qui ses maitres ont enseigné la stratégie de l`occupation malsaine de la rue caractérisée par les casses, les pillages, la destruction des biens d`autrui, le braisage de l`être humain ; une jeunesse à qui l`on a appris à poser des actes suicidaires, à servir de bouclier humain, que l`on sacrifie sur l`autel de l`hégémonie politique, pour le pouvoir, la puissance et la gloire d`un homme ; une jeunesse qui, à longueur de journée, s`adonne aux élucubrations politiques, aux injures et aux invectives contre tous ceux qui, Ivoiriens comme Etrangers, ne caressent pas le régime de ses Maîtres dans le sens du poil, qui vocifère dans les agoras et autres parlements et sénats qui pullulent dans la ville d`Abidjan, depuis que la parole est libérée par les Refondateurs ; une jeunesse dont les Chefs de file, essentiellement issus de la région du Maître-Refondateur, au nom de la solidarité tribale, sont devenus immensément riches et bénéficient de véhicules de dernière génération et de Gardes du Corps armés jusqu`aux dents.

A coté de cette jeunesse oisive et violente, mais tout heureuse de pointer bruyamment au tout-puissant Ministère de la Rue, existe une autre frange, silencieuse et vaillante celle-là, celle des diplômés sortis de nos facultés et de nos grandes écoles qui, en proie à la misère et au chômage de longue durée, a, pour survivre, dû se convertir en gestionnaires de cabines téléphoniques, en précepteurs, pour certains, alors que d`autres n`ont pu résister aux chants des sirènes de l`alcool, du vol, du commerce de la drogue, du banditisme et même de la prostitution.

Par ailleurs, en lieu et place du fameux programme de l`Ecole gratuite que le FPI a claironné et des 10 milliards de francs CFA qui, prélevés sur le fonds de souveraineté du Chef de l`Etat, devraient solutionner tous les problèmes scolaires et universitaires dès son accession au pouvoir, lequel fonds est, du reste, estimé à la somme de 70 milliards, selon certains analystes, c`est à un véritable sabotage de l`Ecole publique que nous avons assisté, sous le régime de la Refondation.