jeudi 8 décembre 2011

Concentrez-vous !

David est acheteur, Claire avocate, Joseph économiste et Antony consultant Web. Ils ont en commun de bonnes études, une activité choisie, un poste intéressant... Pourtant, tous quatre ressentent une drôle de sensation une fois au boulot : ils éprouvent de plus en plus de mal à se concentrer. Ils ont répondu - pendant leurs heures de travail ! - à un appel à témoignages lancé sur Lemonde.fr mais ils désirent garder l'anonymat.

"J'ai 4 000 e-mails dans ma boîte. Certaines personnes m'en envoient alors qu'elles sont à 5 mètres, déplore David, qui travaille dans l'automobile. Je butine d'un sujet à l'autre et sous prétexte de partager un même espace, mes collègues m'interrompent sans cesse." Pour Claire, seule dans son bureau d'un cabinet juridique, la source du mal est ailleurs : "Dès que mon ordinateur est en route, la moindre pensée parasite me fait aller sur Internet. Pourtant je suis passionnée par mon travail", dit-elle.
Joseph, lui aussi, dispose d'un bureau, dans une grande organisation internationale. "Gestion d'équipe, suivi financier, recherche d'informations... On me demande d'être multitâche mais ma tête est en multi-zapping", reconnaît-il. Quant à Antony, plongé dans l'univers Internet, il reçoit "des demandes tous azimuts sur Skype ou par e-mails, entrecoupées de multiples perturbations". "Sympa cette vidéo, tiens, un changement de statut sur Facebook, vite, un e-mail client... J'ai du mal à me concentrer sur des tâches complexes", avoue-t-il.
Combien sont-ils, ces salariés dont la pollution attentionnelle mange une partie de la journée ? Ceux qui passent d'une tâche à l'autre au point de papillonner en boucle ? Difficile à dire, tant la dispersion au travail est un mal feutré, un non-dit caché dans les plis des costumes. "Je ne suis pas la seule, mais personne n'en parle. Ce serait comme si quelqu'un disait qu'il glande au travail", confie Claire, l'avocate. La dispersion "est de plus en plus présente au travail mais la situation est assez invisible", analyse Caroline Datchary, sociologue au Laboratoire interdisciplinaire solidarités, sociétés, territoires du CNRS. "Les entreprises sont ambivalentes, poursuit-elle. Un trouble de l'attention est connoté négativement, mais être multitâche est une compétence recherchée." La sphère privée n'est pas épargnée, certains salariés reconnaissant continuer ce papillonnage soirs et week-ends.
Le "syndrome de déconcentration", mal du XXIe siècle ? La multiplication des chaînes télévisées a habitué notre cerveau au zapping. Depuis, notre environnement quotidien est en ébullition. Internet et les e-mails, les téléphones portables puis les smartphones et les tablettes tactiles, sans compter les tweets, nous ont rendus peu à peu multitâches, surstimulés mais pas si fiers de l'être. Pour preuve, l'écho mondial de l'article de Nicholas Carr, "Google rend-il stupide ?", publié à l'été 2008. L'auteur y soutient que l'usage du Web limite la capacité de concentration. Son livre, The Shallows (Norton, 2010) vient d'être traduit en français (Internet rend-il bête ? Robert Laffont, 312 p., 20 €).
Une poignée de chiffres de l'Observatoire sur la responsabilité sociétale des entreprises (ORSE) campe le décor : près de six salariés sur dix consacrent deux heures par jour à gérer leurs boîtes mail ; quatre sur dix reçoivent plus de 100 messages par jour ; près de sept sur dix disent vérifier leur messagerie toutes les heures mais le font toutes les cinq minutes ; 64 secondes sont nécessaires pour reprendre le fil de sa pensée après l'interruption par un message. Enfin, sept managers sur dix déclarent souffrir de surcharge informationnelle.
"Dans le monde du travail, les personnes s'observent, commente la psychiatre Christine Foulon. Multiplier les e-mails permet de se rassurer, d'autant plus que la réactivité est souvent érigée en qualité, avant même la productivité." Ajoutons à cela que les open spaces, vastes bureaux ouverts permettant le partage sans limite des conversations du voisin, sont désormais le quotidien de six sociétés sur dix. En conséquence, l'espace vital d'un salarié (7 mètres carrés) a été divisé par trois en dix ans !
Cette réalité intrusive n'est pourtant pas vécue par chacun de la même façon. Les plus de 50 ans ont appris à écrire au cours préparatoire avec une plume Sergent Major, dans un encrier. Plus généralement, les plus de 30 ans ne sont pas nés une souris à la main et jonglent quotidiennement avec des outils numériques. Une gymnastique coûteuse en énergie, explique le psychiatre Roland Jouvent. Les quadras, génération perdue ? "Disons que les jeunes peuvent plus aisément switcher, répond ce scientifique. Leur plasticité cérébrale leur permet de passer facilement d'un acte à un autre, en utilisant leurs cinq sens."
D'autres inégalités, plus intimes, entrent en ligne de compte. Dans une journée, "les salariés ne peuvent travailler en continu qu'un nombre limité d'heures, explique Christine Foulon. Difficile de s'autoriser des plages de vacance visibles. Aller sur Internet peut constituer une pause salutaire discrète". Jusque-là, rien de problématique. Mais, à situation égale, certaines personnes plongent dans une addiction au zapping. "La web-errance renvoie chacun à sa propre histoire", explique le psychanalyste Michael Stora. Se concentrer revient pouvoir être seul avec soi-même. D'où l'importance des moments d'ennui pour un enfant, une des premières expériences de concentration", dit-il. Certaines personnes en sont moins capables que d'autres. Et les multiples écrans à portée de main sont autant de moyens "de calmer des montées d'angoisse", ajoute Michael Stora.
Une bonne santé physique et psychique est donc plus que recommandée pour résister à la dispersion ambiante. Gare à la pression professionnelle ou aux problèmes familiaux, sources supplémentaires de stress qui peuvent faire basculer dans le papillonnage ! Le psychiatre Christophe André juge la situation préoccupante. "Nous possédons de plus en plus de canaux par lesquels des interruptions peuvent arriver. Les périodes de calme, de lenteur et de continuité se fractionnent", constate-t-il.
Selon certaines études américaines, notre cerveau étant conçu pour stimuler, nous répondons trop aux sollicitations : e-mails, téléphones... "Nous surstimulons ainsi notre attention dite réactionnelle, et atrophions notre capacité attentionnelle endogène, plus posée, nécessaire à la réflexion", explique-t-il. D'autres travaux, publiés en novembre 2010 par la revue Science soulignent que les personnes dispersées se sentent moins heureuses. "Nous commençons à peine à mesurer scientifiquement les effets négatifs de ces phénomènes sur la performance et le bien-être", remarque Christophe André, qui a fait entrer la méditation à l'hôpital Sainte-Anne en 2004.
De façon quasi instinctive, certains salariés s'isolent ou n'allument pas l'ordinateur pour travailler tranquillement. Romain, ancien dirigeant d'une agence Web, s'est appliqué la méthode de gestion du temps GTD (Getting Things Done), nom du best-seller de l'Américain David Allen. Romain en a même fait son métier. "Je coache des cadres hypersollicités. Certains sont même angoissés si leur portable ne sonne pas. Je les aide à hiérarchiser leurs priorités, et les sportifs s'en sortent mieux", remarque-t-il. Stéphane, dirigeant d'un cabinet de lobbying, lui, a suivi "un stage de pleine conscience, il y a un an. Depuis, je médite vingt minutes chaque jour", explique-t-il. L'exercice l'apaise. "Je suis plus attentif, moins dispersé. Si une pensée parasite arrive, je la laisse venir, puis s'en aller."
Roland Jouvent n'est pas surpris de tels résultats : "La thérapie de la pleine conscience s'appuie sur la philosophie prônée par les bouddhistes. C'est l'anti-double tâche, dit-il. Par nature, les hommes sont soit dans l'anticipation, soit dans la remémoration. Un travers accentué par les nouvelles technologies. Une personne anticipant trop deviendra anxieuse ou au contraire dépressive." D'où le bénéfice d'une technique apprenant à profiter du moment présent.
"La méditation, c'est scientifiquement prouvé, stabilise l'attention, augmente la capacité de concentration et l'habileté à passer d'une tâche à l'autre", ajoute Christophe André, auteur de Méditer jour après jour (L'Iconoclaste, 304 p., 24,90 €). Et les personnes qui méditent ont plus de pensées positives. Signe de l'époque, les ouvrages de méditation s'arrachent : "Eloge de la faiblesse d'Alexandre Jollien a 10 ans mais vient de paraître en poche (Marabout, 96 p., 3,90 €) et se vend par milliers", explique Laurence Deschamps, chef de produit littérature à la Fnac.
Outre-Atlantique, le prospectiviste Alex Soojung-Kim Pang, prône le contemplative computing (la contemplation informatique). "Nous devons repenser notre relation compliquée aux nouvelles technologies pour ne plus les subir, a-t-il martelé, devant un public branché réuni cet été à Marseille par la Fédération Internet nouvelle génération (FING). Avez-vous remarqué que nous retenons tous notre respiration quand nous vérifions nos mails ?"
Ce réflexe inconscient, est, selon ce chercheur, "une micro-alerte montrant une légère anxiété". Y a-t-il des conseils à suivre au quotidien ? "Transformez vos attentes en temps de repos : ne lisez pas, ne regardez pas votre portable. Tournez votre attention sur votre souffle, votre corps", explique Christophe André, qui préconise de limiter les interruptions en regroupant coups de téléphone et consultations des e-mails. Enfin, créez-vous des espaces de pause intérieure. "Toutes les heures, asseyez-vous, respirez deux minutes en commençant par une inspiration profonde, qui favorise le ralentissement." Allez, vous êtes arrivé au bout de l'article, fermez les yeux !
Laure Belot
http://www.lemonde.fr/aujourd-hui/article/2011/10/24/concentrez-vous_1592999_3238.html#ens_id=1585432 
 
recherche 10:39

«Mais tu ne dors pas?» «C’est génétique»

AFP( AFP )
( AFP )
Pourquoi quatre heures de sommeil suffisent à certains quand d’autres sont encore fatigués après huit heures au lit? Enquêtant sur cette injustice, des chercheurs viennent de mettre en évidence un gène particulièrement impliqué dans la régulation du sommeil. Même si les facteurs environnementauxconservent un rôle
Pourquoi Napoléon n’avait-il besoin que de 4 heures de sommeil ? Des chercheurs européens ont identifié un gène impliqué dans la régulation du sommeil, tout en montrant que sa durée est aussi influencée par d’autres facteurs individuels ou environnementaux.
Selon les chercheurs, dont les travaux viennent d’être publiés dans la revue spécialisée Molecular Psychiatry, ce gène appelé ABCC9 explique environ 5% de la variation dans la durée du sommeil.
L’équipe des chronobiologistes Till Roenneberg et Karla Allebrandt de l’université Ludwig-Maximilians à Munich a mené une étude sur plus de 4.000 individus de sept pays européens.
Leur analyse des comportements vis-à-vis du sommeil (via un questionnaire) et des caractéristiques génétiques a montré que les individus avec une variation courante du gène ABCC9 dormaient généralement pendant une période «significativement plus courte» que les individus présentant l’autre version du gène.
«Ce n’est pas la première étude à mettre en évidence l’implication de gènes dans la régulation du sommeil, mais sa force est de mettre en évidence ce gène dans une large population et de confirmer son rôle chez la drosophile (mouche du vinaigre)», commente pour l’AFP le chronobiologiste français Claude Gronfier (Inserm, Lyon).
L’équipe du Pr Roenneberg, en collaboration avec des chercheurs de l’université de Leicester (Royaume-Uni), a en effet montré que le gène ABCC9 affectait également la période de sommeil nocturne chez la mouche du vinaigre.
Couche-tôt ou couche-tard?
«Ce n’est donc pas seulement une association statistique qui donnerait un rôle à un gène qui finalement n’en a pas tant que ça, c’est un vrai rôle biologique qui est montré, une belle confirmation», explique le Dr Gronfier. «Le rôle de ce gène dans la durée du sommeil est incontestable», ajoute-t-il.
Ce même gène ABCC9 a été précédemment relié au diabète et à des pathologies cardiaques. «Ainsi, apparemment, les relations entre la durée du sommeil et les troubles métaboliques peuvent s’expliquer en partie par un mécanisme moléculaire sous-jacent commun», a déclaré le Dr Allebrandt.
L’autre enseignement de l’étude, souligne le Dr Gronfier, c’est le rôle de l’environnement sur la durée du sommeil.
Elle montre ainsi l’influence du chronotype (le fait d’être plutôt «couche-tôt» ou «couche-tard»). Plus précisément, elle montre que la conséquence de la variation du gène ABCC9 est plus importante chez les couche-tard que chez les couche-tôt.
De la même manière, les chercheurs ont observé que les conséquences de la variation génétique sont aussi plus importantes chez les populations subissant une forte amplitude de durée de la journée en fonction des saisons.
«On voit là la combinaison, la synergie, entre l’environnement et la génétique qui conduisent à une altération du sommeil», souligne le Dr Gronfier.
Pour ce spécialiste, ces résultats «renforcent le message qu’une durée de sommeil suffisante, par une bonne hygiène du sommeil, est capitale pour un fonctionnement physiologique adapté et pour éviter l’apparition de troubles sérieux».
http://www.letemps.ch/Page/Uuid/3f8337f4-2180-11e1-a9c4-2990331a3f5c/Mais_tu_ne_dors_pas_Cest_g%C3%A9n%C3%A9tique

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