vendredi 25 janvier 2019

CYBERSANTE : ÉTHIQUE ET DÉONTOLOGIE.

Les Suisses veulent obliger leur médecin à utiliser un dossier électronique du patient

 | mise à jour 
Faut-il déjà modifier la loi fédérale sur le dossier électronique du patient (DEP)? Alors que les médecins de famille et thérapeutes ne sont pas obligés de participer au DEP, cette exemption n’est pas du goût d’une nette majorité de Suisses, selon une enquête publiée par Swisscom Health.
La loi fédérale sur le dossier électronique du patient oblige les hôpitaux et les cliniques de Suisse à participer au DEP dès 2020. (Source: Pixabay)
Plus de deux tiers des Suisse souhaitent que leur médecin de famille soit obligé de partager leurs données de santé dans un dossier électronique du patient (DEP). Cette demande forte de la population ressort d’une enquête menée par l’institut de recherche GFS pour le compte de Swisscom Health. Pour rappel, la loi fédérale sur le dossier électronique du patient oblige les hôpitaux et les cliniques de Suisse à participer au DEP dès 2020. Mais les acteurs du secteur ambulatoire tels que les médecins de famille, les thérapeutes et les pharmacies sont exemptés de cette obligation. L’enquête montre donc que cette exemption n’est pas du goût de la population. C’est d’ailleurs spécialement le cas en Suisse romande, où 78% des sondés sont favorables à une obligation.

Bénéfices et risques

Plus des deux tiers des personnes interrogées pensent que l’échange numérique des informations médicales peut améliorer la qualité d’un traitement. Environ la moitié s’attend à ce que cette numérisation réduise aussi les coûts de la santé. Concernant les risques associés à un traitement numérisé des données de santé, les cyberattaques ciblées sont perçues comme le plus grand danger, devant les failles de sécurité des systèmes informatiques. Les risques de négligence humaine, de la part des patients ou des acteurs de la santé, apparaissent sous-estimés.

Jura rejoint quatre autres cantons romands pour le développement du DEP

La loi fédérale stipule que le DEP doit être un espace hautement sécurisé assurant la protection des données des patients. Au vu des exigences fédérales en la matière, des cantons se sont unis pour mettre en place une plateforme commune. En Suisse francophone, Genève, Valais et Vaud ont ainsi créé en 2018 l’association Cara, qui chapeaute la mise en place d’un dossier électronique du patient à l’échelle romande. L’association regroupe désormais cinq cantons membres. Après Fribourg, Jura vient de rejoindre Cara. Ces cinq cantons ont en outre confirmé leur intention de principe de confier la réalisation technique de leur plateforme commune de cybersanté à La Poste. Pour rappel, la solution fournie par La Poste pour le dossier électronique du patient (DEP) va se baser sur une solution tierce de l’entreprise allemande Siemens 
CIUSSS: les consultations électroniques pourraient exploser en 2018

Marie-Christine Bouchard
La Tribune


Il faut souvent attendre plusieurs mois avant d’avoir un rendez-vous avec un médecin dans certaines spécialités médicales. C’est le cas au CIUSSS de l’Estrie-CHUS, mais aussi partout ailleurs dans la province. Et si la consultation électronique permettait d’améliorer l’accès aux médecins spécialistes?
« J’ai déjà vu des patients qui étaient en attente d’un rendez-vous en hématologie depuis deux ans. La possibilité d’avoir un cancer les a inquiétés tout ce temps-là. Quand je finissais par les voir, ils me disaient que ça faisait trois semaines qu’ils ne dormaient plus tellement ils étaient inquiets. Et finalement, tout était correct, ils n’avaient rien! Je trouve ça désolant de voir tout ce que les patients ont vécu, pendant tout ce temps-là, pour absolument rien », mentionne le Dr Richard Le Blanc, hématologue au Centre hospitalier universitaire de Sherbrooke (CHUS).

Le Dr Le Blanc a été un des pionniers de ces consultations électroniques. Sa spécialité, les maladies du sang, est basée principalement sur des résultats de laboratoire, ce qui facilite encore davantage l’analyse par le biais de la plateforme informatique.
« Dans les écoles de médecine, on nous apprend que 85 % du diagnostic se fait au questionnaire du patient et dans les analyses », ajoute Dre Stéphanie Boilard, médecin de famille et responsable du Groupe de médecine familiale du Haut-Saint-François.

Un projet-pilote est actuellement en cours au CHUS, tel que le dévoilait La Tribune en décembre dernier. Des médecins spécialistes se rendent disponibles pour répondre aux questions des médecins de famille via une plateforme de données sécurisées. Grâce à l’implantation de cette plateforme, les spécialistes pourront également consulter le dossier du patient afin d’avoir une vue d’ensemble précise de la problématique pour laquelle ils sont consultés.

Alors que le projet n’était qu’à ses balbutiements en 2017, il y a eu 121 consultations effectuées. L’hématologie a été le point de départ de ce projet-pilote, puis tranquillement, quelques autres spécialités se sont jointes au projet. Depuis peu, l’ensemble des spécialités que l’on retrouve au CHUS sont couvertes.

Le nombre de consultations électroniques pourrait donc exploser en 2018.

Le Dr Le Blanc a fait une démonstration d’une consultation devant La Tribune. Il a examiné le dossier d’une patiente et a répondu à la question toute simple que lui avait posée son médecin de famille : « Que dois-je faire? »

« Le médecin de famille a posé une question parce qu’il avait remarqué un résultat anormal dans la formule sanguine de sa patiente. J’ai regardé son dossier au complet, ses résultats, et j’en conclus qu’il n’y a aucune inquiétude pour cette patiente. Elle sera rassurée en quelques jours plutôt que d’attendre une consultation pendant plusieurs mois. Et pour moi, ça n’a pas été très long à faire, parce que grâce à la plateforme sécurisée, j’ai pu rapidement consulter le dossier entier de la patiente », mentionne le Dr Le Blanc.

Lorsqu’il fait voit un patient pour la première fois à la clinique externe, Dr Le Blanc doit inscrire 40 minutes à son agenda. « Les 20 premières minutes ne servent qu’à faire l’historique. Il y a une redondance et une perte de temps folle dans tout ça », soutient le médecin.

Formation en continue

« C’est aussi l’occasion de faire de l’enseignement pour les médecins de famille. J’ai inclus une fiche sur la différence entre gammopathie monoclonale et polyclonale. Le médecin peut inscrire 15 minutes de formation continue », précise le médecin spécialiste.

Pour le moment, les médecins spécialistes du CHUS qui offrent le service ne sont pas payés pour leur consultation, alors qu’ils le sont pour une consultation téléphonique ou pour rencontrer le patient en clinique. Éventuellement, ils le seront. Des économies sont là aussi à prévoir. « Lorsque je vois un patient en cabinet, je reçois 150 $. Pour une consultation téléphone, beaucoup moins efficace, je reçois 25 $. On pourrait penser qu’une consultation électronique pourrait rapporter environ 50 $. Ce serait beaucoup moins cher pour le système de santé, sans compter tous les avantages pour les patients : l’attente beaucoup moins longue, pas besoin de se déplacer au CHUS, entre autres », soutient Dr Le Blanc.

Mais que faudra-t-il pour que le projet explose et devienne permanent, et qu’il s’étende au-delà du projet-pilote actuel au CHUS?

« Aux États-Unis, ces changements sont déjà en place et il y a eu des économies importantes et une diminution des listes d’attente. Avec la première ligne bien organisée que nous avons en ce moment au Québec, nous sommes en bonne position pour que ça bouge », soutient Richard Le Blanc.
À l’avantage des patients et des médecins de famille
La Dre Stéphanie Boilard est la première médecin qui a utilisé la plateforme sécurisée pour poser une question à un médecin spécialiste. Le premier échange électronique entre deux médecins, l’un omnipraticien l’autre spécialiste, a donné lieu à un coup de circuit.

Dre Boilard raconte le cas de son patient de 59 ans qui l’a consulté pour « fatigue ». Son histoire était complexe. La médecin de famille s’est creusé la tête pour réussir à trouver des réponses pour ce patient. Elle a pensé envoyer son patient en consultation en hématologie, mais elle n’était pas encore certaine que son patient en avait réellement besoin.

« Je me suis dit : ouf! Il y a une liste d’attente de trois ans. Ça ne vaut pas la peine! » Or, Dre Boilard connaissait l’existence du projet-pilote en hématologie : le Dr   Richard Le Blanc, hématologue, acceptait de répondre à des questions par le biais de la plateforme sécurisée. Elle lui a écrit. Et la réponse est tombée : son patient était à haut risque d’avoir un cancer du sang, un cancer qui, s’il n’est pas détecté tôt, est incurable.

Le cas de ce patient est certainement parmi les plus complexes et les plus concrets pour illustrer les avantages que les médecins de famille puissent collaborer plus efficacement.

Mais des exemples, Dre Boilard en a plusieurs autres en banque. Stéphanie Boilard fait partie des médecins qui ont travaillé à mettre en place ce projet en compagnie de son frère, Xavier Boilard, président-directeur général d’Omnimed, l’entreprise qui conçoit la plateforme sécurisée qui permet ces échanges entre médecins.

« Nous les médecins de famille, nous avons toujours à rassurer nos patients sur mille affaires qu’on ne connait pas toujours bien », avoue-t-elle.

Envoyer une requête pour une consultation chez un médecin spécialiste? Bien sûr qu’elle réfère ses patients. Mais ce n’est pas toujours pertinent.

« Il y a trois catégories de situations. Il y a les cas où les consultations sont inévitables. Mais en attendant que le patient ait son rendez-vous, je peux débroussailler, demander les bons tests pour que le spécialiste ait tout en main lors du premier rendez-vous. Les médecins de famille ont souvent peur de manquer quelque chose, alors ils demandent plus de tests que nécessaire, ce qui alourdit le travail du spécialiste et augmente les coûts pour le système de santé.

« Ensuite, il y a les cas où le médecin de famille n’est vraiment pas certain de la marche à suivre. Il y a des choses qu’on n’a jamais vues de notre vie. Oui on peut aller lire, se documenter, mais ça peut être complexe, alors que ça fait partie de la pratique courante d’un spécialiste. Je l’ai fait avec un patient en cardiologie par exemple. J’ai demandé au cardiologue si ma prescription était juste et il m’a répondu oui, de dormir sur mes deux oreilles. C’est très rassurant pour moi et pour mon patient », ajoute-t-elle.

« Finalement, il y a un volet de formation continue. Les connaissances évoluent rapidement en médecine. Quand je pose une question précise, ça applique les connaissances sur un cas concret et ça m’aide à apprendre. Je ne peux pas avoir réponse à tout comme médecin de famille. Avec un accès direct à un expert, j’en ressors meilleure, à l’avantage de mon patient », ajoute Dre Boilard.

Dossiers médicaux à vendre

Des médecins québécois se plaignent d'être incapables d'empêcher... (PHOTO MARCO CAMPANOZZI, ARCHIVES LA PRESSE)
Des médecins québécois se plaignent d'être incapables d'empêcher les fournisseurs hébergeant leurs dossiers de vendre ou de croiser des données censées rester confidentielles.
PHOTO MARCO CAMPANOZZI, ARCHIVES LA PRESSE
Des médecins affirment que le contenu des dossiers médicaux électroniques de millions de Québécois est parfois exploité à leur insu à des fins commerciales. Le ministre de la Santé déclare qu'il « explore les voies légales » pour lancer des enquêtes.
Le contenu des dossiers médicaux électroniques de millions de Québécois est parfois exploité à leur insu à des fins commerciales, a appris La Presse.
Des médecins se plaignent d'être incapables d'empêcher les fournisseurs hébergeant leurs dossiers de vendre ou de croiser des données censées rester confidentielles. Ils reprochent au gouvernement de ne pas sévir. Une patate chaude pour les autorités, qui ont livré de nombreux messages contradictoires (voir onglet suivant).
« Le gouvernement doit absolument interdire cette commercialisation », affirme en entrevue le docteur Yves Robert, secrétaire du Collège des médecins, qui dit avoir reçu plusieurs plaintes.
« On entrevoyait seulement les avantages du dossier électronique. Personne n'avait imaginé ces utilisations secondaires », dit le Dr Robert.
Le ministère de la Santé et des Services sociaux a écrit à La Presse qu'il avait « effectué un rappel aux fournisseurs et aux médecins de leurs obligations déontologiques », mais qu'il n'avait « pas été en mesure de confirmer s'il y avait eu des échanges ou des ventes de données », auquel cas, le fournisseur visé aurait perdu sa certification.
Nos demandes de précisions ont fait rebondir le dossier au bureau du ministre. « Vous avez mis le doigt sur un enjeu réel. Maintenant que je suis au courant, on va agir, c'est certain », promet le Dr Gaétan Barrette, qui a demandé à son contentieux d'« explorer les voies légales » pour pouvoir lancer des enquêtes.
« Les règles interdisent formellement l'extraction de données [même rendues anonymes], mais j'apprends que nous n'avons pas de pouvoir d'enquête par la suite. On ne peut pas aller vérifier ce qui est fait, pas aller voir comment les choses sont programmées. »
LA BATAILLE D'UN MÉDECIN
Un médecin de famille de Lavaltrie, le Dr David Hervieux, talonne les autorités depuis au moins trois ans. Il y a 15 mois, le ministère de la Santé lui avait répondu que le problème était « aussi malheureux que bien connu », mais qu'il ne voyait « aucun levier [lui] permettant d'intervenir » et cherchait comment « juguler cette pratique potentiellement contraire aux lois et règlements de protection des renseignements personnels si chers aux Québécois ».
Dans l'intervalle, on lui avait suggéré de continuer à négocier avec son fournisseur ou d'en changer.
Excédé, le Dr Hervieux a décidé de sonner publiquement l'alarme : « Un dossier médical, ça doit être bulletproof de A à Z. C'est moi qui ai l'obligation déontologique de protéger leurs informations, mais je n'ai plus aucun contrôle. »
SUGGESTIONS DE MÉDICAMENTS
La clinique du Dr Hervieux utilise le logiciel KinLogix de Telus, dont se servent environ 3000 autres médecins québécois. Le médecin de famille en était très satisfait, jusqu'à ce qu'il constate que le géant des communications ne se contentait pas de lui fournir un outil et d'héberger ses dossiers.
En 2015, le logiciel s'est mis à identifier automatiquement ses patients assurés chez Desjardins. « Quand je tentais de leur prescrire un médicament, le système déterminait si l'ordonnance lui semblait coûteuse et me suggérait des médicaments de rechange », raconte le Dr Hervieux, qui a exigé que cette fonction soit désactivée.
« Moi aussi, j'ai le souci que les médicaments coûtent moins cher ! Mais c'est inacceptable de procéder par en dessous, avec des robots électroniques qui fouillent dans les dossiers de mes patients pour croiser des données. C'est comme si quelqu'un était venu consulter tous mes dossiers papier pour les étiqueter », dit le Dr Hervieux.
« Si les suggestions de médicaments s'affichaient tout le temps, ce serait différent. Mais Telus active cette fonction-là seulement au profit des entreprises qui la payent pour m'influencer. »
TELUS SE DÉFEND
Telus n'a pas voulu révéler quelles sommes étaient facturées aux assureurs pour que leurs listes de clients soient ajoutées dans les dossiers médicaux. Tandis que Desjardins n'a pas été en mesure de joindre le responsable du dossier hier après-midi.
Mais en 2016, une responsable du dossier chez Desjardins Assurances avait écrit au Dr Hervieux que la coopérative respectait les lois en matière de renseignements personnels. Avant d'ajouter qu'elle « ne menace aucunement l'indépendance des médecins » en leur facilitant l'accès à des informations, et que, puisque « les coûts des médicaments sont une grande préoccupation pour les employeurs [...], il en va de la viabilité des régimes d'assurances collectives offerts aux employés ».
Le Dr Michel Hébert, directeur médical chez Telus Santé, défend son approche. « L'information est rendue disponible au médecin, pas du tout à l'assureur », dit-il.
« Ce qu'on fait avec nos dossiers électroniques est totalement conforme aux grandes orientations disant que le médecin doit prescrire le meilleur médicament au meilleur prix. Pour ça, il doit avoir la bonne information au bon moment », dit le Dr Michel Hébert.
« On a commencé avec Desjardins, mais là, ça s'étend à plein d'assureurs. Même le Ministère a intérêt à ce que ça soit aussi offert à ceux qui sont couverts par le régime public. »
Le secrétaire du Collège des médecins juge tout de même la situation « un peu délicate ». « C'est presque une forme d'ingérence dans la liberté professionnelle. Ça vient se greffer à la relation médecin-patient », avance le Dr Robert.
En Ontario, des médecins ont dénoncé le fait que Telus Santé insérait dans leurs dossiers médicaux électroniques des bons de réduction incitant à l'achat de médicaments précis et renseignait ensuite leurs fabricants au sujet de leur utilisation. L'entreprise a eu beau défendre cette pratique, le gouvernement ontarien la proscrit depuis septembre dernier.
UNE PORTE OUVERTE ?
Les fournisseurs pourraient aller plus loin encore, craint le Dr Hervieux. À tel point qu'il a refusé de signer le contrat de Telus. Le document interdisait toute transmission des « données de la clinique » par Telus sans l'obtention préalable du consentement écrit de la clinique. Il précisait toutefois que les données rendues anonymes ne faisaient pas partie des « données de la clinique ».
« Nous ne vendons pas les données ou métadonnées de nos clients », assure le porte-parole de Telus, François Gaboury, dans un courriel envoyé à La Presse. Le terme « données de la clinique » sert à cerner certaines obligations de Telus qui ne s'appliquent pas aux métadonnées, comme la capacité de stockage offerte ou les services de transition, dit-il.
« Alors pourquoi ont-ils refusé de signer une clause de non-utilisation des données de mes patients ? », rétorque le Dr Hervieux. En août 2016, la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec lui avait écrit : « Je vous invite grandement à faire mettre une telle clause. »
DES RISQUES RÉELS
Ce qui est sûr, pour les experts consultés par La Presse, c'est que tout usage secondaire des données par les fournisseurs doit être formellement interdit par le gouvernement. « Même avec des données rendues anonymes, on peut découvrir beaucoup de choses. On n'a pas réfléchi assez longuement à toutes les implications et à toutes les mesures à prendre », prévient le secrétaire du Collège des médecins.
« Dans le contexte actuel de données massives, il suffit de croiser les informations de trois ou quatre banques de données pour parvenir à identifier des individus précis », dit Bryn Williams-Jones, professeur en charge des programmes de bioéthique à l'Université de Montréal.
« C'est une crainte légitime », confirme Richard Khoury, spécialiste des données massives et de l'anonymisation et professeur au département d'informatique et de génie logiciel de l'Université Laval (plus de détails au dernier onglet).
« L'information personnelle est confidentielle pour de bonnes raisons ; elle est sensible, souligne le professeur Williams-Jones. Ça peut nous nuire quand elle tombe entre les mains de gens qui l'utilisent pour nous influencer ou nous manipuler. »
LE COLLÈGE DES MÉDECINS AJUSTE SON RÈGLEMENT
Le gouvernement doit intervenir, dit le Collège des médecins, qui n'a aucune autorité sur les entreprises. En attendant, « les médecins sont coincés entre deux chaises », souligne le Dr Yves Robert, secrétaire de l'organisme. Un projet de règlement du Collège est toujours à l'étude à l'Office des professions. « Le règlement actuel est en décalage avec la nouvelle réalité », explique le Dr Robert. Si le règlement révisé est adopté, l'utilisation des dossiers médicaux électroniques deviendra obligatoire. Une autre disposition précisera « qu'on ne peut les utiliser à d'autres fins que pour les patients », ce qui est déjà le cas, « mais ce n'est pas aussi explicite dans le règlement actuel », dit le médecin.
Les outils informatiques utilisés ne devront comporter « aucune forme de publicité ou de promotion » et ne devront pas orienter les décisions cliniques « de façon à faire la promotion d'un médicament, d'un produit ou d'un service en particulier ». Pour le Collège des médecins, toute commercialisation doit être interdite, même si les données étaient rendues anonymes et même si les patients étaient consentants. « Il faut arrêter d'exploiter le service pour autre chose que ce que les clients [les médecins] demandent. »

Une patate chaude

Bien que la problématique soulevée par l'extraction de données médicales soit connue depuis au moins 2015 par certains acteurs du réseau de la santé, les médecins qui dénoncent la situation semblent laissés à eux-mêmes. 
2015: LA FÉDÉRATION DES MÉDECINS
En 2015, l'avocate de la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec a informé le Dr David Hervieux que le Ministère avait « reçu un avis confirmant que [l'extraction de données] ne respecte pas les critères d'homologation des [dossiers médicaux électroniques] ». Son courriel ajoutait alors qu'une lettre serait transmise à tous les fournisseurs « pour leur rappeler que les critères d'homologation interdisent l'extraction d'informations pour la production de métadonnées ».
2016: LE MINISTÈRE DE LA SANTÉ
En septembre 2016, le Dr Antoine Groulx a plutôt répondu au Dr Hervieux : « En dépit que le ministère partage vos préoccupations légitimes, nous ne voyons aucun levier nous permettant d'intervenir aujourd'hui. [...] L'histoire a choisi de faire la part belle à la libre entreprise dans le marché du dossier médical électronique au Québec. Les fournisseurs sont donc aujourd'hui largement indépendants en dépit des critères d'homologation moussant la sécurité. » Le fonctionnaire, récemment nommé sous-ministre, suggérait au lanceur d'alerte de changer de fournisseur « dans les meilleurs délais [...] faute de régler le sort de tous ceux aux prises avec le problème que vous soulevez, vos patients, eux seraient alors immuns ». En 2015, on lui avait déjà dit qu'il lui « appartenait » de négocier avec son fournisseur.
2017: LE COLLÈGE DES MÉDECINS
En mai 2017, le Collège a mis en ligne un avis informant ses membres que « différents intervenants, tels les fournisseurs de logiciels [...], montraient leur intérêt afin d'accéder aux données contenues aux dossiers médicaux électroniques, notamment les profils médicamenteux des patients ou certains résultats de laboratoire ». Il les mettait en garde contre l'utilisation d'applications, utiles à première vue, mais pouvant « orienter les décisions cliniques [...] selon les volontés du développeur de l'application et de ses intérêts financiers ».
2018: L'AVIS D'UN BIOÉTHICIEN
« Un ministère aussi puissant que celui de la Santé est tout à fait capable de négocier fort avec des fournisseurs qui offrent des services à des milliers de professionnels de la santé », renchérit le professeur Bryn Williams-Jones, qui dirige des programmes de bioéthique à l'Université de Montréal. « Ça prend le courage politique de dire : on n'est pas à la merci des grandes entreprises, et s'il y a un problème de protection de la vie privée, on va favoriser un autre partenaire. Il doit négocier en fonction du bien commun, parce que ce sont nos impôts qui servent à payer ces services-là. »

Des risques malgré un supposé anonymat

Si les renseignements personnels sont supprimés d'un vaste ensemble de données avant leur transmission, a-t-on la garantie que notre vie privée sera protégée ? Non, répond Richard Khoury, professeur agrégé au département d'informatique et de génie logiciel de l'Université Laval. Explications.
COMMENT FAIT-ON POUR RENDRE LES DONNÉES ANONYMES ?
Rendre des données anonymes ne consiste pas à noyer des données dans la masse en se disant qu'on ne pourra les retrouver, précise le professeur et membre du Centre de recherche en données massives de l'Université Laval. Pour « anonymiser », on doit supprimer les attributs qui permettent d'identifier les individus (comme les noms et numéros d'assurance sociale, etc.). Il faut parfois supprimer aussi leurs « quasi-identifiants » (code postal, date de naissance et sexe, permettant des déductions faciles une fois combinés), à moins que leur combinaison n'apparaisse plusieurs fois.
Anonymiser entraîne toutefois une perte de précision des données, souligne le professeur, ce qui rend plus risquées les prises de décision qui en découlent.
EST-CE UNE PROTECTION SOLIDE ?
« Pas forcément, la crainte de "désanonymisation" [ou réidentification] est une crainte assez légitime, répond le professeur, car il existe des moyens assez faciles et précis d'y parvenir. »
La vaste majorité des gens ont certains attributs rares ou ont des combinaisons uniques d'attributs, dit-il. Même si on ne peut pas toujours trouver une personne précise, on a donc souvent une forte probabilité de trouver un individu en croisant la banque de données anonymes avec des banques de données qui ne le sont pas (registre électoral, Facebook, Twitter, etc.). « On pourra reconnaître la majorité des individus avec un niveau de confiance élevé. »
EST-CE ARRIVÉ ?
C'est avec ces méthodes que les sociétés pharmaceutiques parviennent à savoir quel médecin précis prescrit quels médicaments précis, répond le professeur Bryn Williams-Jones, qui dirige les programmes de bioéthique à l'Université de Montréal et est rédacteur en chef de la Revue canadienne de bioéthique.
Une anonymisation ratée a aussi coûté cher à Netflix. En 2009, une mère de famille secrètement homosexuelle et trois autres clients ont poursuivi l'entreprise en l'accusant d'avoir « délibérément violé la vie privée de ses membres pour son bénéfice et sans le consentement des individus », rapporte le professeur Khoury. La résidante de l'Ohio a déclaré qu'elle n'aurait jamais noté de films si elle avait su que l'information serait incluse dans un ensemble de données, expliquant que si son orientation sexuelle devenait publique, « cela nuirait à [sa] capacité de garder son emploi, de soutenir sa famille et de vivre paisiblement avec ses enfants dans sa communauté ».
Netflix (qui a réglé à l'amiable sans admettre sa responsabilité) avait transmis aux participants à un concours les notes accordées à près de 18 000 films par près d'un demi-million de clients (après avoir enlevé leurs renseignements personnels). Il suffisait de croiser une poignée d'informations (titre des films notés, notes accordées et dates) avec celles se trouvant sur des sites d'utilisateurs enregistrés (comme IMDb) pour découvrir qui était qui.
Le problème, c'est que les amateurs de cinéma se permettaient de noter une plus grande variété de films sur Netflix, parmi lesquels des titres susceptibles de révéler leur religion, leurs préférences sexuelles ou leur allégeance politique.
Netflix a versé 9 millions pour régler un cas similaire deux ans plus tard, ajoute le professeur Khoury.
QUE PRÉVOIT LA LOI AU QUÉBEC ?
La Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé exige qu'avant toute collecte, une entreprise obtienne le consentement des individus et leur fournisse un objectif précis pour cette collecte. La même loi interdit le partage des informations rendues anonymes ainsi que leur diffusion en dehors du Québec, affirme le professeur Khoury. « Il ne faut pas qu'elles se retrouvent dans un paradis de données où des gens pourraient en faire ce qu'ils veulent. Ce ne sont pas tous les pays du monde qui ont de bons règlements. »
Le ministre de la Santé, Gaétan Barrette, a indiqué à La Presse qu'il était en train de vérifier si la Commission d'accès à l'information, chargée d'appliquer cette loi, pouvait enquêter sur l'utilisation des dossiers médicaux électroniques.
« Depuis 10 ou 20 ans, on a enlevé leurs pouvoirs à ces structures parce qu'elles sont sous-financées, ce qui les rend incapables de faire leur travail », déplore toutefois le professeur Williams-Jones.
Au fédéral, un juge a écrit en 2016 que les métadonnées « [pouvaient] dévoiler des détails spécifiques et intimes sur des individus », rapporte le professeur Khoury. Le magistrat a donc décidé que le Service canadien du renseignement de sécurité ne pouvait les conserver de façon indéfinie dans une banque, et devait se limiter aux informations « strictement nécessaires » aux fins d'enquête.
LA TRANSMISSION DE DONNÉES RENDUES ANONYMES PEUT-ELLE ÊTRE ACCEPTABLE ?
« Ça pourrait être acceptable de dire que l'État, pour le bien commun, peut les utiliser, car le citoyen en bénéficie, répond le professeur Williams-Jones. Mais ça doit être explicite qu'on recueille des données pour le bien public. Et il faut faire savoir aux gens qu'on a fait le travail de sécurisation en amont, pour s'assurer que cela ne leur nuira pas. »
Le bioéthicien voit d'un tout autre oeil leur utilisation par des entreprises. « Dans ce cas-là, comme citoyen, on n'est pas du tout au courant et on est totalement à l'extérieur de cet échange. Il y a prise de contrôle unilatérale de l'information, dit-il. Ça porte atteinte à la relation de confiance entre un patient et son médecin. Le médecin n'est plus capable de faire ce que les lois exigent de lui. »
« Les données massives créent des possibilités immenses de changer notre société, pour le meilleur et pour le pire. Il est essentiel d'exiger la transparence et [la reddition de comptes] de la part de nos gouvernants et des industries. »
COMMENT DIFFÉRENCIER LES DONNÉES EN JEU ?
Les données massives sont un « ensemble phénoménal de données », indique le professeur Khoury. Que ce soit sur le plan du volume (permettant de rassembler une vaste quantité de données sur la même personne), de la vélocité (plusieurs milliers de messages à la seconde) ou de la variété (textes, images, etc.). Le Québec comptant plus de huit millions d'habitants et leurs dossiers médicaux étant détaillés, cela représente des données massives, estime-t-il.
Les métadonnées sont des « données à propos de données » (ou associées à des données). Dans le cas d'un dossier médical, il peut s'agir de la date et de l'heure d'une consultation, du nombre de consultations, du nombre de médicaments prescrits, etc. Ce sont parfois des renseignements consolidés ou des statistiques.
http://www.lapresse.ca/actualites/sante/201803/02/01-5155859-dossiers-medicaux-a-vendre.php




Un médecin de famille si vous aimez leur page Facebook

La clinique médicale Évain a recruté de nouveaux patients via sa page Facebook.
Photo David Prince La clinique médicale Évain a recruté de nouveaux patients via sa page Facebook.
ROUYN-NORANDA | Une clinique médicale de l’Abitibi a offert de prendre en charge une centaine de nouveaux patients via sa page Facebook, un processus qui est légal, mais discutable selon plusieurs.
La clinique médicale Évain de Rouyn-Noranda a lancé l’événement Spécial Halloween sur sa page Facebook vendredi matin. La clinique offrait à 100 personnes qui n’ont pas de médecins de famille d’être prises en charge à condition d’«aimer» leur page et de partager leur publication. Les gens devaient aussi envoyer un courriel à la clinique. L’événement se terminait à 17 heures.
La clinique médicale précise qu’il ne s’agit pas d’un concours et que «l’événement a pour but de promouvoir les nouvelles technologies de l’information en santé.»
Selon nos informations, tous les gens qui ont effectué les trois étapes auront ainsi pu avoir un médecin de famille puisqu’une centaine de personnes sans médecin de famille ont participé.
Environ 10 000 personnes n’ont pas de médecins de famille à Rouyn-Noranda.
Questionnable
Pour Marie-Michèle Rheault, qui a déjà un médecin de famille, une telle façon de recruter de nouveaux patients est questionnable. «Je trouve ça insultant pour les gens qui attendent un médecin de famille depuis longtemps, ce qui n’est pas rare dans la région, et qui n’auront pas la chance de participer. Même si la clinique se défend d’en faire un concours ça en a toutes les caractéristiques», a-t-elle dit.
Le directeur des communications à la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec, Jean-Pierre Dion, n’encourage pas une telle pratique. «Ce n’est pas ce qu’on suggèrerait pour recruter de nouveaux patients. On incite plutôt à prendre les patients qui sont inscrits au Guichets d’accès, car il y en a encore à Rouyn-Noranda. Mais les médecins prennent toujours des médecins de façons aléatoires et c’est correct d’agir ainsi aussi. Je pense que la clinique a agi de bonne foi en voulant interagir avec leur communauté. C’est peut-être pas la façon la plus habile, mais au moins ils prennent de nouveaux patients. C’est une bonne nouvelle», a-t-il dit.
Sur sa page Facebook, la Clinique médicale d’Évain affirme de son côté avoir pris 1500 nouveaux patients depuis deux ans à partir du Guichet d’accès des gens sans médecins de famille et qu’ils ont 70% de leurs patients en clientèle vulnérable. Une information qui a cependant été impossible de valider hier.
Le ministère de la Santé a fait savoir de son côté que les cliniques privées ont le droit de choisir la façon de recruter leur clientèle de la façon dont elles le veulent, car les médecins sont des travailleurs autonomes.
La Clinique médicale d’Évain a refusé de répondre au Journal   

Santé: trop de personnels?










«On compte aux États-Unis, pour chaque médecin, environ seize professionnels qui vont accomplir des tâches liées à son action.» Le modèle américain étant toujours suivi de près par la Suisse, on peut imaginer que ce nombre est, peu ou prou, identique chez nous. Or, affirme Xavier Comtesse dans un interview donné au Matin Dimanche, «on sait, depuis plusieurs décennies, qu’un des facteurs clés qui contribue de façon majeure à l’augmentation linéaire et constante des coûts de la santé tient au recrutement toujours plus important de personnel». Un constat que partage Boris Zürcher, chef de la Direction du travail au Secrétariat d’État à l’économie: «Les prestations dites «proches de l’État» ont connu une croissance de l’emploi supérieure à la moyenne. C’est particulièrement le cas dans les domaines de la formation, de la santé et du social.» L’informatique, les logiciels et l’Internet vont, comme ailleurs, supprimer nombre de strates intermédiaires, principalement dans les emplois administratifs ou d’analyses de laboratoire.
Elias Zerhouni, directeur de la recherche et du développement de Sanofi, a résumé deux axes majeurs de déploiement de la médecine en proie à une amélioration de la productivité. La médecine personnalisée tout d’abord. Grâce au big data, aux algorithmes et à l’intelligence artificielle où les «machines» apprendront toutes seules, on n’attendra plus d’être malade; on pourra de plus en plus vite anticiper les pathologies dont nous pourrons souffrir et les traiter plus tôt, parfois plusieurs années avant que les premiers symptômes n’apparaissent. La troisième génération de l’Apple Watch, qui se fixe au poignet, est ainsi déjà capable de détecter un changement alarmant de votre rythme cardiaque et de vous prévenir deux heures avant une crise.
La prise de pouvoir des patients, ensuite. Prenant l’exemple des malades du sida ou des femmes souffrant d’un cancer du sein, Xavier Comtesse démontre dans son livre “santé 4.0” comment ces patients se sont saisis des réseaux sociaux pour se conseiller mutuellement, pratiquer des essais cliniques de nouveaux traitements et en signaler presque immédiatement les effets positifs ou négatifs. «Ce sont les personnes séropositives qui sont ainsi parvenues à imposer la trithérapie, explique l’auteur. Bien avant que tous les protocoles cliniques classiques soient arrivés aux mêmes conclusions. Ce phénomène – au centre aujourd’hui des plus grandes recherches scientifiques, y compris récemment avec l’éclipse solaire aux États-Unis – est appelé l’empowerment. La compilation, la sélection et le traitement de centaines de millions de données vont accélérer la recherche médicale et les soins comme jamais auparavant.
C’est sans doute là le cœur même de ce qui n’est plus une évolution mais une véritable révolution: «Ce double mouvement, issu de l’empowerment des individus et de l’offensive des entreprises du Net, jusqu’à récemment peu impliquées dans le domaine de la santé, va profondément affecter le système de santé.» Y compris l’ensemble des régulations que les États ont mis en place. Uber ou Airbnb ont-ils attendu la permission pour bousculer le secteur des taxis ou de l’hôtellerie, pourtant très contrôlés? Nous deviendrons des acteurs, des propatients.
Xavier Comtesse: «Un dialogue va devoir s’installer entre professionnels et patients, car ces derniers détiendront désormais les précieuses données. Terminé la blouse blanche et les arguments d’autorité. La santé devient l’affaire de tous et non plus de quelques-uns.»
(propos extrait d’un article paru dans le Matin Dimanche
Xavier Comtesse

XAVIER COMTESS

Dans les années 70/80, Xavier Comtesse est le co-créateur de trois start-ups à Genève: les éditions Zoé, la radio locale Tonic et «Le Concept Moderne». Il est ensuite haut fonctionnaire à Berne auprès du Secrétaire d’État à la Science avant de rejoindre l’Ambassade Suisse à Washington comme diplomate. En 2000, il crée la première Swissnex à Boston puis rejoint le Think Tank «Avenir Suisse» comme Directeur Romand. En 2015 il lance avec quelques experts «HEALTH@LARGE», un nouveau Think Tank sur la santé numérique. Il est mathématicien et docteur en informatique. Il est l’auteur du livre: Santé 4.0 paru récemment aux éditions Georg, Genève.

https://blogs.letemps.ch/xavier-comtesse/2018/01/02/sante-trop-de-personnel/


Diagnostic et prescription sans consulter un médecin

Anne Caroline Desplanques | Agence QMI
L’inventeur de la plateforme, le physicien Francis Nicloux.
Anne Caroline Desplanques
L’inventeur de la plateforme, le physicien Francis Nicloux.
Une startup québécoise lance une plateforme médicale intelligente qui permet d’obtenir un diagnostic et une prescription sur internet, sans consulter un médecin.
Un mal de tête vous tourmente depuis deux jours. Vous êtes congestionné. La toux ne vous laisse pas fermer l’œil la nuit. Vous aimeriez voir un médecin, mais la seule perspective d’attendre à la clinique d’urgence du quartier augmente vos maux de tête.
AkioSoft propose d’obtenir un diagnostic et une prescription sans sortir de chez soi grâce à un questionnaire détaillé et personnalisé s’adaptant au patient d’une réponse à l’autre.

Questionnaire intelligent

À la fin du questionnaire, le système propose une liste de diagnostics probables en puisant dans les 8000 maladies de sa base de données.
«Le système propose des diagnostics auxquels les médecins eux-mêmes ne pensent pas», sourit l’inventeur de la plateforme, le physicien Francis Nicloux.
«L’intelligence artificielle nous fait entrer dans une autre dimension», dit-il. Le robot apprend d’un patient à l’autre et affine ainsi ses diagnostics, une première médecine généraliste selon M.Nicloux.
AkioSoft transmet les réponses du patient et ses conclusions au médecin de famille qui peut convoquer le patient en cabinet pour une consultation, l’envoyer faire des examens, le référer à un spécialiste ou transmettre une prescription à la pharmacie.

Productivité accrue

«Ça représente un gain d’efficacité énorme pour le système de santé», dit M. Nicloux. «Les médecins pourront traiter plus de patients sans nécessairement travailler plus et avec une grande souplesse d’horaire», explique-t-il.
Les avantages de la médecine à distance sur les plans de l’accessibilité, de la qualité et de la productivité se sont chiffrés à plus de 2,5 milliards de dollars dans l’ensemble du réseau de la santé canadien en 2015, d’après l’organisme Inforoute.
M. Nicloux présentera son prototype mercredi matin au Congrès annuel de médecine. Dès mercredi, les médecins de famille pourront y adhérer gratuitement et proposer le service à leurs patients.

Pas remboursé

Le service sera payant, car les consultations à distance ne sont pas prises en charge par la Régie de l’assurance maladie du Québec. Il coûtera 5 $ de frais d’abonnement mensuel et 30 $ par consultation, dont 25 $ seront versés au médecin.
Le ministère de la Santé n’entend pas pour le moment réviser sa position quant au remboursement des soins à distance, car, jusqu’à présent, « le cadre réglementaire n’a pas freiné le développement en télésanté », indique la porte-parole du ministère, Noémie Vanheuverzwijn.
Au Canada, seule la Colombie-Britannique rembourse les consultations médicales à distance.

   

•870 267 consultations à distance entre patients et médecins en 2016, contre 187 385 en 2010.
•65 M$ en frais hospitaliers épargnés par les services d’urgence du Québec, de l’Ontario, de l’Alberta et de la Colombie-Britannique grâce à la télésanté en 2016.
•14 à 22 % des Canadiens utilisaient des services de santé numérique en 2016 contre 6 à 7 % en 2014.
•47 millions de kilomètres de déplacements et 70 millions de dollars en frais connexes épargnés grâce à la télésanté, en 2010 uniquement.
•93 % des médecins qui utilisent un dossier médical électronique affirment que cet outil leur permet d’offrir de meilleurs soins aux patients.
•100 000 nouvelles applications mobiles santé ont été créées en 2016 dans le monde.
Sources : Inforoute Santé du Canada, Research2Guidance, OMS http://www.tvanouvelles.ca/2017/10/25/diagnostic-et-prescription-sans-consulter-un-medecin-1




santé connectée

«La protection des données de santé est un numéro d'équilibriste»

A la tête de l'une des unités européennes en charge d'accompagner le monde médical dans sa transformation numérique, Miguel Gonzalez-Sancho décrit comment passer de la santé à la e-santé
Il n’y a pas que dans les médias ou les relations sociales que s’opère la révolution numérique: la santé aussi est en pleine transformation. Nommé cet été à la tête de l’unité «E-santé, bien-être et vieillissement» à la Commission européenne, Miguel Gonzalez-Sancho participe, avec d’autres organes européens, à l’élaboration de plans d’action politiques dans le domaine de la santé numérique. Récemment invité à Genève pour l’Annual Health Care Summit, événement organisé par Politico et Le Temps, il livre ses réflexions sur le sujet.
«Le Temps»: La santé opère une mutation numérique. Quels sont d’après vous les principaux chantiers auxquels l’Europe doit faire face?
Miguel Gonzalez-Sancho: Un défi majeur réside, selon moi, dans la fragmentation des données liées à la santé. Notre relation au corps médical a toujours été surtout locale: on consulte un médecin qui habite dans le même quartier que soi, on se rend dans l’hôpital le plus proche, bref il y a une certaine proximité entre les patients et les établissements. C’est très bien, mais cela a conduit à un morcellement des données au sein des pays européens, des régions, voire au sein des établissements eux-mêmes.
Si l’on veut, par exemple, avoir un dossier médical électronique au niveau européen, il faut que toutes les données soient interopérables, c’est-à-dire compatibles avec la multitude de systèmes informatiques existants. La problématique ne date pas d’hier, mais elle est loin d’être résolue.
- Où en sommes-nous aujourd’hui?
- Depuis 2011, il existe une directive européenne au sujet des soins transfrontaliers. L’idée, c’est que le dossier médical suive les patients dans leur mobilité en Europe: par exemple qu’un hôpital italien qui reçoit un patient hongrois puisse consulter son dossier médical sans avoir à repartir de zéro. Pour cela, il faut faire communiquer les bases de données de santé concernées. C’est un travail de longue haleine: parfois, des choses aussi simples que l’information sur le sexe du patient, masculin ou féminin, ne peuvent être transposées d’un système à l’autre!
- Développer une infrastructure européenne ou faire avec ce qui existe: quelle est selon vous la meilleure option?
- Il est préférable de faire communiquer des systèmes existants entre eux, autant que possible. Des programmes européens ont ainsi financé certains projets pilotes qui examinent en profondeur des systèmes numériques de santé au sein d’un pays, du code informatique utilisé aux législations en vigueur. Les résultats collectés dans divers pays sont ensuite comparés entre eux dans le but de permettre, par la suite, de rendre compatibles ces bases de données entre elles. L’objectif derrière tout cela est d’établir une série de recommandations, de bonnes pratiques, que les états membres sont libres d’adopter.
- Quels sont les autres grands défis?
- L’autre challenge est lié à l’explosion des données. Comment les interpréter, les traiter, les stocker, les protéger? C’est une ressource nouvelle qu’il faut apprendre à gérer. C’est d’ailleurs ce qui explique aussi l’émergence de nouveaux acteurs dans le domaine de la santé, tels que Google ou Apple, qui ne sont pas des spécialistes du corps humains mais des experts des données.
Je vois également un troisième grand défi lié au patient. Avec les nouveaux outils numériques, ce dernier change de rôle. Il n’est plus passif, mais devient proactif dans la recherche d’informations médicales ou la récolte de données de santé ou sur son style de vie grâce à des capteurs. Lorsqu’il arrive chez le médecin, il a déjà avec une opinion sur son état de santé! Non pas que ce soit mal, mais c’est un changement induit par ces nouvelles technologies qu’il faudra prendre en compte.
- Les nouveaux outils numériques vont-ils vraiment trouver place dans la pratique médicale?
- La question reste ouverte. Aujourd’hui, combien de temps voyez-vous votre médecin chaque année? Deux heures? Trois? Faire un réel suivi médical sans capteurs de santé est quasi-impossible. Bien entendu, tout n’est pas bon à prendre, il y a certainement beaucoup de données inutiles dans tout cela. Mais cela ouvre tout de même de nouvelles perspectives pour les médecins qui auront accès à ces données et connaîtront l’état de leurs patients avec bien plus de précision qu’ils ne le font aujourd’hui.
- Se pose également la question de la confidentialité de données de santé. Comment la garantir aux Européens?
- Les données de santé sont par nature très personnelles et donc sensibles. En Europe, elles disposent d’un statut de protection parmi les plus élevés. Nous avons depuis mai 2016 dans l’Union une réglementation générale qui assure un cadre commun pour les données personnelles, avec un statut spécial, une protection renforcée pour les données de santé.
Mais il faut garder à l’esprit que pour faire progresser la recherche, ou pour assurer une surveillance épidémiologique efficace, nous avons besoin de récolter un maximum de données. C’est également une question de business, car elles ont une importante valeur marchande.
La protection des données de santé est un numéro d’équilibriste. Il faut d’un côté les défendre, et de l’autre assurer leur circulation.
- D’après le spécialiste en cybersécurité Symantec, 20% des applis de santé ne cryptent même pas leurs données. Que faire face à ce risque de piratage et de vol de données?
Les banques sont confrontées à ce même problème depuis des années et elles savent se protéger. Mais les vols seront inévitables. Là encore c’est un équilibre à trouver: il faut accepter que la santé numérique procure des bénéfices importants pour la société, mais que cela implique aussi d’autres risques.
https://www.letemps.ch/sciences/2016/10/31/protection-donnees-sante-un-numero-dequilibriste

Consulter son médecin par application plutôt qu’en clinique


L'application mobile en santé Dialogue.co, lancée au Québec lundi, permet de consulter un médecin sans avoir à se déplacer. Mais les fédérations des omnipraticiens et des médecins spécialistes et la Régie de l'assurance maladie du Québec (RAMQ) refusent de se prononcer sur l'arrivée de ce nouvel outil, puisque trop de variables demeurent inconnues.
Un texte de Mathieu DionTwitterCourriel correspondant parlementaire à Québec L'application permet d'avoir accès directement à un professionnel de la santé à l'aide d'un téléphone intelligent, mais elle ne s'adresse qu'à des entreprises qui choisissent de l'offrir à leurs employés.






L'application de santé et bien-être Dialogue.co
L'application de santé et bien-être Dialogue.co   Photo : Dialogue.co
Les employés bénéficiant de l'abonnement de leur employeur peuvent envoyer leurs questions à une infirmière par messages textes à même l'application et de façon confidentielle. Si celle-ci n'est pas en mesure de répondre, elle les redirige vers d'autres professionnels : nutritionnistes, psychologues, médecins de famille ou médecins spécialistes.
L'intervention des professionnels peut aller jusqu'à une conversation vidéo encryptée dans l'application. Si nécessaire, les médecins associés au projet peuvent également prescrire un médicament à distance.
Les médecins sont soit affiliés, soit désaffiliés du réseau public. S'ils sont affiliés, les heures passées sur la plateforme seront comptabilisées en supplément de leur temps régulier.
Une première au Québec
Une application offrant une gamme de soins aussi importante est une première dans la province. Puisqu'elle relève entièrement du secteur privé, elle n'aurait nul besoin de l'approbation des autorités de la santé, selon ses concepteurs.
Le Collège des médecins indique toutefois que la télémédecine demeure un terrain inconnu au Québec.
L'ordre professionnel a émis plusieurs mises en garde dans un guide d'exercice en 2015 :
  • Le médecin doit détenir un permis d'exercice au Québec pour pratiquer sur le territoire.
  • Les mêmes normes déontologiques doivent être respectées.
  • Le médecin doit faire faire preuve de prudence et de diligence.
La téléconsultation ne peut remplacer le questionnaire et l'examen physique du patient.




Collège des médecins du Québec
D'ailleurs, les fédérations des omnipraticiens et des médecins spécialistes et la Régie de l'assurance maladie du Québec n'ont pas voulu se prononcer sur l'arrivée de cette nouvelle application puisqu'il y a trop de variables inconnues. La RAMQ rappelle néanmoins qu'un médecin souhaitant pratiquer au privé doit être désaffilié du régime public; les deux ne peuvent cohabiter dans la même journée pour un service assuré par la Régie.
Déjà 5000 employés
L'application a été mise sur pied par trois entrepreneurs québécois, Cherif Habib, Alexis Smirnov et Anna Chif. L'une des sources de financement est Diagram Ventures, un fonds d'investissement montréalais qui compte parmi ses commanditaires Power Corporation.
J'ai toujours voulu réduire l'absentéisme au travail, et ça, c'est une façon de le faire. On va accroître la productivité des entreprises au Québec.




Cherif Habib, cofondateur de Dialogue.co
Selon Cherif Habib, une vingtaine d'entreprises regroupant 5000 employés ont participé à la mise sur pied de Dialogue.co en tant que clients. Le coût de l'abonnement varie en fonction des options prises par l'employeur, mais compenserait celui de l'absentéisme au travail dû à l'attente en clinique.
M. Habib affirme que 70 % des visites de première ligne peuvent être traitées par téléphone : « Souvent, les gens qui vont dans la salle d'attente ne devraient pas y aller. Ils ont besoin d'être rassurés et d'obtenir de l'information. »
Ailleurs dans le monde
Des services de télémédecine existent ailleurs dans le monde et au Canada. En Ontario, le gouvernement a mis sur pied un réseau de télémédecine pour les communautés éloignées.
En 2015, une étude de l'IMS Institute for Healthcare Informatics recensait pas moins de 165 000 applications en santé et bien-être destinés aux plateformes d'Apple iOS et Google.
Pour l'instant, Dialogue.co n'est pas disponible pour les citoyens au Québec; l'abonnement est seulement offert aux entreprises. Ses créateurs prévoient-ils rendre son application disponible au grand public un jour? Les dirigeants de Dialogue.co n'en ont pas l'intention à court et moyen terme.
http://ici.radio-canada.ca/nouvelles/techno/2016/10/24/001-application-mobile-telemedecine-quebec-telephone-medecin.shtml

La santé (autrement) | Dr Jean Gabriel Jeannot
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Consulter un médecin en ligne, l’avenir?


De nombreux problèmes médicaux peuvent être réglés en ligne, sans que vous ayez besoin de vous déplacer. Même si pour votre opération de l’appendicite, je vous conseille tout de même le contact direct avec votre chirurgien, la téléconsultation est imaginable pour de très nombreuses situations. On pense bien sûr à la médecine générale mais  la consultation à distance peut en réalité concerner presque n’importe quelle spécialité médicale : l’endocrinologue pour votre diabète, le gastroentérologue pour votre acidité gastrique ou le dermatologue à qui vous pourrez envoyer une photo de votre peau.
La téléconsultation peut prendre différents visages : le téléphone, pas vraiment nouveau, le courrier électronique ou la vidéo.
Est-ce utile ? La rencontre physique entre médecin et patient n’est pas toujours nécessaire. Votre médecin ne vous examine pas physiquement chaque fois que vous le consultez. Les parents des enfants qui ont la mauvaise idée de tomber malade le samedi soir vous diront eux sans hésitation qu’ils préfèrent un conseil téléphonique, lorsque c’est suffisant, à une attente de plusieurs heures à la policlinique la plus proche.
Le développement de la télémédecine se vit de façon très différente d’un pays à l’autre. En France par exemple, le Conseil national de l’Ordre des médecins a publié en février un rapport Télémédecine et autres prestations médicales électroniques (PDF) dont l’objectif est de « répondre aux besoins médicaux des patients sans laisser s’installer une ubérisation de la médecine ». En Suisse, la téléconsultation semble ne pas inquiéter, par acceptation ou par méconnaissance du phénomène?

Première option, votre médecin
Première option, demander à votre médecin si vous pouvez, quand une rencontre physique ne se justifie pas, le contacter par téléphone ou par courrier électronique. J’ai déjà présenté dans un autre article de ce blog l’intérêt de la communication par courrier électronique entre médecins et patients et l’importance de suivre certaines règles. L’avantage de cette solution est de pouvoir être soigné par un médecin qui vous connait. Le désavantage ? Votre médecin n’est pas joignable 24 heures sur 24.

Deuxième option, les centrales téléphoniques
La téléconsultation est très développée en Suisse, la société Medgate a par exemple traité 725’000 cas en 2015, avec jusqu’à 5000 appels les jours d’affluence. Cinquante pour cent des cas sont résolus directement par téléphone. Le service est disponible 365 jours par an, 24h/24, en allemand, français, italien et en anglais. Les médecins ont la possibilité de délivrer des ordonnances et d’établir des certificats d’incapacité de travail. Ce service est à la disposition des assurés des 25 caisses qui ont conclu un contrat avec Medgate, ce qui représente près d’un tiers de la population suisse. Pour les autres, une affiliation payante est possible.

Troisième option, Tondocteur.ch
Le site Tondocteur.ch propose « des consultations médicales en ligne avec des médecins suisses, remboursables par votre assurance ». Le site permet d’obtenir un rendez-vous ou une téléconsultation en effectuant une recherche à partir du nom d’un médecin, d’une ville ou d’une spécialité. La particularité de Tondocteur.ch est de travailler avec des médecins installés, qui ont le plus souvent leur propre cabinet médical.  Une journaliste de la Tribune de Genève a testé Tondocteur.ch, cette expérience décevante ne suffit cependant pas à évaluer la qualité de ce service.

Les défis
Pour répondre aux besoins et attentes des citoyens – patients, les services de téléconsultation vont à l’avenir prendre une place toujours plus grande au sein du système de santé suisse. Même si la téléconsultation a un aspect pratique indéniable, le premier défi à relever sera celui de la qualité. Mais la télémédecine sera plus intéressante  encore lorsqu’elle proposera une prise en charge intégrée, avec une étroite collaboration entre les médecins qui vous soignent au quotidien, votre généraliste en particulier, et ces cybermédecins disponibles 24h/24.

Que vous soyez patient ou professionnel de la santé, votre avis m’intéresse. N’hésitez pas à publier un commentaire…
  https://blogs.letemps.ch/dr-jean-gabriel-jeannot/2016/08/21/consulter-un-medecin-en-ligne-lavenir/
La santé (autrement) | Dr Jean Gabriel Jeannot
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Communiquer par courrier électronique avec son médecin?


Mon expérience

Je communique quotidiennement avec mes patients par courrier électronique, je ne pourrais simplement plus m’en passer. Mes patients l’utilisent pour me poser des questions ou pour me donner des nouvelles. J’utilise l’e-mail pour leur transmettre les résultats de leur prise de sang ou le rapport d’un spécialiste consulté.
Pour moi, le courrier électronique est un bon complément à la consultation et au téléphone. Si l’échange par téléphone à l’avantage de permettre une interaction directe, le mail a celui  de pouvoir être envoyé et lu  à n’importe quel moment. J’ai le sentiment que cela permet à mes patients de me poser des questions pour lesquelles ils ne me dérangeraient pas par téléphone.  Je suis aussi convaincu qu’un patient comprendra mieux les informations médicales que je lui envoie par mail s’il peut les lire et les relire plutôt que si je les lui transmets uniquement oralement par téléphone (analyses sanguines, rapport de radiographie, rapport de spécialiste, etc.).
Pour que l’utilisation du courrier électronique à des fins médicales soit sans danger, plusieurs règles doivent être respectées. C’est pour cette raison qu’au bas de chacun des mails que j’envoie figure un lien vers des règles d’utilisation du courrier électronique , règles inspirées de recommandations officielles.

L’utilisation du courrier électronique en Europe

Il n’existe à ma connaissance pas de chiffres sur l’utilisation du courrier électronique entre médecins et patients en Suisse. Au niveau européen, une étude basée sur des chiffres de 2011 montre que la situation varie fortement d’un pays à l’autre, de 50.7 % d’utilisation au Danemark à 18.7 % en France. Les auteurs concluent en disant que la faible utilisation du courrier électronique dans certains pays ne reflète souvent pas un manque d’intérêt mais la présence de barrières, techniques ou légales. La situation semble évoluer avec le temps puisqu’un sondage effectué en France en 2015 auprès de 1042 médecins montre un taux d’utilisation de 72 %, très éloigné du 18.7 % de l’étude européenne. Il faut cependant souligner que pour la majorité de ces médecins, l’échange de courrier avec leurs patients n’est pas encore une pratique quotidienne, 11 % déclarant l’utiliser souvent, 61 % parfois.

Une pratique utile ?

Une étude publiée en 2015 portant sur 1041 patients souffrant d’affections chroniques en Caroline du Nord apporte des chiffres intéressants : 32 % des patients déclarent que l’utilisation du courrier électronique améliore leur santé, 67 % répondent que cela n’est ni positif, ni négatif, seul 1 % affirme que l’utilisation du courrier électronique a un impact négatif. 46% des personnes interrogées ont déclaré utiliser le courrier électronique comme premier moyen de pour contacter leur médecin. Parmi ceux qui échangent par mail avec leur médecin, 36 % affirment que cela réduit pour eux le nombre de visites au cabinet.
La source d’informations la plus intéressante sur les avantages et dangers de l’utilisation du courrier électronique entre soignant et soigné est certainement l’article Should patients be able to email their general practitioner? publié en 2015 dans le British Medical Journal. Un médecin en faveur de l’utilisation du courrier électronique  et un autre contre cette pratique  s’opposent, chacun citant les études qui appuient sa position.
Pour ce qui est des arguments positifs, on y apprend que « les études effectuées  n’ont pas montré que l’utilisation du courrier était dangereuse, même si des études de qualité manquent encore ». Un autre point me paraît essentiel, les études qui se sont intéressées à l’avis des patients montrent que la satisfaction des patients qui échangent avec leur médecin par mail est généralement élevée, un élément important.
Il est surprenant de découvrir que personne ne mentionne le fait que l’email peut être envoyé à plusieurs destinataires simultanément, une option très utile pour une médecine qui fonctionne toujours plus en réseau.
Pour ce qui est des arguments contre l’utilisation de l’e-mail, on retiendra le fait qu’aucune étude n’a montré que son utilisation avait un impact sur la santé des patients. Mais aussi le fait que le téléphone, qui permet un échange immédiat, lui serait supérieur. Des arguments, pour être honnête, qui ne m’impressionnent pas beaucoup.
Un argument négatif doit par contre être pris au sérieux, le risque pour le médecin d’être noyé sous les e-mails, au risque de surcharger des journées déjà bien remplies.

« Certains matins, j’avais jusqu’à 50 mails à traiter… »

Une jeune généraliste française épuisée a récemment dû prendre des mesures radicales  pour survivre, elle a notamment décidé de fermer sa messagerie électronique :
 « Certains matins, j’avais jusqu’à 50 mails à traiter, des patients qui m’envoyaient une photo de leur panaris et qui me demandaient une ordonnance à récupérer le midi… C’était devenu impossible ».
Cet exemple, même s’il dénonce une situation qui va bien au-delà de la problématique du courrier électronique, rappelle aux patients qui souhaitent communiquer par mail avec leur médecin que cela implique le respect de certaines règles et aux médecins qui se lancent dans l’aventure que cela prend du temps.




Dr Jean Gabriel Jeannot

Dr Jean Gabriel Jeannot

Médecin, spécialiste en médecine interne, avec un intérêt particulier pour l’utilisation des technologies de l’information et de la communication en médecine.
La santé (autrement) | Dr Jean Gabriel Jeannot
AppSante-750-410




Les applications santé, vraiment utiles?


La santé mobile serait-elle à un tournant décisif de son histoire ? Les smartphones sont omniprésents dans notre quotidien, mais quelle est l’utilité des applications santé ?

Une application santé ?

Avant d’essayer de répondre à la question de l’utilité, il est essentiel de présenter les différentes familles d’applications santé.
  1. Les applications pour le grand public. On peut penser par exemple à l’application myViavac qui permet à tout un chacun de créer son propre carnet de vaccination.
  2. Les applications destinées aux patients. Ces applications sont le plus souvent dédiées à une maladie en particulier. Pour prendre comme exemple les applications développées par les Hôpitaux universitaires de Genève, on peut citer Webdia pour les diabétiques ou ELISP IC destinée aux patients souffrant d’insuffisance cardiaque. Autre exemple, l’application Pollens news du centre d’Allergie Suisse qui met à disposition des allergiques les prévisions polliniques mais aussi des conseils pratiques.
  3. Les applications destinées aux professionnels de la santé comme la base de données médicamenteuses Compendium.
  4. Les applications dédiées à la relation professionnel de santé – patient, Mon coach douleur permet aux patients cancéreux d’enregistrer jour après jour leurs douleurs mais aussi de partager ces observations en consultation avec les professionnels de la santé.
Il existe bien sûr des applications qui n’entrent pas dans ces quatre grandes catégories, l’application Heal qui permet en Californie d’appeler un médecin à domicile, comme vous commanderiez un taxi, en est un exemple.

Les applications santé sont-elles utiles, valides ?

Les travaux réalisés par DMD santé en France apportent un éclairage intéressant sur la qualité des Apps santé. DMD santé a en juillet 2015 analysé les 150 applications santé les plus téléchargées en France, le constat est amer :
  • 79 % n’ont pas de conditions générales d’utilisation. Vous les utilisez, vous ne savez pas ce que vous acceptez…
  • Seules 62 % des Apps précisent clairement à qui elles sont destinées.
  • 62 % comportent un contenu médical ou scientifique, seules 19 % d’entre elles citent leurs sources.
  • 24 % des applications déclarent l’intervention d’un professionnel de la santé au moment de la conception, un chiffre proche de zéro lorsqu’il s’agit des patients. Il parait pourtant assez évident que les besoins des patients doivent être pris en compte au moment de la conception de ces applications.
  • 59 % ont une fonction évidente de recueil de données (pathologies, adresse mail, sexe, poids, traitement, géolocalisation), dont 42 % ne donnent aucune information en lien avec le traitement des données.
La plupart des travaux effectués en mSanté arrivent aux mêmes conclusions. Que ce soient les travaux de la puissante American Heart Association sur le contrôle des facteurs de risque cardiovasculaires par la mSanté (69 études analysées, un rapport de 58 pages !), cette étude de la collaboration Cochrane sur l’autogestion de l’asthme ou ces travaux sur l’utilisation des applications santé aux USA, tous concluent que de nouvelles études devront être menées pour pouvoir définir l’utilité des applications santé en médecine.
Attention en tout cas aux fausses promesses : en septembre 2015 la société Carrot Neurotechnology a reçu une amende de 150 000 dollars de la Commission fédérale américaine du commerce pour avoir indiqué que son application Ultimeyes  pouvait améliorer la vision, sans preuve scientifique suffisante.

Des labels qualité

Pour répondre à cette problématique, de nombreuses instances travaillent à l’élaboration de label de qualité. En Grande-Bretagne où coexistent un programme public du Ministère de la santé britannique et le projet privé Patient View. En Espagne avec le projet andalou Distintivo AppSaludable. En Europe où la Commission européenne a créé un groupe de travail. Aux USA où plusieurs projets existent, iMedicalApps.com, le projet Happtique et enfin une initiative de la  FDA (Food and Drug Administration). Même si l’on peut se réjouir de voir ces projets se développer, aucun ne semble à ce jour avoir trouver la recette parfaite pour une validation de qualité des applications santé.
Parmi ces initiatives, le programme scientifique européen de validation de la qualité des applications mobiles développé par DMD santé paraît particulièrement prometteur . Ce label mHealth Quality s’adressera aux applications santé mais aussi aux objets connectés : seront analysés les aspects  juridiques et réglementaires, la conformité éthique, la sécurité du code, la valeur d’usage au travers de panel d’usagers potentiels, la pertinence des contenus médicaux et le respect de la vie privée.

Un monde en devenir

La troisième édition des Trophées de la Santé Mobile organisés en France par DMD santé en ce début d’année permet de découvrir des applications de qualité. Pour la première fois, les postulants devaient être labellisés mHealthQuality. On y trouve une application qui permet de signaler et de suivre les effets indésirables des médicaments, une autre pour les patients souffrant d’un diabète de type 1 mais aussi une application qui permet à chacun de s’informer sur le don d’organes, de créer sa propre carte de donneur et de dire à ses proches son engagement à être donneur (à signaler pour la Suisse que l’application Echo 112 a le même objectif : même si sa fonction première est de signaler en cas d’urgence sa position aux services de secours, elle permet également de créer une carte de donneur officielle).
Nous sommes actuellement en médecine dans une situation dichotomique : d’un côté un nombre d’appareils capables de mesurer des données santé sans cesse grandissant (mais aussi un enthousiasme certain de nombreux utilisateurs et « experts » de la eSanté), d’autre part la faiblesse des données montrant l’utilité et la validité de ces outils.
Il est, pour le monde médical, indispensable de pouvoir obtenir des réponses sur les possibles utilisations de la mSanté en médecine. C’est indispensable pour les citoyens / patients mais également pour les professionnels de la santé.  Les technologies, applications, objets connectés, smartphones sont là, leurs utilités en santé / médecine restent encore à définir.

Une vidéo pour tout résumer

AppSante
La journaliste Chloé Garrel, une App vient de lui diagnostiquer une dépression… Ceux qui souhaitent en savoir plus pourront regarder cette  vidéo « Applications sans ordonnance » qui montre de façon ludique et pertinente les potentialités mais surtout les limites des Apps santé (11 minutes).

Vous utilisez une application santé ?

Si vous utilisez une application et que vous la jugez de qualité, merci de la signaler en laissant un commentaire à la fin de cet article.

Québec crée un guichet unique d'accès à un médecin de famille

Les médecins se plaignaient de ne pas avoir... (PHOTO ANDRÉ TREMBLAY, ARCHIVES LA PRESSE)
Les médecins se plaignaient de ne pas avoir accès à la liste des patients inscrits aux guichets d'accès pour les clientèles orphelines (GACO). Ils vont maintenant l'avoir avec le guichet unique, par l'entremise d'un portail de la Régie de l'assurance maladie du Québec.
PHOTO ANDRÉ TREMBLAY, ARCHIVES LA PRESSE

Tommy Chouinard
Tommy Chouinard
La Presse
(Québec) Québec crée un guichet unique d'accès à un médecin de famille pour remplacer les guichets régionaux qui existaient jusqu'ici. Le coût s'élève à deux millions de dollars.
Le ministre de la Santé et des Services sociaux, Gaétan Barrette, fait valoir que les patients à la recherche d'un médecin pourront s'inscrire plus facilement, sur un site web, par téléphone ou directement chez un médecin. Comme l'ancien système, la priorité est accordée à la « clientèle vulnérable » par rapport aux jeunes et aux adultes en bonne santé sans maladie chronique.
Lors d'une conférence de presse mardi, le ministre a glissé qu'il n'avait pas lui-même un médecin de famille. Questionné pour savoir si c'est par choix ou parce qu'il est difficile d'en avoir un, M. Barrette, qui est lui-même médecin, a répondu avec une boutade : « Je ne sais pas s'ils veulent m'avoir! »
Le nouveau guichet intègre les inscriptions déjà faites auprès des guichets d'accès pour les clientèles orphelines (GACO).
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Il y avait 500 000 patients inscrits aux GACO. Or, à l'issue de l'intégration, il y a maintenant 359 000 patients. Il y avait des doublons, a expliqué M. Barrette en conférence de presse mardi. « On vient d'épurer la liste de 20 %, mais j'aimerais qu'elle augmente de 20 %. Parce que nous voulons que les gens s'inscrivent et que les médecins les recrutent. »
Les médecins se plaignaient de ne pas avoir accès à la liste des patients inscrits aux GACO. Ils vont maintenant l'avoir avec le guichet unique, par l'entremise d'un portail de la Régie de l'assurance maladie du Québec.
Un médecin peut sélectionner lui-même le patient qu'il veut prendre en charge, mais le gouvernement vérifiera si « le comportement de sélection est inapproprié ». « Il y aura une intervention » auprès des médecins qui ne prennent en charge que des enfants de 7 à 14 ans en bonne santé et boudent les personnes âgées, a indiqué M. Barrette, refusant d'entrer dans les détails pour le moment.
Gaétan Barrette a d'ailleurs lancé un message aux médecins : « Vous ne pouvez plus invoquer un manque d'accès aux données, à la liste » pour justifier qu'il est difficile de prendre en charge des nouveaux patients.
La création de ce guichet unique fait suite à une entente signée entre Québec et la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec (FMOQ). Cette entente prévoit que 85 % des Québécois auront un médecin de famille d'ici le 31 décembre 2017. Si un médecin ne respecte pas les obligations qui sont prévues à l'entente, sa rémunération sera amputée jusqu'à 30 % à compter du 1er janvier 2018.
Pour atteindre la cible de 85 %, 1,2 million de patients supplémentaires devront avoir un accès à un médecin, a indiqué M. Barrette. Mais il a laissé entendre qu'un certain nombre de patients ont réussi à avoir un médecin de famille depuis que cette cible a été fixée, l'an dernier.

Un guichet d’accès unique aux médecins de famille sur internet

Le ministre Barrette veut 1,2 million de nouveaux patients pris en charge

Gaétan Barrette
Photo d'archives Gaétan Barrette
À vos claviers d’ordinateur! Vous pouvez maintenant vous inscrire, en ligne, au nouveau guichet d’accès à un médecin de famille (GAMF), ce qui devrait améliorer votre prise en charge dans le système de santé.
Dans la foulée de sa loi 20, le ministre de la Santé Gaétan Barrette a annoncé cette nouvelle plateforme, mardi matin. Mis en ligne lundi, le système s’adresse aux usagers âgés de plus de 14 ans et qui détiennent une carte d’assurance maladie valide.
«Ça permet à la population de s’inscrire elle-même à tout moment, 24 heures par jour, sept jours par semaine», a indiqué le ministre. En s’inscrivant, les citoyens peuvent ainsi consulter leur page personnelle et modifier certaines informations concernant leur état de santé.
N’ayez crainte, tous les patients qui étaient déjà inscrits sur les listes des patients orphelins ont été transférés sur cette nouvelle base de données.
Le nombre de patients sur la liste a également été réduit de 20 % en raison de l’élimination des doublons. «La semaine dernière, il y avait plus de 500 000 personnes inscrites sur les listes de patients orphelins et la migration nous a fait descendre à 359 000», a souligné le docteur Barrette.
Ces patients ont aussi accès à leur page personnelle, tout comme ceux qui ont déjà un médecin de famille.
«En faisant ça, vous êtes automatiquement sur une liste qui serait mise à la disposition des médecins, a expliqué Gaétan Barrette. Ce que nous voulons, c’est que les gens s’inscrivent et que les médecins recrutent. On veut que le nombre de patients augmente.»
Il espère ainsi que 85 % de la population puisse avoir accès à un médecin de famille dès l’an prochain. Pour le moment, il y aurait environ six millions de Québécois qui ont un médecin, mais le ministre espère 1,2 million de patients pris en charge le plus rapidement.
Médecins sous surveillance
Le ministre de la Santé a aussi lancé un message aux omnipraticiens, affirmant qu’ils ne pourront plus se plaindre du manque de patients dans leur horaire. «Les patients sont là, ils sont sur une liste», plaide-t-il.
Cette nouvelle base de données permettra aux médecins de choisir en priorité les patients selon l’importance du dossier médical, leur région et leur code postal.
Puis, la base de données assurera un suivi serré des agissements des omnipraticiens. Leurs choix de patients seront épiés ainsi que le pourcentage de clients qu’ils doivent suivre.
«Nous allons pouvoir, en direct et en ligne, avoir la situation du Québec à tout moment, explique-t-il. Par exemple, si des médecins avaient la tendance malheureuse à sélectionner un seul type de patients, nous allons le voir en ligne, en direct.»
Le ministre assure que cet outil forcera une gestion fine, quantifiée et qualitative du réseau de santé. «Avec une telle liste, on peut faire toutes les analyses que l’on veut», mentionne-t-il.
Intelligence artificielle 

Des logiciels qui veulent remplacer les médecins

L’application de la start-up britannique Babylon permet d’écouter la description des symptômes pour délivrer des conseils médicaux sans intervention humaine. Des systèmes, comme celui d’IBM Watson, diagnostique de façon plus fiable un cancer du poumon
Et si les médecins étaient remplacés par des superordinateurs? Certains investisseurs y croient fermement. Vinod Khosla, cofondateur de Sun Microsystems et investisseur influent de la Silicon Valley, prédit que les logiciels devraient remplacer 80% des médecins dans le futur. En Suisse, Damien Tappy, partenaire du fonds de capital-risque Endeavour spécialisé dans les technologies médicales estime: «D’ici quinze ans environ, grâce à la puissance de calcul, au progrès de la génomique et aux systèmes d’intelligence artificielle, la télémédecine remplacera le médecin généraliste.» Autre avis, celui de Laurent Alexandre, médecin et cofondateur du site Doctissimo.fr en France, qui s’exprime dans les Echos: «On sous-estime considérablement ce que peut faire l’intelligence artificielle d’ici à 2030. Elle va permettre d’industrialiser la santé qui reste profondément archaïque et permettre de traiter des énormes volumes de données qui arrivent à cause de l’Internet des objets ou du séquençage ADN.»
Ces investisseurs s’appuient notamment sur les performances d’ordinateurs de type Watson, le programme d’intelligence artificielle d’IBM. Celui-ci s’est fait connaître en février 2011 pour avoir battu plusieurs champions (humains) au jeu télévisé américain Jeopardy. En 2012, un test réalisé au Memorial Sloan-Kettering Cancer Center de New York, avec l’assureur Wellpoint, a pu diagnostiquer un cancer du poumon avec un taux de succès de 90%, contre 50% pour un médecin. Watson avait intégré 600 000 données médicales, 2 millions de pages issues de revues spécialisées et les dossiers de 1,5 million de patients. Watson explore désormais d’autres domaines médicaux. En radiologie, par exemple, l’ordinateur a pu détecter sur des IRM des anomalies imperceptibles à l’œil humain. Dans le cadre d’une recherche avec le New York Genome Center portant sur le glioblastome, un cancer malin très agressif du cerveau, le superordinateur cherche à aider les médecins à trouver, dans les bases de données génomiques et dans la littérature médicale, des références sur les mutations identifiées chez les patients.
En Suisse aussi, des sociétés développent des logiciels médicaux basés sur de l’intelligence artificielle. C’est le cas, par exemple, de Sophia Genetics dont les algorithmes passent au crible des données ADN de manière standardisée afin de détecter avec précision des mutations génétiques caractéristiques pour plusieurs maladies génétiques ou certains cancers. «Notre système Sophia DDM est déjà plus utilisé que IBM Watson. Nous avons déjà connecté 150 institutions publiques et privées et nous analysons 4000 patients par mois. Cela dit, remplacer le médecin n’est pas possible, ni souhaitable. Nos algorithmes sont comme les programmes qui permettent au joueur d’échecs d’aller plus vite et de faire des meilleurs coups», estime Jurgi Camblong, directeur et cofondateur de Sophia Genetics.
Pourtant, la start-up britannique Babylon cherche bien à remplacer certains rendez-vous médicaux. Elle a lancé une application de télémédecine, basée sur de l’intelligence artificielle. Elle permet d’écouter la description des symptômes, grâce à la reconnaissance vocale, et délivre des conseils médicaux sans intervention humaine. Le système est capable d’analyser des centaines de millions de combinaisons de symptômes en temps réel. Cette nouvelle application coûtera 7 francs par mois, peut-on lire dans le MIT Technology Review. Grâce à des capteurs, que le patient pourra également porter au poignet, l’application enverra des alertes et transmettra préventivement des informations sur l’état de santé. Toutefois, Babylon ne délivrera pas d’ordonnance mais uniquement des recommandations sur des médicaments disponibles en pharmacie. Financée par Demis Hassabis et Mustafa Suleyman, les fondateurs du projet Google DeepMind à l'origine du logiciel AlphaGo, la start-up travaille déjà avec deux hôpitaux et 21 000 patients qui testent actuellement l’application. En Suisse aussi, des centres de télémédecine, tels Medi24 ou Medgate, promulguent des conseils sur la médication à adopter ou une éventuelle visite médicale, grâce à un questionnaire informatisé. Un interlocuteur humain reste toutefois au bout du fil.
Avec la combinaison d’avancées récentes majeures à la fois dans la santé et les technologies numériques de l’information, la médecine connaît des changements sans précédent. «Les outils de médecine numérique vont jouer un rôle grandissant dans la prise en charge du patient et même les médecins, parfois réfractaires à cette approche, ne pourront rien y faire car le patient les désire. Le tout est de trouver un bon équilibre entre la numérisation excessive de la médecine et une prise en charge humaine, voire humaniste, du patient, estime Thierry Weber, médecin et consultant en médecine numérique et en sciences de la vie chez Vivactis à Lausanne. L’intelligence artificielle ne peut remplacer l’émotion, cruciale à toute relation médecin-patient.»
Boi Faltings, professeur au Laboratoire d’intelligence artificielle de l’EPFL, estime aussi que le médecin restera au cœur du système. «La médecine est probablement le domaine qui sera le plus influencé par l’intelligence artificielle. Toutefois, une prescription automatique, sans l’intervention d’un médecin, comporte des risques et risque de rencontrer des problèmes légaux. Qui sera responsable en cas d’accident? Ainsi, à mon avis, ces logiciels qui aideront les médecins dans leur prise de décision et qui permettront aux patients d'être mieux et plus rapidement traités, resteront toujours sous leur supervision.»

 Comment les entreprises utilisent nos données

Les sociétés suisses commencent à exploiter les données qu’elles récoltent depuis des années auprès de leurs clients. De l’horlogerie à la finance, en passant par la santé, notre panorama
Depuis des années, les entreprises récoltent des données. Parmi les premiers à avoir lancé ce travail de collecte, les détaillants, Migros et Coop, savent ce que les consommateurs suisses achètent, les banques peuvent connaître toutes les dépenses de leurs titulaires de comptes, Swisscom est au courant des déplacements des utilisateurs, les applications de musique récoltent des informations sur les goûts des auditeurs. Mais que font exactement ces entreprises des masses d’informations qu’elles accumulent?
Rien? Le sociologue Sami Coll, de l’Université de Lausanne, expliquait l’an dernier dans ces colonnes que la plupart des entreprises ont commencé à récolter des données sans savoir à quoi elles allaient leur servir. Ce n’est plus le cas. Les entreprises ont commencé à décrypter ces données et à s’en servir pour affiner leur offre, cibler la publicité et mieux positionner leurs produits en fonction de ce qu’elles peuvent savoir des goûts et des besoins de leurs clients.
Plus l'apanage des géants du Web
Fait nouveau, l’utilisation des données n’est plus l’apanage des géants du Web. Facebook, Amazon, Apple ou Google ne sont plus les seuls à passer au crible les traces laissées par les internautes pour leur offrir exactement ce qu’ils souhaitent avant même qu’ils en aient eu l’idée.
Lire aussi: «Pour les entreprises, le Big Data est une révolution aussi importante qu’Internet»
2015 a été l’année de transition, selon l’association américaine Computing Research, où le Big Data est passé d’un concept mis en place par une minorité d’entreprises à un outil de plus en plus largement utilisé par le monde des affaires, ou, au moins, pris en considération. Ce qui a changé? Les services de cloud (informatique en nuage) ont rendu possible le stockage de données à grande échelle. Et la multiplication d’outils informatiques et de sociétés de conseil a permis d’améliorer l’analyse des données afin d’en tirer la substantifique moelle.
A ce jeu-là, les entreprises suisses ne sont pas en reste, comme le montrent les exemples récoltés dans ce dossier. De la santé à la finance, en passant par l’horlogerie et la grande distribution, les utilisations sont multiples et les possibilités dépassent souvent même le domaine d’activité de l’entreprise qui les récoltent.
Lire notre éditorial: L’exploitation du «big data» sera l’un des grands enjeux de 2016
Notre panorama:
Assurances. Bonne conduite pour les primes basses
Santé. Les promesses de l'analyse du profil génétique
Télécoms. Comment Swisscom utilise sa mine d'or 
Grande distribution. Coop et Migros «n'exploitent pas pleinement» les données de leurs clients
Banques. La marge pour l'exploitation des données bancaires est étroite
Horlogerie. Qui voit sa voiture voit sa montre

 Assurances  Bonne conduite 
pour des primes basses

Axa-Winterthur répond aux clients 24 heures sur 24 sur Twitter et Facebook et place un «crash recorder» dans la voiture pour analyser les données du conducteur et lui permettre d’espérer une prime plus basse. Malgré ces initiatives, les nouvelles technologies commencent à peine à transformer l’assurance non-vie et l’utilisation de l’analyse des données est encore plus éloignée dans l’assurance vie, selon Swiss Re.
«La définition classique du Big Data n’est pas adaptée à Bâloise», explique son porte-parole. Le profil du client et la prime ne sont pas fonction des données issues du comportement sur le Web ou des données tirées de ses applications, accessoires interactifs ou enregistreurs. «Notre Data Mining se base sur la saisie et l’analyse de 100 facteurs géographiques, sociaux et biologiques tels que le lieu de résidence, l’âge, le genre», explique la société. Ce sont ces facteurs qui définissent la prime. Ce travail d’analyse mène à une segmentation de la clientèle en fonction de la fréquence de sinistres. Il existe quatre catégories de risques, de «a» (bon risque) à «d». «Dans une perspective de solidarité entre assurés, ce sont les clients les plus chers pour la communauté», selon le porte-parole. Le groupe cherche à dialoguer avec les clients «d» (moins de 1% du total) pour modifier leur comportement. Le groupe a réduit leur nombre de plus de la moitié en dix ans.
Une étude «sigma» de Swiss Re vient de montrer que l’assurance vie est encore en retard dans l’utilisation des données. 1% des assureurs vie américains utilisent déjà des modèles prédictifs dans leur politique de souscription des risques.

 Santé   Les promesses de l'analyse du profil génétique

medecine
L’entreprise Sophia Genetics, spécialisée dans les analyses fines de profils génétiques pour les besoins des hôpitaux, a traité les données de 20 000 patients cette année et pense le faire pour 80 000 malades du cancer ou d’autres pathologies à caractère génétique en 2016.
«Nos activités reposent sur la confiance de 110 hôpitaux et laboratoires dans la confidentialité des données et le respect de la sphère privée», souligne Jurgi Camblong, patron de la société de 60 personnes basée sur le site de l’EPFL. «Nous ne vendons aucune donnée génétique, et leur accès est exclusivement réservé à chaque hôpital client qui se branche sur les serveurs de Sophia Genetics comme le ferait un client d’une banque pour consulter son compte», explique le responsable. «Si on compare avec la reconnaissance vocale, nous avons mis au point un système qui élimine le bruit pour se concentrer sur les intonations individuelles de la voix», souligne Jurgi Camblong.
La valeur ajoutée de l’entreprise repose sur la précision des diagnostics basés sur des algorithmes sans cesse perfectionnés qui détectent, sur la base du séquençage génomique fourni par l’hôpital, les altérations génétiques. Les données ADN sont encryptées puis décryptées pour les rendre totalement anonymes.
«Sur les 6 milliards de lettres du génome humain, nos algorithmes repèrent les altérations, comme des substitutions de caractères, des doublements, ou des formes de copier-coller qui permettent au médecin de classifier la forme et la dangerosité d’un cancer, par exemple. Bientôt, nous serons capables de conseiller le traitement le plus efficace», précise Jurgi Camblong, qui considère que, mêmes anonymisées, ces données appartiennent au patient.

 Télécoms   Comment Swisscom utilise sa mine d'or 

danse
Opérateur télécoms numéro un de Suisse et société high-tech la plus puissante du pays, Swisscom commence tout juste à exploiter les données qu’il juge les plus précieuses: les signaux émis par les téléphones mobiles. Aujourd’hui, l’opérateur compte 6,618 millions de raccordements mobiles. Swisscom avait commencé à exploiter ces données, il y a quelques années, en les revendant à TomTom. Le service de navigation les utilisait pour fournir des indications à ses clients sur les conditions de circulation: de nombreux signaux de téléphones se mouvant à faible vitesse signifiaient qu’un bouchon avait certainement lieu. L’opérateur l’affirme: ces données, avant d’être transmises à des tiers, sont totalement anonymisées.
Désormais, Swisscom va plus loin. «En utilisant nos données du réseau mobile, nous voulons mettre à disposition des indicateurs de trafic aux collectivités publiques en Suisse et plusieurs projets pilote sont bien avancés», affirme Raphael Rollier, responsable du programme Smart City chez Swisscom.
A Pully, commune proche de Lausanne, l’opérateur soumet ses données 
à la municipalité pour l’aider à planifier la construction de giratoires ou l’établissement de routes à sens unique, par exemple. «Nous sommes ca
pables de voir d’où viennent les automobilistes qui arrivent à Pully. Mais nous ne cherchons pas à savoir leur âge ou leur sexe», poursuit Raphael Rollier. Genève sera aussi aidé par Swisscom pour fluidifier son trafic. A Montreux, l’opérateur aidera les responsables des milieux touristiques à comprendre d’où viennent les visiteurs.
Swisscom va aussi exploiter les données liées à son offre télévisuelle, pour adresser de la publicité ciblée à ses téléspectateurs, via la coentreprise créée avec la SSR et Ringier, éditeur du Temps.

 Grande distribution   Coop et Migros «n'exploitent pas pleinement» les données de leurs clients

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Elles ont gardé le nom de cartes de fidélité. La «M-Cumulus» de Migros et la «Supercard» de Coop rassemblent, sous format électronique, tous les achats que nous réalisons dans ces grandes surfaces et leurs filiales.
Du côté du premier, on affirme qu’une telle carte est présentée «lors de la réalisation de 80%» du chiffre d’affaires. Et qu’environ «2,8 millions de comptes» sont actifs. Migros dit utiliser ces données pour «proposer des offres ciblées et correspondant aux besoins des clients, en évitant de [leur] envoyer des publicités inopportunes».
Environ «90% des ménages suisses» possèdent la carte du second, mais seuls «3,1 millions de comptes sont actifs», explique Coop. Objectif: «améliorer l’assortiment et planifier les promotions. Les données personnelles individuelles ne sont pas pertinentes», selon un porte-parole.
Ces discours, Sami Coll les entend depuis longtemps. «Ce sont des généralités. C’est le travail de base d’un détaillant de proposer des offres ciblées et d’améliorer les assortiments», relève le sociologue de l’Université de Lausanne. L’auteur de Surveiller et récompenser (ed. Seismo, 2015), se demande lui comment ils utilisent ces données, à quelles fréquences et avec quels types d’algorithmes.
Lire: Les cartes de fidélité, le Big Data et moi 
Une chose est sûre, les détaillants n’exploitent pour l'heure pas pleinement les données qu’ils récoltent. «Ils se heurteraient très probablement à la résistance du public. C’est d’ailleurs un vrai paradoxe: les clients veulent généralement une publicité mieux ciblée mais si les détaillants vont trop loin, ça les effrayerait», poursuit l’auteur.
Ce qui inquiète Sami Coll, c'est, dans un futur proche, «quand les détaillants envisageront des partenariats, par exemple avec des assurances, pour «surveiller» la santé de leurs clients...»

 Banques   La marge pour l'exploitation des données bancaires est étroite

Régies à la fois par le secret bancaire et les 39 articles de la loi fédérale sur la protection des données, les banques ont une activité très encadrée. Le litige qui a opposé à l'an dernier PostFinance au préposé fédéral à la protection des données en témoigne. La banque analysait les données du trafic des paiements pour proposer des offres spéciales aux utilisateurs de sa plate-forme d'e-banking. Ceux-ci étaient obligés de donner leur accord, faute de quoi ils devaient renoncer à ce service. Après l'intervention du préposé, PostFinance a fait machine arrière. L'analyse des données reste possible mais elle est facultative pour tous les clients, a-t-elle clarifié en juin.
Les programmes de fidélisation avec des sociétés tierces créent des situations complexes. Chez UBS, les données collectées par KeyClub sont soumises aux conditions générales. «Conservées uniquement en Suisse, ces données ne sont bien sûr pas transmises aux sociétés partenaires de KeyClub», précise la banque. Celles-ci n'obtiennent que des informations générales, comme le nombre de personnes ayant reçu une offre d'UBS. En principe, ces offres sont adressées à tous les membres du programme. Si la banque opère une sélection pour certaines offres, ce n'est que sur la base de catégories générales, comme le sexe ou la région de domicile.
Les clients d'UBS qui souscrivent à une offre spécifique, comme KeyClub ou l'application Paymit, doivent à nouveau fournir leur accord permettant à UBS d'utiliser leurs données dans ce cadre. «Avec Paymit, UBS demande à ses clients leur accord pour recevoir de la publicité sans rapport direct avec des produits ou des services de la banque. Mais elle offre aussi la possibilité d’annuler cette autorisation», précise UBS.

 Horlogerie  Qui voit sa voiture voit 
sa montre

Un quart d’heure seulement après avoir été placée dans une vitrine de Baselworld, le salon mondial de l’horlogerie, une montre prise en photo par un visiteur fait déjà l’objet de commentaires sur les réseaux sociaux.
Ces derniers donnent une première impression qui peut s’avérer déterminante pour la stratégie marketing de la société. Par ailleurs, toute personne qui atterrit sur le site d’une marque se dévoile, par les traces informatiques laissées, dans ses motivations d’achat. «Celui qui roule en Porsche vintage des années 1970 sera plutôt friand d’un chronographe calibre 18, alors que l’adepte d’une Tesla électrique préférera la Carrera connected», constate Jean-Robert Bellanger, digital marketing director chez l’horloger TAG Heuer, du groupe LVMH.
LVMH, et notamment son pôle horloger, donne un sérieux coup d’accélérateur à l’exploitation des «Big Data». Et il s’en offre les moyens, avec l’arrivée cette année de Ian Rogers, à la tête des activités numériques du groupe français du luxe, et de Jean-Robert Bellanger. Le premier dirigeait précédemment Apple Music, le second collaborait avec Red Bull. C’est au sein de cette société de boissons énergisantes que Jean-Robert Bellanger s’est notamment familiarisé avec le décryptage du «bruit» engendré auprès des consommateurs par une vidéo lancée sur les réseaux sociaux avec un champion suisse de ski. Fort discret sur les projets de sa présente société dans le traitement des mégadonnées – un sujet très «concurrentiel» – il estime que, plus que jamais, l’horlogerie se doit d’être à la pointe de la gestion des relations client (CRM dans son sigle anglais) pour capter, traiter et analyser les informations relatives à la clientèle.

Photos: Keystone, Reuters,123RF
http://www.letemps.ch/economie/2015/12/28/entreprises-utilisent-nos-donnees 

Aux Etats-Unis, les médecins ont leur propre Instagram pour s’entraider

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Capture d'écran de la page d'accueil du site de l'application Figure 1.

Il vaut mieux avoir l’estomac bien accroché pour ouvrir l’application américaine Figure 1. Disponible sur smartphone, elle met en relation depuis 2013 les médecins américains qui peuvent avoir des doutes face à certains cas ou patients, et ceux qui veulent simplement échanger sur des situations atypiques.

Conçue comme l’application de partage de photos Instagram, Figure 1 permet de partager des photos de patients, de plaies, de boutons, et de les catégoriser selon le service : pédiatrie, maladies infectieuses, dermatologie ou encore cardiologie. Les catégories sont très précises puisqu’il est possible de parcourir et publier des photos selon les parties du corps concernées.

Ouverte à tous

N’importe qui peut télécharger l’application, sur iPhone et téléphone Android ; en revanche, il faut s’inscrire comme personnel soignant pour avoir l’autorisation de publier une photographie. L’application rappelle – en anglais – certaines règles à adopter avant toute publication : retirer tout élément pouvant identifier le patient, respecter sa dignité, ne partager que des photos à but éducatif ou professionnel. « Appliquez les mêmes principes éthiques dans votre pratique professionnelle que dans votre utilisation de l’application », indiquent les règles du service. Figure 1 rappelle également aux utilisateurs de ne pas partager de photos d’eux-même ou de leur famille.
Avant la publication de chaque photo, le patient doit signer un formulaire attestant de son consentement. Des formulaires personnalisés sont disponibles selon les pays, y compris en français, et le patient signe avec son doigt sur le smartphone du médecin.

Plus de 500 000 utilisateurs

Selon le site spécialisé Fusion, le service compte désormais plus de 500 000 utilisateurs. Si l’application a permis à plusieurs médecins de mieux comprendre des cas atypiques auxquels ils pouvaient être confrontés, les experts interrogés par Fusion soulignent qu’elle est utile surtout pour les cas très rares et originaux. « Nous regardons tous beaucoup la télévision et les dilemmes de diagnostics de Dr. House, mais d’expérience, ils n’arrivent pas aussi souvent dans la réalité », explique au site le docteur Robert Wachter, professeur de médecine à l’université de Californie. Selon le PDG de la start-up, seuls 5 % des utilisateurs publient des photos sur le réseau, et plus de la moitié ne participent jamais et se contentent de regarder. Par ailleurs, le site Fusion souligne que certains hôpitaux ont des règles très strictes contre les photographies de patients.

Les médecins français sont sur Twitter

En France, l’entraide entre médecins est symbolisée sur le réseau social Twitter par le mot-dièse #DocTocToc. Très actif, il a été créé à l’été 2012, selon les données de l’outil Topsy. Les tweets vont de la demande de conseils avec photo de plaie à l’appui, à des questions sur les ordonnances et les arrêts de travail.
« On l’utilise à défaut d’autres réseaux plus adaptés », explique Jean-Jacques Fraslin, médecin généraliste et actif sur #DocTocToc. Utilisateur de Twitter avant la naissance du hashtag, il fait désormais partie des dizaines de professionnels qui interagissent entre eux et s’entraident sur des sujets médicaux ou administratifs.
Pour l’avocat spécialiste des nouvelles technologies Alain Bensoussan, #DocTocToc montre « la détresse des médecins face à certaines situations », comme ce généraliste qui se demande comment aider une femme battue. Une analyse partagée par Jean-Jacques Fraslin, qui estime que « les médecins sont parfois seuls et pour eux il y a les forums et les réseaux sociaux ».

Ce que dit la loi

Le secret médical aussi bien que le droit à l’image interdisent en France à un médecin de partager des informations personnelles sur un patient de manière publique, comme sur Twitter. « Une photo d’une plaie, ce n’est pas une forme qui permet d’identifier quelqu’un », explique Alain Bensoussan. En aucun cas un médecin ne peut partager publiquement des informations confidentielles sur un patient, même avec son consentement. « Sur #DocTocToc je n’ai pas vu d’informations personnelles divulguées », précise l’avocat.
Dans un cas très précis, un médecin peut échanger des informations personnelles sur un patient avec un autre professionnel, uniquement dans l’intérêt du patient et des soins à lui prodiguer, et sauf opposition de la part de ce dernier. Cette communication doit cependant se faire par un moyen sécurisé, chiffré, avec une identification de bout en bout des deux médecins. « Un message privé sur Twitter, ce n’est pas raisonnable bien sûr », tranche Marguerite Brac de La Perrière, directrice du département de santé numérique du cabinet Alain Bensoussan.
Le Conseil national de l’Ordre des médecins (CNOM) s’intéresse depuis longtemps aux réseaux sociaux, sur lesquels les médecins, comme tous les Français, peuvent agir. Selon un livre blanc paru en 2011, la plupart des médecins utilisent un pseudonyme pour s’exprimer sur Twitter, ce qui leur permet de se protéger ainsi que leurs patients. Le CNOM avait suggéré la création d’un système de pseudonymat enregistré, pour que tout docteur inscrit sur Twitter sous pseudonyme soit identifié sur un registre, par exemple, mais cette idée n’a pas abouti. Sur les réseaux sociaux, les médecins sont toujours soumis à un code déontologique, comme le rappelait le livre blanc du CNOM.
S’il respecte ces règles, Jean-Jacques Fraslin pense arrêter #DocTocToc. « Il y a plus de monde sur Twitter qu’il y a trois ans, et des patients vont finir par nous retrouver », explique-t-il. Il estime que plusieurs médecins songent également à arrêter d’utiliser Twitter de manière professionnelle, et attendent un véritable outil d’entraide et de communication, aussi rapide que Twitter, mais adapté à leur corps de métier.

Que va changer le « droit à l’oubli bancaire » pour les anciens malades du cancer ?

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Les anciens malades du cancer ont actuellement des difficultés à obtenir des prêts bancaires, jusqu'à quinze ans après leur guérison.
Les anciens malades du cancer ont actuellement des difficultés à obtenir des prêts bancaires, jusqu'à quinze ans après leur guérison. PHILIPPE HUGUEN / AFP

C’était une disposition importante du troisième plan cancer, lancé en 2014 par le gouvernement. Dans la nuit du mercredi 30 septembre au jeudi 1er octobre, les sénateurs ont voté, comme les députés en avril, un amendement encadrant le « droit à l’oubli » pour les anciens malades du cancer. La mesure vise à faciliter la signature de contrat d’assurance et de prêt immobilier pour ces personnes considérées comme des « emprunteurs à risque ».

Que dit la loi santé sur le « droit à l’oubli » ?

En ajoutant à la loi santé la convention Aeras (assurer et emprunter avec un risque aggravé de santé), les sénateurs ont adopté en première lecture le principe d’un « droit à l’oubli » pour les anciens malades du cancer. Demandé depuis plusieurs années par les malades et les associations, il permet aux patients dont le traitement est terminé depuis au moins dix ans de contracter un contrat d’assurance ou un prêt à la consommation sans avoir à communiquer d’historique médical.

Ce que dit le texte :

« Le délai au-delà duquel aucune information médicale ne peut être recueillie par les organismes assureurs ne peut excéder dix ans après la date de fin du protocole thérapeutique définie par l’Institut national du cancer. »
L’idée d’un « droit à l’oubli » apparaît en 2014 dans le troisième plan cancer, lancé par François Hollande avec l’objectif de permettre aux personnes « qui ont été frappées par le cancer de mener une vie normale ». Signée en mars 2015, la convention Aeras fixait ce droit quinze ans après la fin du dernier traitement, période ramenée à cinq ans pour des patients âgés de moins de 15 ans.
Plusieurs associations, dont le magazine Rose, destiné aux malades du cancer, avaient alors déploré ce délai pénalisant pour « ces jeunes qui, se découvrant malades à 20 ans, guéris à 25, devront traîner jusqu’à l’âge de 40 ans le boulet d’un cancer qu’ils ont vaincu ». Une pétition avait alors été lancée par le magazine, demandant un droit à l’oubli bancaire après cinq ans pour les mineurs et anciens malades souffrant de cancers « de bon pronostic », comme ceux du sein ou de la thyroïde, et généralisé à dix ans pour les autres pathologies cancéreuses.
Signées par près de 9 000 personnes, ces demandes semblent avoir été entendues par les sénateurs, qui sont allés plus loin que les députés en généralisant le délai du droit à l’oubli à dix ans, délai raccourci à cinq ans pour les patients de moins de 18 ans et ceux dont « le taux global de survie nette à cinq ans est supérieur ou égal à celui des moins de 18 ans ».

Pourquoi ce droit est-il nécessaire ?

Jusqu’à maintenant, tout ancien malade du cancer devait déclarer sa maladie au moment de contracter un crédit bancaire. Recueillie par l’organisme assureur, cette information médicale les classait automatiquement dans la catégorie des emprunteurs « à risque », obligeant l’assuré à contracter une assurance sur ce prêt, à des tarifs parfois beaucoup plus élevés que la moyenne.
Difficile pour ces personnes, désormais guéries, d’obtenir un prêt immobilier et d’accéder à la propriété. Une « double peine » pour de nombreux patients, « une sorte de casier judiciaire pour les malades » selon Jacqueline Godet, présidente de la lutte contre le cancer.
Dix ans après la fin de tout traitement, les anciens malades du cancer seront désormais considérés de la même manière que les autres emprunteurs. Une demande « d’équité » de la part des associations, validée par les sénateurs, qui ont ajouté un autre amendement à la loi santé : les contrats ne pourront plus cumuler majoration de tarifs et exclusions de garanties. La mesure devrait mieux protéger les emprunteurs.
Pour faciliter la mise en place du « droit à l’oubli », une grille de référence va également être mise en place. Classant les types de cancers et leur durée moyenne de guérison totale après traitement – définie par l’Institut national du cancer (INCa) –, le dispositif devrait être mis à jour en fonction des progrès scientifiques pour adapter au mieux la période de droit à l’oubli pour tous les anciens malades du cancer.

En savoir plus sur http://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2015/10/02/que-va-changer-le-droit-a-l-oubli-bancaire-pour-les-anciens-malades-du-cancer_4781515_4355770.html#9iUEJTCrBKdoIm0Y.99

Les laborieux rails de l’informatisation médicale

Isabelle Burgun, le 3 septembre 2015, 14h42
(Agence Science-Presse) Depuis presque 10 ans, le gouvernement du Québec a amorcé un chantier d’informatisation médicale, connu sous le nom de Dossier Santé Québec (DSQ). Le projet se déploie trop lentement aux dires du ministre de la Santé du Québec, Gaétan Barrette qui pointe le manque d’adhésion des médecins pour expliquer ce retard.
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Qu'est-ce que le DSQ?
Pour bien comprendre le DSQ, il ne faut pas le confondre avec le dossier clinique informatisé (DCI), ni le dossier médical électronique (DME) ou encore le dossier patient électronique (DPE). Beaucoup d’acronymes qui renferment des réalités différentes. « La plateforme centrale d’informatisée du DSQ est connexe aux besoins en informatisation qui peuvent exister au sein des établissements de santé pour remplacer le papier par la numérisation », explique Marie-Claude Lacasse du service des communications du MSSS. Le DSQ constitue donc un vaste répertoire de tous les résultats de laboratoires, d’imagerie médicale, médicaments prescrits et informations liées aux antécédents du patient accessibles par les médecins et différents professionnels de la santé, tel le pharmacien de quartier.
Pour Marcel Guilbault de l’Association des médecins omnipraticiens de l’ouest du Québec, il faut plutôt regarder du côté des pharmaciens et des laboratoires. « Certains traînent encore à se connecter. Pourtant, l’opportunité est là. La majorité des groupes de médecins de famille et ceux en première ligne seront bientôt tous branchés. »
Les pharmaciens, on s’en doute, ne sont pas de cet avis. « Il n'y a pas encore beaucoup de cabinets de médecins branchés et les résultats de laboratoires ne sont pas partout accessibles », explique Vincent Forcier, directeur des affaires publiques de l’Association québécoise des pharmaciens propriétaires.
Pour bien fonctionner, ce grand réseau électronique d’échanges d’informations médicales doit câbler les laboratoires aux médecins, les médecins aux pharmaciens, les pharmaciens aux centres de soins, à la grandeur du Québec.
Un exercice qui prend l’allure, au fil des ans, des 12 travaux d’Hercule. « C’est le plus grand projet informatique du gouvernement québécois. Un projet très volumineux qui rassemble des dizaines de professionnels et des centaines d’institutions », précise Marie-Claude Lacasse du service des communications du Ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec.
La relationniste se veut toutefois rassurante et annonce que d’ici la fin 2015, les trois domaines du DSQ — médicament, laboratoire et imagerie médicale — seront déployés dans l’ensemble des régions du Québec.
Pour l’instant, on n'y est pas encore. « La situation actuelle n’est pas comparable avec celle de l’Ontario où je reçois dès le lendemain les résultats d’analyse de mes patients. Sur les six radiologies effectuées sur mes patients québécois, je n’en avais qu’une disponible hier », mentionne M. Guilbaut.
Des coûts et des longueurs
Le petit train qu’emprunte le DSQ pour parfaire son parcours résulte de sa grande ampleur – on parle de 95 000 utilisateurs potentiels —, mais aussi des quelques ratés rencontrés en cours de route.
Pointé souvent du doigt, le budget gonfle depuis des années. Fixé initialement à 563 millions $, un rapport du vérificateur général relevait que 55 % du budget — 308 millions $ — avait déjà été dépensé à la fin de l'année 2010 alors que les retards s’accumulent dans les dossiers.
« Le budget global en informatisation de la santé est de 1,6 milliard englobant l’ensemble des dossiers médicaux et tous les travaux de remplacement papier des établissements publics », tempère Marie-Claude Lacasse. Le budget définitif du DSQ — assez flou et non communiqué par le ministère — sera à évaluer lorsque tous les rails auront été raccordés, souligne-t-elle.
Autre problème : le manque d’harmonisation. L'arrimage entre les différents systèmes informatiques soutenant les échanges de données médicales a lui aussi subi des ratés. « En Outaouais, l’harmonisation se passe bien, mais dans les grandes régions, comme à Montréal, c'est plus difficile », souligne M. Guilbault. « Il y a différents logiciels mis en place au sein des établissements de santé québécois et le défi est de rendre la technologie compatible », renchérit Caroline Langis, coordonnatrice aux communications du Collège des médecins du Québec.
Sur l’île de Montréal, de nombreux professionnels de la santé souhaitent aussi que tous les systèmes actuellement en place puissent être intégrés dans une même plateforme et que les dispositifs d'accès au DSQ soient améliorés. Pourtant, rappelle Catherine Dion, agente d'information au Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux de l'Est-de-l'Île-de-Montréal, la cible était de 9120 utilisateurs pour la région de Montréal est déjà atteinte et dépassée.
De bons pilotes
L’Estrie — l’une des quatre régions pilotes pour l’implantation du DSQ — n’a pas attendu le coup d’envoi du gouvernement pour accélérer la circulation électronique des informations médicales au sein de ses établissements de santé. « Il y a 25 ans, nous avons décidé de nous passer du papier et nous avons mis en place notre propre dossier clinique informatisé – le Dossier clinique informatisé — Continuum Ariane Estrie — qui s’arrime au gros entrepôt de donnés du gouvernement, le DSQ », précise Micheline Savoie, directrice des ressources informationnelles et technologiques au Centre hospitalier universitaire de Sherbrooke (CHUS) et à l'Agence de santé et de services sociaux de l'Estrie.
Du côté de Lanaudière, autre région pilote, même son de cloche. Avec un taux d’informatisation de 90 % de ses cliniques, cette région a amorcé le virage dès 2008. La clé de la réussite reposerait dans le « guidage » personnalisé des professionnels lors de l’implantation, mais aussi du système intégré de distribution des résultats (SIDER) qui fait le pont entre le dossier médical électronique et le DSQ. Ici, plus de transcription manuelle, ni de transmission par fax. « Le SIDER “pousse” les résultats du laboratoire à la clinique. Le médecin n’a pas de manipulations à faire. Même ceux qui étaient réticents au DSQ ne veulent plus revenir en arrière lorsqu’ils l’utilisent », assure Daniel Sirois, directeur intérimaire de la direction des ressources informationnelles Lanaudière-Laurentides-Laval.
Des informations confidentielles
Alors que l’actualité récente reposait la question de l’importance de la confidentialité – peut-on utiliser son accès privilégié (contenu sur une clé USB) pour consulter ou accélérer le traitement d’un dossier médical? –, la Loi 59 encadre l’échange d’informations au sein du DSQ.
« L’accès est restreint et sécuritaire, mais un patient peut toujours s’opposer à la communication de ses données entre les professionnels », rappelle M. Sirois. Un refus qui frôlerait en moyenne les 0,5 % de la population (la majorité des citoyens ont été automatiquement inscrits s’ils n’ont pas manifesté leur opposition, par téléphone ou par écrit, après l’annonce de l’implantation du DSQ dans leur région.)
L’informatisation des données de santé ne présente donc pas de barrières du côté de la population qui peine toutefois à suivre les méandres de l’implantation de ce dossier. Alors que le DSQ devrait bientôt s’attaquer à trois autres domaines – le registre de vaccinations, celui des allergies et le sommaire des hospitalisations –, la ligne d’arrivée serait proche. http://www.sciencepresse.qc.ca/actualite/2015/09/03/laborieux-rails-linformatisation-medicale







La Poste mise sur l’essor de la cybersanté

Le transfert d’informations dans le domaine médical peut être vu comme un prolongement des activités traditionnelles de La Poste. (Keystone)
Le transfert d’informations dans le domaine médical peut être vu comme un prolongement des activités traditionnelles de La Poste. (Keystone)
Le géant jaune a conclu des partenariats avec médecins et pharmaciens pour numériser les données. Le marché intéresse aussi Swisscom
La Poste n’assistera pas passivement au développement de la cybersanté. Elle a annoncé mardi à Berne qu’elle s’associait avec médecins et pharmaciens pour développer sa stratégie en la matière.
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L’enjeu est d’importance. En Suisse, le secteur de la santé représente 35 000 institutions, 68 milliards de francs de coûts et surtout 300 millions de documents circulant annuellement. Ordonnances, traitements, analyses de laboratoire, admissions dans un hôpital, transferts d’un établissement à l’autre: toute la panoplie administrative est potentiellement concernée.
Ce nouveau marché aiguise d’autant plus les appétits qu’il prendra véritablement son essor avec l’introduction du dossier électronique du patient, actuellement en discussion au parlement. Avec ce système, le patient aura accès à son dossier médical numérisé et pourra le mettre à disposition des professionnels de la santé qui le soignent.
La Poste s’y intéresse car il faudra bien organiser le transfert d’informations. Elle y voit un créneau pour compenser la diminution de la distribution traditionnelle. Mais elle n’est pas la seule à suivre avec grand intérêt l’évolution du projet de loi et le développement de la cybersanté en Suisse. Swisscom aussi compte se profiler dans ce domaine, ainsi que d’autres entreprises privées spécialisées dans la gestion de données médicales ou la communication électronique sécurisée. Reste à savoir qui occupera la première place.
Plusieurs cantons mènent déjà des projets de cybersanté. En 2009, le géant jaune a développé son premier projet pilote de cybersanté en collaboration avec le canton de Genève. Aujourd’hui, sa plateforme Vivates est aussi utilisée dans les cantons de Vaud, du Tessin et bientôt d’Argovie. Modulable, elle permet aux acteurs de la santé de travailler en réseau autour d’un patient et d’échanger des données relatives à son cas.
Un pas de plus vient ainsi d’être franchi avec la conclusion d’un partenariat avec Health Info Net, le réseau numérique utilisé par 85% des cabinets médicaux, et Ofac, association professionnelle regroupant 70% des pharmaciens. Ces deux importants acteurs de la santé vont rejoindre la plateforme Vivates, ce qui facilitera encore les échanges et les synergies.
Selon Susanne Ruoff, directrice générale de La Poste, cet intérêt pour la cybersanté est le prolongement naturel des activités traditionnelles de son entreprise puisqu’il s’agit là aussi de transmettre de manière fiable et sûre des informations sensibles. Et de rappeler que La Poste s’est très tôt lancée dans la transmission numérique sécurisée et qu’elle a donc toutes les compétences requises pour exploiter ce nouveau créneau.
Claudia Pletscher, responsable Développement et innovation, ne veut pas articuler de chiffres sur les investissements consentis dans le secteur de la cybersanté. Par contre, elle assure que l’extension de sa plateforme Vivates pourrait générer des économies estimées à quelques centaines de millions de francs s’il s’agit simplement du transfert de documents et à plusieurs milliards en cas de généralisation du dossier électronique du patient.
A voir. Car la cybersanté suscite encore de la méfiance. Même si les assureurs et les employeurs n’auront pas accès au dossier électronique du patient, des craintes pour la protection des données sont régulièrement émises. Pour prendre l’exemple du canton de Genève, seuls 6000 dossiers de patients sont gérés par Vivates, avoue Claudia Pletscher, tout en relevant que la tendance est à la hausse, avec plusieurs centaines de nouveaux dossiers tous les mois.
Les acteurs relèvent aussi que l’introduction dans tous les cantons du dossier électronique du patient constituera un signal fort pour doper l’intérêt.
Et dans le domaine de la cybersanté, les développements sont multiples. La Poste annonce également une nouvelle collaboration avec le Centre d’allergie suisse et la Société suisse d’allergologie et d’immunologie. Une application permet aux utilisateurs d’être informés en permanence sur leurs allergies et leurs traitementsµ
http://www.letemps.ch/Page/Uuid/f8155c34-0967-11e5-b8f6-5d331e67f11f/La_Poste_mise_sur_lessor_de_la_cybersant%C3%A9 

La Suisse championne du monde de cybersécurité

La Suisse a brillé non seulement comme pays hôte grâce à l’organisation sans failles d’un concours international de cybersécurité à Genève, mais également grâce à son équipe qui a décroché la médaille d’or. (Keystone)
La Suisse a brillé non seulement comme pays hôte grâce à l’organisation sans failles d’un concours international de cybersécurité à Genève, mais également grâce à son équipe qui a décroché la médaille d’or. (Keystone)
Un concours international de gestion de cybercrise s’est tenu à Genève fin avril. L’un des participants, l’officier de renseignement Alain Mermoud, raconte en détail cette simulation de guerre impliquant les forces classiques autant que le numérique
Organisée pour la première fois en Europe, l’édition 2015 de la compétition internationale Cyber 9/12 Student Challenge s’est tenue à Genève du 22 au 23 avril. Les participants à ce concours de référence devaient présenter des mesures de gestion de crise à des décideurs politiques, économiques et militaires, afin de trouver une réponse appropriée à une cybercrise internationale.
La Suisse a brillé non seulement comme pays hôte grâce à l’organisation sans failles du Geneva Center for Security Policy (GCSP), mais également grâce à son équipe qui a décroché la médaille d’or. Le Team Switzerland a remporté une belle victoire en finale contre l’Angleterre, la Finlande et la Pologne. Cette première place confirme la force de notre modèle de milice qui permit de réunir au pied levé une équipe de quatre étudiants aux profils éclectiques (ingénieur, juriste, militaire, économiste), parlant différentes langues et provenant de diverses institutions: Académie militaire à l’EPFZ, Center for Security Studies et HEC Lausanne.
Soudés par leur solide formation militaire, les participants ont rapidement appliqué les méthodes de travail d’état-major au scénario reçu peu avant la compétition. Trois variantes ont été proposées au jury, composé d’experts internationaux. Anticipant une escalade de la situation, l’équipe a recommandé de retenir la variante «smart power», soit un catalogue de mesures prévisionnelles combinant «soft power» et «hard power». Au fil des présentations orales, rythmées par un scénario gagnant en intensité, l’équipe a trouvé des réponses proportionnelles à l’évolution de la menace, tout en préservant une grande liberté de manœuvre. Les mesures présentées furent ainsi crédibles et cohérentes à tous les échelons. Mais comment l’exercice s’est-il déroulé concrètement?
Phase numéro un: l’exercice a l’apparence d’une simple attaque informatique asymétrique sur un réseau militaire. Qui en est responsable? Comme souvent dans le cyberespace, les motivations et les responsabilités sont difficiles à cerner. Avant d’envisager des mesures coercitives, qui bien entendu respectent le droit international, le premier défi est d’établir une attribution claire de l’attaque. Alors que la crise s’aggrave, les participants réalisent que ces premières cyberattaques n’étaient en réalité que les prémices d’un conflit symétrique classique, impliquant forces armées, infrastructures critiques, secteur privé et secteur public.
La coordination de la réponse entre les différents acteurs impliqués et la coopération internationale se révèlent les éléments clés de cet exercice. Un autre enseignement important est que la protection des infrastructures critiques contre les cyberattaques passe aujourd’hui nécessairement par une collaboration entre le secteur privé et le secteur public. Le Conseil fédéral, lors de sa séance du 20 mai 2015, s’est d’ailleurs penché sur un projet de réseau de données sécurisé (RDS) permettant, en cas de crise grave, de maintenir une liaison entre les cantons, la Confédération et les exploitants d’infrastructures critiques. Ce réseau et ses applications utiliseront en priorité les liaisons par fibre optique du réseau de conduite suisse mis en place par l’armée.
L’homme, ce maillon faible
Cette victoire démontre l’importance d’une approche multidisciplinaire de la cybersécurité et donc également la nécessité de mener la recherche académique au-delà du domaine traditionnel de la sécurité informatique. Si l’approche technique est évidemment nécessaire, elle manque souvent de vue d’ensemble pour appréhender et résoudre les problèmes d’une façon globale et durable.
Les sciences économiques comportementales ont par exemple récemment démontré que l’humain est généralement le maillon faible dans la chaîne de la sécurité de l’information. La psychologie a contribué d’une manière significative à la cybersécurité avec son concept de résilience, c’est-à-dire la capacité pour un système de s’adapter et de continuer à fonctionner pendant une attaque, puis de revenir rapidement à son état initial. Le droit et la diplomatie sont également des disciplines clés. Ce décloisonnement de la cybersécurité est un changement de paradigme indispensable pour la sécurité numérique et pour la confiance générale dans notre société de l’information encore émergente.
http://www.letemps.ch/Page/Uuid/69dfcd5c-105e-11e5-bce4-0f8872f43eca/La_Suisse_championne_du_monde_de_cybers%C3%A9curit%C3%A9 

E-santé: le milieu médical bousculé par la technologie

Stefano Lupieri / Enjeux Les Echos |
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Il y aurait aujourd’hui près de 100 000 applications de e-santé dans le monde, associées à une ribambelle d’objets connectés ! De la fourchette et de la brosse à dents, jusqu’au pacemaker… Pour autant, allons-nous vers la disparition du médecin traitant ? L’Atelier de BNP Paribas a fait de cette question le fil rouge de sa dernière journée théma.

Brisons net le suspense ! Pour le moment, le bon vieux médecin de famille n’est pas menacé. Une bonne raison : l’organisation de la e-santé en France avance à pas comptés. La plupart des applications qui foisonnent sur le marché concernent encore essentiellement l’univers du bien-être. Et au-delà des programmes de coaching proposés par leurs concepteurs chacune produit une avalanche de données personnelles qu’on ne sait pas encore très bien comment relier au dispositif de soins traditionnel. Sans compter que le cadre qui régule ce secteur émergent reste à écrire. « Beaucoup de ces objets sont des gadgets dont on ne sait pas vraiment comment ils marchent », note Lionel Reichardt expert en e-santé et fondateur de 7C’s Health. On n’en connaît pas plus sur les algorithmes utilisés par les applications ».

L’exemple des maladies chroniques

Même si d’aucuns redoutent une bulle à plus ou moins brève échéance, personne ne conteste pour autant la généralisation, dans un futur proche, de l’usage de ces capteurs. Elle s’inscrit en effet dans une tendance incontournable : la médecine personnalisée et prédictive. « Celle-ci a déjà commencé à faire ses preuves sur les pathologies chroniques (insuffisances cardiaques, cancer, diabète…), responsables de 70% des coûts de santé et, en particulier, sur les 5% de malades les plus atteints qui absorbent à eux seuls encore 70% des dépenses », souligne Béatrice Falise Mirat directrice des affaires publiques et réglementaires d’Orange Healthcare. Grâce aux données fournies par les capteurs posés sur ces malades on évite à temps les rechutes. L’enjeu financier de ces maladies justifie les projets de e-santé qui commencent à voir le jour, embarquant médecine hospitalière et médecine de ville. Dans l’absolu, les applications grand public de « wellness » répondent à la même logique de prévention. Et permettent aussi, bien qu’à plus long terme, de faire des économies. « 30% à 50% du patrimoine de santé d’un individu dépend de ses habitudes de vie, contre 20% seulement du système de soins », assure Béatrice Falise Mirat. Il y a donc un vrai enjeu à faire progresser ces applications. La difficulté est qu’elles se situent à l’intersection de plusieurs secteurs. Chacun voyant les choses par le petit bout de la lorgnette.

Mutuelles et assureurs en tête

Pour le moment le marché est surtout tiré par les start-up qui cherchent des débouchés à leurs leurs produits ou services. Non sans mal. Ainsi Betterise, une application qui propose 7 à 8 conseils de santé personnalisées quotidiens en fonction du profil de chaque utilisateur, a d’abord approché les DRH pour savoir s’ils seraient prêts à payer pour ce service offert à leurs salariés dans le cadre d’une politique santé corporate. Sans succès. Les mutuelles, elles, ont été plus réceptives. « Nous avons « vendu » plus de mille licences à Harmonie », précise l’un des co-fondateurs, Christophe Brun. Avec les compagnies d’assurances ces entreprises sont les plus en pointe dans l’utilisation à grande échelle de ces applications. Et pour cause, elles leur permettent d’établir une relation plus personnalisée avec leurs affiliés en les incitant à adopter des comportements moins à risques. Même si elle se trouve dans une position plus délicate pour prendre la parole sur ce sujet, l’industrie pharmaceutique se sent également très concernée. « Notre rôle consiste aussi à accompagner le médecin dans son travail grâce notamment à une meilleure connaissance de son patient », indique Vincent Varlert, directeur exécutif Novartis Pharma. Mais l’homme craint aussi à juste titre de se faire « désintermédier » par un géant du net comme Apple qui vient de lancer la plateforme d’aide au diagnostic médical Research kit.

L’usager à la manoeuvre

Plaque tournante du dispositif, le médecin doit aussi faire sa révolution culturelle en acceptant de travailler davantage en partenariat avec de nouveaux opérateurs lui donnant accès à des données utiles pour son diagnostic. « Mais il ne faut pas compter sur lui pour recevoir, analyser et décortiquer tous les jours les données de son patient, nuance Lionel Reichardt. Il n’a pas le temps pour cela ».C’est donc surtout l’individu qui portera cette transformation. Quitte à ce qu’il devienne un peu lui même un data scientist. « En matière de e-santé la technologie et les usages vont beaucoup plus vite que le milieu médical » confirme Béatrice Falise Mirat. Et ce n’est pas le dossier médical personnalisé qui devrait faire pencher la balance de l’autre côté. « Celui-ci coûte très cher et n’avance pas. Le niveau de sécurité exigé n’est pas compatible avec les usages qu’on veut en faire », s’insurge Vincent Varlet. Plus que jamais on a donc besoin de faire émerger des plates-formes ou partager l’information dans un cadre fiable et sécurisé.
Stefano Lupieri
En savoir plus sur http://www.lesechos.fr/enjeux/business-stories/management/0204247539859-e-sante-le-milieu-medical-bouscule-par-la-technologie-1104640.php?E050jrBbDlTHaSoX.99

Les applications de santé en questions


Nous vivons dans un monde de capteurs. Nous en avons presque tous plusieurs dans notre poche, au coeur de nos smartphones. Chaque nouveau dispositif électronique qui voit le jour ne cesse de nous en proposer de nouveaux. La liste de ce qu'ils permettent de mesurer et d'actionner ne cesse de s'allonger, nous dotant chaque jour de nouveaux "super-pouvoirs". Leur évolution et leur amélioration constante nous promettent qu'ils seront toujours capables de faire mieux, de faire plus que ce qu'ils font. Comme si le progrès technique qu'ils assuraient et l'amélioration incessante de leur fiabilité qu'ils promettaient étaient ceux d'une augmentation continue de notre connaissance de nous-mêmes, de nos capacités et de celles de notre environnement.

Que captent les capteurs ?


Une même technologie, des milliers de combinaisons

Dans la fascination que ces nouvelles capacités distillent, nous nous interrogeons rarement de connaître leurs limites, éblouies par les possibilités qu'ils permettent d'envisager. Parce que nous avons intégré la loi de Moore et que nous avons vécu l'amélioration constante des capacités des capteurs, nous envisageons sans ciller que leur miniaturisation et leur évolution progresseraient sans fin. Pourtant, même sous une technologie identique, les capacités d'un capteur, d'un système, sont différentes d'un dispositif l'autre.
Prenons un exemple qui n'est pas dans le domaine de la santé, comme la télédétection par laser, le lidar. C'est un radar lidar qui permet à la voiture autonome de Google de rouler, qui lui permet plus précisément de déterminer la distance de tous les objets qui l'entourent à plusieurs dizaines de mètres. Or, pour rendre une voiture consciente de son environnement, il faut une télédétection par laser très précise et de longue portée. Le lidar qui équipe les voitures autonomes de Google se vend aux environs de 80 000$. Mais on en trouve d'autre, comme le le Cruise RP-1, à 10 000$. Ce lidar moins précis ne permet pas beaucoup d'autres choses que de filer en ligne droite sur l'autoroute. Le Lidar-Lite de Pulsed Light ou le Lidar à 99$ de Nadir Bagaveyev sont eux adaptés aux drones et a peu de chose d'autre. Le projet Tango de Google (vidéo) qui consiste à adapter la télédétection aux smartphones pour mesurer son environnement n'a pas la précision de ceux qui équipent la voiture de Google. Il ne permettra pas demain que votre smartphone puisse conduire votre voiture. Son manque de précision, la distance qu'il télédétecte, le fait qu'il n'observe pas son environnement à 360° sont autant d'éléments qui le rendent inadapté à certaines mesures et donc à certaines actions. Enfin, les capacités de traitement des ordinateurs qui équipent les voitures de Google, le nombre de signaux à traiter, la précision et la vitesse requise... n'ont rien à voir avec celles des smartphones imaginés pour Tango.

Vidéo : comment fonctionne Tango.
Et pourtant, tous ces projets de radars personnels que l'on voit passer au gré de l'actualité, entretiennent l'illusion que le futur est déjà là comme disait le designer Nicolas Nova, le possible est déjà une perspective. L'amélioration logicielle et la miniaturisation semblent nous promettre une amélioration sans fin de leurs capacités, toujours capable de dépasser leurs limites matérielles. Pourtant, entre le possible et le réel, force est de constater qu'il faut souvent traverser la grande vallée de la désillusion.

Quel est le degré de précision de nos capteurs ?

Le problème est que nous connaissons bien mal les capacités des capteurs de nos téléphones. Quel est le degré de précision de l'accéléromètre ou du gyroscope de votre smartphone pour mesurer vos tremblements ? Votre smartphone est-il doté de la dernière génération de capteur ou d'une plus ancienne ?... Démultipliez la question par le nombre de téléphones accessibles sur le marché passé, présent et à venir et le problème va prendre tout de suite une tout autre ampleur.
A l'heure où les téléphones se dotent d'applications de santé, comme Google Fit ou Apple Health, à l'heure où chaque téléphone permet d'accéder à des applications de santé, de fitness ou de bien être, qui semblent nous promettre de surveiller avec toujours plus d'acuité nos capacités physiologiques, à l'heure où les acteurs de l'assurance envisagent d'utiliser ces capteurs pour redéfinir les risques que prennent leurs assurés (voir "L'assurance auto basée sur le comportement arrive en France", "Une compagnie d'assurance qui paye les gens pour qu'ils restent en bonne santé" et "Apple approche les mutuelles pour divulguer nos comportements"), à l'heure où la médecine est sommée de s'intéresser à ces applications du fait de l'engouement des usagers, il nous a semblé intéressant de rappeler les limites de ces promesses. Le futur est toujours un peu plus complexe que ce qu'on nous en présente. Car si nos systèmes d'assurance ou de santé doivent demain reposer sur les mesures produites par ces capteurs, qui nous assurera de leur validité ? Qui débrouillera la lourde question de la légitimité des applications, des dispositifs, des capteurs ? A partir de quand un capteur devient-il suffisamment fiable, "suffisamment bon" pour proposer des données qui aient du sens ? Quelle est la précision du micro que vous utilisez ? Permet-il d'écouter votre souffle si vous êtes asthmatique et de détecter un trouble de votre capacité respiratoire ? Est-ce sa qualité propre qui le lui permet ou la qualité du logiciel qui accompagne cette fonction (capable de réduire certains bruits et d'en amplifier d'autres ?) ? En ce cas, votre téléphone est-il suffisamment puissant et fiable pour faire fonctionner ce logiciel ? Quelle est la part d'erreur acceptable du logiciel dans sa capacité à augmenter la détection d'un problème ?...
La qualité de votre caméra permet-elle de surveiller vos mélanomes, de mesurer leur évolution en les prenant en photo, de ne pas tronquer leur couleur, leur texture ? Le logiciel peut-il réparer les images insuffisantes en qualités, surveiller leur évolution, même si vous les prenez en photo depuis des distances différentes ?
Le degré de précision de votre accéléromètre permet-il de faire une mesure fiable de l'évolution de vos tremblements liés à la maladie de Parkinson ? Que se passe-t-il si l'application logicielle que vous utilisez est très bonne, mais que le téléphone que vous utilisez est lui doté de capteurs qui ne le sont pas, faussant les mesures réalisées ? Qui vous en informe ? Qui est responsable ? Vous, utilisateur inconscient ? Le développeur de l'application ? Le constructeur du smartphone ? Vers qui se retournera la famille d'un coureur mort d'un arrêt cardiaque parce que son téléphone lui indiquait que son rythme cardiaque était optimal, alors qu'il était en arythmie ?...

De la fiabilité des capteurs

Chemisense est une startup qui vient de mettre au point un capteur chimique portable rapporte Rachel Metz pour la Technology Review. La startup ne sait pas encore très bien comment elle va commercialiser son produit, mais elle semble sûre de la qualité de sa puce, capable de "détecter la présence de produits chimiques autour de vous en temps réel". La puce est capable de détecter une douzaine de produits chimiques et de composés dont le benzène, l'hexène, le dioxyde d'azote, le monoxyde de carbone et travaille à en détecter 19 autres. Mais, comme le souligne la journaliste de la Technology Review, la technologie n'est pas aussi sensible que le voudrait la startup, en tout cas, elles sont bien moins sensibles et précises dans leurs mesures que les stations de surveillance de la qualité de l'air. Pour le chimiste et environnementaliste Ted Zellers, on peut certes utiliser différentes techniques pour détecter des produits chimiques différents, mais le problème de la solution de Chemisense est que si plusieurs produits chimiques sont présents simultanément, la capacité du capteur à détecter les produits chimiques tombe à plat ! En outre, la capacité de détection de ce type de capteurs est trop faible pour détecter l'exposition dans des lieux fermés par exemple. Tant et si bien que quand l'appareil ne produit pas de signal, comme quand il en produit un, on pourra se demander s'il est réel ou pas...
Même chose avec d'autres spectromètres, comme Allergen Beagle, le scanneur de nourriture domestique, un prototype conçu par Sebastian Goudsmit qui permettrait de faire un test allergique sur n’importe quel aliment pour en connaître la nature. L’idée : offrir un outil simple à ceux qui, de plus en plus nombreux, sont victimes d’allergie alimentaire. Le système serait ainsi capable de détecter la présence d’arachide, de crustacés, de gluten, de lactose, de noisette, d’oeuf, de soja, d’amande et de sésame. Dans la même idée, TellSpec (vidéo) est lui un scanner alimentaire de poche, qui, grâce à un spectromètre à infrarouge connecté à un smartphone, permettrait de détecter allergènes, produits chimiques, nutriments et calories présents dans les aliments... Mais ces détections seront-elles fiables ? Que mesurent-elles ? L'arachide par exemple est un assemblage de différentes molécules dont certaines molécules sont différemment allergisantes selon les individus. Quelles molécules mesurent précisément ces appareils ? Quelle sera la complexité d'échantillonnage de la base de données permettant à l'appareil de comparer ses mesures avec celles existantes pour identifier ce qui lui sera montré ?...
Vidéo : comment fonctionne TellSpec.
Ces exemples posent en creux la fiabilité des capteurs et des modèles qui leur permettent de fonctionner. La réalité de ce qu'ils mesurent, les limites de ce qu'ils sont capables de mesurer pose question à mesure qu'ils se répandent. A partir de quand deviennent-ils efficaces ? Fiables ? Scientifiques ? Les dénégations des scientifiques sur les outils de mesure personnels ne sont pas toujours sans fondements et les interrogations des bricoleurs du Quantified Self sur la fiabilité des différents capteurs à leur disposition également. Or, à mesure que les capteurs se disséminent, promettent de tout mesurer, la réalité de cette mesure pose question ? A nouveau, à partir de quand un capteur est-il suffisamment précis pour être fiable ?

L'exemple des cardiofréquencemètres

Sharon Profis, journaliste à Cnet.com a testé les cardiofréquencemètres, ces bracelets qui surveillent votre état de santé. Et ce qu'elle en rapporte est plutôt éclairant. En compagnie d'un cardiologue américain, elle a testé plusieurs bracelets en même temps que le spécialiste mesurait avec un électrocardiographe médical son rythme cardiaque… Et les résultats étaient parfois disproportionnés entre les mesures officielles et les mesures de ces capteurs. Sur un tapis roulant, l'électrocardiographe affichait ainsi un rythme cardiaque de 146 pulsations minutes, quand un Basis Carbon Steel n'en affichait que 93 ! Elle a décidé de tester 5 de ces bracelets, dotés d'une technologie optique, quand les électrocardiographes, eux, captent les impulsions électriques de vos battements de coeur.
Ces moniteurs sont certes destinés aux utilisateurs occasionnels. Tous indiquent d'ailleurs qu'ils conviennent à une utilisation occasionnelle, pas à des usages médicaux ou à des athlètes de haut niveau. Les sportifs qui veulent mesurer plus précisément leurs efforts ont intérêt à se doter d'appareils dotés d'une sangle de poitrine ou à utiliser la bonne vieille méthode du doigt sur le poignet… rappelle la journaliste.
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Image : Sharon Profis en plein test des cardiofréquencemètres, par CNet.
La biologie humaine rend les détections optiques que proposent les bracelets-capteurs du marché difficile, explique la journaliste. La détection optique nécessite que vous soyez immobile, que vous ne transpiriez pas… Souvent, ils vous indiquent d'ailleurs que vous êtes trop actifs pour prendre une mesure. En fait, rappelle la journaliste, les cardiofréquencemètres à usages non médicaux ne sont pas soumis à la régulation de la FDA, l'agence fédérale américaine qui autorise la mise sur le marché d'aliments et de médicaments. Parmi les 5 appareils testés, seul le smartphone de Samsung avec son moniteur intégré qui mesure le rythme cardiaque au bout des doigts plutôt qu'au poignet a donné les mêmes résultats qu'un électrocardiogramme. La transparence des doigts rendant la lecture optique plus facile qu'une lecture optique au poignet.
L'amélioration des capteurs est bien sûr un enjeu industriel, à l'image de ce nouvel accéléromètre proposé par mCube que rapporte la Technology Review : plus petit, plus précis, plus économe en énergie, proposant un signal de meilleure qualité que ses prédécesseurs et moins cher. Mais comment saurons-nous, nous, consommateurs, que le smartphone que l'on achète en est équipé ? Quelle certification nous en informera ?

La précision un idéal inatteignable ?

Qui saura si le smartphone que vous vous apprêtez à acheter est équipé du nouvel accéléromètre de mCube ou d'un accéléromètre contrefait, démodé ou peu puissant ? Pourtant, la qualité de l'accéléromètre intégré dans votre téléphone a une incidence directe sur les mesures que peut produire une application comme SleepCycle, qui se propose d'analyser votre cycle de sommeil simplement en plaçant votre téléphone sur votre matelas afin que les capteurs de mouvements déterminent votre état de sommeil. On peut se douter bien sûr que ce type de mesure sera toujours moins efficace que l'utilisation d'un capteur spécifique.
Un capteur de sommeil spécifique pour le grand public, il y en a eu un : le Zeo. Or, cet appareil de mesure du sommeil n'existe plus. Zeo a fermé en mai 2013 rapportait Techcrunch, concurrencé par les capteurs comme Fitbit ou Jawbone, malgré leur qualité bien moindre, comme le soulignait Joe Betts-LaCroix qui en avait fait un comparatif. Zeo consistait en un capteur qui se posait sur le front et qui mesurait les ondes alpha plutôt que les mouvements durant le sommeil comme le font les bracelets ou les smartphones. Ce capteur avait pourtant réussit des tests de qualité montrant que les données qu'il produisait étaient assez proches de la précision d'outils professionnels provenant d'un laboratoire scientifique du sommeil.
"Assez proche", mais pas aussi précises ou exactes... Et c'est bien contre cette approximation que l'on bute toujours en évoquant le problème des capteurs appliqués à la santé et au bien-être. Cette approximation pose d'autant problème qu'elle repose sur un ensemble de dispositifs matériels et logiciels, indépendants les uns des autres qui ont chacun leurs spécificités et capacités.
La plupart des microcapteurs n'inspirent que méfiance aux spécialistes, qui utilisent eux des capteurs plus puissants, plus précis et des modélisations ad hoc, qui reposent sur la qualité du matériel, sur la rigueur des protocoles d'usage et des protocoles scientifique, sur des échantillonnages, sur le rétrocalcul pour vérifier voire corriger les calculs effectués. La précision est un idéal inatteignable qui recule à mesure qu'on s'en approche. La réponse des scientifiques à cette imperfection essentielle de toute mesure, c’est la mesure de la mesure (la métrologie), l’accumulation des mesures, des modèles, et la mesure de leurs variations. Derrière toute mesure se dissimulent des modèles, des représentations. Dont l'enjeu n'est pas tant de mesurer, que de mesurer des écarts par rapport à des modèles.
Ces protocoles sont loin de l'empowerment et de l'émancipation que prônent les promoteurs des applications, qui souvent proposent d'améliorer le modèle en marchant, avec les utilisateurs. Enfin, si les modèles existent pour mesurer la maladie, ils sont bien plus fragiles à mesurer le bien-être, c'est-à-dire les variations de la norme elle-même...
La précision des mesures n'est pas agnostique aux usages. Et ces questions viennent en concurrence avec celles des utilisateurs qui cherchent des outils simples, capables de leur apporter le plus d'information pour un coût minimum, peu sensible finalement à ces questions de fiabilité qu'ils pensent acquises ou suffisantes, mais confus eux-mêmes entre leurs demandes, leurs besoins et leurs espoirs. Et que la complexité de l'offre ne vient pas éclairer, notamment parce sous couvert de simplicité, elle n'est pas suffisamment claire sur ses possibilités et ses limites.

Bienvenue dans la jungle !

On trouverait plus de 100 000 applications de santé, de bien-être ou de sport dans les stores d'Apple et Google, rapporte la sociologue australienne Deborah Lupton (blog, @DALupton). Selon Nielsen, 1/3 des Américains utiliserait l'une d'entre elles sur son smartphone. Le problème est que nombre d'applications de "santé" ne sont rien d'autre que des "applications de loisirs". L'essentiel n’est homologué par personne. Elles sont seulement classées dans la catégorie santé par les magasins d'applications et rappellent au mieux quelque part dans leurs CGU qu'elles ne sont destinées qu'à "un objectif de loisirs" (for entertainment purposes only). Si on met de côté les questions de respect de vie privée qu'elles posent (et elles sont importantes, même si ce n’est pas l'objet de ce dossier), leur caractère "médical" et la fiabilité de ce qu'elles mesurent posent énormément de questions.
myhealthapps
Image : MyHealthApps, un site de recommandation d'applications de santé britannique développé par Patient View.

Est-ce vraiment de santé dont on parle ?

"La question de la fiabilité des données n'a pas le même niveau de "criticité" selon les usages qui sont faits des capteurs", rappelle Olivier Desbiey de la Commission nationale de l'informatique et des libertés. L'usage par un assureur des données d'un podomètre ou d'un bracelet d'activité pour donner une indication du niveau d'activité d'un assuré n'est pas de même nature que l'usage d'un capteur ou d'une application pour des questions médicales, dans le cadre d'un diagnostic ou du traitement d'une pathologie. Il existe au niveau européen, une législation sur les dispositifs médicaux qui vise expressément à s'assurer de la fiabilité de ces capteurs et applications pour certifier leur intérêt. La balance Withings par exemple dispose d'un marquage CE médical, alors que l'application, elle, n'en dispose pas.
En France, pour obtenir un marquage CE médical (CE pour conforme aux exigences), c'est l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) qui a autorité. Pour Thierry Sirdey, son directeur général adjoint, la prise en compte du logiciel en tant que dispositif médical est récente. Cependant, l'agence s'intéresse surtout aux logiciels professionnels, c'est-à-dire qu'elle s'intéresse d'abord aux applications à finalités médicales, celles qui servent ou aident au traitement ou au diagnostic. Ce qui n'est pas le cas de l'immense majorité des applications de "santé".
Pour obtenir un marquage CE il faut solliciter une démonstration de conformité. C'est le cas par exemple de certaines applications du suivi du diabète ou du calcul du taux d'insuline. Mais au sein des magasins d'application de santé, un grand nombre sont destinées à des finalités éducationnelles ou au suivi sportif ou de bien-être et n'ayant pas de finalités médicales, n'ont pas à demander d'autorisation, pour autant qu'elles ne prétendent pas le contraire (ce que l'ANSM et les autorités de santé européennes ou américaines surveillent). Mais force est d'être réaliste... "Parmi les 100 000 applications de santé, certaines sont en contravention avec les règles qui s'appliquent en Europe. Ce constat des autorités européennes n'exclue pas des actions bien sûr, même si celles-ci sont difficiles à mener."
"C'est un monde complexe", concède Thierry Sirdey. Qui rappelle que ces applications doivent être abordées avec la plus grande attention par le grand public, qui ne doit pas hésiter à aller chercher un avis des professionnels de santé sur les applications qu'il souhaite utiliser.
"Ce n'est pas l'usage qui fait le statut d'une application, mais la destination de l'usage faite par le fabricant". Prenons l'exemple des applications qui permettent d'observer les mélanomes par exemple. Si la plupart de ces applications font penser à un dispositif médical, elles n'en sont pas. Elles n'ont qu'un but éducationnel. Elles ne dispensent pas d'une consultation. Pour l'ANSM, les développeurs d'applications doivent clarifier les finalités de leurs produits. Si une application de ce type propose une aide au diagnostic ou indique de consulter, alors il reviendrait au fabricant de faire la démonstration de sa validité : les critères de luminosité, de précision d'image nécessaire et suffisante au bon fonctionnement de son application. "A défaut, le téléphone n'est pas un capteur de santé. Google et Apple ne proposent pas une application de santé !"
Un propos pas si simple à entendre pour les utilisateurs... Qui revient à leur dire méfiez-vous... et débrouillez-vous ! Même si le constat est juste : Apple Health et Google Fit sont des outils pour les gens en bonne santé, pas vraiment pour les autres.

La plupart des applications de santé n'en sont pas

"Si on veut garder accès à l'innovation et être réaliste vis-à-vis de la situation, de ce tsunami d'applications mobiles, il faut reconnaître qu'il est impossible pour les autorités compétentes d'évaluer et contrôler l'ensemble de ces 100 000 applications avant leur mise sur le marché, même pour vérifier si elles doivent être marquées CE. L'information maîtrisée des patients et des professionnels de santé reste donc notre meilleure arme." Pour Thierry Sirdey, l'enjeu est de développer des applications de santé qui répondent aux exigences médicales... et pour les autres, développer une réglementation de sécurité générale des produits.
Pour le professeur Jacques Lucas, qui finalise un livre blanc sur le sujet pour le Conseil de l'ordre des médecins dont il est vice-président, en terme de fiabilité, l'usager doit être informé en terme clair et accessible des limites des applications qu'il utilise (MAJ : le livre blanc sur la e-santé est paru). Il est nécessaire que les dispositifs se déclarent en conformité avec des standards portant sur la fiabilité, mais également sur la protection des données. Pour s'assurer que ces déclarations soient conformes, il faut que les autorités sanitaires puissent faire des contrôles aléatoires. A un stade plus évolué, on pourrait imaginer une labellisation qui consisterait en une déclaration de conformité auquel on pourrait ajouter un label délivré par des associations de patients ou les autorités. Enfin, au stade supérieur, les dispositifs entrent dans le cadre des dispositifs médicaux, certifiés par l'ANSM.
"Aujourd'hui, les frontières ne sont pas très claires entre la e-santé, la télémédecine et la santé mobile", concède Jacques Lucas. Et il faut trouver les moyens pour combler le vide entre des systèmes de télémédecine très réglementés et le monde des applications qui ne l'est quasiment pas. "La difficulté est qu'il ne faut pas bloquer l'innovation, sans pour autant verser dans la prétention que parce que c'est innovant c'est merveilleux". La médecine doit donner des lignes directrices aux utilisateurs et des standards pour consolider le marché.
Du côté de la labélisation, force est de constater que les plateformes qui accueillent ces applications ne développent aucune politique, autre que le libre commentaire des clients. Il existe quelques places de marché où certains acteurs cherchent à évaluer, de manière indépendante, les applications en fonction de leur fiabilité, comme DMD Santé ou MedApp Care par exemple. Pour Thierry Sirdey, ces initiatives sont intéressantes, car elles permettent d'informer le grand public. La NHS britannique a ainsi labellisé certaines applications. Reste que le problème est toujours le même : les évaluations doivent arriver à suivre le rythme de l'innovation. Jacques Lucas également salue ce genre d'initiatives, même s'il pose la légitime et nécessaire question de l'indépendance de ce type de classements...

L'homologation en question

De l'autre côté de l'Atlantique, les choses ne sont pas beaucoup plus claires.
"La demande pour des applications mobiles médicales et la surveillance des patients à distance est en pleine croissance", explique Jeannette Tighe du cabinet de conseil et de R&D d'applications de santé Sagentia pour la Technology Review. En 2015, 500 millions d'utilisateurs de smartphones dans le monde vont utiliser des applications de santé et cette utilisation va s'accélérer avec le vieillissement de la population. Outre le fait que ces dispositifs se révèlent pour beaucoup peu coûteux, leur utilisation, souvent simple, facilite leur appropriation. Aux Etats-Unis, la Food and Drug Administration (FDA) chargée d'homologuer les dispositifs de santé, a créé trois catégories :

  • celle des applications non réglementées, qui est la plus vaste, où l'on retrouve l'essentiel des applications ;
  • celle des applications "centrées sur la maladie, qui fonctionnent comme des calculateurs professionnels permettant par exemple de mesurer sa pression artérielle, ou qui apportent un soutien pour les patients qui souffrent de maladie cardiovasculaire, d'hypertension, de diabète ou d'obésité ;
  • et enfin les applications réglementées, qui réglementent les dispositifs médicaux qui pourraient causer des dommages aux patients s'ils s'avéraient défectueux comme les pompes à perfusion.
Sur 43 000 applications de santé disponibles en 2013, seulement 103 ont été réglementées par la FDA ! Et pourtant, les choses s'améliorent. La FDA a défini une voie réglementaire plus claire pour les applications de santé en proposant la dérégulation des systèmes d'agrégation de données. L'idée, pour faire simple, est que la FDA se concentre sur l'homologation des dispositifs sans s'intéresser aux logiciels et aux smartphones. Par exemple, il va valider le dispositif que développe Setpoint Medical (un appareil de neurostimulation pour traiter l'inflammation) sans s'intéresser à l'application qui va servir à le configurer... Ni aux modèles économiques de ces nouveaux systèmes...
Dans le cas du VeriHaler de Sagentia, un dispositif munit d'un micro qui se fixe sur un inhalateur pour évaluer à la fois la régularité de la prise du traitement et, par le son, si celui-ci a été utilisé correctement, c'est ce dispositif seulement qui est évalué par les autorités compétentes, pas le service, ni l'application, ni le système de stockage et de sécurisation des données des patients. A l'heure où le logiciel a une incidence forte dans la correction des mesures effectuées, où l'application est au coeur de l'usage, on peut rester circonspect devant cette manière d'envisager les choses.

Médecine, santé : les raisons du brouillage

Au final, on a l'impression que le monde médical se focalise sur les appareils, les dispositifs médicaux, laissant les utilisateurs se débrouiller avec les applications qui ne relèvent pas vraiment de la santé, même si elles en portent le nom. Qu'importe si de plus en plus d'applications fonctionnent sans aucun dispositif externe, utilisant les capacités des smartphones pour une documentation de soi inédite, à l'image de Priori, une application pour aider à traiter la schizophrénie qu'évoquait récemment Wired.
Priori, développée par des chercheurs de l'université du Michigan, est une application qui utilise le micro du téléphone pour analyser en permanence la voix de l'utilisateur et notamment tenter de détecter les épisodes maniaques, quand la parole devient forte et rapide, erratique ou au contraire, les pauses longues entre les mots qui indiqueraient plutôt un moment dépressif. L'enjeu : donner au patient un moyen pour détecter les changements de son comportement et peut-être prévenir les phases de modification de la personnalité. Ces applications sont en cours de réglage pour régler les paramètres avec des patients cobayes... Les chercheurs travaillent avec eux pour observer si les données enregistrées permettent de trouver des signaux pour détecter les changements de comportements chez ces personnes. Pour le professeur Jeffery Lieberman du centre médical de l'université de Columbia, il est difficile de s'assurer qu'une application fait vraiment ce qu'elle dit faire. Or quand on constate l'inquiétude de chercheurs sur l'analyse du stress vocal par exemple, ces outils qui remplacent le détecteur de mensonges par la mesure du changement d'intonation de la voix assistée par ordinateur et qui se répandent très vite auprès des agences et des départements de police aux Etats-Unis, on peut effectivement douter de la capacité d'un micro et d'un logiciel à produire des résultats suffisamment fiables ! Cela ne veut pas dire que l'application ne creuse pas une piste intéressante pour ce type de patients... Mais qu'il est essentiel d'en pointer les limites.
Peut-être que pour comprendre l'enjeu du débat, il faut faire un pas de côté et voir que l'essentiel des applications ne relèvent effectivement pas de la médecine, mais concordent avec l'essor des technologies de soi ou technologies réflexives (qui vont de la publication personnelle aux outils du Quantified Self), ainsi qu'avec celui du "développement personnel", comme l'analyse le sociologue Nicolas Marquis dans le livre qu'il vient de faire paraitre sur le sujet Du bien-être au marché du malaise : la société du développement personnel (voir la très complète recension du livre sur La vie des idées).
Le débat sur les applications de santé montre surtout que nous sommes dans un brouillage entre médecine et santé, entre soin et prévention. La montée des questions de développement personnel et de bien-être vient perturber la médecine, en apportant en contrepoint du modèle social du soin la question de l'autonomie individuelle. Deux mondes semblent s'affronter autour de ces nouvelles questions, sans pour l'instant parvenir à trouver un terrain d'entente.

Et si on devenait sérieux ?

Kiera Butler pour MotherJones rapportait récemment l'histoire de Julie Hudak, une Américaine qui a téléchargé une application permettant de diagnostiquer les mélanomes. Son mari et sa belle-soeur en étant morts, la jeune mère était particulièrement inquiète des grains de beautés et autres taches sur la peau de ses trois enfants. L'application est assez simple. Il suffit de prendre en photo les grains de beauté et elle vous indique en retour leur dangerosité. Même si elle avait montré récemment ses enfants à un dermatologue, la jeune femme a paniqué quand l'application a fait une alerte rouge sur l'un des grains de beauté...
La journaliste rapporte des études plutôt inquiétantes sur le sujet. Des chercheurs du centre médical de l'université de Pittsburgh ont testé 4 applications de diagnostic du cancer de la peau et trois d'entre elles ont raté 1/3 des mélanomes qui lui étaient soumis. Le laboratoire pharmaceutique Pfizer a rappelé une de ses applications de rhumatologie quand elle a constaté que les mesures qu'elle proposait étaient inadaptées...

A qui profite la confusion ?

Pour Kiera Butler, le discours marketing des développeurs d'application est trop souvent volontairement confus. Certes, comme nous l'avons expliqué, l'essentiel des applications proposées sur les magasins d'applications de nos smartphones ne relève pas de la santé, mais alors pourquoi entretenir une telle confusion ? D'un côté, les entreprises technologiques soutiennent qu'homologuer ou labéliser ces applications étoufferait l'innovation... De l'autre, des médecins estiment que renforcer les règles découragerait au moins les développeurs les moins sérieux.
Pour le docteur Dominique Dupagne, fondateur du forum médical Atoute.org, le développement des applications est un foisonnement darwinien qui ressemble surtout "au marché des farces et attrapes". Non, les applications ne vont pas révolutionner la médecine, assène-t-il avec raison. La médecine a assez rarement besoins de capteurs qui mesurent les choses en continu. "Le besoin de certification est inexistant pour la plupart de ces applications à part pour rassurer les gens inquiets", tranche le médecin. Nous sommes plus dans un monde du jouet, du bien-être, du fitness que de la santé. Le problème est surtout lié à l'emballement autour de ces outils, comme s'ils allaient résoudre les problèmes de santé du moment, remplacer les médecins débordés, remplacer la médecine... Nous en sommes loin !
Bref, si on a un peu l'impression que le monde médical se désintéresse des problèmes des utilisateurs... Le monde des développeurs, en faisant semblant de nous proposer des solutions, ne fait pas mieux.

Les applications de santé ne touchent pas ceux qui en auraient le plus besoin

À mesure que la moindre de nos activités sont "appiffiées" (transformées en application), les développeurs affluent sur les marchés saturés du jeu et du fitness, s'énerve JC Herz (@jcherz) pour Wired, oubliant ceux qui pourraient le plus en bénéficier : les vieux, les malades chroniques, les pauvres…
En octobre dernier, Herz a assisté à la conférence Wearables+Things, qui semble avoir surtout proposé une surenchère dans les dispositifs de fitness connectés pour analyser les performances sportives des gens en meilleure forme et avec un gros portefeuille. Pourtant, Kabir Kasagood, directeur du développement de Qualcomm Life qui fabrique les puces utilisées dans nombre de ces gadgets, a exhorté les développeurs à se confronter à la friction réglementaire de la FDA pour faire homologuer leurs dispositifs. "Il y a une énorme pénurie d'innovation dans le domaine de la santé", a-t-il insisté, alors que c'est là où est l'argent. Mais cela nécessite de se confronter à la paperasserie, à la réglementation, aux essais cliniques, à s'intégrer avec des systèmes existants et ennuyeux, à être exigeant sur la sécurité et sur les données des utilisateurs… Bref, à faire un travail un peu plus complexe que mettre en ligne une application sur un magasin d'application.
wiredwearablefailing
Quelques minutes plus tard, le directeur marketing de iStrategy Labs a fait la démonstration de Dorothy, un dispositif qui se clipse à la chaussure pour vous permettre d'appeler une voiture Uber si vous tapez trois fois le sol avec votre talon ! Le plus gros succès de la conférence, ironise Herz. Effectivement, voilà un gadget qui va changer le monde !
Les jeunes développeurs instruits et les entrepreneurs en bonne santé ne travaillent qu'au développement de gadgets utiles marginalement, utiles pour des gens comme eux, insiste Herz. Tous ces gadgets sont avant tout destinés aux gens en bonne santé.
Pour verser encore une autre pièce au dossier, Salon.com revenait récemment sur le fait que nos équipements de sports nous mentent. Des études du Centre de performance humaine montrerait que les machines que nous utilisons (vélo, tapis de course…) ne sont pas très précises sur le nombre de calories que nous brûlons en faisant du sport : elles auraient tendance à les surestimer d’environ 20% en moyenne parce qu’elles ne prennent pas en compte l’âge et le poids de leurs utilisateurs, ou d’autres facteurs comme la graisse du corps, sa température, les changements hormonaux.
L’article recommande plutôt d’utiliser les traceurs d’activité, mais là encore, il pointe certaines de leurs erreurs. Le Fitbit One qui serait l’un des meilleurs du marché ne détecte pas le nombre de marches que l’on gravit, car il ne contient pas d’altimètre !
Selon un article du New York Times qui revient sur une autre étude, ces capteurs de remise en forme s’ils savent être fiables pour le sport à haute intensité, ne savent pas mesurer des activités de plus faible intensité, comme faire le ménage… Certains capteurs de poignets ne mesurent aucune activité quand on fait du vélo d’appartement et que votre bras ne bouge pas ! “La plupart des marques de trackers utilisent des algorithmes et des formules qui n’ont pas été testées dans des laboratoires indépendants et comme leurs formules ne sont pas disponibles, il est donc impossible de savoir comment ils saisissent leurs informations”, conclut un expert.
Autant d'exemples qui montrent que ces capteurs ne s'adressent pas aux gens qui en ont le plus besoin. Or la population qui a le plus à gagner de l'amélioration de la santé n'est pas concernée. Pas étonnant que plus de la moitié des consommateurs qui ont acheté un tracker d'activité ne l'utilise plus au bout de 6 mois !
45% des Américains sont aux prises avec au moins une maladie chronique, rappelle Herz en citant un sondage du Pew internet center. Seulement 40% de ces malades disposent de moyens pour suivre l'évolution de leur problème via des indicateurs de santé. Aux Etats-Unis en 2014, 2,8 milliards de dollars ont été dépensés en dispositifs médicaux portables et ce chiffre devrait passer à 8,5 milliards de dollars d'ici 5 ans. Or, si l'on prend tous les bracelets de fitness et les montres intelligentes vendues en 2014 et qu'on multiplie ce chiffre par 6, on ne parvient même pas aux 6,3 milliards de dollars que rapporte le marché américain des tests de glycémie !
"A un certain moment, il faut nous demander si c'est juste la friction créée par la réglementation de sécurité de l'industrie de la santé américaine et son processus d'homologation par la FDA qui pose problème ou si c'est l'idée qu'un jeune ingénieur doive développer des technologies pour des personnes qui ne sont pas comme eux qui pose problème", conclut JC Herz.
Pour perturber le marché de la santé, il va falloir franchir le pas qui sépare le confortable monde du bien-être de celui du monde médical.
Le professeur de pédiatrie Aaron E. Carroll, dans une tribune pour le New York Times, enfonce le clou dans sa critique de l'application de santé d'Apple. Les patients les plus âgés, les personnes très malades et les pauvres, ceux qui ont le plus besoin d'aide - seront les moins susceptibles d'utiliser ces outils. Quant aux médecins, ils ne veulent pas recevoir ces données quotidiennes et ne souhaitent pas être tenus pour responsables d'avoir manqué un relevé anormal - et ce d'autant plus si les capteurs ne sont pas fiables !
Sans compter que les malades non plus ne sont pas toujours à même d'être confrontés à la technologie. Quand la technologie rappelle à l'ordre des adolescents diabétiques, la plupart d'entre eux cessent d'utiliser leurs appareils plutôt que de se conformer à ce qu'ils leur disent.

Des mondes qui ne se parlent pas

Finalement, le monde des applications de santé qui ne sont que des applications de loisir paraît bien confortable à tout le monde. Au corps médical qui lui dénie toute scientificité et ne s'en préoccupe pas vraiment. Aux développeurs qui exploitent ainsi une niche profitant de la crédulité des gens. Aux innovateurs qui pensent transformer la médecine alors que la rupture entre les deux mondes n'a peut-être jamais été aussi profonde.
Il serait temps que ces mondes se rencontrent vraiment. Que la médecine s'intéresse aux applications de santé et que les développeurs s'intéressent à la médecine. Que les seconds relèvent les défis de l'homologation et de la certification. Que les premiers regardent avec plus d'attention les possibilités de ces outils. Et qu'on arrête de laisser les utilisateurs au creux du gué.
Hubert Guillaud

cybersanté mardi 11 novembre 2014

«Le Big Data révolutionne l’industrie de l’assurance»

Séverine Rion Logean: «Cela ne me pose aucun problème d’imaginer qu’une assurance octroie un bon de réduction dans un fitness à l’assuré qui prend soin de sa santé et donc limite les coûts.» (Roland Schmid)
Séverine Rion Logean: «Cela ne me pose aucun problème d’imaginer qu’une assurance octroie un bon de réduction dans un fitness à l’assuré qui prend soin de sa santé et donc limite les coûts.» (Roland Schmid)
L’exploitation des données permettrait de réduire les coûts de la santé. A Swiss Re, Séverine Rion Logean développe les modèles de prédiction
A l’avenir, un quinquagénaire, fumeur, sédentaire et amateur de gras paiera-t-il des primes d’assurance maladie plus élevées que son contemporain marathonien et adepte de nourriture bio? Si la question peut choquer ou réjouir, elle est au cœur des réflexions de l’industrie de l’assurance vie et maladie. Car avec l’avènement des «Big Data» et de la numérisation des données médicales, cet avenir où chacun disposera d’une assurance personnalisée n’est bientôt plus de la science-fiction.
Chez Swiss Re, Séverine Rion Logean œuvre au sein du département de recherches et développement dans le secteur de l’assurance vie et maladie. Depuis dix ans, elle analyse, modélise et anticipe les changements dans l’industrie de l’assurance engendrés par l’exploitation des données. Rencontre à Bâle, la semaine dernière, lors de la première édition des conférences Lift consacrée aux sciences de la vie et à la pharma.

Le Temps: Avec le Big Data, l’industrie de l’assurance maladie vit une grande métamorphose. Doit-on se réjouir?
Séverine Rion Logean:
Oui, bien sûr. La combinaison des données offre de belles opportunités, comme l’anticipation de certaines maladies, une meilleure gestion des coûts de la santé, ainsi que la fin des traitements inutiles. C’est donc une chance à saisir pour autant que les acteurs de l’industrie de l’assurance respectent la protection des données.
– Les algorithmes ouvrent le champ très rentable de l’analyse prédictive. Quelles sont vos prédictions sur le futur de la relation entre l’assureur et l’assuré?
– J’espère que les assureurs vont faire preuve d’une grande rapidité d’innovation pour reconnaître les changements engendrés par le Big Data et la collecte de données. Et qu’ils intègrent surtout dans leur réflexion l’émancipation des géants de la technologie [Google par exemple, ndlr] qui investissent dans le secteur. Car à l’avenir, je prédis des collaborations stratégiques entre les assureurs et les acteurs des nouvelles technologies. Nous profiterions de leur expérience dans la gestion des Big Data. Quant à eux, ils jouiraient de notre savoir-faire dans la gestion des risques et le calcul des primes. La numérisation de la santé génère une immense opportunité économique en Suisse. Qui va s’en emparer?
– Plusieurs acteurs. A commencer par les grands moteurs de recherche qui vont devenir encore plus grands au niveau international. Mais aussi des intermédiaires nationaux et locaux comme des compagnies de télécommunications [Swisscom par exemple, ndlr] et des start-up. Elles aussi auront leur part du gâteau.
– L’enjeu est donc d’abord économique?
– Oui, mais il va de pair avec la santé et l’individu. Prenons le cas fictif d’un assuré qui, grâce à ses données médicales combinées aux informations sur son hygiène de vie, apprend qu’il augmente sa probabilité d’être victime d’un infarctus dans vingt ans. En connaissant cette donne, il peut prendre des mesures pour diminuer ce facteur risque. Il y va de son libre arbitre. La cybersanté responsabilise l’assuré.
– C’est donc le principe du pollueur payeur?
– Ce principe ne sera jamais accepté en Suisse. J’entrevois plutôt un système dans lequel le pollueur ne paiera pas plus que ce qu’il débourse actuellement. Mais le citoyen qui trie et respecte l’environnement sera récompensé pour son comportement exemplaire. D’ailleurs, ce système existe déjà en Suisse.
– Aux Etats-Unis, l’Affordable Care Act autorise l’indexation des primes sur l’effort fourni par l’assuré pour rester en bonne santé. En sera-t-il de même en Suisse?
– Je ne suis pas une experte du système américain, mais je trouve le concept intéressant. L’une des conséquences de la cybersanté, c’est la soi-disant «gamification» des données. Je remarque que l’on peut motiver les gens par des récompenses financières ou d’autres avantages. Cela ne me pose aucun problème d’imaginer qu’une assurance octroie un bon de réduction dans un fitness à l’assuré qui prend soin de sa santé et donc limite les coûts. C’est un contexte dans lequel tout le monde est gagnant; l’assurance comme l’assuré.
– Mais les coûts «personnalisés» vont à l’encontre du principe de solidarité qui sous-tend la LAMal.
La LAMal prévoit une assurance aux mêmes conditions pour tout le monde, se basant sur trois catégories: enfants, adolescents et adultes. J’imagine que ce modèle de calcul de primes ne se fera que sur les complémentaires et les assurances vie privées.
– La stratégie de la cybersanté est au cœur des préoccupations du Conseil fédéral depuis 2007. Mais elle ne s’est toujours pas imposée, hormis dans certains cantons comme Genève. Pourquoi?
– La question de la protection des données. Les citoyens ont peur de partager ce type d’informations tant qu’ils ne savent pas comment elles seront exploitées et où elles sont stockées. Selon moi, c’est actuellement un des principaux défis: convaincre et rassurer les Suisses en fournissant les réponses politiques et technologiques adéquates. Il y a un énorme travail de sensibilisation à mener.
– Selon les chiffres de Santésuisse, le secteur de la santé pèse 63 milliards de francs. Avec la numérisation de ce marché, faut-il s’attendre à la venue de nouveaux acteurs?
– Oui. Je les appelle les intermédiaires, comme les entreprises actives dans la standardisation, le stockage, la protection, mais aussi la modélisation des données.
– L’issue de la votation du 28 septembre sur la caisse unique a révélé une certaine méfiance des Suisses – notamment en Suisse romande – à l’égard de leur assureur. La cybersanté peut-elle inverser la tendance?
– C’est peut-être un moyen d’y parvenir.
http://www.letemps.ch/Page/Uuid/be0c7080-6918-11e4-9336-64010dd617df/Le_Big_Data_r%C3%A9volutionne_lindustrie_de_lassurance

Bertrand Kiefer: «L’information est entrée au cœur de la médecine»

A la veille du premier grand rendez-vous romand et interactif entre la santé et le public qu’il organise, Bertrand Kiefer interroge l’évolution de ce lien.
Quel est le but de ce premier grand salon suisse de la santé?
D’organiser un événement tourné vers la santé publique. Il ne s’agit pas de réaliser une manifestation où l’on vend des surfaces aux pharmaciens ou aux cliniques. Le but est d’apporter quelque chose au patient que nous sommes tous en puissance, que chaque visiteur apprenne, découvre, dialogue autour de tout ce qui constitue sa santé.
L’exact contre-pied d’internet, en fait?
Mais oui. Aujourd’hui, en cas de problème, le gens cherchent des réponses sur le web. C’est une bascule massive, mais aussi assez récente dans l’histoire de la médecine. Leur savoir en santé devient à la fois très théorique et très virtuel. D’où la volonté d’un salon orienté sur la rencontre et l’expérience.
Il existe aussi beaucoup de sites et autres forums de patients atteints de telle ou telle maladie. C’est plutôt bien, non?
ça me paraît en effet un aspect plutôt positif. Pour la personne atteinte d’une maladie chronique, par exemple, recevoir des astuces pour soulager la douleur ou vivre au quotidien aide à se sentir moins seul et démuni.
La médecine moderne n’a-t-elle pas un peu raté ce virage de la communication?
J’ai envie de répondre: sans doute, comme beaucoup d’autres professions. Nous avons complètement dépassé les années 1980 où régnait encore un certain paternalisme médical. On a commencé à parler de l’autonomie du patient, puis des outils donnant aux gens la capacité de «faire face» à une médecine de plus en plus puissante. Maintenant, on évoque la «littératie en santé».
C’est-à-dire?
Donner une véritable culture à la personne, qui va bien au-delà de la simple information, afin qu’elle puisse être co-responsable de son traitement ou des choix qu’elle doit faire. Les traitements sont de plus en plus complexes. On ne peut pas se passer de la participation des patients. Ils doivent avoir compris ce qui se passe, sans quoi il n’est pas possible de les soigner. Et puis, plus personne n’est en bonne santé désormais. Chez tout le monde, la médecine découvre des prédispositions à telle ou telle pathologie. Dire: «Vous êtes guéri» n’est plus possible. On peut guérir d’une maladie particulière, mais pas des risques et des prédispositions avec lesquels il faut apprendre à vivre.
Une perspective un peu anxiogène, non?
C’est le corollaire d’une médecine de plus en plus pointue, de plus en plus prédictive. Tout le monde se retrouve face à des perspectives à long terme, alors qu’avant on vivait jusqu’à l’arrivée d’un pépin qu’on assumait sur le moment. Cette évolution complique aussi la tâche des soignants, parce qu’on ne peut pas tout prévoir et qu’il faut faire des choix. Mais lesquels? Selon quels critères? Personne n’a véritablement de réponse pour l’instant.
Mais dans le dialogue du médecin avec son patient, l’évolution n’a-t-elle pas pris beaucoup de temps?
C’est vrai. On est parti de loin, d’une époque où un chirurgien ne disait pas grand-chose des risques, des conséquences. Aujourd’hui, celles-ci sont encore plus nombreuses avec une science médicale de plus en plus pointue. Va-t-on opérer avec un robot? En endoscopie? Quels sont les avantages ou les inconvénients? Le chirurgien ne décide plus seul. L’information entre au cœur de la médecine. Il ne s’agit plus d’un à-côté. C’est au centre. Il y a donc cette information à donner aux gens, mais il y a aussi l’information liée aux patients, toutes les données cumulées sur chacun.
Et puis, désormais, la notion d’erreur médicale n’est plus taboue…
Un peu moins, en tout cas. La situation américaine, où tout devient juridique et affaire de gros sous, avec des assurances qui coûtent tellement cher aux médecins qu’ils doivent doubler leurs tarifs, constitue à mes yeux un repoussoir. En revanche, les erreurs doivent pouvoir être dites et prises au sérieux. La première question est: y a-t-il vraiment erreur? Si oui, il faut voir où elle se situe entre l’erreur inévitable et la faute grave. La réponse n’est pas facile. Pour écouter les gens et essayer de les conseiller, un espace patients est à disposition au CHUV, un centre de médiation aux HUG. Ou encore, la FMH propose l’aide d’un bureau d’expertises. Dans tous les cas, ce qui est fondamental, c’est que le médecin parle avec le patient. Même s’il a fait une faute. Parce qu’avant tout, le patient a besoin d’une chose: la vérité.
Le praticien prend alors un risque…
Oui, celui qu’une petite minorité aille plus loin, sur le plan juridique. C’est pour cela que je trouve que pour l’instant, en Suisse, la puissance judiciaire face aux erreurs d’un médecin reste bien dosée.
Vous parlez de dérive possible vers une marchandisation de la médecine. Qu’est-ce que cela change dans le rapport aux patients?
La médecine a toujours représenté un vaste marché. Reste que, comme dans bien d’autres domaines, l’économie prend de plus en plus le dessus. On ne parle alors plus que de chiffres, de maîtrise des coûts. Du côté des entreprises, des privés, on se bat pour vendre, pour avoir une part du gâteau, pour faire consommer de la santé aux gens.
Et de temps en temps, ce sont les médecins eux-mêmes qui réclament un peu plus d’argent…
Il faut dire que le médecin, surtout le généraliste, gagne moins que ses prédécesseurs. C’est l’une des raisons qui expliquent qu’il y en a de moins en moins. Et de plus en plus de femmes parmi eux. Ce qui n’est pas un mal en soi, mais c’est aussi le signe d’une perte de statut social du généraliste.
Parce que le spécialiste conserve une sorte de pouvoir ex nihilo, alors que le généraliste doit développer un dialogue permanent?
C’est cela qui est étrange. Parce que l’on entend tout le temps que la gestion de la complexité médicale par le dialogue devient primordiale aujourd’hui. Alors que cette tâche est mal reconnue par la société qui lui préfère le mystère de la haute technologie et a tendance à idolâtrer le grand chirurgien et son geste sacré. A mon sens, il est aussi difficile d’être un excellent généraliste, c’est un savoir-­faire tout aussi important et complexe. A quand un généraliste suisse de l’année?
Le fonctionnement de notre assurance maladie ne pousse-t-il pas à sortir du modèle d’un médecin de famille connaissant par cœur chacun de ses patients?
Il y a là un grand danger. Si l’on observe les autres systèmes de santé, ceux qui offrent la meilleure qualité à coût mesuré sont ceux qui mettent la mé­decine générale au centre. Il faut donc au contraire la renforcer, d’autant que c’est aussi elle qui tient le mieux compte par exemple des patients les plus vulnérables. Cette pénurie de généralistes reflète une société où la technologie est valorisée. Les gens ont de plus en plus besoin de rapports humains et de compréhension, mais en même temps, c’est la consommation de petits objets high-tech qui est valorisée.
Et le succès des médecines alternatives?
Pourquoi pas. Ce qui est intéressant, c’est que ce type de thérapeutes proposent une pratique justement enrobée d’un certain mystère qui existe moins pour la médecine générale qui est dans l’approche scientifiquement validée et le dialogue. Mais là aussi, le fonctionnement des points Tarmed qui minutent chaque prise en charge rend le maintien de la dimension humaine plus compliqué.
On comprend donc que la plupart des jeunes médecins choisissent d’autres voies…
Hélas, oui. D’autant qu’en début de carrière, les généralistes sont souvent obligés de faire des gardes, contrairement aux spécialistes. Le chi­rurgien orthopédiste installé gagne trois fois ce que gagne le généraliste, et en plus il a ses soirées et ses week-ends pour lui. On peut admettre que cela fasse réfléchir à l’aube d’embrasser telle ou telle carrière.
Autre grand enjeu, à votre sens, la sécurité des patients…
… Qui passe aussi par une meilleure information. Exemple: si une personne connaît les statistiques d’un petit service d’un petit hôpital, peut-être choisira-t-elle d’aller un peu plus loin dans un grand centre universitaire avec de meilleurs taux de réussite. Mais là aussi existe le risque déjà patent aux Etats-Unis, celui que certains établissements ou praticiens refusent les cas difficiles pour soigner leurs statistiques. Un autre exemple d’un dangereux glissement vers la santé business.
Et le risque de médecine à deux vitesses, n’en sent-on pas les prémices en découvrant par exemple que 19% des Genevois renoncent à certains types de soins faute de moyens?
Il ne faut pas aller dans cette direction, et continuer à exiger une médecine offrant à tout le monde des soins efficaces. C’est aussi une question de cohésion sociale, parce que la médecine ne se limite pas à une science ou à un business. C’est aussi une certaine vision de l’homme. L’un des derniers domaines où l’on regarde l’homme autrement que simplement économiquement. C’est encore le cas en Suisse et le monde politique comme la profession et la société tout entière doivent se mobiliser pour que cette vision perdure. Le grand danger serait une industrialisation du système de soins, avec des notions comme le produit patient ou le produit santé, plutôt que des réseaux de santé intelligemment conçus centrés sur les patients, avec une médecine de premier recours forte.
Planète Santé Live, organisé par Planète Santé, du 13 au 16 novembre, Swisstech Convention Center de l’EPFL. www.planetesante.ch/salon
© Migros Magazine – Pierre Léderrey
http://www.migrosmagazine.ch/societe/entretien/article/bertrand-kiefer-l-information-est-entree-au-coeur-de-la-medecine 

L’Obamacare démarre dans la douleur

Une manière plus traditionnelle pour acquérir une police d’assurance maladie. (Reuters)
Une manière plus traditionnelle pour acquérir une police d’assurance maladie. (Reuters)
Le président Barack Obama en appelle aux meilleurs informaticiens du pays pour réparer les bugs du système. Mais il souligne que la réforme ne se limite pas à un site internet
Cinq millions de codes à ré­écrire. Fausses informations au sujet d’internautes intéressés par une assurance maladie. Données perdues ou effacées. Mille et une difficultés pour se loguer. Le lancement du site internet HealthCare.gov, le 1er octobre dernier, ouvrant aux Etats-Unis un marché en ligne pour acquérir une police d’assurance maladie, n’a pas été aussi simple que ce que le président américain Barack Obama anticipait en déclarant que l’exercice équivaudrait à surfer sur «le site Amazon.com». Il fut proche du désastre. L’administration démocrate a pris tardivement la pleine mesure du risque que pose désormais ce couac majeur, appelant à la rescousse les meilleurs spécialistes informatiques du pays pour tenter de réparer un système informatique auquel ont contribué 55 sous-traitants. L’étendue des problèmes est telle que certains se demandent même s’il peut être renfloué.
Lundi, parlant depuis la Roseraie de la Maison-Blanche, Barack Obama n’a pas caché sa frustration au sujet de la mise en œuvre de l’Affordable Care Act (ACA), la loi réformant le système de santé censée rendre abordable une couverture médicale aux 15% de non-assurés et aux 85% d’assurés aux Etats-Unis. L’ACA, que les républicains ont baptisée Obamacare, est le principal succès de sa présidence. «Personne n’est plus frustré [par ces problèmes informatiques] que moi», a-t-il souligné.
Car le temps presse. Les Américains ont six mois, jusqu’au 31 mars 2014, pour contracter une assurance maladie, faute de quoi ils devront s’acquitter d’une amende. La réussite de la réforme dépend en grande partie du nombre de citoyens qui souscriront à une police d’assurance, en particulier des jeunes en bonne santé dont la présence dans un groupe d’assurés devrait permettre de compenser les risques liés à des affiliés en moins bonne santé. D’après les calculs de l’administration, il est nécessaire que 7 millions de jeunes Américains jouent le jeu.
Ce mauvais départ n’est pas sans danger. Il fragilise la confiance naissante dans un système de santé qui subit la plus importante transformation, avec Medicare en 1965, depuis la Seconde Guerre mondiale. Barack Obama a ainsi voulu rassurer: «Les meilleurs informaticiens du pays ont rejoint notre équipe. […] Et au cours des prochaines semaines, nous allons contacter tous ceux qui n’ont pas pu compléter leur demande.» Le président a souligné que le site HealthCare.gov a tout de même été visité plus de 20 millions de fois et qu’un demi-million de personnes ont soumis leur demande. Mais il a aussi souhaité élargir la discussion, ce d’autant que les républicains annoncent déjà la mort de la réforme: «L’Affordable Care Act n’est pas qu’un site internet», a-t-il déclaré rappelant qu’il y a plusieurs autres moyens pour acquérir une assurance maladie: par téléphone ou en personne. Preuve qu’une mise en œuvre réussie d’Obamacare lui tient à cœur, le président en est même venu à donner des numéros de téléphone où appeler pour s’affilier à une assurance sans passer par le site internet.Politiquement, Barack Obama est dans une situation épineuse. Il vient certes de sortir renforcé d’une grave crise budgétaire. Mais les républicains n’en démordent pas. S’ils n’ont pas réussi à saper quelques fondements de la réforme en provoquant la fermeture partielle du gouvernement et en usant du chantage pour relever le plafond de la dette, ils estiment avoir perdu une bataille, mais pas la guerre contre Obamacare. Le président a tenté de désamorcer cette révolte par l’ironie: «Je reconnais que l’idée politique phare du Parti républicain est de se débarrasser de l’Affordable Care Act. Il semble que ce soit la seule chose qui unisse le parti ces jours-ci.» Le président n’a toutefois pas été aidé par sa secrétaire à la Santé, Kathleen Sebelius. Apparaissant mal informée et peu consciente de la gravité de la situation, elle a finalement accepté d’être auditionnée par le Congrès. Certains républicains exigent sa démission. D’autres, comme l’ex-gouverneur de Floride Jeb Bush, estiment qu’il est inutile de trop en faire: l’Obamacare s’écroulera d’elle-même.http://www.letemps.ch/Page/Uuid/b94b7ea4-3a8b-11e3-a09b-7edc150c3575

Le Conseil National de l'Ordre des Médecins de Côte d'Ivoire organise le 1er Symposium International sur la Cyber-Santé en Côte d'Ivoire.

Thème: CYBERSANTE : ÉTHIQUE ET DÉONTOLOGIE.

Les lundi 21 et mardi 22 octobre 2013 à partir de 9h30 à l'espace CRRAE - UMOA au Plateau.

Au programme : Salon d'exposants, Ateliers et Conférences.

Chers confrères vous y êtes cordialement invités.

Salutations confraternelles!



Contacts:  59345612 / 02024401 / 07262563
 PS : Vous Y trouverez les pièces jointes, les documents s'y afférents (Affiche, carton d'invitation ainsi que la programme)
Mlle Alima DIABAGATE pour l'Ordre National des Médecins de Côte d'Ivoire (ONMCI)
Tél : 22 41 72 96 / 22 41 75 09
Cel : 07 84 40 03 / 02 18 97 38
Fax : 22 41 72 95
Email : alima061@yahoo.fr

NTIC
1er Symposium International sur la Cybersanté en Côte d’Ivoire: les médecins veulent être des acteurs actifs de l’expansion de l’usage des TIC
Publié le mardi 22 octobre 2013  |  Ivoire-Presse


Lancement
© Ministères par DR
Lancement du 1er symposium international sur la cybersanté en côte d`ivoire
Lundi 21 Octobre 2013.Abidjan.La Ministre de la Santé et de la Lutte contre le Sida, Dr Raymonde GOUDOU COFFIE a procédé au lancement du 1er symposium international sur la cybersanté en côte d`ivoire en compagnie du Ministre Bruno NABAGNE KONE des NTIC


L’Ordre National des Médecins de Côte d’Ivoire, ne pouvant se contenter d’être spectateur ou « acteur passif » de l’expansion de l’usage des TIC en santé, souhaite prendre sa place d’institution qui édicte et veille au respect des règles d’éthique et de déontologie en matière de santé. Ainsi, l’Institution Ordinale organise du 21 au 22 octobre 2013, le 1er Symposium International sur la Cybersanté en Côte d’Ivoire, en vue de jeter les bases de son implication efficiente pour la protection de la relation praticien-patient face aux rapides évolutions du numérique en santé et face à l’apparition de la Cybercriminalité.

L’objectif général de ce symposium est de jeter les bases d’un cadre réglementaire de la gestion de la Cybersanté en Côte d’Ivoire. A cet effet, de nombreux spécialistes et experts internationaux et nationaux, réunis à Abidjan, réfléchissent sur les aspects juridiques et institutionnels, de gouvernance et de vulgarisation de la cybersanté en Côte d’Ivoire.

Lors de ce symposium international sur la cybersanté, Dr. GUIBESSONGUI N’Datien Séverin, Docteur en Droit des Télécommunications, a fait une présentation sur « La législation du numérique en Côte d’Ivoire ». Il a rappelé qu’avant juin 2013, le droit positif ivoirien était caractérisé par un cadre juridique inexistant ou lacunaire sur le numérique. Après juin 2013, la Côte d’Ivoire s’est dotée d’une législation sur le numérique propice à l’émergence et au développement d’une économie numérique. Cette législation sur le numérique est composée de trois lois :
- Loi n°2013-450 du 19 juin 2013 relative à la protection des données à caractère personnel;
- Loi n°2013-451 du 19 juin 2013 relative à la lutte contre la cybercriminalité.
- Loi n°2013-546 du 30 juillet 2013 relative aux transactions électroniques.

La substance de ces lois a été présentée par Dr. GUIBESSONGUI à travers une analyse descriptive et analytique. Il a montré que ce dispositif légal qui vise à assurer la confiance et la sécurité dans l’économie numérique, est applicable à la cybersanté. En effet, selon Dr. GUIBESSONGUI, la cybersanté favorise un échange de données électroniques ou numériques, l’usage de données personnelles à protéger (collecte, conservation, traitement) et n’est pas à l’abri de la cybercriminalité (falsification, altération, modification ou suppression frauduleuses des données électroniques des patients, vol d’information concernant les données médicales, etc.).

Les données personnelles doivent être sous le sceau de la confidentialité et du secret médical. Pour Dr. GUIBESSONGUI N’Datien Séverin, les données personnelles sont définies comme « toute information de quelque nature qu’elle soit et indépendamment de son support, y compris le son et l’image, relative à une personne physique identifiée ou identifiable directement ou indirectement, par référence à un numéro d’identification ou à un ou plusieurs éléments spécifiques, propres à son identité physique, physiologique, génétique, psychique, culturelle, sociale ou économique ».

Dr. GUIBESSONGUI a conclu sa présentation en précisant que la législation sur le numérique ainsi présentée n’exclut pas l’édiction d’une loi spécifique ou spéciale sur la cybersanté ou l’adoption d’une Charte sur la cybersanté, incluant les aspects éthiques, déontologiques et juridiques.

Edgar Kouassi

http://news.abidjan.net/h/478254.html



L'OUVERTURE



Allocution de Mr. le Ministre Bruno NABAGNE KONE des NTIC

Allocution de Mme le Ministre de la Santé et de la Lutte contre le Sida, Dr Raymonde GOUDOU COFFIE

Visite d'un Stand d'exposition


EN COMMISSION 



 LES PROBLÉMATIQUES DE LA CYBERSANTE

Surveiller les algorithmes


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De plus en plus souvent, des algorithmes décident de notre rapport au monde. Que ce soit pour nous mettre en relation avec d'autres sur des sites de rencontres ou pour estimer notre capacité de crédit, pour nous diriger dans la ville via nos GPS voir même pour nous autoriser à retirer de l'argent à un distributeur automatique... les algorithmes se sont infiltrés dans notre vie quotidienne sans notre consentement et modulent notre rapport au monde sans que nous soyons vraiment au courant de leur existence, de l'ampleur de leur action, de leur pouvoir et des critères qu'ils utilisent pour décider de nos existences à notre place. Sans que nous ayons non plus beaucoup de possibilités pour réfuter ou intervenir sur ces critères. "Trop souvent, c'est l'ordinateur qui décide !"
Comprendre comment fonctionnent les algorithmes qui nous gouvernent n'est pourtant pas du recours des seuls spécialistes, estime le journaliste Frank Swain (@SciencePunk). Dans l'un des derniers billets de son blog Future Exchange sur Medium, il revient très concrètement sur la façon dont les algorithmes nous gouvernent, en montrant, comment, nous pouvons essayer de comprendre les traitements dont nous sommes l'objet.
Frank voyage dans le monde entier... Et autant le dire, l'algorithme chargé de surveiller les mouvements de son compte en banque n'aime pas trop cela. Sa carte de retrait a encore été refusée. Il ne sait pas pourquoi... et il ne peut pas savoir pourquoi. Tout le problème est là !

Danser avec les algorithmes silencieux

A chaque fois qu'on retire de l'argent, l'automate de la banque doit décider si ce retrait est autorisé, s'il est "normal". Il doit décider si c'est vraiment nous qui retirons de l'argent. Notre carte, notre code bancaire ne sont que des talismans pour en appeler à un complexe cerveau électronique résidant quelque part dans un datacenter climatisé. C'est lui le véritable gérant du guichet et c'est lui qui doit approuver ma transaction pour qu'elle soit autorisée. En fait, notre carte et notre code ne sont pas si importants que cela pour ce cerveau électronique. "Ce qu'il consulte avant tout c'est une vaste base de données d'enregistrements qui inclue ma localisation présumée, mes transactions récentes, le type de transaction que je demande, le temps qui s'est écoulé depuis ma précédente transaction, le montant que je demande, la date de cette transaction et quelques dizaines d'autres mesures dont je n'ai pas conscience. Il soupèse chacun de ces facteurs et décide si je suis vraiment celui que je prétends être. Il les soupèse et décide de me donner ou pas mon argent." En fait, ces enregistrements, aussi factuels et minimaux soient-ils, par leur accumulation, dessinent une base de données de comportements, basée sur l'analyse de ces enregistrements. L'activité est une alternative à l'identité.

Image : Dancing in the street par John Henderson.
Le problème est que quand l'algorithme refuse la transaction, la machine ne nous dit jamais pourquoi. "Cela signifie que nous sommes constamment engagés dans une sorte de danse avec l'algorithme, une danse où je ne peux entendre la musique et où la seule réaction que je reçois est quand je marche sur les pieds de mon partenaire." Nous ne connaissons ni les règles des algorithmes ni quand elles sont modifiées... Notre seul repère consiste à observer par essai/erreur, afin d'apprendre ce qui ne lui convient pas. Nous apprenons en dansant !
Et Frank Swain de faire référence aux travaux de Timo Arnall (notamment via le monde visible par des robots) et James Bridle (voir sa présentation à Lift sur comment nous écrivons avec les machines) nous expliquant combien nos vies sont désormais influencées par les technologies, non seulement par les objets que nous utilisons tous les jours, mais également par les systèmes invisibles qui nous entourent et ces architectures qui façonnent nos modes de nos vies. "Nous vivons à l'intérieur de systèmes invisibles aussi courants que des formulaires d'assurance, des demandes de prêts, d'emplois, de rencontres... et nous tentons de nous y ajuster consciemment en fournissant les informations que nous pensons être les plus appropriées ou les moins mal interprétées par ces systèmes." Mais les machines ne comprennent pas très bien la normalité, au-delà d'une courbe statistique à laquelle mon comportement doit se conformer. Notre travail consiste donc à deviner la forme de cette courbe, estime Frank Swain. Les algorithmes bancaires sont conçus pour détecter les transactions frauduleuses et ils ne partagent pas les secrets de leurs alarmes de peur qu'on puisse les contourner. Pourtant, les criminels, finalement, n'en savent-ils pas beaucoup plus sur ces algorithmes que le public ? Ne savent-ils pas mieux naviguer que nous dans le cerveau de ces machines pour vider nos comptes en banque ?
Frank Swain a ainsi découvert qu'il avait annulé une transaction sur un distributeur à Barcelone, alors que sa banque l'avait accepté, ce qui explique que ses retraits ultérieurs aient été refusés... Visiblement, ce comportement-là semble répréhensible pour la machine. Ce n'est certes pas beaucoup, mais Frank a appris un pas de danse de plus avec l'algorithme. Certes, ce pas de danse est bien incertain et montre peut-être aussi les limites de cette technique par essai-erreur. A-t-on pris en compte le bon paramètre ? Est-ce vraiment cette suite logique que la machine a détecté ? En faisant ces rapports de manière solitaire et isolé, il n'est pas sûr que nous parvenions à circonvenir les algorithmes, mais allez savoir, peut-être qu'en s'y mettant à plusieurs...

L'ingénierie inversée

Force est de constater que nous ne sommes peut-être pas si démunis que cela pour comprendre les algorithmes. Pour connaître leurs biais, il y a une méthode simple, estime Nicholas Diakopoulos (@ndiakopoulos) pour The Atlantic : l'ingénierie inversée ! C'est-à-dire de déterminer le fonctionnement d'un système en étudiant ses réponses en faisant varier les signaux d'entrée. Faisons des algorithmes notre terrain d'analyse, nous invite le journaliste. Et de nous rappeler que cela est déjà le cas. Au Wall Street Journal, une équipe de journaliste a sondé des plateformes de commerce électronique pour identifier des cas de tarification dynamiques (voir notre article : "De quels traitements sommes-nous les proies ?). Pour le Daily Beast, Michael Keller a regardé la fonction de correction d'orthographe de l'iPhone pour voir les mots qui n'étaient pas dans le correcteur, ceux qu'Apple ne veut pas que vous employez, comme les mots "avortement" ou "suicide". Pour Slate, Nicholas Diakopoulos a observé les critères éditoriaux embarqués dans les algorithmes d'autocomplétion des moteurs de recherches Bing et Google, permettant de déterminer les termes censurés et les marges d'erreur des systèmes de filtrage. A Harvard, Latanya Sweeney du Data Privacy Lab, a mis en avant la discrimination raciale dans la publicité en ligne.
"Toutes ces histoires partagent plus ou moins la même méthode. Les algorithmes sont des boîtes noires exposant des entrées et des sorties sans trahir le moindre de leurs organes internes. Vous ne pouvez pas voir ce qu'il se passe à l'intérieur directement, mais si vous pouvez faire varier les entrées de différentes façons et porter attention aux sorties, vous pouvez commencer à assembler quelques conclusions pour comprendre comment l'algorithme transforme chaque entrée en sortie. La boîte noire commence à divulguer certains secrets."
Certes, les corrélations trouvées ne signifient pas nécessairement intention. Encore faut-il creuser plus profondément les motifs et les intentions de conception derrière les algorithmes. Compte tenu de la montée en puissance des algorithmes sur la société, il est essentiel de continuer à mettre la lumière sur ces systèmes qui n'offrent pas beaucoup de transparence ni de clarté...

L'opacité : le poison

Nos systèmes sociotechniques ne sont pas très transparents. C'est ce que pointe James Bridle (@jamesbridle) dans son très stimulant petit essai sur la vidéosurveillance publié par Matter, Ring of Steel où il évoque les systèmes de caméras de surveillances dédiées à la lecture automatisée de plaques d'immatriculation (LAPI) mises en place en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis, et dont le plus connu est celui qui fait fonctionner le péage urbain de Londres (surveillé par près de 700 caméras).
Ces réseaux de vidéosurveillance sont très peu documentés. "Cette opacité est délibérée", rappelle Bridle, la police refusant de livrer la magnitude de son réseau de surveillance routier. Même si on compte certaines initiatives citoyennes pour documenter l'emplacement des caméras, la plupart des citoyens ne savent pas précisément comment la technologie est utilisée. Mis en place pour détecter des voitures volées, réguler voire facturer le trafic, ces LAPI mettent en place une discrète surveillance de masse où toute voiture devient suspecte. En fait, la loi britannique ne considère pas ces enregistrements de numéros de plaque minéralogiques comme des données personnelles. Les données d'enregistrement (des photos de véhicules auxquels sont associés des numéros de plaques) sont accessibles 90 jours à tous ceux qui sont accrédités pour cela, sans qu'une décision de justice soit nécessaire pour y accéder.

Image : le tableau de bord d'un système de surveillance de plaque minéralogiques dans une voiture de police via la West Midlands Police.
Pour l'instant, aucune étude n'a chiffré leur efficacité ni mesuré le niveau de surveillance qu'elles engendrent. Pourtant, contrairement à ce que l'on croit, le système mis en place n'est pas qu'un système de surveillance temps réel. L'historique des enregistrements est plus utilisé que les alertes temps réels et de nombreuses autres techniques ont été imaginées pour faire parler les données. L'analyse de convois permet ainsi de regarder dans la base de données si un autre véhicule a fait le même trajet que vous. Le système génère également un rapport de trajets impossibles pour détecter les plaques minéralogiques qui posent problèmes et générer des alertes... D'autres enquêtes algorithmiques sont également possibles comme la prédiction permettant de rétablir une surveillance humaine sur une cible qui a disparu ou analyser où une voiture en infraction risque de se rendre pour l'intercepter... A Londres, le système génère plus d'alertes que ce que la police peut traiter. Les données recueillies par ces systèmes sont pauvres de prime abord : un numéro de plaque, un lieu et une heure, et une image qui n'est pas passionnante. Mais leur analyse et leur agrégation permettent de détecter des corrélations bien supérieures à leur effet premier.
Bref "ce réseau n'est pas qu'un réseau d'identification en temps réel, mais il est bien un système pervasifs de surveillance algorithmique", conclut Bridle. Récemment une société d'enquête privée américaine, TLO, a ouvert un service permettant à quiconque d'avoir accès aux enregistrements concernant un numéro d'immatriculation en échange de quelques dollars (voir NBCNews). En 2010, Mike Katz-Lacabe, un consultant de San Leandro en Californie, a demandé ses données à la police et a reçu un rapport contenant 112 images de son véhicule permettant le plus souvent d'identifier ses occupants (voir le très complet reportage du Wall Street Journal sur le sujet).
Le problème de ces systèmes est qu'ils enregistrent des données sans raison prédéterminée, estime Bridle. Ces technologies d'analyses font de la rétention d'information l'option par défaut... Et James Bridle de rappeler que la loi britannique sur les données personnelles a été imaginée à une époque où on se concentrait sur l'accès aux données, pas à celle des requêtes algorithmiques. Bien sûr, le système connaît des dérives. Bridle rapporte par exemple l'histoire d'un homme arrêté 25 fois sous divers prétexte. En fait, à l'origine, c'était parce que sa plaque minéralogique avait été repérée aux alentours d'une manifestation contre la chasse ! Voilà un usage supplémentaire de ce réseau. En fait, estime Bridle en se basant sur des directives internes à la police, la surveillance et le traçage de véhicules associés à des manifestations publiques ne sont pas une routine, mais sont activement encouragés par la police. Or tout cela n'a pu être documenté que parce que les gens blessés par ces systèmes techniques en rapportent... Les criminels savent mieux que d'autres contourner ces systèmes : en modifiant leurs plaques afin qu'elles soient moins lisibles par les capteurs infrarouges, en utilisant des cartographies de ces caméras pour modifier leurs itinéraires de conduites ou en endommageant les systèmes, notamment en certains points.
"Ce sont les lois qui exemptent les données de véhicules de la protection à la confidentialité nécessaire, et ce sont ces mêmes lois qui ne mentionnent pas les possibilités très réelles de harcèlement, d'intrusion dans la vie privée et d'arrestation illégale rendue possibles par ces systèmes, qui sont des risques inhérents à une couverture en systèmes de surveillance automatisés", s'alarme Bridle. La compréhension de ce qu'il se passe dans ces systèmes de surveillance est impossible sans visibilité. "Quand il ya une pression à obscurcir une infrastructure - camoufler les caméras, fermer les réseaux, ou restreindre la liberté de demandes d'informations - une pression correspondante est exercée sur la démocratie qu'elle prétend défendre."
Forbes rapportait récemment qu'un hacker, @PukingMonkey, avait démontré que les badges de péages électroniques sans contact utilisés à New York, les e-Zpass, n'étaient pas lus seulement aux barrières de péage... soi-disant pour aider l'autorité de transport à mieux connaître l'état du trafic (sans que cela ait été précisé dans les conditions d'accès au service). En bricolant un capteur lumineux à son pass pour savoir quand son badge était lu, Puking Monkey a fait une démonstration très visuelle (vidéo) de la manière dont nous sommes lus par-devers nous...
A nouveau, à défaut de transparence de la part des services qui les conçoivent, la rétro-ingénierie semble effectivement l'une de nos rares armes pour lutter contre les algorithmes et les systèmes techniques opaques. Reste que pour être efficace, il va falloir qu'elle soit plus collaborative que celle qu'esquissent les lanceurs d'alertes...
Hubert Guillaud
http://internetactu.blog.lemonde.fr/2013/11/02/surveiller-les-algorithmes/































Edward Snowden juge que les programmes d'espionnage menacent la liberté d'opinion

Le Monde.fr avec AFP | • Mis à jour le
































Edward Snowden, le 11 octobre à Moscou.
Dans un texte publié dimanche 3 novembre par le magazine allemand Der Spiegel, Edward Snowden estime que les programmes massifs d'espionnage des services de renseignement menacent la liberté d'opinion et les sociétés ouvertes.

L'ancien analyste des services américains, qui est poursuivi dans son pays pour être à l'origine des fuites sur l'Agence de sécurite nationale (NSA), estime que la surveillance massive constitue un problème mondial qui demande une réponse mondiale. "De tels programmes ne sont pas seulement une menace contre la vie privée. Ils menacent la liberté d'opinion et les sociétés ouvertes", a-t-il ajouté dans ce texte publié en allemand par le magazine.

"UN MANIFESTE POUR LA VÉRITÉ"
Sous le titre "Un manifeste pour la vérité", Der Spiegel ajoute que Snowden a écrit ce texte le 1er novembre à Moscou et qu'il a été envoyé au siège du magazine via un canal crypté. Les révélations de Snowden, publiées dans le monde entier, ont provoqué des tensions entre Washington et certains de ses principaux alliés. "Quiconque dit la vérité ne commet pas de crime", écrit Snowden.
Selon lui, certains gouvernements qui se sont tout d'abord sentis "démasqués" par les révélations d'espionnage, ont ensuite lancé "une campagne de persécution sans précédent" afin de faire cesser tout débat. Malgré tout, le débat continue dans le monde entier, a ajouté l'ancien analyste.
Edward Snowden juge que son geste a contribué à la prise de conscience par le public et par les gouvernements de la nécessité d'une réforme de ces services. "Au lieu de provoquer des dégâts, l'utilité pour la société de cette nouvelle connaissance publique est désormais claire, car on évoque aujourd'hui des réformes des modes de gestion, de supervision et des lois", écrit-il.
Le député vert allemand Hans-Christian Stroebele a rencontré jeudi à Moscou Snowden dans un lieu tenu secret, après la publication de documents indiquant que la NSA avait écouté le téléphone de la chancelière Angela Merkel pendant plusieurs années. Selon Stroebele, Snowden a exprimé sa volonté de parler avec les autorités allemandes.
Snowden ne mérite "aucune clémence" estiment deux élus américains Deux élus parmi les plus importants du Congrès américain se sont prononcés dimanche pour que le lanceur d'alertes Edward Snowden ne bénéficie d'"aucune clémence" de la part des Etats-Unis, compte tenu des fuites qu'il a orchestrées sur l'Agence de sécurité américaine (NSA). " S'il avait été un véritable lanceur d'alertes, il avait la possibilité d'appeler les commissions du renseignement du Sénat et de la Chambre des représentants et de nous dire : 'Ecoutez, je suis en possession d'informations que vous devez examiner'. Dans ce cas-là, nous lui aurions certainement parlé. (...) Mais ça ne s'est pas passé comme cela et il a fait énormément de tort à notre pays", a déclaré la sénatrice démocrate Dianne Feinstein, présidente de la puissante commission du Renseignement du Sénat américain, dans l'émission "Face the Nation" sur la chaîne CBS. "S'il veut revenir (aux Etats-Unis) et assumer les conséquences du vol d'informations qu'il a perpétré, de la façon dont il a violé son serment et a diffusé des informations secrètes – et poussé trois groupes terroristes liés à Al-Qaïda à changer leur mode de communication –, alors je serais heureux de discuter avec lui", a ironisé le représentant républicain Mike Rogers sur la même chaîne.http://www.lemonde.fr/technologies/article/2013/11/03/edward-snowden-juge-que-les-programmes-d-espionnage-menacent-la-liberte-d-opinion_3507343_651865.html

Des médecins complices de torture dans les prisons militaires de la CIA

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Le drapeau américain sur la façade de la base de Guantanamo, à Cuba.

Des médecins ont-ils foulé au pied le serment d'Hippocrate pour prêter main forte aux agents du renseignement américain ? Ce sont les accusations portées par un rapport indépendant publié lundi 4 novembre, qui dénonce la complicité des professionnels de la santé concernant les abus commis dans les prisons du Pentagone et de la CIA.

Cette étude réalisée pendant deux ans et intitulée "L'éthique abandonnée : professionnalisme médical et abus sur les détenus dans la guerre contre le terrorisme", réclame une enquête de la commission du renseignement du Sénat américain. "Le ministère de la défense et la CIA ont exigé de façon abusive de [leurs] professionnels de santé qu'ils collaborent à des opérations d'extorsion d'informations et de sécurité de telle manière qu'ils ont infligé des souffrances graves aux détenus", souligne le rapport.
Parmi ces pratiques, l'étude, conduite par 20 experts juridiques, médecins et militaires, relève la "conception, la participation et l'application de tortures et de traitements cruels, inhumains et dégradants" sur des hommes en détention dans des prisons américaines en Afghanistan, à Guantanamo ou dans les sites secrets de la CIA. "Au nom de la sécurité nationale, les militaires ont détourné le serment [d'Hippocrate] et les médecins ont été transformés en agents du renseignement", a fustigé le docteur Gerald Thomson, professeur de médecine à l'université Columbia.
"CONCLUSIONS ERRONÉES"
Egalement coauteur, Leonard Rubenstein, professeur de droit de la santé publique à l'université Johns-Hopkins, a cité l'alimentation forcée des grévistes de la faim à Guantanamo, les interrogatoires musclés et les simulations de noyade de suspects de terrorisme dans les prisons secrètes de la CIA. Les médecins ou les infirmiers "légitiment ces pratiques, par leur présence et en disant qu'elles sont médicalement acceptables", a-t-il déclaré, affirmant que ces abus sous couvert médical "ne sont pas derrière nous dans ce pays".
Interrogée, la CIA estime que ce rapport "contient des inexactitudes graves et des conclusions erronées". "Il est important de souligner que la CIA n'a plus de prisonnier en détention et que le président Obama a mis fin au programme de détention et d'interrogatoire par décret en 2009", a déclaré son directeur de la communication, Dean Boyd.
La réaction est identique au Pentagone, où le porte-parole Todd Breasseale a précisé qu'"aucun des détracteurs n'a en fait accédé aux détenus, à leurs rapports médicaux ou aux procédures" à la prison de Guantanamo. Il a salué le grand professionnalisme des médecins, y travaillant "dans des conditions de grand stress" et apportant "les meilleurs soins que les détenus aient jamais connus"
http://www.lemonde.fr/ameriques/article/2013/11/04/des-medecins-complices-de-torture-dans-les-prisons-militaires-de-la-cia_3507463_3222.html

La CIA paie AT&T pour obtenir des données téléphoniques

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Le siège de la CIA à Langley (Virginie).

La CIA paie plus de 10 millions de dollars chaque année à l'opérateur téléphonique AT&T pour qu'il lui fournisse des données téléphoniques de personnes soupçonnées de liens terroristes, rapporte le New York Times.

Si la NSA, l'agence américaine chargée des interceptions de communications, s'assure de la coopération forcée des opérateurs américains grâce à des injonctions judiciaires, la collaboration entre la CIA et AT&T s'établit sur la base d'un contrat volontaire et rétribué, affirme le quotidien.
L'agence de renseignement fournit à l'opérateur des numéros de téléphone de personnes soupçonnées de terrorisme à l'étranger. AT&T recherche ensuite dans ses immenses bases de données avec qui ces personnes ont été en contact téléphonique, y compris aux Etats-Unis, et fournit les métadonnées (numéro appelé, longueur des appels) à la CIA.
PROGRAMME PROCHE DE CELUI DE LA NSA
L'agence étant chargée de l'espionnage à l'étranger et la loi lui interdisant de mener ses activités sur le territoire américain, lorsque les numéros de téléphone se trouvent aux Etats-Unis, AT&T ne divulgue pas l'identité du propriétaire du numéro, dont elle cache plusieurs chiffres, affirme le quotidien. "Quand une entité gouvernementale sollicite des informations de notre part, nous nous assurons que la requête et notre réponse sont adéquates et complètement légales", a affirmé Mark Siegel, un porte-parole de l'opérateur, qui ne fait "pas de commentaire sur des questions de sécurité nationale".
Sans confirmer l'existence de ce programme, Todd Ebitz, un porte-parole de la CIA, a assuré que cette dernière ne se livrait pas à la surveillance de citoyens américains. "La CIA protège le pays et respecte les droits à la vie privée des Américains en s'assurant que ses activités de collecte du renseignement sont ciblées sur le renseignement étranger et le contre-espionnage", a-t-il affirmé.
Ce programme semble dupliquer celui de la NSA visant à collecter les métadonnées téléphoniques auprès des opérateurs dans le cadre de la lutte antiterroriste. Depuis les révélations de son ancien consultant Edward Snowden, elle fait face à de vives critiques et est accusée de violer la vie privée des Américains. La conduite d'un programme similaire par la CIA pourrait s'expliquer par la nécessité pour une agence qui dispose d'agents sur le terrain de disposer rapidement d'informations, selon le Times, citant un responsable du renseignement. "La CIA répond souvent à ce besoin d'agir sans délai en développant ses propres capacités", selon ce responsable.http://www.lemonde.fr/technologies/article/2013/11/08/la-cia-paie-at-t-pour-obtenir-des-donnees-telephoniques_3510484_651865.html
 

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