mardi 28 février 2017

LE MÉDICAMENT ET SES MEFAITS

Scandale de la Dépakine: Maggie De Block annonce ses mesures pour éviter à l'avenir "ce genre de tristes situations"

Laurence Dardenne Publié le - Mis à jour le
Sciences - Santé "Je comprends le chagrin et la colère des parents qui s'interrogent quant à l'utilisation de médicaments contenant du Valproate pendant la grossesse. Ma priorité est d'éviter à présent que ce genre de tristes situations ne puissent se répéter." C'est en ces termes que la ministre des Affaires sociales et de la Santé publique, Maggie De Block annonce, ce mardi, les mesures qu'elle a prises suite aux questions posées au sujet des médicaments contenant cette dangereuse molécule.
Pour avoir pris pendant leur grossesse ces antiépileptiques, commercialisés depuis 1967 par le laboratoire pharmaceutique Sanofi sous le nom de Dépakine, des milliers de mamans ont donné naissance à des enfants souffrant de graves troubles du développement. En modifiant l'expression des gènes, le Valproate de sodium a, en effet, engendré chez 30 à 40 % de ces enfants des atteintes neurologiques (troubles autistiques, retard psychomoteur, troubles du langage, syndrome Asperger, TDAH, troubles dys, du comportement, hypotonie) et chez 10 % des malformations congénitales (Spina Bifida, problèmes cardiaques, fente palatine, anomalies des doigts, pied/main bot, troubles visuels, hyperlaxité…).
Il y a quelques semaines (La Libre du 6 février 2017), nous avions d'ailleurs rencontré Nathalie Raemdonck et son fils Robin, une des quatre familles belges qui ont décidé de porter plainte dans le cadre de ce scandale sanitaire.


· Si nous sommes, en Belgique, encore bien loin d'envisager la création d'un fonds d'indemnisation des victimes, comme c'est le cas en France, l'Association belge des victimes du syndrome Valproate se bat depuis sa création en 2014 sur une série de fronts.
· Ses projets: diagnostiquer les enfants touchés et les signaler à un centre de référence. "Par extrapolation avec les chiffres français et anglais, nous avions estimé de 3000 à 4000, le nombre des familles concernées en Belgique. Aujourd’hui, alors que l'association ne compte qu'une septantaine de familles, nous savons que ce nombre est bien loin de la réalité. Il y a des familles qui découvrent seulement maintenant le scandale et le lien entre Dépakine et troubles neurologiques, nous faisait remarquer Nathalie Raemdonck. Ce que l'on veut surtout savoir, c'est "où sont les responsabilités ?" : le laboratoire pharmaceutique qui élabore le médicament; l'agence qui donne une autorisation de mise sur le marché; le médecin qui les prescrit. Je crois que tout le monde est responsable. Il fallait agir en bon père de famille. Il y a eu des alertes très vite. On n'a pas jugé bon de divulguer l'information. C'est un médicament prescrit notamment pour l'épilepsie, la bipolarité, et la migraine, souvent efficace mais avec des effets secondaires graves".
· Un autre et bien âpre combat mené par l'association consiste à faire reconnaître l'embryofoetopathie au Valproate, ou l'ensemble des lésions provoquées chez l'embryon et le fœtus suite à la prise de ce médicament par la mère pendant la grossesse.
· Diffuser l'information concernant les nouvelles recommandations de prescription des médicaments concernés et veiller à leur application est également l'un des objectifs poursuivis par l'association des victimes, qui souhaite aussi maintenir un lien avec les professionnels de la santé, l'Agence du médicament et le Ministère de la Santé.
· De même que la poursuite des négociations pour l'apposition d'un avertissement visuel sur les boîtes de médicaments tératogènes (augmentant le risque de malformations).

Que propose aujourd'hui Maggie De Block par rapport à tout cela?

Début juillet 2016, la ministre de la Santé publique avait sollicité l'avis de la Commission pour les médicaments à usage humain de l'AFMPS, l'Agence fédérale des médicaments et des produits de santé, concernant l'apposition d'un pictogramme sur les médicaments tératogènes, comme ceux contenant du Valproate. Sur la base de cet avis, la ministre a élaboré une série de mesures qu'elle nous a communiquées en primeur ce mardi :
1. Une campagne d'information.
L'AFMPS a été chargée d'élaborer une campagne d'information concernant l'emploi des médicaments chez les femmes enceintes et les femmes en âge de procréer. "Il s'agit d'une campagne qui devra être menée chaque année, étant donné que de nouvelles femmes, jeunes et plus âgées, sont concernées à chaque fois, explique-t-on auprès du ministère de la Santé. Cette campagne vise à diffuser le message suivant : si vous prenez des médicaments pendant votre grossesse, parlez-en à votre médecin et à votre pharmacien et lisez la notice".
2. Un pictogramme
Afin d'atteindre un maximum de personnes qui utilisent des médicaments à base de Valproate, il est examiné s'il est possible d'apposer un pictogramme sur tous les médicaments qui contiennent cette molécule, a fait savoir Maggie De Block. "Une concertation est prévue à ce sujet, notamment avec les autorités françaises qui ont décidé d'instaurer une telle mesure. Nous voulons d'abord voir quel matériel informatif et éducatif sera mis en place en France, quelles y sont les bonnes pratiques et où se situent les éventuels obstacles pour l'apposition d'un tel pictogramme."
3. Un agenda européen
Enfin, la ministre belge de la Santé publique souhaite mettre l'approche à suivre pour les médicaments tératogènes, et plus particulièrement ceux à base de Valproate, à l'ordre du jour au niveau européen, et ce, afin d'arriver à une communication cohérente au sein de l'ensemble des États-membres.

Avertissement visuel
Le 28 novembre dernier, s'est tenue, à l'Agence fédérale du Médicament, une réunion rassemblant divers spécialistes, des associations de patients et des membres de l'Agence. La discussion concernait le projet de loi concernant l'apposition d'un avertissement visuel sur les boîtes de médicaments tératogènes


Une étude de l'Agence française du médicament précise que le détournement du médicament comme coupe-faim représente 77 % des prescriptions.
Une étude de l'Agence française du médicament précise que le détournement du médicament comme coupe-faim représente 77 % des prescriptions.AFP/FRED TANNEAU
Le quotidien Libération consacre un large dossier dans son édition du mardi 6 septembre à l'enquête sur le Mediator, ce médicament antidiabétique largement prescrit aux personnes en surpoids pour ses effets anorexigènes.
Selon le journal, deux témoignages ont été recueillis par deux juges parisiens, dont celui de Jean Charpentier, le médecin qui a "rédigé pour Servier les études destinées à obtenir l'autorisation de mise sur le marché du Mediator en 1973". Le spécialiste affirme que son travail a été falsifié pour que la molécule du Mediator soit reconnue comme un antidiabétique. "Il a aussi confirmé que son rapport a été modifié pour supprimer toute référence à l'effet coupe-faim du Mediator ainsi qu'à sa parenté avec l'amphétamine", indique Libération.
"IL N'Y A PAS EU TROMPERIE"
L'avocat des laboratoires, Me Hervé Temime, a toutefois réfuté, sur Europe 1, toute volonté de tromperie de son client. "Les laboratoires Servier n'ont pas trompé les autorités en masquant le fait que le Mediator était un coupe-faim, ce qu'il n'était pas", a déclaré Me Hervé Temime.
"Servier n'est absolument pas dans le déni. Servier ne conteste pas les travaux qui ont été faits dans les années 1960 et la fin des années 1960 sur cette molécule. Servier considère simplement qu'il n'y a pas eu de tromperie, il n'y a pas eu d'escroquerie, il n'y a pas eu d'obtention indue d'autorisation de mise sur le marché. C'est tout."
Dénonçant dans un communiqué la violation du secret de l'instruction, les laboratoires Servier soulignent également que "les témoignages cités de deux personnes sur des faits qui remontent à plus de quarante ans et sur lesquels le professeur Charpentier admet lui-même que sa mémoire est défaillante, ne sont pas en accord avec l'ensemble des données scientifiques et réglementaires".
DÉSINFORMATION SUR LE MÉDICAMENT
Le témoignage du docteur Charpentier vient cependant renforcer la thèse selon laquelle le laboratoire Servier a exercé une "désinformation" sur son médicament auprès des autorités. Or, si cette désinformation était confirmée par la justice, l'assureur du laboratoire Servier, Axa, refuserait de participer à l'indemnisation des victimes.
Le Fonds public d'indemnisation des victimes du Mediator, lancé jeudi, a déjà reçu plus de 500 appels et 130 dossiers, a indiqué dimanche le ministre de la santé, Xavier Bertrand. Une étude de l'Agence française du médicament précise que le détournement du médicament comme coupe-faim représentait 77 % des prescriptions.
Le Monde.fr

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