samedi 14 mai 2011

Devenir consultant : six pistes pour partir d’un bon pied - pourseformer.fr

Devenir consultant : six pistes pour partir d’un bon pied - pourseformer.fr
En période de crise et de malaise du management, la tentation est forte de quitter le salariat pour devenir consultant à son compte. Mais attention : l’expertise et le réseau ne sont pas toujours suffisants pour réussir son pari. S’il n’existe pas de recettes pour réussir ce changement de vie, voici les conseils incontournables pour mûrir votre réflexion et éviter les pièges les plus fréquents.

La crise et son cortège d’incertitudes pousserait-elle davantage les cadres à s’installer à leur compte ? Il est encore trop tôt pour l’affirmer. En tout cas, une chose est sûre : choisi ou subi, le travail en solo devient une tendance lourde chez les créateurs d’entreprise : selon la dernière étude de l’APCE (Agence pour la création d’entreprises), sur 328 000 entreprises créées en 2008, 88 % n’emploient aucun salarié, soit sept points de plus qu’en 2002. « La nécessité ou la volonté de créer son propre emploi progresse : 65 % des créateurs créent leur structure dans cet objectif, contre 56 % il y a six ans », remarque Sandrine Plana, du service statistiques de l’APCE.
Parmi les créneaux les plus convoités par les cadres ou les experts : le conseil. Selon l’Agence, plus d’un millier de nouveaux consultants débarquent ainsi chaque année sur un marché dominé par la prestation intellectuelle et opérationnelle. Conséquences : un marché très concurrentiel, où le réseau et une volonté de fer sont indispensables pour réussir. Nos conseils pour bien préparer cette transition.


1. Clarifier ses intentions

Devenir consultant est-il aujourd’hui davantage un choix par défaut ou signe d’une volonté de s’épanouir dans sa carrière ? Tout dépend de son âge et des circonstances professionnelles. Mais aux dires des experts, la lassitude des managers ne serait pas étrangère à ce choix : « Depuis trois ans, on voit de plus en plus de cadres arriver en formation parce qu’ils sont usés par le management, le stress et l’obsession des résultats qui contaminent les entreprises », constate Yves-André Perez, qui forme depuis vingt ans de futurs consultants à l’IDCE (Institut pour le développement du conseil et de l'entreprise). Le profil-type : des cadres de 40 à 50 ans, aguerris et expérimentés, fatigués des aléas de l’entreprise ou sentant le marché tourner en leur défaveur, âge oblige. « J’en avais assez d’être à des postes aussi exposés. Après dix-sept ans de salariat, j’étais physiquement exténuée », témoigne Sandrine, ex-directrice de la communication qui a lancé seule son agence conseil en communication à 42 ans, après avoir fait carrière dans l’industrie high-tech et les collectivités locales.
Mais phénomène récent, les quadras ne sont pas les seuls à franchir le cap. « On voit aussi arriver de jeunes cadres de 30 à 35 ans, désabusés par le monde de l’entreprise, qui souhaitent s’orienter dans le conseil, et devenir leur propre patron », remarque Hervé Dechêne, co-fondateur du cabinet de conseil à la création d’entreprise AZ Initiatys. Un constat qui réveille souvent un rêve enfoui d’entreprendre, comme dans le cas de Franck. À 35 ans, cet ancien chef de produits traiteur dans la grande distribution – qui a toujours eu envie de créer sa propre affaire – a décidé de devenir conseiller culinaire pour les industries agroalimentaires. Une façon aussi d’être davantage en phase avec ses valeurs : Franck supportait mal « des politiques de restriction des achats qui se sont accélérées depuis que [son] ancienne entreprise a été rachetée par un fonds d’investissement. La grande distribution a toujours tiré sur les prix, mais humainement, il y a une limite à la pression que les acheteurs exercent sur les fournisseurs ».
Conseils. Avant de vous lancer dans une activité en solo, soyez bien au clair sur vos aspirations. « On ne devient pas consultant pour régler ses comptes ou parce qu’on a des choses à se prouver. Dans la vente de prestation de services intellectuels, la relation de confiance est primordiale : il faut croire en soi pour convaincre ses clients, sinon cela ne marche pas », prévient Gyl Coppey, directeur général adjoint de France Initiatives, qui accompagne des créateurs de petits projets d’entreprise.
L’indépendance a aussi un prix : celui de la solitude, et son flot de remise en cause permanente : « Même après cinq ans d’activité, je doute toujours de mes choix, surtout lorsque je perds un client », avoue Franck, dont l’activité conseil tourne pourtant à plein régime. Êtes-vous certain de pouvoir affronter ces tempêtes seul ? D’avoir les capacités nécessaires ? « Un consultant doit posséder une très bonne fibre commerciale, être persévérant et savoir s’adapter en permanence à la diversité de ses clients. », insiste Yves-André Perez.
Si vous doutez, tous les outils permettant en amont de mûrir votre réflexion sont bons à prendre. Avant de se lancer dans le conseil en organisation industrielle, Frédéric a ainsi suivi un bilan de compétences alors qu’il était encore salarié d’un grand groupe pharmaceutique. «L’idée de devenir consultant me trottait dans la tête depuis longtemps. Mais j’étais tétanisé à l’idée de me lancer seul. Le bilan m’a permis de me rassurer : avec l’étendue de mes compétences techniques, mon besoin de nouveautés et mon tempérament créatif, c’était le meilleur créneau à investir », raconte cet ingénieur volubile.


2. Se donner du temps

Le point commun de Franck et de Sandrine ? Ils ont « profité » d’un licenciement pour se lancer (Franck est parti pour raisons de conflit avec son patron, et Sandrine a négocié son départ, transaction à la clé).
Un cas classique dans la création d’entreprise en général : chez France Initiatives par exemple, les trois quart des porteurs de projet sont demandeurs d’emploi. « Mieux vaut agir dès le début de son indemnisation. Plus on est dans l’urgence de retravailler, plus on risque de rater le coche. Dans le conseil, il ne s’agit pas de vendre une compétence, mais une offre de services, de préférence sur un marché de niche. Or, il faut du temps pour la structurer et pour bien évaluer la pérennité de son activité », rappelle Gyl Coppey.
Selon les experts, un an est une durée minimum pour structurer son projet, même pour un consultant. Une patience qui fait défaut à de nombreux cadres, persuadés qu’ils tiennent le filon du siècle grâce aux échos de leur réseau. Le piège ? L’apparente simplicité de l’activité.
Une bonne expertise du secteur, un solide carnet d’adresses et peu de frais d’installation suffiraient-ils à se creuser une place dans le petit monde des consultants ? Parfois. Grâce à son réseau professionnel, Frédéric a très vite trouvé ses premières missions de conseil en organisation industrielle. Sa technique ? Le retour d’ascenseur : « J’ai appelé des prestataires que j’avais fait travailler lorsque j’étais en poste ». Une méthode qui peut fonctionner, avec certaines limites. «Le réseau peut aussi masquer le potentiel réel du marché. L’autre risque, c’est de s’éparpiller. Certains consultants en RH ou en marketing se retrouvent ainsi au bout de deux ou trois ans avec des missions très disparates et des difficultés à se positionner », remarque Hervé Dechêne.
Sur un marché très concurrentiel, mieux vaut donc chercher la plus-value qui vous distinguera d’autres confrères. Franck, par exemple, mise sur sa capacité à gérer un projet de A à Z, de la recherche d’amélioration des recettes de cuisine à la phase d’industrialisation. Sa stratégie : convaincre ses clients « qu’on peut élaborer de meilleurs produits avec des aliments frais qui coûtent moins cher ». Un double argument qui séduit les industriels, face à des consommateurs de plus en plus regardants sur la qualité de leur alimentation.

Conseils. Si vous avez besoin d’affiner votre offre de services, profitez de votre période de chômage pour solliciter très tôt un accompagnement d’aide à la création d’entreprise. L’ANPE comme l’Apec propose ce type de prestations, sous-traitées à des cabinets privés. Sandrine a choisi ce coup de pouce : neuf mois d’accompagnement personnalisé par un conseiller lui ont permis de prendre du recul : « Il  m’a beaucoup aidé à clarifier mon offre. La communication, c’est large : il fallait trier dans tout ce que je savais faire. J’ai finalement choisi le conseil stratégique, plus complet en terme d’activités. »
Franck aussi a bénéficié de cet accompagnement sur-mesure pendant son chômage. « J’ai appris à me familiariser avec les démarches commerciales, à faire une réelle étude de marché pour cibler mes clients. Au départ, je visais les professionnels de la restauration. Je me suis rendu compte que mon intervention serait nettement plus rentable auprès des PME de l’agroalimentaire. »


3. Démarrer en sécurité

S’adapter en permanence aux besoins de ses clients est la condition sine qua non pour réussir à vivre d’une activité de conseil. Un exercice loin d’être simple, surtout lors du démarrage, quand les premiers contrats ne se refusent guère. Avec parfois de mauvaises surprises. Au cours de sa première année, Frédéric a ainsi essuyé les plâtres de clients difficiles. La cause ? Le choc des cultures. « J’ai accepté une première mission chez un lessivier qui avait une activité de fabrication de produits pharmaceutiques. J’ai déployé beaucoup de pédagogie, mais le patron du site comprenait mal les contraintes réglementaires qui pèsent dans ce domaine et font forcément gonfler les coûts de la production. Finalement, ils ont préféré reprendre le projet en interne ». Echaudé par cet échec, Frédéric est devenu plus vigilant quant aux choix de ses clients. Il a désormais recentré ces prestations au cœur des laboratoires pharmaceutiques. La difficulté ? Ne pas se remettre en cause inutilement, surtout lorsqu’on s’appuie sur sa propre expertise. « Au début, c’est difficile de faire la distinction entre soi et ce que l’on vend », admet Sandrine.
Conseils. Téméraires mais pas têtes brûlées, Frédéric et Sandrine ont choisi de se lancer dans l’aventure en utilisant le portage salarial. Un système rassurant au démarrage. « On peut accepter ses premières missions sans prendre de risques », estime Frédéric, qui utilise la formule depuis trois ans. Se faire « porter » par une société qui vous salarie le temps d’une mission, voire opter pour l’autoentreprenariat dans certains cas : la souplesse de ces dispositifs permet de vous tester dans votre nouvelle activité, avant d’envisager de vous installer définitivement.


4. Savoir gérer son temps

Bien que souvent satisfaits de leur sort, les consultants ne tardent pas à comprendre que le mythe de la liberté des solos a ses limites. Notamment dans la possibilité de se libérer du temps.
Entre prospection commerciale, déplacements et intervention chez leurs clients, leurs semaines sont surchargées. « J’avais largement sous-estimé mes déplacements en province et à l’étranger. Je fais plus de 100 000 Kms par an en voiture. Et il m’arrive fréquemment de m’absenter de la maison quinze jours par mois », illustre Franck, basé en région parisienne. Son objectif après cinq ans d’intense activité : avoir enfin le luxe de refuser certains contrats, pour respirer en famille avec sa femme et son fils. Un geste délicat à assumer pour la plupart des consultants, craignant de perdre un client au passage. D’autant que dans certaines activités, comme le conseil en RH ou en formation notamment, il est souvent difficile d’avoir une visibilité de son chiffre d’affaires au-delà de trois mois. Autre méthode : « Je gagne du temps depuis que j’ai appris à formaliser mes propres procédures de travail. Je peux ainsi les dupliquer en les adaptant chez d’autres clients », explique Sandrine.

Conseils. Etre capable de bien évaluer son temps de travail (et donc ses coûts de prestation et son besoin en trésorerie) est par essence difficile dans la vente de prestations « intellectuelles ». Au démarrage, attention à ne pas sous-estimer vos besoins financiers, y compris en frais de déplacements, téléphone, etc. La meilleure configuration ? Avoir des réserves devant soi : « Les premiers contrats peuvent prendre six mois à se conclure, et il faut compter environ un an pour vivre du conseil », estime Yves André Perez de l’IDCE. Au-delà de vos interventions,  attention à ne pas sous-évaluer les à côtés (travail de préparation pour une session de formation par exemple, bilans…). « Si, en solo, on arrive à facturer 55 jours la première année, c’est déjà pas si mal », estime Hervé Dechêne. À vous de trouver la juste mesure, en sachant qu’un consultant peut difficilement facturer plus de 100 à 120 jours par an, sur la base de 800 euros à 2200 euros HT par jour en moyenne suivant son activité, selon les estimations de l’APCE.


5. Apprendre à s’organiser

Au-dessus de son bureau, Franck a inscrit cette curieuse maxime : « Plus ça rate, plus on a de chances que cela marche ». Une réflexion née de ses démarches commerciales : « J’ai calculé qu’il me fallait environ sept appels chez un prospect pour décrocher un rendez-vous. Quand j’en suis au sixième, je me dis donc que le dernier sera le bon ! ». Pour ne pas se laisser déborder, Franck a opté pour un aménagement simple : « À la maison, j’ai deux bureaux. Un qui me sert au quotidien, l’autre dédié à la relance des clients et à la comptabilité, où je passe le moins de temps possible ».
Quant à Sandrine, elle a délibérément choisi de se libérer des contraintes administratives pour dédier son temps à ses clients : « J’ai pris un expert-comptable dès le début. Cela me coûte cher, mais il me donne aussi des conseils pour gérer le développement de mon activité ».
À chacun ses solutions, l’essentiel étant, pour ces chefs d’orchestre, de ne pas négliger la suite des contrats. « Le plus difficile, c’est de ne pas se laisser cannibaliser par un client qui vous demande toujours plus », reconnaît Franck. Pour Frédéric, qui part plusieurs mois en mission, le problème est inverse : « Je tente de ne pas me faire oublier de mon réseau. Je donne de mes nouvelles quand j’ai un moment de libre ». Pas simple de tout mener de front lorsqu’on est indépendant…

Conseils : Pour ne pas se perdre au démarrage, « il faut s’imposer des contraintes dès le début de son activité. Fixez-vous des objectifs financiers et commerciaux : nombre de contacts, de rendez-vous et de missions à décrocher dans le mois, montants attendus… », recommande Yves-André Perez. Un cadre utile pour éviter de se disperser.
N’hésitez pas non plus à comparer vos méthodes : lors de sa formation, Franck par exemple s’est constitué un petit réseau de consultants en marketing agroalimentaire en réalisant son étude de marché, qu’il n’hésite pas à appeler lorsqu’il bloque sur un dossier ou une démarche.


6. Intégrer de nouveaux réseaux

Plus que n’importe quel entrepreneur en solo, un consultant doit se ressourcer intellectuellement pour innover et coller aux évolutions du marché. D’où la nécessité de développer assez vite ses réseaux afin d’élargir sa vision, et se rassurer. Franck, par exemple, a récemment monté une association de jeunes créateurs, rencontrés lors de sa formation en création d’entreprise. Des dîners informels qui lui permettent de rompre un isolement parfois pesant. « Quand on travaille seul, il est difficile de prendre du recul. Ici, on partage nos expériences, bonnes ou mauvaises, et on trouve parfois des solutions à nos soucis quotidiens ensemble ».
Autre intérêt des réseaux, et non des moindres : asseoir sa notoriété dans le petit univers des consultants. Communicante dans l’âme, Sandrine n’a eu aucun mal à se glisser dans ce moule : installée depuis six ans à Toulouse, elle a co-fondé une association réunissant communicants, responsables RH et autres acheteurs en entreprise, et organise des colloques dédiés aux évolutions des technologies et des pratiques de communication dans les entreprises. Une façon astucieuse de se forger un nom tout en s’imprégnant des problématiques de la profession. « Ce genre d’échanges est essentiel pour moi. Cela me nourrit intellectuellement, j’en ai besoin dans mon métier. »

Conseils. Intervenir à des conférences, publier des ouvrages, agir au sein de syndicats professionnels, organiser des événements avec d’autres consultants sont d’excellents outils pour valoriser son image et son expertise. Songez-y pour pérenniser votre activité. Mais aussi afin de rester en veille sur un marché du conseil très évolutif.

Lydie Colders
Avril 2009

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