lundi 21 octobre 2019

DETERMINANTS NON MEDICAUX DE LA SANTE

Pourquoi un Chinois sur deux naît par césarienne

C'est l'ivresse des grands nombres : en 2010, 8 millions de bébés chinois sont nés par césarienne. Soit un sur deux. Un taux à comparer avec les 21 % enregistrés en France, déjà considérés comme relativement élevés et qui font suspecter des abus. Pour mieux saisir l'ampleur du phénomène, poursuivons avec d'autres chiffres publiés mercredi 20 août dans une étude parue dans le British Journal of Obstetrics and  Gynaecology (BJOG). Très bas dans les années 1980, le taux de césariennes en Chine a explosé avec le développement économique du pays, passant de 3 % en 1988 à 39 % en 2008 et à 52 % deux ans plus tard ! Au point que des chercheurs de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) ont, en 2010, pu parler d'une "épidémie" de césariennes dans certaines régions du monde, dont la Chine. Dès 1985, l'OMS a d'ailleurs expliqué que rien, sur le plan médical, ne justifiait de dépasser un taux de naissances par césarienne supérieur à 10-15 %.
Pour en terminer avec les chiffres chinois, ajoutons qu'on note une nette différence entre villes et campagnes mais que, même en milieu rural, un tiers des venues au monde se font suite à cette opération (un taux comparable à celui des Etats-Unis). En milieu urbain, le taux se situait en 2010 à 57 % (après un pic à 64 % en 2008). Pour la seule ville de Shanghai, on a, toujours en 2010, enregistré 107 330 naissances par césarienne, soit exactement 60 % du nombre de naissances par césarienne pour toute la France la même année...

Au-delà des chiffres, l'étude du BJOG tente d'identifier les causes de ce phénomène de très grande ampleur. La première explication qui vient est aussi la plus simple, presque une lapalissade. Si la Chine connaît une explosion de cet acte chirurgical, c'est d'abord parce que les femmes accouchent beaucoup plus à l'hôpital qu'il y a quelques décennies. L'article indique notamment que la proportion des naissances en milieu hospitalier est passée de 54 % en 1993 à 82 % en 2002 et qu'aujourd'hui rares sont les accouchements à la maison. Ce mouvement a été renforcé par l'urbanisation galopante que vit le pays, lequel comptait en 2010 50 % de citadins contre seulement 20 % trente ans auparavant.
Une autre série de causes, moins évidentes, est liée au fonctionnement du système de santé. Même si, en raison de la politique de l'enfant unique, la Chine a vu en un demi-siècle son taux de fécondité chuter énormément pour arriver à 1,6 enfant par femme de nos jours, il n'en reste pas moins qu'en raison de la population gigantesque du pays (presque 1,4 milliard d'habitants), le volume total d'accouchement à "gérer" chaque année reste élevé : 16 millions de bébés annuels représentent 44 000 naissances par jour. Or le système a bien du mal à suivre le rythme car, pour 1 000 habitants, le nombre de médecins, d'infirmiers et de sages-femmes est trois fois moins élevé en Chine que dans des pays comme la France, le Royaume-Uni ou les Etats-Unis. De plus, toujours à cause de la politique de l'enfant unique, ce sont surtout des primipares qui accouchent dans l'Empire du Milieu, lesquelles nécessitent en moyenne un nombre d'heures de soins nettement plus important que les femmes ayant déjà donné la vie... Les hôpitaux sont donc engorgés et une solution gestionnaire consiste à viser la rapidité et l'efficacité, donc à opter pour une opération chirurgicale qui se programme et dure une demi-heure.
Un autre effet "pervers" du système est lié à l'argent. Les revenus que perçoivent les hôpitaux et les médecins pour un accouchement par césarienne sont plus élevés que pour un accouchement par voie basse. L'étude du BJOG précise également que le corps médical, souvent visé par des recours en justice lorsque les choses tournent mal – recours qui se soldent souvent par des compensations financières –, est sans doute aussi tenté de jouer l'ultra-prudence, la sécurité au moindre risque et de choisir l'opération pour échapper à un accouchement compliqué. Enfin, toujours dans les raisons liées à l'argent, on trouve la couverture sociale, meilleure en cas de césarienne pour les femmes vivant à la campagne.
Enfin, dans liste des causes expliquant pourquoi la Chine atteint un taux aussi gigantesque de césariennes, on trouve un effet psychologique et social directement issu de la politique de l'enfant unique. La pression de la famille (et de la belle-famille) étant importante, cette naissance unique doit être une naissance parfaite. La césarienne est, dans ce cadre, devenue la norme moderne de l'accouchement : elle est perçue comme plus efficace, moins douloureuse pour les femmes et aussi comme moins dangereuse même si, sur ce point, les statistiques montrent au contraire que, pour la mère, les risques sont au moins trois fois plus élevés que pour un accouchement par les voies naturelles.
Mais il y a aussi des risques à long terme et, selon l'étude du BJOG, c'est là que le taux extravagant de césariennes en Chine pourrait se retourner contre les femmes et le système de santé. Une césarienne n'est pas un acte banal, anodin. Il s'agit d'une véritable intervention chirurgicale dont la principale séquelle est une cicatrice dans la paroi de l'utérus. Celle-ci peut s'avérer une véritable faiblesse par la suite, notamment si une autre grossesse intervient. La cicatrice peut lâcher lors du travail (risque qui justifie souvent le recours à une autre césarienne), causer des problèmes d'implantation du placenta, entraîner des hémorragies ou des hystérectomies d'urgence. Tant que l'on n'a qu'un seul bébé, ce qui est souvent le cas en Chine, cela ne prête pas vraiment à conséquence. Mais, indique l'article du BJOG, avec l'assouplissement de la politique de l'enfant unique qui a été décidé fin 2013, tous ces risques pourraient subitement resurgir... L'étude conclut laconiquement qu'"avec des césariennes répétées, l'actuelle balance bénéfice-risque changera". Un euphémisme pour dire qu'après une épidémie de césariennes, on pourrait assister en Chine à une épidémie de problèmes gynécologiques.
 Pierre Barthélémy (suivez-moi ici sur Twitter ou bien là sur Facebook)

Aux Etats-Unis, de plus en plus de salariés incités à travailler debout au bureau

Le Monde.fr avec AFP | • Mis à jour le
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Il y a trois siècles aux Etats-Unis, Thomas Jefferson travaillait debout à son bureau. La mode revient dans le pays, où de plus en plus d'experts s'alarment : rester assis au bureau toute la journée nuit gravement à la santé. Douleurs au dos, dégénérescence musculaire, maladies cardiaques, diabète, cancer du colon et même décès prématuré sont quelques-uns des risques qu'encourt le travailleur sédentaire.

DE TRÈS NOMBREUX SÉDENTAIRES
« Nous sommes une société qui s'avachit. On est assis avachi la plupart du temps au bureau et quand on rentre à la maison, on s'avachit sur le canapé devant la télévision. La combinaison peut être mortelle », assure Rob Danoff, médecin et membre de l'Association des ostéopathes américains (AOA).
Selon l'Institut américain de la santé, un adulte américain passe en moyenne 7,7 heures par jour sans bouger, et 70 % des employés de bureau passent plus de cinq heures par jour assis à leur bureau.
Une autre étude publiée dans The Archives of Internal Medecine montre une augmentation de 15 % de risque de décès prématuré pour les personnes restant assises 8 heures par jour, par rapport à celles assises moins de 4 heures par jour. Ce risque augmente à 40 % pour les plus statiques, restant assis 11 heures par jour en moyenne.
















Les méfaits de la position assise, expliqués par le "Washington Post".
BUREAUX SURÉLEVÉS
En conséquence, l'Association médicale américaine a publié en 2013 une recommandation appelant « employeurs et employés à trouver des alternatives à la position assise, comme les bureaux en hauteur et les sièges ballons ».
Le message commence à passer. En 2012, le magazine Wired conseillait par exemple à ses lecteurs d'utiliser de tels « standing desks » pour avoir une meilleure santé.
En Californie, des entreprises high-tech comme Google et Facebook en ont installés plusieurs dizaines dans leurs locaux (voir ici et des exemples de bureaux en hauteur utilisés au siège de Facebook à Menlo Park). Ceci pour que les utilisateurs d'ordinateurs puissent aussi se tenir debout quelques heures par jour, tout en continuant à travailler.
UN MARCHÉ EN EXPANSION
Ces bureaux « sont connus depuis une vingtaine d'années en Europe, mais aux Etats-Unis, on trouvait ça bête. J'ai vu un énorme changement » en 2013, indique le PDG d'une société sise dans l'Illinois, au nord des Etats-Unis, qui conçoit et vend de tels espaces de travail. Selon lui, les ventes de bureaux surélevés par son entreprise ont augmenté de 50 % en un an.
A Washington, la fondatrice de l'entreprise Rebel Desk explique également à l'AFP en vendre de plus en plus à des avocats, professeurs d'université ou professionnels de santé. Certains modèles des bureaux vendus par la société sont même assortis de tapis roulants pour encore plus d'exercice physique.
Une option qui n'est pas du goût de tout le monde : certains journalistes de Business Insider (dans un test à voir ci-dessous) expliquent avoir du mal à écrire, à utiliser leur souris, et être trop distraits par le fait de devoir marcher en écrivant.
Avec ou sans tapis roulant, le marché est florissant, avec de nombreux modèles existants, parfois très chers. Business Week a testé une dizaine de standing desks, dont certains peuvent rapidement passer de la position assise à la position debout, coûtant entre 500 et 4 500 dollars.
Dans un article sur la question, le New York Times signale toutefois des sites expliquant comment fabriquer le sien pour quelques dizaines de dollars. Par exemple en bricolant soi-même ses meubles Ikea.
« JE SUIS PLUS ACTIF »
En parallèle, les témoignages enthousiastes de travailleurs se sont multipliés. Les employés du magazine Forbes ont été rapidement conquis par le fait de pouvoir alterner entre la position debout et la position assise au bureau, grâce à la mise en place de quelques bureaux adaptés dans leur open space.
Sur son blog, un professeur de l'université de Columbia, qui a testé plusieurs modèles, indique avoir rapidement oublié le fait qu'il devait s'asseoir pour travailler, et parle de résultats très favorables en ce qui concerne ses problèmes de dos. Le site ReadWrite affirme même que les standing desks augmentent la productivité, permettant aux employés d'être davantage stimulés intellectuellement.
Un employé de 34 ans, travaillant dans une start-up à Washington, qui a récemment adopté un bureau modulable même s'il est en excellente santé, a expliqué à l'AFP :
« C'est à titre préventif, je veux rester en forme et actif quand je travaille. Je suis plus actif physiquement, et donc mentalement plus actif, et plus productif. Mais il faut avoir l'écran à la bonne hauteur, avec les bras perpendiculaires au corps (...) et quand je suis fatigué, je m'assois. »
« NE PAS ALLER D'UN EXTRÊME À L'AUTRE »
Face à cette vague, certains, comme la fondatrice de l'entreprise Rebel Desk, insistent toutefois une nécessaire « diversification », pour éviter également une trop grande fatigue liée à la position debout.
« On reste debout, on marche, et quand on en ressent le besoin, on s'assoit, on prend une pause. Nous encourageons nos clients à penser que s'asseoir, c'est prendre une pause. »
L'osthéopathe Rob Danoff donne les mêmes conseils :
« Nous ne sommes pas faits pour être assis toute la journée, nous ne sommes pas faits non plus pour être toujours debouts. Il ne faut pas aller d'un extrême à l'autre. »
Parmi les recommandations du médecin figurent : se lever une minute toutes les demi-heures, marcher dans le couloir, prendre l'escalier plutôt que l'ascenseur, aller voir son collègue au lieu de lui envoyer un courriel.http://www.lemonde.fr/vous/article/2014/05/30/aux-etats-unis-de-plus-en-plus-d-employes-sont-incites-a-travailler-debout_4428974_3238.html

Médecine vendredi 25 avril 2014

Allergies: la fin des interdits?

Sandrine Cabut
L’ingestion de doses croissantes chez l’enfant améliore de 90% les symptômes allergiques.(123rf)
L’ingestion de doses croissantes chez l’enfant améliore de 90% les symptômes allergiques.(123rf)
Le régime d’éviction des aliments allergènes est remis en question. Des chercheurs français préconisent leur réintroduction progressive pour augmenter leur tolérance.
Faut-il, en allergologie comme ailleurs, lutter contre l’exclusion? Longtemps, les régimes d’éviction ont été à la base de la prise en charge des allergies alimentaires. Mais la donne est en train de changer, comme l’ont expliqué des spécialistes lors d’une conférence de presse dans le cadre du 9e congrès francophone d’allergologie, qui s’est tenu du 15 au 18 avril à Paris. Qu’il s’agisse par exemple d’allergie à l’œuf ou à l’arachide, certains patients peuvent désormais bénéficier de protocoles dits «de tolérance alimentaire». Principal objectif: apprendre à l’organisme à tolérer l’aliment allergisant, au moins en faible quantité, pour limiter les risques de réaction sévère lors d’une exposition accidentelle.
C’est le cas par exemple pour les allergies à l’arachide. Loin d’être exceptionnelles (elles concernent 1 à 1,5% de la population en Amérique du Nord et en Grande-Bretagne, 0,3 à 0,75% en France), ce sont les plus sévères des allergies alimentaires. L’absorption d’une quantité infinitésimale de cette légumineuse, «cachée» dans un plat, peut entraîner une réaction violente, qui peut aller jusqu’à un choc anaphylactique mettant en jeu le pronostic vital.
Pour ces patients et leur entourage, les régimes d’exclusion sont extrêmement contraignants, stres­sants, et pénalisants dans la vie sociale. En outre, un «régime d’éviction peut parfois aggraver la situation en diminuant le seuil de réactivité», souligne le professeur Benoît Wallaert, président de la Société française d’allergologie. En clair, en tentant d’éliminer totalement l’arachide de son alimentation, un allergique peut y devenir encore plus sensible.
Le protocole de tolérance peut être réalisé par voie orale, après avoir déterminé le seuil de réactivité de la personne à cet allergène. Il est proposé dans certaines conditions, à des adultes et à des enfants âgés de plus de 4 ans. Dans la première phase, qui peut durer plusieurs mois, il s’agit d’ingérer des doses très progressivement croissantes d’arachide. Le taux de succès est de plus de 90%, selon les résultats de deux équipes françaises. Des médecins lillois ont ainsi observé une amélioration chez 98,5% des patients, et deux tiers ont doublé leur seuil réactogène à l’arachide. La deuxième phase, qui dure de plusieurs mois à plusieurs années, a pour but de maintenir la tolérance alimentaire acquise.
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 mobilité lundi 17 mars 2014

«La migration est un bien public mondial»

Les migrants tunisiens à Lampedusa. «Globalement, seul le 3% de la population mondiale vit en dehors de chez elle», relève Catherine Wihtol de Wenden. (Tony Gentile/Reuters)
Les migrants tunisiens à Lampedusa. 
«Globalement, seul le 3% de la population mondiale vit en dehors de chez elle», relève Catherine Wihtol de Wenden. 
(Tony Gentile/Reuters)
Quel est le profil du migrant au XXIe siècle? L’ouverture des frontières serait bénéfique pour tous, selon Catherine Wihtol de Wenden
Faut-il ouvrir les frontières? En quinze ans, Catherine Wihtol de Wenden n’a pas changé d’avis là-dessus. Au contraire: directrice de recherche au Centre d’études et de recherches internationales de Sciences Po à Paris, ancienne consultante pour diverses organisations internationales, la spécialiste des migrations est encore plus critique aujourd’hui, en publiant une édition entièrement remaniée de l’ouvrage qui porte ce titre, que lors de la première parution en 1999. Si la chercheuse persiste à déconstruire le bien-fondé des frontières, c’est parce que les études scientifiques continuent d’apporter la même réponse: le régime de fermeture actuel est non seulement coûteux en termes de vies humaines et de droits de l’homme, il est également inefficace, financièrement onéreux et dommageable pour les économies concernées. Un sanglant placebo…
Le Temps: Quel est le profil actuel du migrant?
Catherine Wihtol de Wenden: C’est quelqu’un qui a des ressources, contrairement à ce qu’on pense: il a des relations et un petit pécule, fruit d’une épargne patiemment accumulée pour payer le voyage en situation irrégulière ou pour se maintenir une fois qu’il est entré régulièrement sur le territoire. C’est souvent un urbain, scolarisé, qui considère que son bagage lui permet d’accéder à un emploi, même déqualifié, dans le pays d’accueil. Il (ou elle, car les nouvelles migrations comptent à peu près autant de femmes que d’hommes) est persuadé que s’il a eu la malchance de naître dans un pays pauvre et mal gouverné, ce n’est pas une fatalité. Sa démarche est volontaire: le migrant part aujourd’hui avec l’impression de vivre une odyssée moderne, une grande aventure. Ce n’est plus, comme autrefois, le paysan illettré qu’une entreprise venait chercher et qui subissait son acclimatation au pays d’accueil.
– Vous expliquez que le projet migratoire est remplacé par le projet de la mobilité comme mode de vie…
– Sur la rive sud de la Méditerranée, il y a beaucoup de gens qui n’aspirent pas à vivre indéfiniment au Nord, mais qui voudraient faire leur vie sur les deux rives, avec des commerces ou d’autres activités. L’aspiration, c’est de circuler, s’installer dans la mobilité.

Vous insistez sur la notion de «gagnant gagnant gagnant»…
– Ce n’est pas moi qui insiste, ce sont les organisations internationales, le Forum mondial sur la migration et le développement, le Dialogue de haut niveau des Nations unies sur les migrations internationales et le développement… Les jeunes hommes, âgés de 18 à 35 ans, morts aux portes de l’Europe alors qu’ils étaient en bonne santé, souvent diplômés, prêts à travailler chez nous, représentent non seulement une tragédie, mais aussi un gâchis. On peut, au contraire, se réjouir de la mobilité, en profiter comme d’une opportunité: c’est un bien public mondial. A l’individu qui migre, elle permet de construire un projet. Le pays de départ bénéficie des transferts de fonds: 400 milliards de dollars envoyés par les migrants en 2012, c’est trois fois l’aide publique au développement. Le pays d’accueil y trouve son compte en termes de rééquilibrage de la pyramide des âges et de satisfaction du marché du travail dans des domaines tels que la médecine de campagne, les vendanges, la garde des personnes âgées… Toutes les études scientifiques sur l’analyse coûts/avantages de l’immigration montrent qu’en tenant compte de tous les paramètres, y compris l’aide sociale et la santé, la migration rapporte plus qu’elle ne coûte.
– Malgré les obstacles, vous écrivez que «seule l’aspiration à partir ou à rester régule les flux».
– Depuis trente ans, on a adopté une stratégie, aussi coûteuse financièrement qu’inefficace, de dissuasion et de répression. La répression est là, mais la dissuasion non, puisque la migration augmente. Si on bloque les frontières ici, elles s’ouvrent là-bas. Si les gens ne peuvent passer par la Méditerranée, ils passent par la Turquie: les voies sont infinies.
– Depuis plusieurs décennies, on vit avec le fantasme d’une invasion des peuples du Sud vers le Nord.
– En France, les gens se voient envahis par les Africains parce qu’ils les rencontrent dans le métro et que 40% des étrangers présents dans le pays sont en région parisienne. Mais globalement, seul le 3% de la population mondiale vit en dehors de chez elle: c’est très peu. Le thème de l’immigration est exploité par des partis d’extrême droite pour mobiliser l’électorat autour des thématiques traditionnelles du nationalisme et des identités. C’est facile de s’inventer un ennemi, surtout quand il ne vote pas – et malheureusement, ça marche assez bien… Il y a des peurs légitimes en termes de redéfinition du vivre-ensemble à l’ère de la mondialisation. On a peur des choses qu’on ne maîtrise pas et on se convainc qu’il est plus facile de maîtriser les frontières que de vivre dans une société mondialisée. La société cosmopolite existe en ville, elle est plus difficilement vécue à la campagne, c’est un défi qui n’est pas facile: beaucoup de gens préfèrent faire l’autruche que l’affronter. D’un autre côté, on vit en permanence d’exotisme, d’emprunts au monde entier. Et les sociétés qui n’évoluent pas sont des sociétés qui meurent. La migration est un des éléments de l’évolution.
– Alors, faut-il ouvrir les frontières?
– Il y a des tas d’endroits où on pourrait ouvrir les frontières sans aucun coût en termes de changement. Il faut réfléchir aux formes d’entrouverture à l’échelle régionale pour accompagner des mobilités qui existent déjà, notamment entre la rive nord et la rive sud de la Méditerranée. Ça développerait les deux rives, le Nord aussi: il y a des villes comme Marseille qui sont fortement en crise depuis l’instauration des visas… On serait complètement gagnant en accompagnant cette mobilité.
«Faut-il ouvrir les frontières?», Catherine Wihtol de Wenden, Presses de Sciences Po, 98 p.http://letemps.ch/Page/Uuid/efce47c4-ad34-11e3-8440-67a1961e730b/La_migration_est_un_bien_public_mondial
12 décembre 2012 - « Diplomatie et santé » - Présentation du projet de résolution par M. Gérard Araud, Représentant permanent de la France auprès des Nations unies - FRANCE ONU

12 décembre 2012 - « Diplomatie et santé » - Présentation du projet de résolution par M. Gérard Araud, Représentant permanent de la France auprès des Nations unies

Monsieur le Président,
J’ai l’honneur de présenter le projet de résolution A/67/L.36, sous le point 123 de l’ordre du jour, « Santé mondiale et politique étrangère », au nom des sept membres du Groupe « Diplomatie et santé », à savoir l’Afrique du Sud, le Brésil, la France, l’Indonésie, la Norvège, le Sénégal et la Thaïlande.
Je remercie le Secrétaire général pour le rapport 67/377, élaboré en collaboration avec le Directeur général de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), en application de la résolution 66/115 du 12 décembre 2011.
Monsieur le Président,
Depuis 2007, l’initiative « Santé mondiale et politique étrangère » vise à renforcer la place de la santé dans les priorités de la communauté internationale, ainsi qu’à promouvoir la prise en compte des enjeux de santé mondiale dans l’élaboration des politiques étrangères. A cet effet, chaque année notre Groupe présente un projet de résolution sur de nouvelles problématiques sanitaires mondiales.
Pour cette 67ème session de l’Assemblée générale, nous introduisons le thème de la couverture sanitaire universelle, en raison de son impact structurant pour améliorer le niveau de santé mondiale, lutter efficacement contre la pauvreté et promouvoir le développement durable.
Un constat, tout d’abord. Malgré les progrès réalisés, de nombreux efforts restent à accomplir pour atteindre les trois objectifs du millénaire pour le développement dans le domaine de la santé. Outre ces enjeux persistants, la communauté internationale s’est saisie de la question des maladies non transmissibles, qui affectent désormais tous les pays.
Or, un milliard de personnes n’ont pas accès aux services de santé quand elles en ont besoin, compromettant ainsi l’efficacité de nos efforts pour améliorer la santé mondiale.
Pour répondre à ces défis, la couverture sanitaire universelle est un objectif englobant, inclusif et dynamique.
- Englobant, car la couverture sanitaire universelle contribue à améliorer l’accès des populations aux services de santé dont elles ont besoin, y compris les services de santé maternelle et infantile, de santé sexuelle et reproductive, de lutte contre le SIDA, la tuberculose et le paludisme, ainsi que de prévention des maladies non transmissibles.
En renforçant les systèmes de santé selon une approche transversale, la couverture sanitaire universelle contribue à la réalisation des objectifs spécifiques. C’est pourquoi elle est promue par l’initiative du Secrétaire général pour la santé de la femme et de l’enfant. Ces deux logiques (horizontale et verticale) sont complémentaires.
- Inclusif, car la couverture sanitaire universelle contribue à l’équité et à la réduction de la pauvreté.
L’OMS estime que 100 millions de personnes tombent chaque année sous le seuil de pauvreté en raison d’une maladie ou de dépenses de santé.
La couverture sanitaire universelle implique que chacun puisse bénéficier des services de santé dont il a besoin, y compris un accès aux médicaments, sans s’exposer à un risque d’appauvrissement. Le projet est articulé autour de ces deux formes de protection : accès aux services de santé et protection financière.
- Dynamique, car l’objectif est d’évoluer vers une couverture universelle de la population, des services et des dépenses de santé.
Le projet de résolution reconnaît l’urgence de ce processus. Mais il n’impose aucun modèle, le choix d’un système de financement se faisant en fonction du contexte de chaque pays. Il invite à renforcer la coopération entre les Etats pour favoriser la mise en œuvre de la couverture sanitaire universelle.
Objectif englobant, inclusif et dynamique, la couverture sanitaire universelle semble particulièrement adaptée à l’agenda post-2015.
La Conférence des Nations unies sur le développement durable (Rio +20) a marqué le rôle clé de la protection sociale pour lutter contre la pauvreté. Elle a reconnu le rôle central de la santé comme pré-condition, conséquence et indicateur des trois dimensions du développement durable. Le projet de résolution invite les Etats à adopter des politiques plurisectorielles pour réduire les inégalités et favoriser le développement durable.
Le projet prévoit des actions de suivi dans le cadre des discussions sur l’agenda post-2015 pour le développement, du Conseil économique et social en 2013 et de l’Assemblée générale. Il s’inscrit dans le prolongement des travaux sur la couverture sanitaire universelle de l’Assemblée mondiale de la santé et des conférences régionales tenues cette année à Bangkok, Mexico et Tunis, qui témoignent de l’intérêt croissant pour ce sujet.
Monsieur le Président,
Le projet de résolution intitulé « santé mondiale et politique étrangère » est le cinquième sur la question depuis 2008. Il demande aux Etats de continuer à tenir compte des questions de santé dans la formulation de la politique étrangère.
Je remercie toutes les délégations qui ont participé aux consultations et parrainé ce projet.
Je vous remercie.

Pour en savoir plus l’action de l’ONU en matière de santé.