Par Patrice Dama
Publié le 14 juillet 2022 à 08:14 |
mis à jour le 14 juillet 2022 à 09:21
L'Ivoirien
Tidjane Thiam était invité à diner au domicile de Bill Gate, l'homme
longtemps resté numéro un des personnalités les plus riches au monde.
Bill Gate invite Tidjane Thiam à son domicile
Ancien
directeur général de la célèbre entreprise européenne Crédit suisse,
l'Ivoirien Tidjane Thiam est bien un grand de ce monde. Le neveu de feu
le Président Félix Houphouët-Boigny
qui est aussi Administrateur de Kering (un groupe français du secteur
du luxe) continue d'être sollicité par les plus grands de ce monde dans
le but de trouver des solutions aux problèmes liés à l'économie
mondiale.
Président du conseil d’administration du Rwanda Finance
Limited depuis novembre 2020, Tidjane Thiam garde un agenda hyper
chargé. Ces derniers jours, c'est Bill Gates en personne qui a alourdi
un peu plus l'agenda de l'homme d'affaires ivoirien.
Le patron de
l’agence gouvernementale chargée du développement et de la promotion du
Kigali International Financial Centre (KIFC) était au domicile de
l'américain Bill Gate, à Seattle, pour un dîner. Il a révélé les sujets
évoqués lors de ce tête-à-tête :
"J’ai
eu le plaisir d’être invité à dîner hier par Bill Gates chez lui à
Seattle. L’environnement économique post Covid est difficile : inflation
élevée, crise alimentaire, crise de l’énergie, augmentation des taux
d’intérêt et du service de la dette. Les défis ne manquent pas. Il est
important de réfléchir aux moyens de protéger les pays les plus
vulnérables dans ce contexte et éviter que d’autres pays évoluent de
manière analogue au Sri Lanka."
Le
milliardaire américain, fondateur de Microsoft, s'intéresse depuis
plusieurs années au continent africain. Aux côtés de l'ancien diplômé de
l'école polytechnique de Paris et de l'École nationale supérieure des
mines de Paris (major de promotion), Bill Gate renforce ses
connaissances du monde économique africain et mondial.
Les autres casquettes de Tidjane Thiam
Depuis sa démission du poste de président du directoire de Crédit suisse,
l'économiste ivoirien connait un succès encore plus grandissant dans le
monde des affaires. Il est un des directeurs généraux les plus prisés
dans le monde des affaires par les plus grands.
Tidjane Thiam a
été sollicité déjà en octobre 1999 par James Wolfensohn pour intégrer le
cercle des 20 membres du conseil consultatif de l’Institut de la Banque
mondiale. Il est membre de l'Africa Progress Panel (APP), autorité
indépendante sur l'Afrique présidée par Kofi Annan - décédé le 18 août
2018. Thiam est nommé en 2011 président du groupe d'experts de haut
niveau sur les investissements dans les infrastructures du G20.
Depuis
février 2020 et l'annonce sa démission de la direction de Crédit
suisse, il est devenu président du conseil d’administration du Rwanda
Finance Limited. Il a aussi intégré le conseil d'administration de
Kering en juin 2020. Peu après, l'économiste ivoirien est pressenti pour
devenir ministre de l'Économie et des Finances en France, mais refuse.
Ce poste aurait tué dans l'œuf toutes ses ambitions d'une candidature
pour devenir Président de la Côte d’Ivoire.
Tidjane Thiam, ce prophète dont la France n'a pas voulu
Publié le
Confessions. Ce Franco-Ivoirien surdiplômé dirige le plus gros
assureur britannique. Star de la City, il côtoie tous les grands de la
planète. Pour "Le Point", il livre ses vérités coup-de-poing.
Il
parle, encore et encore. D'une voix presque fluette, qui tranche avec
son 1,94 m et ce regard fermement planté dans le vôtre.
Habité et tellement pressé qu'il lui arrive de manger ses mots. Il faut
dire que Tidjane Thiam a toujours tout fait très vite. À 51 ans, ce Franco-Ivoirien a déjà connu de multiples vies. En Côte d'Ivoire, en France,
au Royaume-Uni et un peu partout dans le monde. Né à Abidjan, fils d'un
ministre de Félix Houphouët-Boigny, il rejoindra Paris pour ses études.
Et quelles études ! Polytechnique, major de l'École des mines, Insead !
Impossible de faire mieux. Après un long passage chez le tout-puissant
cabinet de conseil américain McKinsey, il revient en 1994 en Côte
d'Ivoire pour développer les infrastructures du pays, puis devient
ministre du Plan. Jusqu'au coup d'État de 1999. Retour à Paris, retour
chez McKinsey, retour des frustrations. Car, quand ses camarades de
promotion se voient harcelés par les chasseurs de têtes, le téléphone de
Tidjane Thiam, lui, reste désespérément muet. Alors, pour trouver un
poste à sa mesure, le voilà qui franchit la Manche et rejoint l'assureur
britannique Aviva. Avant de s'en aller chez le géant Prudential, dont
il va prendre la tête en 2009 et ainsi devenir le premier patron noir
d'une entreprise du Footsie, le CAC 40 anglais. Il est maintenant à la
tête d'un empire de l'assurance, une fierté britannique avec 13 millions
de clients en Asie, 4 millions aux États-Unis ou 7 millions au
Royaume-Uni. Il est aussi devenu un des phares de la City, côtoie au
jour le jour le Premier ministre, David Cameron, ou les grands de ce
monde, est invité à déjeuner par la reine, croise régulièrement les
princes Charles ou William dans des oeuvres de charité. Par sa culture,
sa carrière et son métier, il est surtout devenu un incroyable témoin
des mutations radicales du monde, de la puissance de l'économie de
marché, des retards européens et des discriminations...
LePoint : La crise financière a débuté voilà cinq ans. A-t-on la
certitude qu'il ne se prépare pas, quelque part dans le monde, une
nouvelle explosion analogue ?
Tidjane Thiam :
Les crises font partie du mode de fonctionnement du système : il en va à
cet égard des marchés financiers comme de la nature humaine. En début
2013, à Davos, j'étais à la tribune devant une assemblée de grands
patrons et j'ai posé la question suivante à la salle : "Que ceux qui
pensent qu'on n'aura plus jamais de crise financière lèvent le bras."
Tout le monde a rigolé, le représentant d'une organisation
internationale a levé le bras. Il était seul !
Mais c'est un terrible constat d'échec !
Non, car après se pose la question de leur fréquence et de leur amplitude...
Juste après 2008, les régulateurs disaient : "Plus jamais de crise." On
est maintenant passé de cette réaction immédiate et un peu naïve à une
réflexion plus intéressante : "Sachant qu'il y aura des crises, comment
fait-on pour qu'elles aient le minimum de conséquences, qu'elles ne
soient pas systémiques ?" C'est ça, le sujet. C'est ce que j'ai dit aux
régulateurs après le tsunami antisystème financier que nous avons subi
après la crise.
Quand même, vous ne pouvez pas dire que la régulation ne sert à rien...
Je ne dis pas que la régulation n'est pas justifiée, mais il faut surtout
que la croissance reparte, car elle seule permet de résorber les
déficits à long terme. Et, si votre secteur financier ne fonctionne pas,
vous n'aurez pas de croissance.
On danse donc toujours sur un volcan !
Non! Le marché a juste du mal à faire des transitions. Passer d'une
période de prospérité à la crise, c'était très douloureux. Maintenant,
il a du mal à passer de la crise à une période normale : il fonctionne
de façon aberrante, en traitant les bonnes nouvelles comme de mauvaises
nouvelles, et les mauvaises comme des bonnes ! Car, quand il y a de
bonnes nouvelles, le marché baisse de peur que les mesures
exceptionnelles mises en place par les banques centrales (taux d'intérêt
quasi nuls, programmes d'achat de dettes..., NDLR) soient retirées. Et
inversement. En fait, l'économie de marché est un organisme
extraordinairement darwinien, évolutif, qui s'adapte à tout. Vous lui
mettez des mesures d'exception, tous les acteurs s'y adaptent...
Ensuite, c'est dur de réorienter les choses. Mais, moi, je crois que les
bonnes nouvelles sont simplement... de bonnes nouvelles.
Ne rien changer serait dangereux ?
Avec le niveau des taux d'intérêt aujourd'hui, presque nuls, on décourage
l'épargne alors qu'il faut la récompenser : sans épargne, il n'y a pas
d'investissement à long terme ; sans investissement, pas de croissance ;
sans croissance, pas d'emploi ; sans emploi, pas de démocratie et pas
de stabilité sociale. Tout cela est absolument lié !
On est donc allé trop loin...
J'étais pour ces mesures exceptionnelles au début. Il faut se rappeler la
violence de la crise de 2008... Ici, chez Prudential, du 16 septembre au
31 décembre 2008, on se réunissait tous les jours à 7 heures après
s'être couchés à 3 ou 4 heures du matin. J'en rigolais parfois en disant
qu'une "journée normale est une journée avec une seule faillite". Cette
entreprise a 165 ans et six des dix plus grosses chutes en une séance à
la Bourse de son histoire ont été enregistrées pendant cette
période-là. Alors que Prudential a connu la guerre de 1870, la Grande
Dépression, les deux guerres mondiales, le krach de 1987... Donc,
j'étais bien placé pour savoir qu'il fallait des mesures
exceptionnelles. Mais je suis aussi bien placé pour savoir qu'il faut,
un jour, avoir le courage d'y mettre un terme.
Pour mesurer la croissance mondiale, c'est toujours du côté des États-Unis qu'il faut regarder ?
Encore et toujours. Les États-Unis ont fait deux choses essentielles : ils ont
consacré beaucoup d'efforts à redresser leur marché immobilier et ont
nettoyé le bilan de leurs banques pour qu'elles puissent de nouveau
prêter. Deux conditions absolument nécessaires pour une croissance saine
et durable.
Mais les États-Unis laissent filer leur dette, leur déficit public et leur déficit commercial... Et ce n'est pas un problème ?
Non. Car l'économie repose sur la confiance, on le sait tous. Et les gens ont toujours confiance...
Même les Chinois ? Vont-ils continuer à acheter de la dette d'État américaine ?
Mais, sinon, où pourraient-ils mettre leurs excédents ? Ils ont 3 300
milliards de dollars de réserves de change. Wen Jiabao (le Premier
ministre chinois entre 2003 et 2013) le sait, il me l'a dit. Pas un seul
marché obligataire au monde ne peut absorber de tels volumes, sinon le
marché américain ! De l'avantage d'être le plus gros... Les États-Unis
ont un autre atout énorme : sur les quinze dernières années, ils ont
réinventé Apple, créé Google, Facebook, Twitter... La vraie force de
l'économie américaine, c'est son incroyable capacité à innover. Ils vous
sortiront toujours un autre Google que personne n'a vu venir. Ils ont
aussi cette capacité à attirer les cerveaux. Ce serait d'ailleurs bien
que d'autres pays le fassent ! Mais souvent, à commencer par l'Europe,
ils ne veulent pas des cerveaux étrangers... Il ne faut donc pas se
plaindre que d'autres en tirent profit. Un jour, avec des patrons, on a
demandé à Dmitri Medvedev (l'ex-président russe) ce qu'il pensait du
fait que Sergueï Brin, le cofondateur de Google, était né en URSS. Eh
bien, il était d'accord pour dire que, si Brin était resté en Russie, il
n'aurait sans doute pas créé Google.
On vous sent admirateur des États-Unis...
C'est le consommateur américain qui a alimenté la croissance mondiale les dix
années qui ont précédé la crise de 2008. Quand les États-Unis portent
la croissance mondiale, la Chine en profite, tout le monde est
entraîné... Regardez l'élévation de la richesse mondiale totale ! Ce
cercle vertueux de la croissance est très positif, à commencer pour les
pays émergents.
Justement, la Chine : beaucoup pensent que les années de croissance folle sont finies...
Un jour, c'est évident que la croissance du pays se réduira. Mais on a
encore une bonne dizaine d'années à 6 % ou 7 %. J'ai la plus grande
confiance dans ce qui se passe là-bas. La croissance de l'Asie, au fond,
c'est l'histoire de la mise au travail de cerveaux et de capacités
intellectuelles qui n'étaient pas pleinement utilisés jusqu'ici. Tout
cela, avec les mouvements massifs de populations des campagnes vers les
villes, dans un environnement urbain, où on est forcément bien plus
productif. Les migrations internes ne sont pas terminées, il reste donc
une incroyable réserve de main-d'oeuvre, mais aussi de gains de
productivité et donc de croissance économique.
Mais la dette des provinces chinoises est mal connue, la qualité des créances bancaires fait peur...
Je ne donnerai qu'un chiffre sur la Chine : le taux d'épargne en Chine,
c'est 50 % du PIB (contre 15 % en France et 5 % au Royaume-Uni). C'est
la meilleure réponse à un éventuel problème ! Ils vivent sur une autre
planète économique que nous, ils ont tellement d'épargne qu'ils ne sont
pas dépendants de l'extérieur ! Là-bas, les capitaux étrangers ne
financent que 2 % des marchés d'actions. Ils n'ont aucune dépendance, ce
qui brise toute logique de crise : les capitaux étrangers ne vont pas
partir, la monnaie ne va pas s'effondrer, ils sont comme dans un caisson
étanche sur ce plan-là !
Les salaires ne cessent d'augmenter en Chine, au point que certains craignent pour sa compétitivité...
C'est très bien. C'est l'histoire de l'économie mondiale. Des emplois sont du
coup créés au Cambodge, au Vietnam, en Birmanie... Le but, au final,
c'est qu'il y ait du ruissellement, que chacun en profite. Si le niveau
de vie s'élève en Chine, c'est la preuve que cela marche ! Ensuite, il y
a une chaîne, les emplois repartent dans d'autres pays, sur d'autres continents...
Notamment en Afrique... Les discours optimistes sur le continent africain sont-ils en train de l'emporter sur les pessimistes ?
Permettez-moi d'abord de rappeler que l'Afrique, c'est plus de 30 millions de
kilomètres carrés. Soit davantage que les États-Unis, l'Inde, le Brésil
et la Chine réunis. Il est donc difficile, voire impossible, de dire des
choses sensées sur un tel territoire pris dans son ensemble.
Honnêtement, j'ai été assez pessimiste pendant très longtemps. J'ai
toujours eu confiance dans le développement de l'Afrique sur le très
long terme, mais je ne savais pas si je verrais le décollage africain de
mon vivant. J'ai changé d'opinion aux alentours de 2005. Il faut dire
que le PIB de l'Afrique a triplé en dix ans ! Les ressources ont
toujours été là, mais on a donné aux gens le minimum : de l'éducation,
de l'éducation, de l'éducation... En 1960, la Côte d'Ivoire comptait 150
diplômés de l'université. Vous gérez comment un pays avec 150 personnes
? Aujourd'hui, il y a 100 000 nouveaux étudiants chaque année. Le
changement d'échelle est colossal. Tout le mécanisme vu dans d'autres
parties du monde, de création d'emplois et de richesses, devrait
s'enclencher. C'est sûr, cela ne se fera pas sans heurts, il y a les
troubles au Mali, en Centrafrique, mais la tendance est là. La terre
d'Afrique n'a pas changé, le ciel n'a pas changé, la pluie n'a pas
changé, mais les hommes et les femmes, oui.
On vous sent ému...
Parce que, lors de mes premiers pas en 1995 à Davos, en Suisse, les réunions
sur l'Afrique étaient organisées dans un sous-sol. Il y avait bien Bill
Gates ou George Soros, mais on discutait dans le noir, vraiment. Et,
moins de vingt ans plus tard, l'an dernier, j'ai eu l'honneur de
coprésider, à Addis-Abeba, le Davos africain. Oui, le Davos africain !
Avec 350 jeunes Africains dans la salle, tous sortis de Yale, Harvard,
Princeton, Stanford... Tous extraordinaires et entreprenants ! Si on
m'avait dit que je verrais ça un jour !
Vous expliquez que la richesse des uns permet aux autres de s'enrichir. En France, on a
souvent l'impression que les riches sont devenus bien plus riches, que
les pauvres ont vu leur part stagner...
Le postulat de départ est mauvais : il ne faut pas parler de la manière de partager
le gâteau, mais plutôt des moyens de le faire grossir. Le problème de la
répartition ne se pose qu'après le problème de la production. Les
discours généreux qui se traduisent par la précarisation et la
destruction du capital humain, je ne les approuve pas. La première forme
d'injustice et de violence vis-à-vis des pauvres, c'est le chômage.
Donc des pays à chômage fort ne peuvent pas donner des leçons de
répartition. Ce discours fondé sur une supposée générosité se traduit
par 25 % de chômage des jeunes !
Regardez le dernier rapport Pisa de l'OCDE. En France, l'équité sociale a baissé, elle est
bien au-dessous du Royaume-Uni, cet enfer capitaliste ! Sur l'accès au
logement, le chômage, les rémunérations, le Royaume-Uni est devant la
France. Promenez-vous dans Londres, on ne croise pas un SDF. Oui, il y a
aussi des très riches, mais le 1 % de la population la plus riche paie
30 % de l'impôt sur le revenu, ce qui, franchement, fait du bien aux
finances publiques britanniques. Et ce n'est pas ici que des diplômés de
l'enseignement supérieur noirs ou maghrébins sont obligés de devenir
gardiens de parking...
Contrairement à d'autres pays...
Quand je vais dans des réunions européennes, je suis généralement le seul
Noir et je représente le Royaume-Uni. Tous ces autres pays supposés
ouverts, qui font beaucoup de social, ont 20 % de leur population qui
n'est pas blanche. Mais cette population, où est-elle dans ce genre de
réunions ?
Vous n'avez jamais caché être parti de France pour le Royaume-Uni
car vous étiez confronté à un "plafond de verre". On ne vous proposait
pas les postes auxquels vous auriez pu
aspirer. À Londres, vous n'avez jamais été déçu ?
Je vais vous raconter une histoire. En 2003, j'arrive à Londres. Peu
après, le 10 Downing Street, où je ne connaissais personne, m'appelle.
Et là, on me dit : "Tony Blair crée une commission sur l'Afrique, il
veut que vous en soyez." Voilà comment je me suis retrouvé à travailler
avec Tony Blair, Gordon Brown, des chefs d'État africains. Tony Blair
m'a ensuite envoyé devant le Sénat américain pour présenter les
conclusions de cette commission. Au nom du Royaume-Uni ! C'est là que
j'ai fait la rencontre d'un jeune sénateur nommé... Barack Obama. Qui
m'a invité, plus tard, à faire une présentation aux chefs d'État du G8
en 2012 à Camp David, et plus récemment m'a fait venir à la
Maison-Blanche pour parler avec lui de l'Afrique, m'a fait travailler
avec son équipe sur les besoins énergétiques africains, m'a invité à
l'accompagner en Tanzanie en juillet...
Quand on arrive ici, à Londres, avec une culture non britannique, on est surpris ?
Tout est plus international, ouvert. Dans mon comité exécutif, chez
Prudential, entreprise symbolique de la culture britannique, car nous
sommes une des marques les plus connues du pays, il n'y a presque pas de
Britanniques : moi je suis indéfinissable, mon directeur de la
communication est irlandais, mon DRH est suisse, mon directeur financier
grécochypriote, mon directeur pour l'Asie est américain... Le foot
anglais, où les équipes comprennent de nombreux étrangers de grand
talent, est une bonne analogie. Il faut qu'on reconnaisse en Europe que
ce message peut s'appliquer au-delà des terrains de foot ! Les Noirs et
les Maghrébins ne sont pas bons qu'à jouer au foot, que j'aime beaucoup
par ailleurs. Ils ont aussi beaucoup à apporter dans les écoles, dans
les hôpitaux, dans les entreprises, dans les conseils
d'administration...
En clair, au Royaume-Uni, on donne sa chance à tout le monde...
Dans mon entreprise précédente (le britannique Aviva, NDLR), on était huit
au comité exécutif. Et, sur ces huit, plusieurs n'étaient pas allés à
l'université. Quand on vient du moule français, ne pas pouvoir parler de
dérivées secondes ou se lancer dans de grandes formules mathématiques,
ça surprend forcément ! Ici, il n'y a pas d'obsession du diplôme, on
juge les gens aux résultats ! Parmi les patrons du Footsie, il y a plein
de self-made-men.
Vous, le X-Mines, vous ne pouvez pas dire que les diplômes, ça ne compte pas !
Mais, ici, "polytechnics", c'est le nom qu'on donne aux IUT. Donc, parfois,
des gens me disent : "Elle est pas mal, ta carrière, pour quelqu'un
sorti d'un IUT." Je n'essaie même plus de leur expliquer ce qu'est
Polytechnique en France. Et c'est très bien ainsi ! Attention, je ne
critique pas le système français de formation des élites, je lui suis
infiniment reconnaissant. Et bien sûr il y a aussi chez Prudential des
gens qui ont fait Oxford ou Cambridge. Mais Oxbridge, c'est 6 000
personnes par an, qui étudient trois ans avant d'arriver sur le marché
de l'emploi à 21 ou 22 ans, avec un infini respect pour le travail.
Quand, en France, les plus grandes écoles - X, Éna, HEC -, c'est un
millier de personnes. On s'échine à sélectionner un millier de personnes
! Dans une économie du G7 ! Ce que les gens ne comprennent pas, dans
toutes les approches élitistes du monde, c'est qu'il n'y a pas plus
grande intelligence que l'intelligence collective. Un polytechnicien,
tout polytechnicien qu'il est, sera toujours battu face à dix personnes.
Dans une foule, il y a aura toujours quelqu'un connaissant la bonne
réponse à chaque question, comme les travaux de l'écrivain James
Surowiecki l'ont démontré. Voilà pourquoi, à "Qui veut gagner des
millions ?" il faut toujours prendre l'avis de la salle...
Mais, en fait, vous êtes devenu plus britannique que les Britanniques !
Je ne dis pas que c'est le paradis sur terre : ici, le système public
d'éducation ne marche pas encore assez bien, il y a eu un
sous-investissement dans les infrastructures durant des décennies, le
système de santé reste à améliorer... Cela dit, les Britanniques sont
très en avance sur le chômage, le cancer de nos sociétés. Regardez ce
que le pays a fait. Il est aujourd'hui au bout du tunnel : sa croissance
approche 3 %, le chômage est à 7 %... L'austérité, c'est toujours
douloureux, mais ça paie.
Le déficit public britannique (6,1 % du PIB en 2013) est quand même presque deux fois plus élevé que le français...
Mais ils partaient de bien plus loin, à cause de la taille disproportionnée
du secteur bancaire britannique avant la crise par rapport à la taille
de l'économie locale et du sauvetage qu'il a fallu organiser ! Ils ont
déjà réduit le déficit public de 6 points de PIB en quatre ans ! Et
celui-ci diminue à toute allure ! De toute façon, réduire les déficits,
c'est créateur d'emploi. Ici, pour chaque emploi public supprimé, il y a
eu trois emplois privés créés ! Et la baisse prochaine du taux de
l'impôt sur les sociétés à 20 % porte tout cela : ça va soutenir la
croissance, réduire la fraude et, au final, accroître les recettes
fiscales et réduire encore plus le déficit...
Et l'Europe continentale ? Et la France ? C'est un vieux pays dans un vieux continent malade ?
L'Europe a apporté un grand nombre des idées et des techniques qui ont permis au
monde de se développer tel qu'il est aujourd'hui. Quant à la France...
c'est à la fois une grande nation, mon pays, celui de mon père. Si la
France n'était pas allée trouver mon père à Dagana, petit village pauvre
au bord du fleuve Sénégal, pour le mettre à l'école, eh bien... Mais on
sent que, face à un monde qui a beaucoup changé, l'Europe hésite à
choisir entre la nécessité de s'ouvrir davantage et la tentation de se
replier sur elle-même. Je crois fondamentalement que la fermeture
aboutit toujours à l'échec : on devient moins compétitif, plus faible,
on s'effondre... Au contraire, il faut amplifier son ouverture,
continuer à se développer ailleurs dans le monde, créer des richesses
supplémentaires. Car il n'y a pas de solutions aux maux européens sans
croissance.
Et pas de croissance sans réformes ?
Évidemment,il n'y a pas de miracles. Tout le monde connaît les réformes Schröder
en Allemagne, les pays du sud de l'Europe font des ajustements très
importants, mais d'autres restent immobiles... (sourire). Il faut faire
des réformes structurelles profondes. Augmenter le coût du travail
détruit des emplois, notamment pour les postes non qualifiés. Si le
travail est trop cher, il est toujours plus rentable de substituer du
capital au travail, de remplacer les emplois par des machines... avec
les dégâts sociaux qui s'ensuivent. C'est pour cela que, dans les pays
avec des taux de chômage importants, il y a des digicodes partout !
En France, on peine toujours à voir l'intérêt de l'économie de marché...
On n'aime pas la main invisible, on pense que c'est mieux qu'il y ait des
technocrates qui décident à trois ce qu'il faut faire... Le marché a ses
imperfections, mais c'est le pire des systèmes à l'exception de tous
les autres. Il a produit plus de résultats que les prétendus modèles
alternatifs. D'une culture à une autre, d'un continent à un autre, d'une
période à une autre, il s'adapte partout ! La beauté du marché, c'est
que c'est simple, tout le monde le comprend et tout le monde arrive à
l'appliquer. Xi Jinping (le nouveau président chinois) l'a dit : "Le
marché est la meilleure méthode d'allocation des ressources." Voilà ce
qu'on dit dans la Chine communiste d'aujourd'hui ! Moi, je crois à
l'économie de marché, à la concurrence, à la méritocratie, en l'homme
comme créature, à la créativité. Je ne suis absolument pas paternaliste,
je crois que le rôle des dirigeants, c'est de libérer toutes ces
énergies-là et de leur permettre de s'exprimer.
Prudential, vieille dame de la City
C'est un très vieil assureur, né en 1848 à Londres, qui a
accompagné la révolution industrielle britannique avant de partir à la
conquête du monde. Jusqu'à devenir, aujourd'hui, une des 20 plus grosses
entreprises du royaume, pesant en Bourse presque 40 milliards d'euros.
Un géant ayant plus de 21 millions de clients, qui repose sur quatre
piliers : l'Asie, où il est présent dans treize pays et réalise déjà un
tiers de ses profits, les Etats-Unis, le Royaume-Uni et la gestion
d'actifs. Son cours de Bourse a quadruplé depuis 2009.
Conseiller de Cameron
Tidjane Thiam a beau ne pas être britannique, il siège au
Conseil consultatif du Premier ministre, David Cameron, qui rassemble
des dirigeants d'entreprises de toute taille et de toute nationalité.
Outre Cameron, sont aussi présents à ces réunions le vice-Premier
ministre, Nick Clegg, le ministre de l'Economie, George Osborne, le
gouverneur de la Banque d'Angleterre, Mark Carney, ou encore l'Indien
Ratan Tata et l'Allemand Tom Enders (EADS)." Les bons résultats du
Royaume-Uni tiennent surtout à la qualité du dialogue entre les
décideurs politiques et les décideurs du secteur privé, ceux-là mêmes
qui peuvent investir et créer des emplois ", explique Tidjane Thiam.
La veille de notre entretien, il a dîné aussi avec le... chef de file
de l'opposition, le travailliste Ed Miliband.
2,5 milliards de livres sterling
Tel a été le résultat opérationnel de Prudential lors de
l'exercice 2012. Un chiffre qui devrait encore croître cette année : au
premier semestre 2013, le résultat opérationnel a atteint 1,41 milliard de livres.
379 %
C'est la progression de l'action Prudential depuis l'annonce
de la nomination de Tidjane Thiam à sa tête en mars 2009. Sur la même
période, l'indice de la Bourse de Londres a gagné 85%, tandis que celui
rassemblant les principaux assureurs européens a crû de 123%.
De la Côte d'Ivoire à la City
1962 Naissance en Côte d'Ivoire. 1984 Diplômé de
Polytechnique. Il sort ensuite major des Mines, puis obtient un MBA de
l'Insead. 1986 Rejoint McKinsey Paris. 1994 Retour en Côte d'Ivoire, où
il deviendra ministre du Plan et du Développement. 2000 Revient chez
McKinsey Paris. 2002 Part pour Londres, chez l'assureur britannique
Aviva. 2008 Devient directeur financier de Prudential. 2009 Nommé
directeur général de Prudential.
AIA, l'occasion du siècle ratée
Ce 1er mars 2010, la City de Londres, pourtant habituée aux
coups de tonnerre, reste stupéfaite. Voilà à peine cinq mois que Tidjane
Thiam a pris la tête de Prudential et il met la somme colossale de 35
milliards de dollars sur la table pour racheter AIA, la filiale
asiatique de l'américain AIG. Tout simplement le plus gros deal de
l'histoire de l'assurance. Mais l'affaire capotera trois mois plus tard.
Trop cher, jugent des actionnaires de Prudential. Dommage, vraiment
dommage. Car AIA vaut désormais deux fois plus que le prix négocié par
Thiam.
Avortement, euthanasie: pour clarifier une polémique née d'un blog hébergé par le «Temps»
LIGNE ÉDITORIALE
Le dernier billet du blog de Suzette Sandoz a suscité une nuée de commentaires virulents. «Le Temps» se voit reprocher de l'avoir «mis en avant». Quelques explications
Sur Twitter ou dans la section des commentaires de son blog, de nombreux internautes ont réagi au dernier billet de Suzette Sandoz, ancienne députée libérale au Grand Conseil vaudois, ancienne conseillère nationale et professeure honoraire de droit de la famille et des successions. Il est intitulé: «Peut-on vraiment parler d'un "droit à l'avortement"?» (les guillemets sont d'origine). Devant l'émotion suscitée, Le Temps apporte quelques éléments de réponse.
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Peut-on se fier à notre système monétaire?
L’argent déchaîné : une exposition sur le monde de l’argent et sur ce qu’il fait de nous.
Sur la forme: contrairement à ce que laissent penser certains commentaires sur Twitter, Le Temps n'a pas choisi de publiciser ou promouvoir ce blog particulièrement. Si ce billet est apparu sur le fil Twitter de notre titre, c'est le cas de tous les billets de tous nos blogs, via une procédure automatisée. Nous rappelons par ailleurs que les blogs du Temps sont parfaitement indépendants de la rédaction: ils n'impliquent aucune participation, aucun engagement de notre titre (qui selon le droit en est cependant responsable comme éditeur). Les blogueurs du Temps sont plus de 200, ils ont été choisis en raison de la diversité de leurs points de vue, et nous passons régulièrement en revue leurs contributions pour assurer sur notre site cette diversité et une qualité de débat éditorial.
«On ne peut pas mourir si on n'est pas né»
Sur le fond: dans son billet, Suzette Sandoz rapproche l'euthanasie et l'avortement. «L’euthanasie, comme l’avortement, c’est une mise à mort, écrit-elle; le droit à l’euthanasie est le droit de demander et d‘obtenir d’être mis à mort ou le droit de mettre à mort une personne qui le demande ; le droit à l’avortement est le droit de demander la mise à mort de l’enfant que l’on porte». C'est cette dernière phrase qui provoque une bronca. Une phrase qui est factuellement inexacte: une interruption volontaire de grossesse peut se dérouler en Suisse jusqu'à la 12e semaine de grossesse après les dernières menstruations, autrement dit l’embryon a dix semaines au plus, et il s'agit bien d'un embryon, non d'un foetus (à partir de trois mois) et a fortiori non d'un enfant.
La Revue médicale suisse le rappelait dès 2005, trois ans après une votation populaire refusant, à 72%, l'interdiction de l'interruption de grossesse en juin 2002: «En droit suisse comme dans d’autres pays, le fœtus n’acquiert des droits qu’à partir du moment où il naît vivant». Comme le synthétise une médecin de la reproduction genevoise, «on ne peut pas mourir si on n'est pas né». Pour l'OMS, un fœtus est viable à partir de la 22e semaine de gestation ou qu'il pèse 500 grammes. Dans son billet, Suzette Sandoz mentionne d'ailleurs «l'enfant futur», alors que ce n'est précisément pas encore un enfant. D'ailleurs, le propos de Suzette Sandoz va à l'encontre de l'article 119 du Code pénal suisse.
Le débat sur le début de la vie est complexe et fait appel à une vision éthique, religieuse mais aussi scientifique et juridique. La charte des blogs du Temps stipule que si les opinions sont libres, les faits mentionnés dans des billets de blog doivent être exacts. Ce n'est en l'occurrence pas le cas.
"Mourir, cela n’est rien", disait Brel; mais qu'il y a de souffrances dans le fait de vieillir... D'autant plus quand certains traitements dans des maisons de repos atteignent le sommet de l’inhumanité. Ne soyons pas hypocrites pour autant : pointer du doigt ces maisons de repos, n’est-ce pas aussi une manière de se dédouaner et de détourner le regard de notre propre responsabilité ?
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Contribution externe
Publié le 05-02-2022 à 16h29
Une carte blanche de Ann Goris. Présidente du CA de la maison de repos et de soins de Magnolia (Jette)
Les récentes révélations autour de [mauvais traitements au sein de] certaines maisons de repos ont de quoi nous faire frémir, bondir, souffrir.
Et pourtant, tout cela n’est pas nouveau, tout cela n’était pas totalement inattendu. C’est un peu comme une plaie connue dont on soulève de temps en temps le pansement en espérant qu’elle ne se soit pas trop infectée. En effet, se pencher sur le secteur des maisons de repos et de soins, c’est inévitablement aller à la rencontre d’une certaine souffrance.
Souffrance tout d’abord parce qu’il s’agit de personnes qui, après avoir parcouru une longue route, sont souvent confrontées à un corps qui souffre, qui lâche, qui n’arrive plus à suivre.
Cette étape de la vie, déjà si difficile en soi, est souvent également traversée par une recherche de sens, couplée à un sentiment de solitude, voire d’une expérience d’abandon. Combien ne sont-ils et ne sont-elles pas à avoir donné maison, argent, appartement, et à ne plus voir ensuite personne ?
Rien que ces réalités-là sont déjà des sources de souffrance. Alors que dire quand on y ajoute de mauvaises conditions de vie, de soins, de nourriture, des manques de respect, d’attention, de considération…
Un sommet d’inhumanité
Il serait évidemment faux de dire que toute personne âgée est facile à vivre, mais l’inverse n’est pas vrai pour autant. Ce que l’on ne peut nier, c’est que toute personne âgée est une personne en situation de vulnérabilité.
Et quand cette vulnérabilité est utilisée pour faire de l’argent, on touche à un sommet d’inhumanité, comme l’est l’esclavage, comme l’est le travail forcé des enfants, comme c’est le cas pour toute traite des êtres humains où il est question d’utiliser l’autre pour s’enrichir, en l’humiliant, le dégradant, l’exploitant.
Nul n’est à l’abri d’une déviance, mais quand elle est organisée, elle en devient criminelle.
Méfions-nous des belles façades extérieures
Et l’État dans tout cela ?
Beaucoup d’aides multiples et diverses ont été mises en place pour que les personnes puissent rester le plus longtemps possible chez elles. Ce qui implique que la majorité des personnes qui font le pas d’aller en maison de repos y viennent parce que "cela ne va plus" et qu’une vie en autonomie n’est plus possible. Les personnes y arrivent donc avec une plus grande dépendance et une grande fragilité physique et souvent mentale. Ceci a une répercussion directe sur la "vie" de la maison et le travail des animateurs et des soignants. Car créer des liens entre les résidents, un esprit convivial, une ambiance familiale par des activités diverses est de plus en plus difficile vu l’état de santé des personnes et la durée de leur présence dans la maison. Tout ceci démontre à quel point il faut se méfier des belles façades extérieures qui ne reflètent en rien la qualité ou non des soins, de la cuisine et de l’accompagnement humain.
Une nouvelle "éthique du care"
Cependant, il est facile de cracher dans la soupe, il incombe à chacun de rester vigilant et de balayer devant sa porte. Soyons honnêtes, si nous désirons avoir un personnel motivé, respectueux, posant des actes de qualité, il faut aussi que ce personnel de soins, d’animations, de nettoyage, de cuisine soit traité de façon respectueuse et avec reconnaissance.
Cette reconnaissance doit être humaine mais aussi salariale. Et c’est souvent là que les grands groupes financiers et l’État sont à la traîne. Il y a en effet toute une "culture du soin" à promouvoir, une nouvelle "éthique du care" à implémenter pour que soient enfin reconnues et valorisées les activités liées au soin dans notre société.
Ne soyons pas hypocrites, pointer du doigt les maisons de repos, n’est-ce pas aussi une manière de se dédouaner et de détourner le regard de notre propre responsabilité ? Nous, enfants, petits-enfants, proches, sommes-nous dans un réel accompagnement, une réelle écoute, une vraie présence dans cette étape difficile et souvent douloureuse du vieillissement de nos parents et de leur passage en maison de repos ? C’est peut-être là que commence le "prendre soin" le plus essentiel. Osons-nous nous poser la question : "Et si c’était moi ?"
Refus d'euthanasie: une maison de repos comparaît devant la justice
Odile Leherte
Les faits remontent à 2011. La maison de repos catholique Sint
Augustinus de Diest, en Brabant flamand, avait refusé à l’une de ses
pensionnaires d’être euthanasiée.
Il y a quelques mois, le primat de Belgique Joseph De Kesel avait
donné son avis. Selon lui, les hôpitaux et institutions de santé ont le
droit de refuser l’euthanasie dans leurs murs. Mais quelle est la vérité
judiciaire? C'est l'enjeu de ce procès. Une première. Une audience à trois juges
L'affaire aurait dû être plaidée au mois d'avril. Mais un juge avait
estimé qu'elle était trop délicate. Il voulait être épaulé par deux
autres juges. L'audience aurait donc lieu devant une chambre à trois
juges, ce 18 mai.
D'emblée, Sylvie Tack, l'avocate de la famille de Mariette Buntjens
en a fait une question de principe. L'objet du procès? Selon elle, il
s'agissait de rappeler qu'une institution n'a pas le droit de refuser
qu'une euthanasie soit pratiquée en ses murs. Elle a commencé par un
rappel des faits. "La mère de mes clientes souffrait d'un cancer du
poumon avec métastases au cerveau, en phase terminale. Elle avait fait
une première demande d'euthanasie en avril 2011". Elle fait ensuite deux courts séjours de quelques semaines dans la maison de repos de Diest.
Il y a quelques mois, nos confrères de la VRT ont rencontré les filles de Mariette Buntjens, Nadine et Margot Engelen. "Notre
maman avait très peur d’avoir mal. Ça faisait 6 mois que les papiers
étaient remplis. Vous vous préparez. Ça doit arriver ce jour-là. Et puis
on vous dit : non, pas ici. Et on vous dit que c’est parce qu’elle est
en court-séjour… En famille, nous avions déjà dit au revoir à maman à la
maison de repos." Un au revoir pour rien, puisqu’elles ont dû
ramener leur maman à la maison. Et cela a accru ses souffrances. C’est
du moins ce qu’elles reprochent à l’institution. En refusant que cette
euthanasie soit pratiquée en ses murs, la maison de repos aurait rendu
les souffrances de leur pensionnaire plus grandes encore.
L'euthanasie planifiée ne peut avoir lieu mais [...] la patiente peut être emmenée dans une autre institution.
Face aux trois juges, Sylvie Tack poursuit: "Madame Buntjens
avait un médecin de famille qui pouvait pratiquer l'euthanasie. Le 8
août, il rencontre, en compagnie d'un médecin référent pour
l'euthanasie, le médecin de l'institution et l'infirmier en chef. La
rencontre entre les quatre hommes est consignée dans un compte rendu
qu'écrit ce jour-là le médecin référent Patrick Vankrunkelsven. Mais le
jour suivant, celui-ci reçoit un coup de fil du directeur de
l'institution".
Patrick Vankrunkelsven décrit un directeur passablement énervé, qui
refuse catégoriquement qu'une euthanasie soit pratiquée dans son
institution et "constitue un précédent qui donnera le mauvais exemple aux autres pensionnaires".
Une lettre suit, elle précise que "l'euthanasie planifiée ne peut avoir
lieu mais que [...] la patiente peut être emmenée dans une autre
institution".
Et l'avocate insiste: "Elle était presque aveugle, elle ne
pouvait plus marcher, ses souffrances terribles duraient depuis des
mois. Le fait d'être emmenée ailleurs pour être euthanasiée a accru ses
souffrances et fut une expérience traumatisante".
Elle énumère ensuite les questions fondamentales que pose selon elle ce cas d'espèce:
Une institution n'aurait pas à bloquer un médecin étranger qui vient procéder à une euthanasie.
La clause de conscience vaut pour les médecins mais pas pour les
institutions, affirme-t-elle. Elle peut avoir une certaine vision de
l'euthanasie mais ne peut pas l'imposer. Sinon, il en résulterait une
discrimination entre quelqu'un qui vit chez lui, et peut avoir accès à
une euthanasie, et quelqu'un qui n'est plus capable de vivre à la
maison, et se voit par conséquent interdire l'accès à un droit comme
l'euthanasie.
L'an dernier aux Pays-Bas, un juge a tranché dans une affaire
semblable, estimant qu'une institution ne peut pas s'opposer à
l'application de la loi.
Un juge mordant
La défense avait remis des conclusions assassines pour l'euthanasie
de Mariette Buntjens. Selon la maison de repos, l'euthanasie ne
répondait pas aux critères fixés par la loi. Elle refusait par contre de
s'engager sur la voie de question de principe. "En effet, une
institution n'a pas à refuser qu'une euthanasie soit pratiquée en son
sein. Nous ne le contestons pas. Par contre, nous contestons la version
des faits de la famille".
Entre les deux plaidoiries, celui des trois juges qui mène les débats prend la parole : "N'est-ce
pas étrange qu'une institution estime que ce n'est pas réalisé dans les
règles -ce qui signifie qu'on est face à un meurtre- et qu'elle
permette malgré tout à la patiente d'être emmenée ailleurs? Si un
meurtre risque d'être commis, pourquoi ne pas appeler la police?"
L'avocate de la défense ne perd pas(encore) pied. Elle répondra à la
question du juge, précise-t-elle, mais veut d'abord retracer les faits
tels qu'ils se sont produits. Elle estime qu'il n'y a pas eu de demande
répétée d'euthanasie de la part de la patiente, ou qu'en tout cas, la
maison de repos n'en a pas été informée avant le 8 aout, date à laquelle
le Docteur Beckers, le médecin de l'institution, aurait été chargé de
pratiquer lui-même l'euthanasie. Comme le médecin ne voulait pas
pratiquer l'euthanasie, la direction aurait refusé que "l'euthanasie
planifiée ait lieu".
Le juge: "Mais pourquoi le médecin n'a-t-il pas tout simplement déclaré qu'il ne participerait pas à l'euthanasie?
L'avocate de la défense de la maison de repos reste sans voix, alors
que le médecin référent Patrick Vankrunkelsven la traite de menteuse. "J'étais un peu choqué, nous explique-t-il à la fin de l'audience,
car la défense n'a pas plaidé l'essence de l'affaire, c'est-à-dire
qu'une maison de repos nous a empêchés de venir pratiquer une euthanasie
en son sein, mais elle insinue que nous avons fait pression sur l'un de
ses médecins pour qu'il exécute lui-même cette euthanasie sur la
patiente, ce qui est totalement faux. Pourquoi aurait-on amené cette
affaire en justice si nous avions eu le moindre doute sur la régularité
de l'euthanasie? Ce qui est étonnant, c'est que la maison de repos
elle-même admette qu'au regard de la loi, elle n'a pas le droit
d'interdire par principe une euthanasie. Je crois qu'ils sont conscients
que sur ce plan-là, ils n'auraient pas convaincu le juge".
Si les trois juges décident de le souligner le 29 juin prochain dans
leur jugement, cela pourrait constituer une évolution dans la pratique
de l'euthanasie en Belgique, car si de nombreux cas de refus
d'euthanasie sont régulièrement rapportés dans des maisons de repos,
c'est bien la première fois qu'une telle affaire est plaidée devant un
tribunal.
L’Hôpital du Valais autorise l’aide au suicide sous condition
Alors que les demandes augmentent fortement chez Exit, l’Hôpital valaisan va permettre de solliciter l’association
L’Hôpital du
Valais autorisera l’aide au suicide dans ses murs lors de situations
exceptionnelles. Les soignants ne participeront pas directement au
geste. Un conseil d’éthique clinique a été mis sur pied.
Solliciter
Exit ou une autre organisation d’aide au suicide sera désormais
possible à l’Hôpital du Valais. Mais seulement lorsqu’il n’existe pas
d’autre alternative pour respecter l’autonomie du patient et que ce
dernier n’est plus en état de décéder ailleurs qu’à l’hôpital.
Un conseil d’éthique
«Un
conseil d’éthique clinique a été créé début 2016», précise Eric Bonvin,
directeur général de l’Hôpital du Valais. Il étudiera systématiquement
toutes ces situations exceptionnelles, conseillera et soutiendra les
soignants dans leur décision.
Les soignants
disposent également d’une directive. Elle leur permet d’apporter «une
réponse appropriée au patient sur cette question délicate» et leur donne
une synthèse du cadre juridique et éthique dans ce domaine.
Euthanasie: les limites s’effacent
Contribution externe
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Opinions
Une opinion de Xavier Dijon, Professeur émérite de l'Université de Namur.
Sonnons le tocsin. Trois propositions de loi veulent changer la
déclaration anticipée, la décision médicale et la clause de conscience.
L’homicide étend davantage son règne.
Trois propositions viennent
d’être déposées à la Chambre des Représentants pour modifier la loi
relative à l’euthanasie, sur le triple point de la déclaration
anticipée, de la décision médicale et de la clause de conscience. Ces
trois propositions de loi contribuent à étendre davantage encore les
avancées de l’euthanasie en effaçant quelques limites qui lui étaient
opposées jusqu’ici, tant dans l’espace que dans le temps.
1. Dans le but de s’assurer de la
volonté persistante du malade incapable de s’exprimer lui-même en fin de
vie, la loi de 2002 prévoyait que sa demande anticipée d’euthanasie
aurait une validité de cinq ans. La proposition actuelle entend rendre
pareille déclaration illimitée, étant donné, dit-on, la lourdeur de la
procédure qui vise son renouvellement. La gravité du geste euthanasique
se trouve ainsi singulièrement banalisée à l’égard de la personne qui
aura peut-être signé cette demande vingt ou trente ans avant d’être
euthanasié. Certes, cette requête pourra être retirée à tout moment
mais, si la proposition de loi est acceptée, le signataire ne serait
plus tenu de réfléchir régulièrement aux enjeux de sa demande. Comme si
elle était devenue tout simplement normale.
2. La réforme souhaitée quant à la
décision médicale concerne également l’écoulement du temps mais, cette
fois, dans l’autre sens : il ne s’agit plus de rendre perpétuelle la
demande du malade mais de raccourcir drastiquement la délibération du
médecin. La loi de 2002 prévoyait que si le médecin consulté refuse de
pratiquer une euthanasie, il est tenu, d’abord, d’en informer le patient
en temps utile, ensuite, de communiquer le dossier médical du
patient au médecin désigné pour poser ce geste. Ici, la proposition de
loi précise que la décision de refus doit être donnée dans les sept jours de la demande et que le dossier doit être transmis dans les quatre jours
du refus. Quand on connaît les hésitations et les revirements par
lesquels peut passer une demande d’euthanasie, quand on réalise toute la
part de confiance qui doit sous-tendre le dialogue entre médecin et
patient, on se demande pourquoi il s’imposait de réduire à une semaine
le temps de vérification du bien-fondé de la demande qui conduira le
malade à la mort. Serait-ce, ici encore, pour étendre la normalité du
geste euthanasique ?
3. Mais le coup le plus rude porté au
respect de la vie concerne, non plus le temps mais l’espace. Si la
troisième proposition de loi était adoptée, l’euthanasie devrait pouvoir
être pratiquée dans tous les hôpitaux du Royaume, sans que leur
direction ait le droit de s’y opposer. Toute clause par laquelle un
établissement de soins empêcherait un médecin de pratiquer l’euthanasie
en ses murs serait réputée non écrite. Or cette modification de la loi
est proposée, selon son libellé, en vue d’assurer la clause de conscience.
Jusqu’ici, on pensait à l’objection de conscience dans les termes d’un
soignant qui se refusait à poser le geste de mort sur le patient qui le
lui demandait. A présent, la proposition de loi étend la clause de
conscience jusqu’à l’hypothèse inverse : celle du médecin qui veut faire
valoir son droit subjectif de conscience pour pratiquer
l’euthanasie, alors que l’institution dans laquelle il exerce son art
s’y oppose. Et pour que nul n’en ignore, la même proposition précise
que, dans leurs rapports juridiques avec l’hôpital, les médecins doivent
jouir d’une entière autonomie professionnelle dans tous les soins de
santé, y compris l’accompagnement en fin de vie (sous-entendu
l’euthanasie elle-même).
Il y a quinze ans, on nous disait, d’abord que
l’euthanasie devait être permise dans des circonstances exceptionnelles à
l’égard de personnes majeures et saines d’esprit, ensuite, qu’un geste
aussi grave serait entouré de garanties procédurales qui permettent de
faire mûrir la réflexion de tous, enfin, qu’on respecterait évidemment
la philosophie des institutions qui la refusent. A présent que
l’homicide étend davantage son règne, en bouleversant les notions aussi
fondamentales que "réflexion", "délibération", "conscience", ou "soins
de santé", n’est-il pas temps de sonner le tocsin ?
Titre original : L’extension de la normalité euthanasique
Une institution de soins peut-elle refuser une euthanasie entre ses murs?
An. H.
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Belgique
La direction d’une maison de repos
catholique, située à Diest, devra bientôt comparaître devant un tribunal
pour avoir refusé l’accès à un médecin venu pratiquer une euthanasie,
rapportaient samedi "De Morgen" et "Het Laatste Nieuws".
Mariette Buntjens, 74 ans, en phase terminale d’un cancer
métastasique, était résidente de la maison de repos Sint-Augustinus. En
2011, elle avait formulé une demande d’euthanasie. Après 6 mois de
procédure, la dame qui entrait parfaitement dans les conditions de la
loi de 2002 pour bénéficier de la mort douce, avait obtenu l’accord de
son médecin, contresigné par un spécialiste.
Souffrances aggravées
La direction du home a cependant refusé que le médecin pratique
l’acte entre ses murs. La septuagénaire a dès lors dû être transportée à
domicile pour que sa volonté soit respectée.
La famille a depuis lors attaqué en Justice l’établissement dont le
refus a eu pour conséquence d’aggraver encore les souffrances physiques
et psychiques de la patiente. Après deux reports, le dossier sera
examiné en janvier par le tribunal civil de Louvain.
Objection de conscience
Selon les avocats de la famille, les médecins ont le droit d’invoquer
l’objection de conscience contre l’euthanasie, à la différence des
institutions de soins.
C’est aussi l’avis de Wim Distelmans, professeur de médecine
palliative et actuel président de la commission de contrôle de la loi
euthanasie, qui estime que la maison de repos n’avait pas le droit de
refuser l’accès au médecin. D’après le professeur Distelmans, c’est la
première fois qu’un tel cas est examiné devant un tribunal. Selon les
médecins du réseau flamand LEIF (qui milite pour une fin de vie digne),
les maisons de repos et de soins montrent souvent des réticences par
rapport à l’euthanasie, indique le professeur Distelmans. "Les proches s’en offusquent généralement, mais ne se tournent pas vers la Justice car ils pensent que c’est inutile."
Si le tribunal considère que la maison de repos Sint-Augustinus est
dans son tort, ce cas pourrait faire jurisprudence, estime le professeur
de médecine palliative.
Dans son droit
De son côté, la direction du home catholique estime être dans son
droit. C’est aussi la position du nouveau primat de Belgique, Jozef De
Kesel, qui s’était confié au "Belang van Limburg", le week-end dernier.
Dans cet entretien qui avait provoqué de très vives réactions au nord du
pays, l’archevêque avait notamment déclaré que les hôpitaux catholiques
avaient le droit de refuser de pratiquer l’avortement ou l’euthanasie.
Le site Kerknet s’appuie sur le rapport parlementaire sur le projet de
loi relatif à l’euthanasie (datant d’avril 2002) où il est stipulé, à la
page 178, que "le président
(Fred Erdman, SP.A, NdlR)
conclut que, selon l’interprétation correcte du projet à
l’examen, les institutions ont le droit d’interdire la pratique de
l’euthanasie dans leurs murs"
.
Le rapport précise :
"Aucun membre ne conteste cette interprétation du président."
Le porte-parole de la conférence épiscopale, Tommy Scholtès y voit la
preuve que même si les institutions catholiques ne permettent pas
l’euthanasie en leurs murs, elles respectent pleinement la loi.
Deux thèses s’affrontent donc. On attend donc avec intérêt la décision du tribunal civil de Louvain.
Euthanasie: le cas du médecin refusé dans une maison de repos "peut faire jurisprudence"
Belga
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Belgique
La direction d'une maison de repos catholique située à Diest
devra comparaître prochainement devant un tribunal pour avoir refusé
l'accès à un médecin venu pratiquer une euthanasie, rapportent De Morgen
et Het Laatste Nieuws samedi.
"La décision du tribunal pourrait faire jurisprudence",
selon Wim Distelmans, professeur en médecine palliative. Une femme de 74
ans, en phase terminale d'un cancer métastasique à la maison de repos
Sint-Augustinus, avait formulé sa demande d'euthanasie en 2011 et
celle-ci était en ordre après une procédure longue de six mois. La
maison de soins a cependant refusé d'accueillir le médecin qui devait
pratiquer l'acte dans ses murs. La patiente a dès lors dû être
transportée à domicile afin de voir sa volonté exécutée.
La famille a depuis lors attaqué l'établissement car sa
décision a eu pour conséquence d'encore aggraver les souffrances
physiques et psychiques de la patiente. Après avoir été reporté deux
fois, le dossier sera traité prochainement par le tribunal civil de
Louvain.
D'après le professeur Distelmans, c'est la première fois qu'un tel
cas est examiné devant un tribunal. "Selon le réseau LEIF-artsen, les
maisons de repos et de soins montrent souvent des réticences par rapport
à l'euthanasie", indique-t-il. "Les proches s'en offusquent
généralement, mais ne se tournent pas vers la justice car ils pensent
que c'est inutile."
Wim Distelmans estime que la maison de repos n'avait pas le droit de
refuser l'accès au médecin. Si le tribunal est également de cet avis, ce
cas pourrait faire jurisprudence.
Une maison de retraite a refusé l'accès à un médecin pratiquant l'euthanasie
belga
Publié le
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Belgique
La direction d'une maison de repos catholique située à Diest
devra bientôt comparaître devant un tribunal pour avoir refusé l'accès à
un médecin venu pratiquer une euthanasie, rapportent De Morgen et Het
Laatste Nieuws samedi.
Mariette Buntjens, une femme de 74 ans, est en phase
terminale d'un cancer métastasique à la maison de repos Sint-Augustinus.
Elle a formulé sa demande d'euthanasie en 2011 et celle-ci était en
ordre après une procédure longue de six mois. La maison de soins a
cependant refusé d'accueillir le médecin qui devait pratiquer l'acte
dans ses murs. La patiente a dès lors dû être transportée à domicile
afin de voir sa volonté exécutée.
La famille a depuis lors attaqué l'établissement car sa
décision a eu pour conséquence d'encore aggraver les souffrances
physiques et psychiques de la patiente. L'affaire atterrira devant le
tribunal civil de Louvain en janvier. Selon les avocats de la famille,
les médecins ont le droit d'invoquer l'objection de conscience contre
l'euthanasie, à la différence des institutions de soins.
La moitié des homicides passeraient pour des morts naturelles
Médecine légale
La
moitié des meurtres commis en Suisse ne seraient pas détectés. L'examen
des cadavres serait en effet pratiqué de manière trop superficielle.
Les examens de cadavre sont souvent conduits de manière superficielle.(Photo d'illustration)
Image: AFP
La moitié des homicides commis en Suisse ne seraient pas détectés et
passeraient pour des morts naturelles. La proportion est similaire pour
les suicides et les morts accidentelles. Le problème vient du fait que
souvent, les examens de cadavre sont conduits de manière superficielle.
Ces
estimations proviennent d'un article de Christian Jackowski, directeur
de l'Institut de médecine légale de l'Université de Berne, Roland
Hausmann, médecin chef de l'Institut de médecine légale de St-Gall et du
professeur de droit pénal Daniel Jositsch. Ce texte a été publié dans
la revue spécialisée Kriminalistik en octobre 2014 et repris dans plusieurs médias ces dernières semaines.
Les
auteurs se basent sur des recherches effectuées en Allemagne. En
Suisse, aucune étude n'a été conduite, mais la problématique est connue
des médecins, explique à l'ats M. Jackowski.
Médecins sensibilisés
Ils y sont sensibilisés pendant leurs études déjà, souligne le professeur. Des formations continues sont également proposées.
La
problématique se pose à deux niveaux. D'une part, nombre de causes de
décès peuvent être confondues avec une cause naturelle lors d'un examen
externe de cadavre. C'est le cas par exemple d'une électrocution, d'un
étouffement et même d'un empoisonnement.
D'autre part, il arrive
que le médecin chargé de l'examen d'un corps conclue à une mort
naturelle sans même avoir déshabillé ni retourné le cadavre, souligne M.
Jackowski. Et de citer l'exemple hypothétique d'un médecin de famille
devant constater le décès d'une vieille femme morte chez elle, entourée
de sa famille.
Dans cet exemple, la situation est délicate et il
est compréhensible que le médecin n'ose pas procéder à un examen poussé,
explique le professeur. Mais si la défunte présentait une blessure au
couteau sur son dos, cela resterait indétecté.
Examen systématique en Allemagne
En Allemagne, tous les corps
devant être incinérés sont au préalable minutieusement examinés par un
médecin spécialisé. Cela permet souvent de découvrir des indices omis
lors du premier examen.
En Suisse, un tel examen n'existe pas. Une base légale devrait être créée pour les introduire, indique M. Jackowski.
Dans
le cas des morts suspectes, les auteurs recommandent une modification
du code de procédure pénale suisse. L'article 253 traitant de l'examen
des corps est «formulé de façon malheureuse», selon M. Jackowski. Dossier médical nécessaire
Il
prévoit que si un premier examen du cadavre ne révèle aucun indice
d'infraction, la levée du corps est autorisée. Selon M. Jackowski, il
est nécessaire de préciser les critères.
Il faudrait par exemple
que le Ministère public se procure le dossier médical du patient pour
corroborer la thèse de la mort naturelle, par exemple par crise
cardiaque. Sans cela, un examen approfondi, voire une autopsie, devrait
s'imposer.
Un an après la publication de l'article, rien n'a
encore bougé sur le plan politique. Co-auteur et conseiller national
fraîchement élu aux Etats, Daniel Jositsch (PS/ZH) s'activera sur le
sujet lors de la prochaine révision totale du code de procédure pénale,
a-t-il indiqué à l'ats. (ats/nxp) http://www.lematin.ch/suisse/moitie-homicides-passeraient-morts-naturelles/story/15182202
Aide médicale à mourir au Québec: bientôt en vigueur
(Agence Science-Presse) Au Québec, la loi 52 sur les soins de fin
de vie entre en vigueur en décembre. Les malades avec des douleurs
intolérables qui veulent mettre fin à leurs jours pourront donc obtenir
l'aide d'un médecin. Du moins, en théorie, car cette décision ne fait
toujours pas l’unanimité, en commençant par les médecins eux-mêmes.
Comme nous le rappelons à l’émission cette semaine, cette loi
fait suite à la longue Commission québécoise «Mourir dans la dignité»,
consultation générale sur les conditions de fin de vie, les soins
palliatifs et l’euthanasie, qui avait duré près de 5 ans.
La Cour Suprême du Canada a invalidé, en février dernier, les
articles du Code criminel qui interdisent l’aide médicale à mourir. Il
est donc devenu inconstitutionnel d'interdire à quiconque d’aider à
mourir une personne consentante –ce qu’on peut appeler aussi le suicide
assisté. La Cour Suprême a donné un an au gouvernement fédéral pour
adopter une loi en conséquence.
Mais en attendant, plus récemment, 29 maisons de soins palliatifs du
Québec se sont prévalues de la possibilité de retrait prévue dans la
loi, tout comme le Centre hospitalier de l'Université de Montréal.
Une militante du droit à mourir, Donna Delorme de Calgary, s'est enlevé la vie en septembre dernier.
Elle souffrait depuis 18 ans de sclérose en plaques. Elle déplorait la
lenteur du gouvernement fédéral à respecter ce jugement de la Cour
suprême.
Rappelons que les Pays-Bas, la Belgique, le Luxembourg, la Suisse et,
aux États-Unis, l’Oregon, Washington, le Montana, le Vermont et la
Californie, ont légalisé l’aide médicale à mourir.
Comment vont s’arrimer Ottawa et Québec ? Comment s’adapteront les
médecins? Comment respecter l'autonomie de la personne tout en prévenant
les possibles dérives? Comment poser le bon geste et pour qui? On en parle avec:
Benoît Pelletier, professeur de droit à l'Université d'Ottawa et membre du Comité externe qui se penche sur les réponses fédérales à l’aide médicale à mourir.
Michèle Marchand. A été médecin de famille à Montréal durant 20 ans avant de quitter la pratique médicale et compléter une formation en philosophie
à l’Université du Québec à Montréal. Elle a été ces dernières années la
secrétaire du groupe de travail en éthique clinique du Collège des
médecins du Québec et également la conseillère en éthique de cette
institution.
Écoutez l’émission en cliquant sur le lien ci-contre (à gauche) ou en vous abonnant sur iTunes.
+++++++++++++++++++++++++++++++++++ Je vote pour la science est diffusée le lundi à 13h30, sur les cinq stations régionales de Radio VM. Elle est animée par Isabelle Burgun. Recherche: Naïma Hassert. Vous pouvez également nous écouter le mardi à 11h à Radio Centre-Ville (102,3 FM Montréal) et vous abonner sur iTunes. Vous trouverez sur cette page des liens vers les émissions des saisons précédentes. Pour en savoir plus sur l'initiative Je vote pour la science, rendez-vous ici. Vous pouvez également nous suivre sur Twitter et sur Facebook.
(Agence Science-Presse) Le choix de la «meilleure mort», pour soi
et pour l’autre, reste un sujet tabou, complexe et riche en émotions.
Neuf mois après le dépôt du rapport de la commission québécoise Mourir
dans la dignité, un retour sur cette question, à notre émission de cette
semaine.
Créée il y a trois ans par le gouvernement du Québec, cette
commission avait pour mandat de tenir une consultation générale sur les
conditions de fin de vie, les soins palliatifs, l’euthanasie. Son
rapport comprend 24 recommandations. Le comité d’experts qui doit
baliser le parcours législatif devrait bientôt publier ses conclusions.
Autrement dit, un projet de loi se prépare.
À quoi peut-on s’attendre? Comment respecter l'autonomie de la
personne tout en prévenant les possibles dérives? Comment poser le bon
geste et pour qui? Certains espèrent une voie inclusive pour tous,
d’autres sont opposés vivement à ce que l’hôpital soit un lieu où l’on
aide à mourir. Pour l’une des invitées d'Isabelle Burgun cette semaine,
Maryse Gaudreault, qui fut la présidente de cette Commission,
l’importante participation citoyenne lors des consultations démontre à
quel point il s’agit d’un sujet important pour la population —et avec le
vieillissement de la population, il va le devenir de plus en plus. Nos invités:
Maryse Gaudreault,
la présidente de la Commission spéciale Mourir dans la dignité, qui est
aussi députée libérale de Hull et porte-parole de l’opposition
officielle pour la condition féminine.
+++++++++++++ Je vote pour la science est diffusée le mardi à 11h à Radio Centre-Ville (102,3 FM Montréal). Vous trouverez sur cette page des liens vers les émissions des saisons précédentes. Pour en savoir plus sur l'initiative Je vote pour la science, rendez-vous ici. Vous pouvez également nous suivre sur Twitter et nous télécharger sur iTunes.
+++++++++++++ Transcription de la première partie Ghislain Leblond: Nous préconisons que chacun ait
droit à une mort libre et digne, et sereine. Parce que dans certains
cas, en terme de pourcentage, très peu élevés, mais en termes numérique,
quelques centaines par année, il y a des gens qui sont placés devant
des agonies. Qui doivent subir des agonies atroces, inhumaines. Des
types d’agonies que la loi nous empêche de faire subir à nos animaux.
Parce qu’aujourd’hui, il y a des êtres humains qui sont obligés de
les subir, parce que le cadre médico-légal actuel empêche les
intervenants de venir au secours de ces gens-là. PL: Nous venons d’entendre Ghislain Leblond du Collectif Mourir digne et libre, un collectif de citoyens qui fait la promotion de l'aide médicale active à mourir Isabelle Burgun (IB): Le Collectif Mourir digne et
libre a déposé en février un mémoire auprès de la Commission spéciale
sur la question de mourir dans la dignité.
Cette commission, créée il y a tout juste 3 ans —le 4 décembre 2009—
avait pour mandat de tenir une consultation générale sur les conditions
de fin de vie, les soins palliatifs et l'euthanasie.
Parler de la «meilleure façon de mourir» —comme titrait Le Devoir,
samedi dernier— n’est pas un exercice facile. Le choix de la «meilleure
mort» pour soi et pour l’autre reste un sujet tabou, complexe et riche
d’émotions. PL: Il y a 9 mois que le rapport est déposé, n’est-ce pas? IB: La Commission a déposé son rapport le 22 mars
dernier à l’Assemblée nationale. Il comprend 24 recommandations touchant
la fin de vie, les soins et les balises pour l’arrêt de traitement ou
l’aide médicalisée à mourir... Une option qui devrait être disponible
lorsque les souffrances ne peuvent plus être soulagées de manière
satisfaisantes, lorsque les personnes malades le veulent. PL : C’est d’ailleurs une préoccupation du Collectif
Mourir digne et libre. Nous écoutons la suite de l’entrevue que tu as
faite avec Ghislain Leblond. (écoutez l'entrevue avec Ghislain Leblond à 2:30 en cliquant sur le lien audio ci-joint) IB: Il y a bientôt 9 mois —le 22 mars dernier— la Commission Mourir dans la dignité déposait son rapport, à l’Assemblée nationale.
Ce rapport, très attendu, comprend 24 recommandations touchant la fin
de vie, les soins, l’arrêt de traitement ou l’aide médicalisée à
mourir. Il a été nourrit de mémoires de nombreux collectif, comme celui
du Collège des médecins.
Et maintenant? Le comité d’experts qui doit baliser le parcours
législatif de ces recommandations devrait rendre bientôt ses
conclusions. Un projet de loi se prépare.
À quoi doit-on s’attendre? Ressemblerons-nous un jour aux Pays-Bas ou
à la Belgique qui autorisent l’euthanasie? Nous distinguerons-nous en
trouvant une voie inclusive pour chacun, selon son vécu, ses croyances
et ses choix et ses souffrances aussi. Cette loi, on l’espère, fournira
la réponse à l’une des questions les plus importantes de la vie, celle
de la fin…
Nous allons en parler avec nos invités... (écoutez l’entretien avec les trois autres invités à 9:00)
La confiance du public à l'égard des
soins de santé est en péril, selon le Rassemblement québécois contre
l'euthanasie (RQCE), qui tient ce samedi à Québec une marche contre ce
type d'assistance.
À
la suite de la commission spéciale sur la question de mourir dans la
dignité, le gouvernement québécois peaufine encore son projet de loi sur
l'«aide médicale à mourir». Le RQCE s'y oppose et s'est donné pour
mission de contrer toute tentative d'intégrer l'euthanasie et le suicide
assisté au système de santé québécois.
La «Marche printanière», qui réunira des médecins, des juristes et des
citoyens, s'amorcera à midi sur les plaines d'Abraham, devant le Musée
national des beaux-arts, et se terminera en fin de journée devant
l'Assemblée nationale.
Le porte-parole Louis-André Richard, qui est également professeur de
philosophie, a estimé qu'il ne fallait pas ouvrir la porte à ce genre
d'intervention, et ce, pour éviter toute «pollution du climat» de
confiance dans l'esprit des citoyens.
Le docteur Marc Bergeron, un hémato-oncologue, a dit croire que la
science médicale permettait déjà, en ce moment, d'offrir suffisamment
d'aide et d'assistance pour assurer la sécurité, la dignité et le
confort des personnes souffrantes en fin de vie.
Le message du RQCE est que l'euthanasie élimine le souffrant et non pas la souffrance.
Un autre médecin, le Dr Patrick Vinay, chef d'une unité de soins
palliatifs à Montréal, a ajouté que l'acte de tuer ne pouvait être
considéré comme un soin médical.
«Nous devons plutôt soigner, soulager, aider et apaiser toute souffrance», a-t-il indiqué.
L’allongement de la durée de vie s’est accompagné d’un accroissement du nombre d’années vécues avec des incapacités. (BSIP)
Invité par l’Université de Genève, l’éthicien américain Ezekiel
Emanuel expliquera dans une conférence pourquoi il arrêtera de se
soigner à partir de 75 ans
Nous vivons de plus en plus vieux. Mais est-ce vraiment une bonne nouvelle? Pas forcément, d’après le médecin américain Ezekiel Emanuel.
Cet expert des politiques de santé, ancien conseiller de Barack Obama, a
suscité de nombreuses discussions outre-Atlantique avec la publication
d’une tribune intitulée «Pourquoi j’espère mourir à 75 ans» dans la revue The Atlantic
.
L’oncologue
âgé de 57 ans, qui est directeur du Département d’éthique
médicale et des politiques de santé à l’Université de Pennsylvanie, y
explique pourquoi il renoncera à tout traitement au-delà de l’âge
fatidique de 75 ans. Cela afin de s’épargner de longues années de vie
avec des incapacités et maladies. Au-delà de son cas personnel, Ezekiel
Emanuel souhaite susciter chez tout un chacun une réflexion autour de la
fin de vie. Il donnera mardi une conférence à l’Université de Genève. Le
Temps: Un grand nombre de personnes souhaitent vivre le plus longtemps
possible. Pourquoi ne partagez-vous pas cette aspiration? Ezekiel Emanuel:
Notre espérance de vie a fortement progressé depuis le début du
XXe siècle. Un enfant né en 1900 aux Etats-Unis pouvait s’attendre à
vivre environ 47 ans; ceux qui viennent au monde aujourd’hui atteindront
approximativement 79 ans. Il s’agit certes d’un progrès; mais le côté
négatif, c’est que cet allongement de la vie s’est accompagné d’une
augmentation du nombre d’années vécues avec des handicaps ou des
incapacités. A mesure que les personnes vieillissent, elles perdent
leurs capacités physiques et souffrent de complications de maladies
chroniques. Leur qualité de vie s’en trouve altérée; à un âge avancé, de
nombreuses personnes ne sont plus capables d’assurer jusqu’aux
activités les plus élémentaires du quotidien. Il faut aussi compter avec
la maladie d’Alzheimer, dont les experts disent qu’elle va encore
progresser au sein de la population, et qui constitue une perspective
particulièrement effrayante. Et puis, même sans maladie, notre capacité à
créer et à contribuer chute nettement après 75 ans. Lorsqu’on a
conscience de tout cela, la perspective de vivre très vieux devient
moins attrayante. Personnellement, je n’ai pas envie de connaître ces
années de déclin. Et je préfère que mes enfants et proches se
souviennent de moi comme une personne indépendante plutôt que comme un
poids. – Pourquoi pointez-vous ce «seuil» de 75 ans? Certaines personnes sont encore en bonne santé à cet âge…
– J’insiste sur les 75 ans pour marquer les esprits.
Mais je n’ai pas choisi cet âge de manière arbitraire. Les statistiques
montrent que c’est à partir de là que les gens commencent à souffrir
d’incapacités. Il s’agit bien entendu d’une moyenne, et vous connaissez
certainement des personnes qui continuent à bien se porter au-delà de
cet âge. Mais il faut garder en tête que ce sont des exceptions – et
nous ne pouvons pas tous être des exceptions! – Quelle attitude préconisez-vous face au grand âge?
– Je suis opposé à l’euthanasie et au suicide assisté.
J’ai le sentiment que les personnes qui veulent y recourir souffrent
surtout de dépression et de la crainte de perdre leur dignité; il faut
avant tout leur procurer des soins et de la compassion. Je ne mettrai
pas fin à ma vie de manière intentionnelle. Mais je ne vais pas essayer
de la prolonger non plus! A partir de 75 ans, je n’accepterai plus ni
tests prédictifs ni soins – à part des soins palliatifs qui permettent
de diminuer les douleurs. Je ne ferai plus d’examens cardiaques. Je ne
prendrai plus d’antibiotiques et je ne me vaccinerai pas contre la
grippe. Si j’ai un cancer, je refuserai tout traitement. Je mourrai de
ce qui m’emportera en premier. – Pensez-vous que tout le monde devrait en faire autant?
– Non, cette attitude est personnelle et je
n’essaie pas de convaincre quiconque. Je n’ai rien contre les personnes
âgées et je ne méprise pas les gens qui veulent continuer à vivre malgré
leurs limitations physiques et mentales. Je ne souhaite pas non plus
que l’âge de 75 ans devienne la mesure officielle d’une vie complète,
dans une optique de rationalisation des soins. Ce que j’aimerais, c’est
que les gens s’interrogent sur ce qu’ils souhaitent pour leur fin de
vie. Ce n’est pas un exercice facile: l’évolution nous a programmés à
nous battre pour survivre. Mais je pense que, si on réfléchissait
vraiment à ce qui nous attend pour nos dernières années, seul un petit
nombre d’entre nous souhaiterait arriver jusque-là. Et puis, se fixer
une limite comme celle des 75 ans permet de définir un horizon clair.
Cela encourage à s’interroger sur le sens de son existence et sur la
trace qu’on veut laisser derrière soi.
– Considérez-vous que le corps médical devrait revoir sa manière de considérer la vieillesse et la fin de vie?
– J’ai le sentiment qu’un grand nombre de médecins
et d’infirmiers partagent déjà mon point de vue et essaient de ne pas
proposer trop d’examens ou de traitements lourds à des personnes très
âgées. J’ai en tout cas reçu beaucoup de lettres avec des témoignages en
ce sens suite à ma tribune dans The Atlantic, tout comme
j’ai reçu des courriers de proches de personnes très âgées qui disaient
aussi comprendre ma position. A mon avis, le principal écueil à éviter
pour les médecins est celui de «l’obligation technologique»,
c’est-à-dire la tentation de se lancer dans des traitements sophistiqués
simplement parce qu’ils existent.
– Votre réflexion vous amène-t-elle également à des recommandations de santé publique?
– Je l’ai dit, ma démarche concerne avant tout les
individus. Mais d’un point de vue plus global, il me semble que les
pays développés devraient arrêter de se focaliser sur l’espérance de vie
de leur population. Cela ne sert à rien de courir après le Japon,
Monaco et Macau, qui sont les pays où l’on meurt le plus vieux. Dès lors
qu’une espérance de vie de 75 ans ou plus est atteinte, l’Etat devrait
arrêter de se soucier de cet aspect. Les efforts pourraient alors
spécifiquement porter sur la santé des plus jeunes et sur celle des
groupes défavorisés – par exemple les hommes noirs américains, qui ont
une espérance de vie plus faible que celle des Blancs. Un investissement
massif dans la recherche sur la maladie d’Alzheimer me semble aussi
indispensable.
Conférence «Pourquoi j’espère mourir à 75 ans»: mardi 9 juin à 18h30, Uni Bastions, Genève http://www.letemps.ch/Page/Uuid/5ad7bdc0-0dec-11e5-bce4-0f8872f43eca/Pourquoi_jesp%C3%A8re_mourir_%C3%A0_75ans
Allez-vous mourir dans les 5 ans à venir? Faites le test!
Valentin Dauchot et SO.DE.
Publié le
- Mis à jour le
Sciences - Santé
"Vous avez 0,6 % de chances de mourir lors des cinq
prochaines années et le corps d’un jeune homme de 34 ans." Fantastique !
Selon le test élaboré par deux scientifiques suédois sur base des
données sanitaires de 500 000 Britanniques, et librement accessible sur
Internet depuis jeudi dernier, mon état de santé devrait me permettre de
passer quelques printemps supplémentaires. N’ayant pas encore les 40
ans requis pour lancer le test, j’ai toutefois été contraint de me
projeter quelque peu dans le futur et d’évaluer mon mode de vie à venir
d’ici quinze ans.
Première question, donc, mon âge. Disons quarante-cinq ans,
ce qui nous situe en 2030, date à laquelle j’espère avoir pu mettre un
terme aux mauvaises habitudes qui altèrent mon espérance de vie. Vient
ensuite le genre : "homme" ou "femme", question simple mais fondamentale
puisque les demoiselles ont une espérance de vie plus élevée, et font
face à des périls bien différents de ceux qui pourraient emporter ces
messieurs. (Lire ci-contre). Je fume occasionnellement, c’est mal ?
Ne voyant pas très bien en quoi cela pourrait influencer ma
survie, j’indique ensuite au programme que je vis avec une autre
personne, ma compagne, et que le foyer comptabilise deux véhicules au
total. Nul ne sait si le fait de vivre avec mon frère ou ma grand-mère
aurait joué en ma défaveur, mais le programme aurait sans doute jugé mon
mode de vie malsain si j’avais eu quinze petits enfants à moins de
cinquante ans.
Viennent alors les questions difficiles. "Est-ce que vous
fumez ?" "De temps en temps, et uniquement quand je bois de l’alcool",
critère qui, curieusement ne figure pas dans le questionnaire, tout
comme le poids et le fait de pratiquer ou non un sport. Vider sa
bouteille de rosé bien frais à chaque apéritif ou courir chaque année
les 20 km de Bruxelles n’aura manifestement pas d’impact sur l’espérance
de vie à court terme. "Fumiez-vous régulièrement dans le passé ?"
"Occasionnellement" réponds-je, ne sachant pas très bien ce que cela
signifie, avant de me reprendre et d’indiquer au programme que je
qualifierais mon état de santé de "bon" et que j’ai l’habitude de
"marcher d’un bon pas", signe inéluctable de vigueur et de santé
éclatante. Petite tendance à l’hypertension
Pas de diabète, de cancer, d’attaque, d’angine ou d’AVC,
restons optimistes. Mais lâchons tout de même une petite tendance à
l’hypertension, la faute au statut d’indépendant et à la crise que
traversera toujours la presse écrite dans une dizaine d’années, si elle
ne s’est pas tout simplement effondrée, sans compter les cinq tasses de
café quotidiennement consommées par tout journaliste qui se respecte
avant d’allumer son PC. Questions psychosociales
Petite nouveauté de ce genre de test, le questionnaire
inclut pour terminer une série de questions socio-économiques ou
psychosociales : le décès d’un proche, une séparation ou des difficultés
financières susceptibles de faire bondir le taux d’anxiété et la
tension artérielle.
"Le fait de pouvoir mesurer l’état de santé des personnes
en ligne par le biais d’un bref questionnaire, sans avoir besoin de
passer par des tests ou des examens physiques, est un développement
excitant", déclarait la semaine dernière au quotidien britannique "The
Guardian" le Dr Andrea Ganna, dont les travaux ont été publiés dans la
prestigieuse revue médicale "The Lancet". "Nous espérons que cela
permettra aux médecins d’identifier rapidement les patients à haut
risque. […] Même si le résultat ne doit pas être considéré comme une
prédiction figée. Pour la plupart des gens, le risque de décéder dans
les cinq ans peut être diminué en augmentant l’activité physique, en
cessant de fumer et en mangeant de manière équilibrée."
Marche, tabac, solitude… Les critères de la longévité
Rythme de marche, isolement social, dépression, mais aussi
consommation de tabac, antécédent de cancer… Les questions posées par le
test prédictif abordent tous les pans de la vie : histoire médicale,
passé familial, environnement, facteurs socio-démographiques, mais aussi
- et c’est ce qui fait l’originalité du test - psycho-sociaux. 1. La perception de la maladie. Le test interroge le
répondant sur la perception qu’il a de son état de santé. Et l’étude
montre que, pour prévoir l’espérance de vie, cette perception a autant
de valeur - voire plus - que les mesures classiques de santé. "Cela
confirme une série d’études, qui indiquaient déjà que les personnes qui
ont une vision positive de leur vie vivent en moyenne 7 ans de plus",
note le Pr Jean Petermans, chef de service de gériatrie au CHU de Liège.
Les explications ? Les personnes avec une vision positive sont plus
actives physiquement, ont de meilleures relations sociales, sont plus
attentives à leur santé : elles vieillissent mieux et vivent plus
longtemps. 2. L’entourage social est aussi abordé. "C’est une
des qualités du test, il met en avant parmi les facteurs de risques des
facteurs psychiques, qui sont des échelles très peu souvent étudiées
pour l’espérance de vie. Or l’accompagnement, l’entourage affectif et
les relations sociales sont capitaux pour un vieillissement actif,
souligne le Pr Petermans. Nous essayons d’appliquer cela en gériatrie,
mais il est important d’agir en amont. Intervenir à ce niveau retarde
les effets néfastes du vieillissement. Il faut que les équipes médicales
entourent le patient, mais aussi ses proches qui peuvent devenir des
aidants." 3. L’état psychique. L’état dépressif fait aussi
l’objet de questions. Cela a en effet une influence sur l’espérance de
vie. "Une personne déprimée se sentira fatiguée, bougera beaucoup
moins…" Chez les plus âgés, cela peut mener à une perte de muscle et
donc à des chutes… En étudiant des octogénaires, on a aussi pu constater
que les gens soucieux et déprimés mouraient plus vite que les autres.
Pas de suicide, mais de causes physiques associées à la dépression. 4. Le rythme de la marche. "Il y a un parallèle entre
la marche et les troubles cognitifs, la marche est un bon reflet de
l’état fonctionnel. Une marche plus lente est un signe de déclin
fonctionnel. Les études démontrent que si l’on marche en dessous de 0, 8
mètres par seconde, on a une chance de faire une chute dans les six
mois."Ce qui était déjà démontré pour les plus âgés l’est ici pour de
plus larges groupes d’âge. C’est le cas pour d’autres critères du test. 5. Le sexe. Homme et femme n’ont pas la même
espérance de vie. Les maladies cardio-vasculaires touchent plus tard les
femmes (de 5 à 6 ans). Les œstrogènes les protégeraient jusqu’à la
ménopause, même si c’est à présent discuté. Pour ces mêmes raisons,
l’AVC et le diabète sont plus fréquents chez l’homme. Mais le cancer est
le critère le plus déterminant pour l’espérance de vie chez la femme. 6.Grossesse ou pas. Les études montrent
qu’avoir des enfants est positif pour la santé de la femme. Allaiter
diminue les risques de cancer du sein. Les mères sont aussi susceptibles
d’être moins déprimées. Mais ces études ont été réalisées quand elles
étaient surtout femmes au foyer. A présent qu’elles travaillent,
peut-être faut-il tenir compte du burn-out... 7. La consommation de tabac est aussi un signal très
négatif. Et l’arrêt du tabac a des effets très rapides, à bien moins de
cinq ans, qui est l’horizon du test. 8. Les soucis financiers. Pour révéler sa richesse,
le répondant doit préciser le nombre de voitures du foyer… Bas niveau
socio-économique et mauvaise santé sont en général liés. Cela peut aussi
avoir une influence sur la santé mentale. http://www.lalibre.be/actu/sciences-sante/allez-vous-mourir-dans-les-5-ans-a-venir-faites-le-test-55745bf435709a87ac7ce0fa
Publié le 02 mai 2015 à 05h00| Mis à jour le 02 mai 2015 à 05h00
La loi québécoise sur l'aide
médicale à mourir donnera bientôt plus de choix aux malades en fin de
vie. Mais pour que les patients aient accès à ces soins, des efforts de
sensibilisation importants devront être faits auprès des médecins et des
infirmières. En effet, même des procédures en vigueur depuis des années
demeurent méconnues, montre une étude parue récemment dans Le médecin de famille canadien.
«Il est surprenant de voir qu'une vingtaine d'années après que la
cessation de traitement à la demande du patient ait été autorisée au
Québec, près de la moitié des répondants aient cru qu'elle restait à
légaliser», notent la Dre Isabelle Marcoux et ses collègues dans l'édition d'avril.
Les répondants (271 médecins, infirmières et infirmières auxiliaires
québécois) étaient appelés à se prononcer sur des cas fictifs. Ils
devaient indiquer si les pratiques décrites étaient légales, ou le
deviendraient avec la Loi concernant les soins de fin de vie.
Une autre pratique (augmenter la dose d'opiacés pour soulager un patient
en phase terminale, même si cela risque d'écourter sa vie) a été
considérée à tort comme illégale par près de 20% des répondants. Détail
étonnant, les participants qui soignent des mourants n'avaient pas des
meilleures réponses.
Même si cette enquête n'est pas un sondage représentatif, ses résultats
sont préoccupants. Les volontés des malades sont-elles toujours
respectées? Reçoivent-ils tous les traitements contre la douleur
auxquels ils auraient droit? On se le demande, d'autant que la sédation
palliative terminale n'est pas disponible partout.
La Loi concernant les soins de fin de vie qui doit entrer en vigueur en
décembre ajoutera à la complexité. Certes, la démarche a été exemplaire.
La loi a été rédigée et adoptée au terme d'un long travail de réflexion
et de consultation, et Québec s'est donné 18 mois de plus pour préparer
son application. Pas moins de trois guides ont été préparés par le
Collège des médecins pour encadrer les pratiques. Celui sur l'aide
médicale à mourir est évidemment le plus attendu, mais celui sur la
sédation palliative, qui vise à clarifier et à uniformiser les pratiques
existantes, sera aussi très utile. Les guides seront présentés en juin.
Les médecins, infirmières et autres professionnels de la santé appelés à
donner ces soins devraient donc avoir le temps de suivre la formation
requise et les établissements, de s'organiser.
Il sera toutefois important de ne pas s'arrêter là, et de s'assurer que
tous les soignants susceptibles d'être en contact avec des patients en
fin de vie soient bien au fait de ces pratiques. Car même si celles-ci
ont été abondamment débattues ces dernières années, la plupart des
citoyens n'en sont pas des experts. Pour pouvoir faire les bons choix -
ceux avec lesquels ils seront en paix -, les malades et leurs proches
auront, plus que jamais, besoin d'être éclairés et accompagnés. http://www.lapresse.ca/debats/editoriaux/ariane-krol/201504/29/01-4865592-pour-une-fin-de-vie-eclairee.php
Editorial
Fin de vie : mieux que pire
Jean-Pierre Denis, directeur de la rédaction
On meurt mal en France : nous l’avons écrit souvent. Les
soins palliatifs demeurent scandaleusement sous-financés et donc
profondément inégalitaires. Sur cinq personnes qui en ont besoin, une
seule y a accès. Mais le problème est bien plus vaste encore. Nul
n’ignore qu’il risque de décéder ou de voir décéder ceux qu’il aime dans
de médiocres conditions en maison de retraite, à l’hôpital, voire aux
urgences. D’où la demande de mourir vite (l’euthanasie pure et simple)
ou « en dormant » (la sédation terminale). Que ces revendications soient
soutenues par une large partie de la population et relayées par les
politiques n’a rien de surprenant. La plupart des praticiens le disent
pourtant : dans les faits, elles disparaissent quand l’accompagnement
médical, humain et spirituel existe véritablement. Alors, seule une
minorité de personnes réclament encore le « droit à mourir », soit que leur souffrance échappe à tout traitement, soit, tout aussi rarement, au nom d’une idéologie de la « maîtrise de soi ». La proposition de loi concoctée par Alain Claeys (PS) et Jean Leonetti (UMP) ne
réglera en rien ce problème de fond. Le texte qui sera débattu la
semaine prochaine à l’Assemblée nationale est d’ambition modeste et
consensuelle. Il se contente de reconnaître comme un droit « la sédation profonde et continue »
(pour faire simple, une forme d’endormissement jusqu’à la mort). Et il
veut rendre obligatoire le respect des directives anticipées, par
lesquelles une personne exprime à l’avance ses choix ultimes, pour
réduire encore les possibilités d’acharnement thérapeutique. Cela pourra
constituer un progrès dans certains cas, à condition que
l’endormissement médicamenteux n’apparaisse pas progressivement comme
une substitution facile et bon marché à l’accompagnement humain. Quant
au caractère contraignant des directives anticipées, il entend faire
progresser les droits du malade. Par définition toutefois, ces
directives seront formulées de façon abstraite ; le caractère mécanique
de leur application pourrait empêcher les praticiens de proposer un soin
ajusté à des circonstances imprévues. Ces « droits nouveaux » pourraient constituer un pas de plus vers
l’abolition de l’interdit de tuer. C’est l’argument des opposants au
texte, regroupés dans le collectif Soulager mais pas tuer, que parraine
Philippe Pozzo di Borgo, l’inspirateur du film Intouchables. Déjà, on
peut redouter que les personnes qui ne sont pas mourantes mais en état
végétatif soient plus systématiquement « débranchées ». L’expérience
étrangère doit toujours servir d’avertissement. De brèche en brèche, et
de compromis en compromis, on en vient parfois à légitimer des dérives
inacceptables. Ainsi, la Belgique a fini par autoriser l’euthanasie des
mineurs et envisage de répondre positivement à la demande de détenus
qui jugent la vie en prison insupportable. Mais, à tout prendre, la proposition Leonetti-Claeys vaut mieux que pire.
Voilà pourquoi beaucoup de professionnels des soins palliatifs
l’approuvent, tandis que l’Église catholique ne la combat pas. Le texte
ne reconnaît pas le « droit à mourir ». Il se situe nettement
et courageusement en deçà des promesses de campagne de François
Hollande. Sous sa formulation actuelle – et donc à la condition encore
incertaine qu’il ne soit pas dénaturé lors de la discussion
parlementaire –, il constitue le seul compromis possible entre des
positions philosophiques irréconciliables. Il offre ainsi la dernière
alternative réaliste à la légalisation pure et simple de l’euthanasie,
voire à l’autorisation du suicide assisté que souhaitent certains
activistes, puissamment relayés dans les médias et à l’Assemblée. La
sagesse devrait conduire à voter la loi, sans illusion et sans
modification. http://www.lavie.fr/debats/edito/fin-de-vie-mieux-que-pire-03-03-2015-60959_429.php
Ethique
10:30
La médecine est sous la menace d’un danger d’euthanasie
LE MONDE
|
• Mis à jour le
En tant que professeurs de médecine, nous suivons le débat sur la fin
de vie qui arrive à nouveau à l’Assemblée nationale. Sensibles aux
interrogations des patients, de leurs proches et des soignants sur la
fin de vie, nous partageons, comme tout citoyen, les difficultés
exprimées autour des choix et décisions dans ces moments ultimes. Nous
souhaitons que notre société progresse pour apporter des orientations
qui bénéficient à tous.
Nous avons soutenu et soutenons encore la loi fin de vie votée
en 2005 à l’unanimité : elle permet de répondre à la très grande
majorité des problématiques, car tout y est. Reste à l’enseigner, à la
diffuser et à la mettre en œuvre plus largement. Mais modifier
aujourd’hui le fragile équilibre de la loi fin de vie mettrait en danger
notre système de santé. Nous ne pouvons l’accepter, surtout si le
mobile inavoué d’un tel basculement est politique, plutôt que médical.
Que reprochons-nous au nouveau texte ? Les deux évolutions majeures envisagées – c’est pourquoi « directives anticipées contraignantes » et « droit à la sédation profonde et continue jusqu’au décès » – peuvent paraître anodines à certains parce qu’elles ne contiennent pas « les mots qui fâchent ». Mais ces deux expressions menacent la relation de confiance entre soignants et soignés.
Les désirs des patientsLa
possibilité de rédiger des directives anticipées révisables et de
désigner une personne de confiance existe déjà. Même si la rédaction de
telles directives est difficile quand on est en bonne santé. Ecouter les
désirs des patients...
En savoir plus sur
http://www.lemonde.fr/idees/article/2015/03/09/la-medecine-est-sous-la-menace-d-un-danger-d-euthanasie_4589984_3232.html#li2KJWxbIT4XVI6w.99
Une majorité de médecins défend le suicide assisté
ATS
S’ils soutiennent le principe, rares sont les médecins qui sont prêts à participer eux-mêmes à l’encadrement d’un suicide
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Trois quarts des médecins suisses ayant participé à l’étude,
mandatée par l’Académie suisse des sciences médicales (ASSM),
considèrent qu’il est défendable que des praticiens puissent fournir une
assistance au suicide. Mais seule une minorité d’entre eux sont prêts à
participer eux-mêmes à un suicide.
«Ces résultats montrent
l’ambivalence du corps médical à ce sujet», explique Michelle Salathé,
vice-secrétaire générale de l’ASSM. D’après l’étude, publiée mercredi,
très peu de médecins pratiquent actuellement l’assistance au suicide.
Des
questionnaires ont été envoyés à 4800 médecins choisis au hasard et
douze ont été interrogés individuellement sur leur attitude face à
l’assistance au suicide. 1318 praticiens (27%) ont retourné le
formulaire.
Il apparaît que trois quarts des répondants
considèrent la pratique comme fondamentalement défendable. Un peu moins
de la moitié peuvent envisager des situations dans lesquelles ils
seraient personnellement prêts à fournir une assistance au suicide. Un
bon quart tolèrent l’assistance sans toutefois être prêts à la fournir
eux-mêmes. Malades en fin de vie
Pour la majorité des répondants, l’acceptation de l’assistance au
suicide dépend de la situation concrète: plus le diagnostic d’une
maladie somatique est évident et la fin de vie proche, plus
l’acceptation de la pratique est élevée. Ainsi, trois quarts des
répondants refusent l’aide au suicide des personnes très âgées mais en
bonne santé.
Un peu plus de la moitié la refusent à des personnes
souffrant de troubles psychiques. L’approbation des médecins varie
aussi d’après leur spécialisation et leur lieu de travail (cabinet ou
hôpital), leur âge et leur expérience en la matière. http://www.letemps.ch/Page/Uuid/0442207e-6fca-11e4-a6c2-0081b93c5d12
À bout, le médecin de Vincent Lambert quitte ses fonctions
VIDÉO - Le Dr Kariger ne regrette rien de son combat pour l'euthanasie passive, même si ce dernier l'a beaucoup affecté.
Pour la dernière fois, le docteur Eric Kariger est allé saluer Vincent Lambert dans sa chambre du CHU de Reims. «Statu quo par rapport à ces derniers mois, je dirais même ces dernières années», confie ce gériatre à propos de l'état de santé de son patient à Europe 1. Comme l'avait annoncé en juillet Le Figaro,
le médecin du jeune tétraplégique, plongé dans un état végétatif depuis
six ans, a décidé de quitter ses fonctions au sein de l'hôpital rémois
pour rejoindre la direction d'une maison de retraite. La bataille
judiciaire très médiatisée sur le sort de Vincent Lambert «n'est pas
étrangère à mon départ. Disons que cela a accéléré une réflexion
personnelle que j'avais engagé indépendamment de cette affaire»,
explique-t-il.
Estimant que l'euthanie passive était la meilleure
décision pour son patient, le Dr Kariger s'est attiré les foudres des
militants pro-vie. «J'ai eu beaucoup de menaces anonymes. J'ai pris des
coups, et j'ai eu la prétention de penser que cela ne me fragiliserait
pas. Mais ces coups répétés fragilisent l'humain. Je suis allé jusqu'à
mes limites, voire au delà». Le médecin s'est retrouvé victime de
harcèlement, traité «d'assassin» ou de «nazi». «Je me suis retrouvé à
avoir de vilaines pensées, heureusement ma femme, mes enfants et les
valeurs qui sont les miennes m'ont permis de franchir ce cap.» Le Dr
Kariger a par la suite reçu des menaces de mort. «Ça a totalement
dérapé», souffle-t-il. Dans une interview donné en juillet au Parisien,
il expliquait avoir reçu un courrier anonyme lui promettant «des larmes
pour les jours de vie qui me restent». Le médecin avait porté plainte.
«La mort n'est pas un échec médical»
Eric
Kariger dit pourtant «ne rien regretter» de son «combat pour une
certaine médecine, une médecine qui ne s'obtine pas, une médecine qui
reconnaît ses limites». «Oui, je suis un défenseur de la vie, mais je
suis aussi déontologiquement contre l'acharnement thérapeutique. Lorsque
les sens de la vie ont atteint leurs limites, la médecine doit, en
toute humilité, accepter de laisser mourir, de laisser partir»,
plaide-t-il. «La mort n'est pas un échec médical. Tout médecin qui ne
reconnaît pas cela est dangereux pour ses pairs». Toutefois, ce combat
«ne méritait pas que j'y laisse ma peau».
Le médecin de Vincent
Lambert avait décidé en mai de se mettre en disponibilité durant trois
ans. «J'avais calé mon départ sur le calendrier du Conseil d'Etat. En
envisageant que, si ce dernier confirmait le choix de mon équipe, cela
me laissait l'été pour accompagner Vincent et sa famille tranquillement
jusqu'au bout», expliquait-il au Parisien. L'instance judiciaire avait
en effet bien accordé au personnel médical le droit de laisser mourir Vincent Lambert,
mais les parents de celui-ci, refusant obstinément de voir mourir leur
fils, ont porté plainte auprès de la Cour européenne des droits de
l'homme. Cette dernière a suspendu la décision française, en attendant son jugement.
«Moi qui suis très attaché à la famille, je suis déchiré de voir celle
de Vincent Lambert meurtrie, totalement décapitée», soupire le Dr
Kariger. L'épouse de Vincent Lambert, souhaitant mettre fin aux
souffrances de son mari, est en conflit ouvert avec ses beaux-parents,
qui gardent l'espoir d'une rémission. «J'ai voulu faire comprendre [à
ses parents] que ce n'est pas renier leurs valeurs et leur foi que de
laisser partir leur fils. Je n'ai pas été entendu. Je n'ai jamais réussi
à reconstruire une relation de confiance». Le médecin espère «qu'ils
pourront tous trouver la paix, et que Vincent Lambert pourra trouver la
paix qu'il aurait demandé s'il pouvait s'exprimer».
Le médecin va
désormais «exercer des fonctions qui vont me permettre d'exceller dans
ma vocation d'être au service des plus vulnérables (...) Derrière
Vincent Lambert, il y a d'autres malades, d'autres familles qui
souffrent». Le Dr Kariger «laisse derrière [lui] une équipe
expérimentée, qui accompagne Vincent Lambert au jour le jour. J'ai toute
confiance en eux». http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2014/08/29/01016-20140829ARTFIG00144--bout-le-medecin-de-vincent-lambert-quitte-ses-fonctions.php
Voulez-vous savoir quand vous allez mourir ?
Combien de temps ?
Sous-entendu, combien de temps me reste-t-il à vivre ? C'est la
question des condamnés à mort, qu'ils l'aient été par le verdict d'un
tribunal ou celui du corps médical, par exemple dans le cas d'un cancer
incurable. Cette question fatidique, on a en revanche tendance à
l'occulter – car elle nous rappelle à notre condition de mortels –
lorsqu'on se sent en bonne santé, qu'aucun indice de maladie grave ne se
trouve à l'horizon. Simplement, il arrive parfois que ces signes soient
situés sous l'horizon, hors de notre champ de vision. Les
déceler, c'est le rôle (un peu glaçant il faut le reconnaître) des
biomarqueurs, traces sous-jacentes d'un dérèglement physiologique. Ils
constituent les signaux avant-coureurs d'une pathologie ou le risque
qu'elle apparaisse. Mais, à ce jour, aucun ne prédit le risque de mort à
court ou moyen terme. Personne ne revient d'une prise de sang avec sa
probabilité de rencontrer la Camarde dans les cinq ans à venir...
Pourtant, si l'on en croit une étude parue le 25 février dans la revue PLoS Medicine,
la chose est bel et bien possible. Tout est parti du désir d'une équipe
estonienne d'exploiter la technique de la spectroscopie par résonance
magnétique nucléaire (RMN) afin de mesurer d'un seul coup la
concentration d'une centaine de biomarqueurs dans le sang au lieu
d'utiliser une batterie de tests différents. Ces chercheurs ont exploité
pour ce faire les échantillons prélevés sur une vaste cohorte de 9 842
individus âgés de 18 à 103 ans. Ces personnes avaient été recrutées
entre 2002 et 2011 et leur suivi durait donc depuis plusieurs années. Et
l'on savait qui était décédé dans l'intervalle et qui était toujours en
vie. Après analyse des résultats, ces biologistes se sont
aperçus d'un résultat étonnant : un cocktail de seulement
4 biomarqueurs (sur les 106 testés) prédisait fort bien le risque de
finir ou pas dans un cercueil au cours des cinq années suivantes. On
pouvait grâce à eux composer une sorte de test de la mort, un indicateur
des chances de survie à court-moyen terme. Les individus situés dans la
zone rouge de cet indicateur risquaient 19 fois plus de trépasser dans
les années qui venaient que les personnes classées dans la zone la moins
dangereuse. Les biomarqueurs en question étaient les suivants : l'albumine, l'orosomucoïde, les lipoprotéines de basse densité
(qui transportent le cholestérol) et l'acide citrique, qui joue un rôle
central dans la synthèse de l'ATP, le carburant des cellules. Trouvant que le résultat était trop simple et trop
beau pour être vrai, les chercheurs estoniens ont demandé une
confirmation indépendante auprès de collègues finlandais, lesquels
disposaient d'une cohorte analogue à la leur. Comme il l'a expliqué au Telegraph, le
Finlandais Markus Perola (université d'Helsinki) ne croyait pas pouvoir
reproduire les résultats de ses collègues et fut stupéfait lorsque ce
fut le cas. Sur une base de 7 503 personnes testées, on retrouvait le
même cocktail prédictifs de quatre biomarqueurs (que l'on finira
peut-être par renommer "nécromarqueurs")... "C'était un résultat plutôtextraordinaire, reconnaît Markus Perola.
Au départ, nous n'y croyions pas vraiment. Il était étonnant que ces
biomarqueurs puissent vraiment prédire la mortalité indépendamment de
toute maladie. Il s'agissait d'individus apparemment en bonne santé
mais, à notre surprise, ces biomarqueurs montrent une fragilité non
décelée que ces personnes ignoraient avoir." Le résultat le plus déstabilisant de cette étude est bien là : percevoir une "fragilité" sous-jacente, avoir prédit un risque grave pour la santé chez des personnes "apparemment en bonne santé",
ne présentant pas le moindre symptôme d'une quelconque maladie. Sentir
en quelque sorte que leur organisme, leur métabolisme, est sur le point
de se détraquer complètement, de lâcher. Ne pas avoir isolé un risque
particulier de développer une pathologie précise (maladie
cardiovasculaire, cancer, ou autre) mais un risque global pesant sur la
santé. Il ne faut évidemment pas s'attendre à se voir
proposer demain ce "test de la mort". D'autres confirmations sont
nécessaires, notamment parce que les cohortes étudiées sont très
semblables : deux populations d'Europe du Nord ayant peu ou prou le même
environnement et le même mode de vie. Il est donc nécessaire de voir si
le résultat est valable pour d'autres ethnies, d'autres habitudes
alimentaires, d'autres environnements. Il faut aussi comprendre ce que
recouvre cet indicateur et par quels mécanismes il connecte des maladies
très différentes L'étude pose néanmoins une question intéressante :
l'utilisation d'un pareil test à des fins de dépistage permettrait de
détecter des personnes dont l'organisme risque de se déglinguer. Mais
que faire une fois ceci posé, si l'on ne sait pas identifier ce qui,
précisément, va lâcher ? Comme le dit très simplement Markus Perola, "il
y a une quetion éthique. Est-ce que quelqu'un voudrait savoir le risque
qu'il a de mourir s'il n'est rien que l'on puisse faire ?"
De quoi on mourait jadis, de quoi on meurt aujourd’hui
C'est une petite institution dans le monde de la recherche médicale. Influente revue américaine lancée en 1812, le New England Journal of Medicine (NEJM) fête son 200e anniversaire depuis
le début de l'année. A l'occasion de cette célébration a été publié le
21 juin un article décrivant, à partir des archives de la revue (qui, de
trimestrielle à l'origine, est devenue hebdomadaire), l'évolution des maladies et des causes de mortalité
en l'espace de deux siècles. Même si la Camarde est toujours au bout du
chemin, on ne meurt plus aujourd'hui pour les mêmes raisons
qu'autrefois – il arrive aussi que les maux incertains ou peu compris de
jadis aient aujourd'hui trouvé des explications et appellations plus
précises... Ainsi, lorsque l'on consulte le document rassemblant, pour l'année 1811, les causes de la mortalité à Boston, ville où le NEJM
a été créé, on retrouve certes dans les entrées des maladies bien
connues, comme le cancer (5 morts sur 942), la diarrhée (15), la
syphilis (12), la variole (2) ou le choléra (6). Mais les causes de
décès les plus importantes, par le nombre de personnes impliquées, sont
nettement plus floues, comme la fameuse "consomption" (221 morts) dont on retrouve plusieurs victimes dans les romans du XIXe
siècle et qui recouvre essentiellement la tuberculose pulmonaire, ou
bien les fièvres diverses et variées (116) parmi lesquels on compte le
typhus. Les accouchements et leurs suites sont dangereux puisque, entre
les enfants morts-nés, les fièvres puerpérales qui emportent les mères,
les infections diverses auxquelles ne survivent pas les bébés et les "poussées dentaires"
fatales, 135 décès leur sont imputables. On peut sans doute dénicher
les accidents vasculaires cérébraux sous le vocable d'"apoplexie" (13)
mais il est plus compliqué de deviner ce que recouvrent exactement les
entrées "convulsions" (36), "faiblesse" (28), "déclin" (20), ou "mort
subite" (25). On trouve aussi dans cette liste quelques curiosités, comme un foudroyé, deux trépassés des suites de "crampes d'estomac" et deux personnes qui ont péri pour avoir bu... de l'eau froide. Même s'il se veut le plus sérieux possible, le NEJM
est le reflet de son époque et de ses croyances. On peut ainsi lire, en
1812, le compte-rendu d'un article publié par un concurrent (l'Edinburgh Medical and Surgical Journal), où sont décrits les effets dévastateurs causés par le vent d'un boulet de canon : citons "les
vêtements dont les boutons et les épaulettes sont arrachés, ce qui
produit une lividité étendue sur la partie du corps près de laquelle le
boulet est passé, une cécité subite ou graduelle, des os fracturés en un
millier de morceaux sans même que la peau soit déchirée". Toujours lors de sa première année d'existence, le New Englandparle du phénomène des "combustions spontanées dans les manufactures",
qui sont pour l'essentiel des explosions de poussières ou des incendies
dus à des produits inflammables. L'article s'achève néanmoins en citant
l'exemple de "combustions spontanées chez les buveurs de brandy et plus spécialement chez les femmes". Mais la prudence scientifique est brandie dans la phrase suivante puisque la revue incite ses lecteurs à "attendre
de meilleures preuves que celles que nous avons vues jusqu'à présent,
avant de donner crédit à ces comptes-rendus, même s'ils proviennent de
sociétés savantes"...
Cliquez
sur l'image pour trouver un graphique interactif sur l'évolution des
causes de la mort aux Etats-Unis entre 1900 et 2010.
Bien des maladies mortelles de 1812 ne le sont plus
aujourd'hui. On se soigne mieux, on vit plus vieux et cela a fait
remonter dans le classement des causes de la mortalité des pathologies
qui se traînaient en queue de peloton. Ainsi, si l'on reprend les deux
maladies qui font dorénavant la course en tête dans un pays comme la France,
à savoir le cancer et les maladies cardio-vasculaires, celles-ci
étaient quasiment absentes à Boston en 1811. Il est d'ailleurs frappant
de noter que les maladies infectieuses, naguère les plus grandes
remplisseuses de cimetières, n'arrivent qu'en sixième place – grippe et
pneumonies viennent derrière le cancer, les maladies cardio-vasculaires,
les accidents, la maladie d'Alzheimer et le diabète. Précisons
toutefois que, selon l'Organisation mondiale de la santé
(OMS), dans les pays les plus pauvres de la planète, bactéries et virus
sont toujours à la fête, comme dans la Nouvelle-Angleterre du début du
XIXe siècle. Dans ces pays-là, les trois premières places du
podium sont occupées par des maladies infectieuses : infections
pulmonaires, diarrhées, sida. Le paludisme y est cinquième et la
tuberculose septième. En deux siècles, la médecine a fait d'énormes
progrès. Encore faut-il y avoir accès.
L’espérance de vie n’est pas la même dans toutes les
communes bruxelloises. Elle est beaucoup plus basse dans le croissant
pauvre.
Le constat est assez interpellant : en terme d’espérance de vie,
les inégalités sont assez évidentes à Bruxelles. Une fois de plus, les
différences se marquent entre les quartiers plus pauvres du Nord de
Bruxelles et les quartiers au sud-est de la Région.
Ainsi,
entre Molenbeek-St-Jean et Woluwe-St-Pierre, il y a une différence
d’espérance de vie de plus de cinq ans. Un écart comparable entre
l’espérance de vie de la Belgique (79 ans) et celui de pays tels le
Venezuela ou la Cisjordanie. Ces statistiques 2011, récoltées par
l’Observatoire de la santé et du social de Bruxelles, interpellent alors
que ces deux communes sont situées à quelques kilomètres l’une de
l’autre. "Ils semblent qu’en matière d’espérance de vie, les
facteurs environnementaux sont très secondaires par rapport aux facteurs
sociaux", explique Pierre Marissal d’Inter-Environnement (IEB) et
spécialiste de la question. Pour faire simple, il y a des facteurs
environnementaux qui influencent l’espérance de vie - comme un travail
où l’on est exposé à des produits nocifs ou un logement pollué par des
moisissures - mais ce qui raccourcit le plus la vie, ce sont les
facteurs sociaux comme la pauvreté et le manque d’éducation qui
facilitent les comportements à risque (mauvaise alimentation, fumer,
refuser des soins de santé, etc.)
Des conditions qui sont
malheureusement surtout réunies dans le croissant pauvre de Bruxelles.
Selon Pierre Marissal, si l’on compare les personnes de 30 ans, diplôme
universitaire en main et habitant un des quartiers riches de Bruxelles,
avec des personnes du même âge mais n’ayant qu’un diplôme du primaire et
habitant le croissant pauvre, l’écart d’espérance de vie est en moyenne
de 6 ans et demi pour les femmes, et près de 8 ans et demi pour les
hommes.
Selon les chiffres du scientifique toujours, si
l’ensemble de la population bruxelloise connaissait les mêmes conditions
d’espérance de vie que les habitants des quartiers aisés, cela ferait
près de 1 500 morts en moins chaque année. "Mais ce sont 1 500 morts silencieuses, et personne ne s’en aperçoit ", conclut Pierre Marissal.
Alors que l’hôpital est devenu le haut lieu du mourir contemporain, la majorité des gens préféreraient finir leurs jours chez eux. Une étude belge le confirme
C’est peut-être plus important encore pour ceux qui restent que pour ceux qui s’en vont, puisque les premiers continuent à vivre avec le souvenir: on peut avoir le sentiment d’une mort bâclée, d’un énième rendez-vous manqué. Ou au contraire celui, apaisant, d’une véritable prise de congé.
C’est cette tranquillité dont témoignent les familles qui ont vécu à la maison la fin de vie d’un être cher. «Il faut se garder d’idéaliser, dit Jean-Paul Studer, médecin de famille à Peseux. Mais dans mon expérience, la mort à domicile est une aventure humaine intense et enrichissante.»
La plupart des gens aspirent à mourir dans leur lit, observent, comme lui, les professionnels sur le terrain. Pourtant, la proportion de morts à domicile, qui était de 80% il y a cent ans, s’est réduite à environ un quart, selon les estimations européenes.
Comment expliquer cet écart? Une étude menée en Belgique, et dont les résultats sont publiés ces jours-ci (1), place la communication entre médecin et patient au centre de la problématique. Tout en fournissant de précieuses données chiffrées qui confirment les observations empiriques.
La question de départ de l’enquête belge est la suivante: dans quelle mesure les médecins de famille savent-ils où leurs patients préféreraient mourir? Il apparaît que l’information circule dans 46% des cas seulement. Mais aussi que quand le médecin connaît le souhait de son patient, ce désir parvient à une réalisation dans 80% des cas.
L’étude confirme également que la préférence des patients va, dans la majorité de cas (58%), à la mort à domicile. Vient ensuite la maison de retraite (40%), puis l’unité de soins palliatifs (6,6%). L’hôpital, pourtant haut lieu du mourir contemporain, arrive bon dernier: seules 4,7% des personnes choisiraient d’y quitter la vie.
Démographe et grand avocat de l’aide à domicile en Suisse (2), Hermann-Michel Hagmann voit dans l’enquête belge la confirmation d’une tendance: «Il y a dans la population un fort désir de mourir chez soi, plus fort probablement qu’il y a une dizaine d’années. Mais beaucoup de médecins ne le savent pas ou préfèrent ne pas le savoir.»
Une des raisons à cela est très terre à terre: comme le confirme l’étude belge, la disponibilité du médecin est déterminante dans la réussite d’un projet de mort à domicile: «Pour le patient, savoir que son médecin est atteignable jour et nuit en cas de besoin est essentiel dans ces moments», observe Jean-Paul Studer, en digne représentant de la vieille école. Or, peu nombreux sont ses jeunes confrères qui sont prêts à une telle dédition.
Mais il n’y a pas que le médecin: pour mourir chez soi, il faut aussi être soutenu par une structure d’aide et de soins à domicile efficace. Par une famille aussi si possible, mais qui a elle-même besoin d’un sérieux coup de main pour ne pas flancher: «C’est toute une chaîne d’acteurs qui est mobilisée, observe encore le praticien neuchâtelois: si un des maillons faiblit, c’est l’affolement, l’ambulance, et tout finit à l’hôpital.»
Pour Hermann-Michel Hagmann, le quartier général de cette chaîne doit être le centre local d’aide et de soins à domicile: «Chaque centre médico-social devrait développer son équipe de soins palliatifs, plaide-t-il. C’est faisable, moyennant un complément de formation du personnel déjà en place. Et un partenariat efficace avec le corps médical et les équipes spécialisées des hôpitaux.» C’est sur ce modèle que le Centre médico-social de Sierre a, sous sa direction, développé le programme pilote Juana, qui fait référence en Suisse romande mais reste une exception.
Ici et là, d’autres choix ont été faits. Notamment celui de centres de soins palliatifs qui détachent, au besoin, leurs équipes à domicile. Mais cela suppose souvent, pour la famille, pour le mourant, une discontinuité des interlocuteurs génératrice d’angoisses et de dysfonctionnements, plaide Hermann-Michel Hagmann: «Nous sommes face à de nouvelles générations d’aînés qui tiennent à leur autonomie jusqu’au bout. C’est dans ce contexte que s’inscrit le développement des services à domicile, dont les soins palliatifs sont un aboutissement logique. Les centres médico-sociaux doivent assumer le rôle central qu’ils jouent dans cette évolution.»
Mourir chez soi redevient ainsi un projet d’avenir. Un projet largement partagé et de plus, matériellement abordable: le modèle sierrois est générateur d’économies considérables, plaide son promoteur.
Un projet, pourtant, qui reste largement inaccompli. Parce que, malgré un discours favorable à leur développement, les structures de services à domicile sont encore lacunaires. Pour que cela change, il faudrait un vrai pilote dans l’avion de la santé en Suisse, note Hermann-Michel Hagmann. Tous les regards se tournent vers Berne.
(1) GPs’awarness of patients’ preference for place of death.
In British Journal of General Practice, 59, septembre 2009.
(2) Vieillir chez soir, c’est possible
de Hermann- Michel Hagmann.
Ed. Saint-Augustin, 2008. http://www.letemps.ch/Page/Uuid/3822593a-a0a5-11de-aed6-abc36971ed9b/Mourir_chez_soi_un_fort_d%C3%A9sir_inassouvi « Préparez-vous à mourir. »
Le message que Steve Jobs a laissé pour vous sur la vie, la mort et les raisons de son succès.
« C'est un honneur de me trouver parmi vous aujourd'hui et d'assister à une
remise de diplômes dans une des universités les plus prestigieuses du monde.
Je n'ai jamais terminé mes études supérieures. A dire vrai, je n'ai même jamais été témoin d'une remise de
diplômes dans une université.
Je veux vous faire partager aujourd'hui trois expériences qui ont marqué ma carrière. C'est tout. Rien
d'extraordinaire. Juste 3 expériences.
« Pourquoi j'ai eu raison de laisser tomber l'université »
La première concerne les incidences imprévues. J'ai abandonné mes études au
Reed College au bout de six mois, mais j'y suis resté auditeur libre pendant
dix-huit mois avant de laisser tomber définitivement.
Pourquoi n'ai-je pas poursuivi ?
Tout a commencé avant ma naissance. Ma mère biologique était une jeune
étudiante célibataire, et elle avait choisi de me confier à des parents adoptifs.
Elle tenait à me voir entrer dans une famille de diplômés universitaires, et
tout avait été prévu pour que je sois adopté dès ma naissance par un avocat et
son épouse. Sauf que, lorsque je fis mon
apparition, ils décidèrent au dernier moment qu'ils préféraient avoir une
fille. Mes parents, qui étaient sur une liste d'attente, reçurent un coup de téléphone au milieu de la nuit :
« Nous avons un petit garçon qui n'était pas prévu. Le voulez-vous ? »
Ils répondirent : « Bien sûr. »
Ma mère biologique découvrit alors que ma mère adoptive n'avait jamais eu le
moindre diplôme universitaire, et que mon père n'avait jamais terminé ses
études secondaires. Elle refusa de signer les documents définitifs
d'adoption et ne s'y résolut que quelques mois plus tard, quand mes
parents lui promirent que j'irais à l'université.
17 ans plus tard, j'entrais donc à l'université.
Mais j'avais naïvement choisi un établissement presque aussi cher que
Stanford, et toutes les économies de mes parents servirent à payer mes frais de scolarité.
Au bout de 6 mois, je n'en voyais toujours pas la justification. Je
n'avais aucune idée de ce que je voulais faire dans la vie et je n'imaginais pas
comment l'université pouvait m'aider à trouver ma voie. J'étais là en train de
dépenser tout cet argent que mes parents avaient épargné leur vie durant.
Je décidai donc de laisser tomber.
Une décision plutôt risquée, mais rétrospectivement c'est un des meilleurs
choix que j'aie jamais faits. Dès le moment où je renonçais, j'abandonnais
les matières obligatoires qui m'ennuyaient pour suivre les cours qui m'intéressaient.
Tout n'était pas rose. Je n'avais pasde chambre dans un foyer, je dormais à même le sol chez des amis.
Je ramassais des bouteilles de Coca-Cola pour récupérer le dépôt de 5
cents et acheter de quoi manger, et tous les dimanches soir je faisais 10 kilomètres à pied pour traverser la
ville et m'offrir un bon repas au temple de Hare Krishna. Un régal.
Et ce que je découvris alors, guidé
par ma curiosité et mon intuition, se révéla inestimable à l'avenir.Laissez-moi vous donner un exemple :
le Reed College dispensait probablement alors le meilleur enseignement de typographie de tout le
pays. Dans le campus, chaque affiche, chaque étiquette sur chaque tiroir était
parfaitement calligraphiée.
Parce que je n'avais pas à suivre de cours obligatoire, je décidai de m'inscrire en classe de calligraphie.
C'est ainsi que j'appris tout ce qui concernait l'empattement des caractères, les espaces entre les différents groupes de lettres, les détails qui font la beauté d'une typographie. C'était un art ancré dans le passé, une subtile esthétique qui échappait à la science.
J'étais fasciné.
Rien de tout cela n'était censé avoir le moindre effet pratique dans ma vie. Pourtant, 10 ans plus tard, alors que nous concevions le premier Macintosh, cet acquis me revint. Et nous l'incorporâmes dans le Mac.
Ce fut le premier ordinateur doté d'une typographie élégante. Si je
n'avais pas suivi ces cours à l'université, le Mac ne posséderait pas une telle variété de polices de caractères ni ces espacements proportionnels.
Et comme Windows s'est borné à copier le Mac, il est probable qu'aucun ordinateur personnel n'en disposerait.
Si je n'avais pas laissé tomber mes
études à l'université, je n'aurais jamais appris la calligraphie, et les ordinateurs personnels n'auraient peut-être pas cette richesse de caractères. Naturellement, il était impossible de prévoir ces répercussionsquand j'étais à l'université. Mais elles me sont apparues évidentes dix ans plus tard.
On ne peut prévoir l'incidence
qu'auront certains événements dans le
futur ; c'est après coup seulement
qu'apparaissent les liens. Vous pouvez
seulement espérer qu'ils joueront un
rôle dans votre avenir. L'essentiel est
de croire en quelque chose - votre
destin, votre vie, votre karma, peu
importe. Cette attitude a toujours
marché pour moi, et elle a régi ma vie.
« Pourquoi mon départ forcé d'Apple
fut salutaire »
Ma deuxième histoire concerne la
passion et l'échec. J'ai eu la chance
d'aimer très tôt ce que je faisais.
J'avais 20 ans lorsque Woz [Steve
Wozniak, le co-fondateur d'Apple
N.D.L.R.] et moi avons créé Apple dans
le garage de mes parents. Nous avons
ensuite travaillé dur et, 10 ans plus
tard, Apple était une société de plus de
4 000 employés dont le chiffre
d'affaires atteignait 2 milliards de
dollars. Nous venions de lancer un an
plus tôt notre plus belle création, le
Macintosh, et je venais d'avoir 30 ans.
C'est alors que je fus viré.
Comment peut-on vous virer d'une
société que vous avez créée ? C'est bien
simple, Apple ayant pris de
l'importance, nous avons engagé
quelqu'un qui me semblait avoir les
compétences nécessaires pour diriger
l'entreprise à mes côtés et, pendant la
première année, tout se passa bien.
Puis nos visions ont divergé, et nous
nous sommes brouillés. Le conseil
d'administration s'est rangé de son
côté. C'est ainsi qu'à 30 ans je me suis
retrouvé sur le pavé. Viré avec perte et
fracas. La raison d'être de ma vie
n'existait plus. J'étais en miettes.
Je restais plusieurs mois sans savoir
quoi faire. J'avais l'impression d'avoir
trahi la génération qui m'avait précédé
- d'avoir laissé tomber le témoin au
moment où on me le passait. C'était un
échec public, et je songeais même à fuir
la Silicon Valley.
Puis j'ai peu à peu compris une chose
- j'aimais toujours ce que je faisais.
Ce qui m'était arrivé chez Apple n'y
changeait rien. J'avais été éconduit,
mais j'étais toujours amoureux. J'ai
alors décidé de repartir de zéro.
Je ne m'en suis pas rendu compte tout
de suite, mais mon départ forcé d'Apple
fut salutaire. Le poids du succès fit
place à la légèreté du débutant, à une
vision moins assurée des choses. Une
liberté grâce à laquelle je connus l'une
des périodes les plus créatives de ma
vie.
Pendant les 5 années qui suivirent,
j'ai créé une société appelée NeXT et
une autre appelée Pixar, et je suis
tombé amoureux d'une femme
exceptionnelle qui est devenue mon
épouse.
Pixar, qui allait bientôt produire le
premier film d'animation en trois
dimensions, Toy Story , est aujourd'hui
la première entreprise mondiale
utilisant cette technique. Par un
remarquable concours de circonstances,
Apple a acheté NeXT, je suis retourné
chez Apple, et la technologie que nous
avions développée chez NeXT est
aujourd'hui la clé de la renaissance
d'Apple.
Et Laurene et moi avons fondé une
famille merveilleuse.
Tout cela ne serait pas arrivé si je
n'avais pas été viré d'Apple.
La potion fut horriblement amère, mais
je suppose que le patient en avait
besoin.
Parfois, la vie vous flanque un bon
coup sur la tête. Ne vous laissez pas
abattre. Je suis convaincu que c'est mon
amour pour ce que je faisais qui m'a
permis de continuer.
Il faut savoir découvrir ce que l'on
aime et qui l'on aime. Le travail occupe
une grande partie de l'existence, et la
seule manière d'être pleinement
satisfait est d'apprécier ce que l'on
fait.
Sinon, continuez à chercher. Ne
baissez pas les bras. C'est comme en
amour, vous saurez quand vous aurez
trouvé. Et toute relation réussie
s'améliore avec le temps. Alors,
continuez à chercher jusqu'à ce que vous
trouviez.
« Pourquoi la mort est la meilleure
chose de la vie »
Ma troisième histoire concerne la
mort. A l'âge de 17 ans, j'ai lu une
citation qui disait à peu près ceci :
« Si vous vivez chaque jour comme s'il
était le dernier, vous finirez un jour
par avoir raison. »
Elle m'est restée en mémoire et,
depuis, pendant les 33 années écoulées,
je me suis regardé dans la glace le
matin en me disant :
« Si aujourd'hui était le dernier jour
de ma vie, est-ce que j'aimerais faire
ce que je vais faire tout à l'heure ? »
Et si la réponse est non pendant
plusieurs jours à la file, je sais que
j'ai besoin de changement.
Avoir en tête que je peux mourir
bientôt est ce que j'ai découvert de
plus efficace pour m'aider à prendre des
décisions importantes. Parce que presque
tout - tout ce que l'on attend de
l'extérieur, nos vanités et nos fiertés,
nos peurs de l'échec - s'efface devant
la mort, ne laissant que l'essentiel.
Se souvenir que la mort viendra un
jour est la meilleure façon d'éviter le
piège qui consiste à croire que l'on a
quelque chose à perdre. On est déjà nu.
Il n'y a aucune raison de ne pas suivre
son coeur.
Il y a un an environ, on découvrait
que j'avais un cancer. A 7 heures du
matin, le scanner montrait que j'étais
atteint d'une tumeur au pancréas. Je ne
savais même pas ce qu'était le pancréas.
Les médecins m'annoncèrent que c'était
un cancer probablement incurable, et que
j'en avais au maximum pour six mois. Mon
docteur me conseilla de rentrer chez moi
et de mettre mes affaires en ordre, ce
qui signifie :
« Préparez-vous à mourir. »
Ce qui signifie dire à ses enfants en
quelques mois tout ce que vous pensiez
leur dire pendant les 10 prochaines
années. Ce qui signifie essayer de
faciliter les choses pour votre famille.
En bref, faire vos adieux.
J'ai vécu avec ce diagnostic pendant
toute la journée. Plus tard dans la
soirée, on m'a fait une biopsie,
introduit un endoscope dans le pancréas
en passant par l'estomac et l'intestin.
J'étais inconscient, mais ma femme, qui
était présente, m'a raconté qu'en
examinant le prélèvement au microscope,
les médecins se sont mis à pleurer, car
j'avais une forme très rare de cancer du
pancréas, guérissable par la chirurgie.
On m'a opéré et je vais bien.
Ce fut mon seul contact avec la mort,
et j'espère qu'il le restera pendant
encore quelques dizaines d'années.
Après cette expérience, je peux vous
le dire avec plus de certitude que
lorsque la mort n'était pour moi qu'un
concept purement intellectuel : personne
ne désire mourir.
Même ceux qui veulent aller au ciel
n'ont pas envie de mourir pour y
parvenir. Pourtant, la mort est un
destin que nous partageons tous.
Personne n'y a jamais échappé. Et c'est
bien ainsi, car la mort est probablement
ce que la vie a inventé de mieux.
C'est le facteur de changement de la
vie. Elle nous débarrasse de l'ancien
pour faire place au neuf. En ce moment,
vous représentez ce qui est neuf, mais
un jour vous deviendrez progressivement
l'ancien, et vous laisserez la place aux
autres. Désolé d'être aussi dramatique,
mais c'est la vérité.
Votre temps est limité, ne le gâchez
pas en menant une existence qui n'est
pas la vôtre.
Ne soyez pas prisonnier des dogmes qui
obligent à vivre en obéissant à la
pensée d'autrui. Ne laissez pas le
brouhaha extérieur étouffer votre voix
intérieure.
Ayez le courage de suivre votre coeur
et votre intuition. L'un et l'autre
savent ce que vous voulez réellement
devenir. Le reste est secondaire.
Dans ma jeunesse, il existait une
extraordinaire publication The Whole
Earth Catalog, l'une des bibles de ma
génération.
Elle avait été fondée par un certain
Stewart Brand, non loin d'ici, à Menlo
Park, et il l'avait marquée de sa veine
poétique. C'était à la fin des années
1960, avant les ordinateurs et l'édition
électronique, et elle était réalisée
entièrement avec des machines à écrire,
des paires de ciseaux et des appareils
Polaroid.
C'était une sorte de Google en livre
de poche, 35 ans avant la création de
Google. Un ouvrage idéaliste, débordant
de recettes formidables et d'idées
épatantes.
Stewart et son équipe ont publié
plusieurs fascicules de The Whole Earth
Catalog . Quand ils eurent épuisé la
formule, ils sortirent un dernier
numéro.
C'était au milieu des années 1970, et
j'avais votre âge.
La quatrième de couverture montrait la
photo d'une route de campagne prise au
petit matin, le genre de route sur
laquelle vous pourriez faire de
l'auto-stop si vous avez l'esprit
d'aventure.
Dessous, on lisait :
« Soyez insatiables. Soyez fous. »
C'était leur message d'adieu. Soyez
insatiables. Soyez fous.
C'est le voeu que j'ai toujours formé
pour moi. Et aujourd'hui, au moment où
vous recevez votre diplôme qui marque le
début d'une nouvelle vie, c'est ce que
je vous souhaite.