Faut-il déjà modifier la loi fédérale sur le dossier électronique du patient (DEP)? Alors que les médecins de famille et thérapeutes ne sont pas obligés de participer au DEP, cette exemption n’est pas du goût d’une nette majorité de Suisses, selon une enquête publiée par Swisscom Health.
La loi fédérale sur le dossier électronique du patient oblige les hôpitaux et les cliniques de Suisse à participer au DEP dès 2020. (Source: Pixabay)
Plus de deux tiers des Suisse souhaitent que leur médecin de famille soit obligé de partager leurs données de santé dans un dossier électronique du patient (DEP). Cette demande forte de la population ressort d’une enquête menée par l’institut de recherche GFS pour le compte de Swisscom Health. Pour rappel, la loi fédérale sur le dossier électronique du patient oblige les hôpitaux et les cliniques de Suisse à participer au DEP dès 2020. Mais les acteurs du secteur ambulatoire tels que les médecins de famille, les thérapeutes et les pharmacies sont exemptés de cette obligation. L’enquête montre donc que cette exemption n’est pas du goût de la population. C’est d’ailleurs spécialement le cas en Suisse romande, où 78% des sondés sont favorables à une obligation.
Bénéfices et risques
Plus des deux tiers des personnes interrogées pensent que l’échange numérique des informations médicales peut améliorer la qualité d’un traitement. Environ la moitié s’attend à ce que cette numérisation réduise aussi les coûts de la santé. Concernant les risques associés à un traitement numérisé des données de santé, les cyberattaques ciblées sont perçues comme le plus grand danger, devant les failles de sécurité des systèmes informatiques. Les risques de négligence humaine, de la part des patients ou des acteurs de la santé, apparaissent sous-estimés.
Jura rejoint quatre autres cantons romands pour le développement du DEP
La loi fédérale stipule que le DEP doit être un espace hautement sécurisé assurant la protection des données des patients. Au vu des exigences fédérales en la matière, des cantons se sont unis pour mettre en place une plateforme commune. En Suisse francophone, Genève, Valais et Vaud ont ainsi créé en 2018 l’association Cara, qui chapeaute la mise en place d’un dossier électronique du patient à l’échelle romande. L’association regroupe désormais cinq cantons membres. Après Fribourg, Jura vient de rejoindre Cara. Ces cinq cantons ont en outre confirmé leur intention de principe de confier la réalisation technique de leur plateforme commune de cybersanté à La Poste. Pour rappel, la solution fournie par La Poste pour le dossier électronique du patient (DEP) va se baser sur une solution tierce de l’entreprise allemande Siemens
CIUSSS: les consultations
électroniques pourraient exploser en 2018
Marie-Christine
Bouchard
La Tribune
Il faut
souvent attendre plusieurs mois avant d’avoir un rendez-vous avec un médecin
dans certaines spécialités médicales. C’est le cas au CIUSSS de l’Estrie-CHUS,
mais aussi partout ailleurs dans la province. Et si la consultation
électronique permettait d’améliorer l’accès aux médecins spécialistes?
« J’ai
déjà vu des patients qui étaient en attente d’un rendez-vous en hématologie
depuis deux ans. La possibilité d’avoir un cancer les a inquiétés tout ce temps-là.
Quand je finissais par les voir, ils me disaient que ça faisait trois semaines
qu’ils ne dormaient plus tellement ils étaient inquiets. Et finalement, tout
était correct, ils n’avaient rien! Je trouve ça désolant de voir tout ce que
les patients ont vécu, pendant tout ce temps-là, pour absolument rien »,
mentionne le Dr Richard Le Blanc, hématologue au Centre hospitalier
universitaire de Sherbrooke (CHUS).
Le Dr Le Blanc a été un des pionniers de ces consultations électroniques. Sa
spécialité, les maladies du sang, est basée principalement sur des résultats de
laboratoire, ce qui facilite encore davantage l’analyse par le biais de la
plateforme informatique.
« Dans
les écoles de médecine, on nous apprend que 85 % du diagnostic se fait au
questionnaire du patient et dans les analyses », ajoute Dre Stéphanie
Boilard, médecin de famille et responsable du Groupe de médecine familiale du
Haut-Saint-François.
Un projet-pilote est actuellement en cours au CHUS, tel que le dévoilait La
Tribune en décembre dernier. Des médecins spécialistes se rendent disponibles
pour répondre aux questions des médecins de famille via une plateforme de
données sécurisées. Grâce à l’implantation de cette plateforme, les
spécialistes pourront également consulter le dossier du patient afin d’avoir
une vue d’ensemble précise de la problématique pour laquelle ils sont
consultés.
Alors que le projet n’était qu’à ses balbutiements en 2017, il y a eu
121 consultations effectuées. L’hématologie a été le point de départ de ce
projet-pilote, puis tranquillement, quelques autres spécialités se sont jointes
au projet. Depuis peu, l’ensemble des spécialités que l’on retrouve au CHUS
sont couvertes.
Le nombre de consultations électroniques pourrait donc exploser en 2018.
Le Dr Le Blanc a fait une démonstration d’une consultation devant La Tribune.
Il a examiné le dossier d’une patiente et a répondu à la question toute simple
que lui avait posée son médecin de famille : « Que dois-je
faire? »
« Le médecin de famille a posé une question parce qu’il avait remarqué un
résultat anormal dans la formule sanguine de sa patiente. J’ai regardé son
dossier au complet, ses résultats, et j’en conclus qu’il n’y a aucune
inquiétude pour cette patiente. Elle sera rassurée en quelques jours plutôt que
d’attendre une consultation pendant plusieurs mois. Et pour moi, ça n’a pas été
très long à faire, parce que grâce à la plateforme sécurisée, j’ai pu
rapidement consulter le dossier entier de la patiente », mentionne le Dr Le
Blanc.
Lorsqu’il fait voit un patient pour la première fois à la clinique externe, Dr
Le Blanc doit inscrire 40 minutes à son agenda. « Les
20 premières minutes ne servent qu’à faire l’historique. Il y a une
redondance et une perte de temps folle dans tout ça », soutient le
médecin.
Formation en continue
« C’est aussi l’occasion de faire de l’enseignement pour les médecins de
famille. J’ai inclus une fiche sur la différence entre gammopathie monoclonale
et polyclonale. Le médecin peut inscrire 15 minutes de formation
continue », précise le médecin spécialiste.
Pour le moment, les médecins spécialistes du CHUS qui offrent le service ne
sont pas payés pour leur consultation, alors qu’ils le sont pour une
consultation téléphonique ou pour rencontrer le patient en clinique.
Éventuellement, ils le seront. Des économies sont là aussi à prévoir.
« Lorsque je vois un patient en cabinet, je reçois 150 $. Pour une
consultation téléphone, beaucoup moins efficace, je reçois 25 $. On
pourrait penser qu’une consultation électronique pourrait rapporter environ
50 $. Ce serait beaucoup moins cher pour le système de santé, sans compter
tous les avantages pour les patients : l’attente beaucoup moins longue,
pas besoin de se déplacer au CHUS, entre autres », soutient Dr Le Blanc.
Mais que faudra-t-il pour que le projet explose et devienne permanent, et qu’il
s’étende au-delà du projet-pilote actuel au CHUS?
« Aux États-Unis, ces changements sont déjà en place et il y a eu des économies
importantes et une diminution des listes d’attente. Avec la première ligne bien
organisée que nous avons en ce moment au Québec, nous sommes en bonne position
pour que ça bouge », soutient Richard Le Blanc.
À l’avantage
des patients et des médecins de famille
La Dre
Stéphanie Boilard est la première médecin qui a utilisé la plateforme sécurisée
pour poser une question à un médecin spécialiste. Le premier échange
électronique entre deux médecins, l’un omnipraticien l’autre spécialiste, a
donné lieu à un coup de circuit.
Dre Boilard raconte le cas de son patient de 59 ans qui l’a consulté pour
« fatigue ». Son histoire était complexe. La médecin de famille s’est
creusé la tête pour réussir à trouver des réponses pour ce patient. Elle a
pensé envoyer son patient en consultation en hématologie, mais elle n’était pas
encore certaine que son patient en avait réellement besoin.
« Je me suis dit : ouf! Il y a une liste d’attente de trois ans. Ça
ne vaut pas la peine! » Or, Dre Boilard connaissait l’existence du
projet-pilote en hématologie : le Dr Richard Le Blanc, hématologue,
acceptait de répondre à des questions par le biais de la plateforme sécurisée.
Elle lui a écrit. Et la réponse est tombée : son patient était à haut
risque d’avoir un cancer du sang, un cancer qui, s’il n’est pas détecté tôt,
est incurable.
Le cas de ce patient est certainement parmi les plus complexes et les plus
concrets pour illustrer les avantages que les médecins de famille puissent
collaborer plus efficacement.
Mais des exemples, Dre Boilard en a plusieurs autres en banque. Stéphanie
Boilard fait partie des médecins qui ont travaillé à mettre en place ce projet
en compagnie de son frère, Xavier Boilard, président-directeur général
d’Omnimed, l’entreprise qui conçoit la plateforme sécurisée qui permet ces
échanges entre médecins.
« Nous les médecins de famille, nous avons toujours à rassurer nos
patients sur mille affaires qu’on ne connait pas toujours bien »,
avoue-t-elle.
Envoyer une requête pour une consultation chez un médecin spécialiste? Bien sûr
qu’elle réfère ses patients. Mais ce n’est pas toujours pertinent.
« Il y a trois catégories de situations. Il y a les cas où les
consultations sont inévitables. Mais en attendant que le patient ait son
rendez-vous, je peux débroussailler, demander les bons tests pour que le
spécialiste ait tout en main lors du premier rendez-vous. Les médecins de
famille ont souvent peur de manquer quelque chose, alors ils demandent plus de
tests que nécessaire, ce qui alourdit le travail du spécialiste et augmente les
coûts pour le système de santé.
« Ensuite, il y a les cas où le médecin de famille n’est vraiment pas
certain de la marche à suivre. Il y a des choses qu’on n’a jamais vues de notre
vie. Oui on peut aller lire, se documenter, mais ça peut être complexe, alors
que ça fait partie de la pratique courante d’un spécialiste. Je l’ai fait avec
un patient en cardiologie par exemple. J’ai demandé au cardiologue si ma
prescription était juste et il m’a répondu oui, de dormir sur mes deux
oreilles. C’est très rassurant pour moi et pour mon patient »,
ajoute-t-elle.
« Finalement, il y a un volet de formation continue. Les connaissances évoluent
rapidement en médecine. Quand je pose une question précise, ça applique les
connaissances sur un cas concret et ça m’aide à apprendre. Je ne peux pas avoir
réponse à tout comme médecin de famille. Avec un accès direct à un expert, j’en
ressors meilleure, à l’avantage de mon patient », ajoute Dre Boilard.
Des médecins québécois se
plaignent d'être incapables d'empêcher les fournisseurs hébergeant leurs
dossiers de vendre ou de croiser des données censées rester
confidentielles.
Des médecins affirment que le
contenu des dossiers médicaux électroniques de millions de Québécois est
parfois exploité à leur insu à des fins commerciales. Le ministre de la
Santé déclare qu'il « explore les voies légales » pour lancer des
enquêtes.
Le contenu des dossiers médicaux électroniques de millions de
Québécois est parfois exploité à leur insu à des fins commerciales, a
appris La Presse.
Des médecins se plaignent d'être incapables d'empêcher les fournisseurs
hébergeant leurs dossiers de vendre ou de croiser des données censées
rester confidentielles. Ils reprochent au gouvernement de ne pas sévir.
Une patate chaude pour les autorités, qui ont livré de nombreux messages
contradictoires (voir onglet suivant).
« Le gouvernement doit absolument interdire cette commercialisation »,
affirme en entrevue le docteur Yves Robert, secrétaire du Collège des
médecins, qui dit avoir reçu plusieurs plaintes.
« On entrevoyait seulement les avantages du dossier électronique.
Personne n'avait imaginé ces utilisations secondaires », dit le Dr Robert.
Le ministère de la Santé et des Services sociaux a écrit à La Presse
qu'il avait « effectué un rappel aux fournisseurs et aux médecins de
leurs obligations déontologiques », mais qu'il n'avait « pas été en
mesure de confirmer s'il y avait eu des échanges ou des ventes de
données », auquel cas, le fournisseur visé aurait perdu sa
certification.
Nos demandes de précisions ont fait rebondir le dossier au bureau du
ministre. « Vous avez mis le doigt sur un enjeu réel. Maintenant que je
suis au courant, on va agir, c'est certain », promet le Dr Gaétan Barrette, qui a demandé à son contentieux d'« explorer les voies légales » pour pouvoir lancer des enquêtes.
« Les règles interdisent formellement l'extraction de données [même
rendues anonymes], mais j'apprends que nous n'avons pas de pouvoir
d'enquête par la suite. On ne peut pas aller vérifier ce qui est fait,
pas aller voir comment les choses sont programmées. » LA BATAILLE D'UN MÉDECIN
Un médecin de famille de Lavaltrie, le Dr David Hervieux,
talonne les autorités depuis au moins trois ans. Il y a 15 mois, le
ministère de la Santé lui avait répondu que le problème était « aussi
malheureux que bien connu », mais qu'il ne voyait « aucun levier [lui]
permettant d'intervenir » et cherchait comment « juguler cette pratique
potentiellement contraire aux lois et règlements de protection des
renseignements personnels si chers aux Québécois ».
Dans l'intervalle, on lui avait suggéré de continuer à négocier avec son fournisseur ou d'en changer.
Excédé, le Dr Hervieux a décidé de sonner publiquement l'alarme : « Un dossier médical, ça doit être bulletproof de A à Z. C'est moi qui ai l'obligation déontologique de protéger leurs informations, mais je n'ai plus aucun contrôle. » SUGGESTIONS DE MÉDICAMENTS
La clinique du Dr Hervieux utilise le logiciel KinLogix
de Telus, dont se servent environ 3000 autres médecins québécois. Le
médecin de famille en était très satisfait, jusqu'à ce qu'il constate
que le géant des communications ne se contentait pas de lui fournir un
outil et d'héberger ses dossiers.
En 2015, le logiciel s'est mis à identifier automatiquement ses patients
assurés chez Desjardins. « Quand je tentais de leur prescrire un
médicament, le système déterminait si l'ordonnance lui semblait coûteuse
et me suggérait des médicaments de rechange », raconte le Dr Hervieux, qui a exigé que cette fonction soit désactivée.
« Moi aussi, j'ai le souci que les médicaments coûtent moins cher ! Mais
c'est inacceptable de procéder par en dessous, avec des robots
électroniques qui fouillent dans les dossiers de mes patients pour
croiser des données. C'est comme si quelqu'un était venu consulter tous
mes dossiers papier pour les étiqueter », dit le Dr Hervieux.
« Si les suggestions de médicaments s'affichaient tout le temps, ce
serait différent. Mais Telus active cette fonction-là seulement au
profit des entreprises qui la payent pour m'influencer. » TELUS SE DÉFEND
Telus n'a pas voulu révéler quelles sommes étaient facturées aux
assureurs pour que leurs listes de clients soient ajoutées dans les
dossiers médicaux. Tandis que Desjardins n'a pas été en mesure de
joindre le responsable du dossier hier après-midi.
Mais en 2016, une responsable du dossier chez Desjardins Assurances avait écrit au Dr Hervieux
que la coopérative respectait les lois en matière de renseignements
personnels. Avant d'ajouter qu'elle « ne menace aucunement
l'indépendance des médecins » en leur facilitant l'accès à des
informations, et que, puisque « les coûts des médicaments sont une
grande préoccupation pour les employeurs [...], il en va de la viabilité
des régimes d'assurances collectives offerts aux employés ».
Le Dr Michel Hébert, directeur médical chez Telus Santé,
défend son approche. « L'information est rendue disponible au médecin,
pas du tout à l'assureur », dit-il.
« Ce qu'on fait avec nos dossiers électroniques est totalement conforme
aux grandes orientations disant que le médecin doit prescrire le
meilleur médicament au meilleur prix. Pour ça, il doit avoir la bonne
information au bon moment », dit le Dr Michel Hébert.
« On a commencé avec Desjardins, mais là, ça s'étend à plein
d'assureurs. Même le Ministère a intérêt à ce que ça soit aussi offert à
ceux qui sont couverts par le régime public. »
Le secrétaire du Collège des médecins juge tout de même la situation
« un peu délicate ». « C'est presque une forme d'ingérence dans la
liberté professionnelle. Ça vient se greffer à la relation
médecin-patient », avance le Dr Robert.
En Ontario, des médecins ont dénoncé le fait que Telus Santé insérait
dans leurs dossiers médicaux électroniques des bons de réduction
incitant à l'achat de médicaments précis et renseignait ensuite leurs
fabricants au sujet de leur utilisation. L'entreprise a eu beau défendre
cette pratique, le gouvernement ontarien la proscrit depuis septembre
dernier. UNE PORTE OUVERTE ?
Les fournisseurs pourraient aller plus loin encore, craint le Dr Hervieux.
À tel point qu'il a refusé de signer le contrat de Telus. Le document
interdisait toute transmission des « données de la clinique » par Telus
sans l'obtention préalable du consentement écrit de la clinique. Il
précisait toutefois que les données rendues anonymes ne faisaient pas
partie des « données de la clinique ».
« Nous ne vendons pas les données ou métadonnées de nos clients »,
assure le porte-parole de Telus, François Gaboury, dans un courriel
envoyé à La Presse. Le terme « données de la clinique » sert à
cerner certaines obligations de Telus qui ne s'appliquent pas aux
métadonnées, comme la capacité de stockage offerte ou les services de
transition, dit-il.
« Alors pourquoi ont-ils refusé de signer une clause de non-utilisation des données de mes patients ? », rétorque le Dr Hervieux.
En août 2016, la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec lui
avait écrit : « Je vous invite grandement à faire mettre une telle
clause. » DES RISQUES RÉELS
Ce qui est sûr, pour les experts consultés par La Presse, c'est
que tout usage secondaire des données par les fournisseurs doit être
formellement interdit par le gouvernement. « Même avec des données
rendues anonymes, on peut découvrir beaucoup de choses. On n'a pas
réfléchi assez longuement à toutes les implications et à toutes les
mesures à prendre », prévient le secrétaire du Collège des médecins.
« Dans le contexte actuel de données massives, il suffit de croiser les
informations de trois ou quatre banques de données pour parvenir à
identifier des individus précis », dit Bryn Williams-Jones, professeur
en charge des programmes de bioéthique à l'Université de Montréal.
« C'est une crainte légitime », confirme Richard Khoury, spécialiste des
données massives et de l'anonymisation et professeur au département
d'informatique et de génie logiciel de l'Université Laval (plus de
détails au dernier onglet).
« L'information personnelle est confidentielle pour de bonnes raisons ;
elle est sensible, souligne le professeur Williams-Jones. Ça peut nous
nuire quand elle tombe entre les mains de gens qui l'utilisent pour nous
influencer ou nous manipuler. » LE COLLÈGE DES MÉDECINS AJUSTE SON RÈGLEMENT
Le gouvernement doit intervenir, dit le Collège des médecins, qui n'a
aucune autorité sur les entreprises. En attendant, « les médecins sont
coincés entre deux chaises », souligne le Dr Yves Robert,
secrétaire de l'organisme. Un projet de règlement du Collège est
toujours à l'étude à l'Office des professions. « Le règlement actuel est
en décalage avec la nouvelle réalité », explique le Dr Robert.
Si le règlement révisé est adopté, l'utilisation des dossiers médicaux
électroniques deviendra obligatoire. Une autre disposition précisera
« qu'on ne peut les utiliser à d'autres fins que pour les patients », ce
qui est déjà le cas, « mais ce n'est pas aussi explicite dans le
règlement actuel », dit le médecin.
Les outils informatiques utilisés ne devront comporter « aucune forme de
publicité ou de promotion » et ne devront pas orienter les décisions
cliniques « de façon à faire la promotion d'un médicament, d'un produit
ou d'un service en particulier ». Pour le Collège des médecins, toute
commercialisation doit être interdite, même si les données étaient
rendues anonymes et même si les patients étaient consentants. « Il faut
arrêter d'exploiter le service pour autre chose que ce que les clients
[les médecins] demandent. »
Une patate chaude
Bien que la problématique soulevée par l'extraction de
données médicales soit connue depuis au moins 2015 par certains acteurs
du réseau de la santé, les médecins qui dénoncent la situation semblent
laissés à eux-mêmes. 2015: LA FÉDÉRATION DES MÉDECINS
En 2015, l'avocate de la Fédération des médecins omnipraticiens du
Québec a informé le Dr David Hervieux que le Ministère avait « reçu un
avis confirmant que [l'extraction de données] ne respecte pas les
critères d'homologation des [dossiers médicaux électroniques] ». Son
courriel ajoutait alors qu'une lettre serait transmise à tous les
fournisseurs « pour leur rappeler que les critères d'homologation
interdisent l'extraction d'informations pour la production de
métadonnées ». 2016: LE MINISTÈRE DE LA SANTÉ
En septembre 2016, le Dr Antoine Groulx a plutôt répondu au
Dr Hervieux : « En dépit que le ministère partage vos préoccupations
légitimes, nous ne voyons aucun levier nous permettant d'intervenir
aujourd'hui. [...] L'histoire a choisi de faire la part belle à la libre
entreprise dans le marché du dossier médical électronique au Québec.
Les fournisseurs sont donc aujourd'hui largement indépendants en dépit
des critères d'homologation moussant la sécurité. » Le fonctionnaire,
récemment nommé sous-ministre, suggérait au lanceur d'alerte de changer
de fournisseur « dans les meilleurs délais [...] faute de régler le sort
de tous ceux aux prises avec le problème que vous soulevez, vos
patients, eux seraient alors immuns ». En 2015, on lui avait déjà dit
qu'il lui « appartenait » de négocier avec son fournisseur. 2017: LE COLLÈGE DES MÉDECINS
En mai 2017, le Collège a mis en ligne un avis informant ses membres
que « différents intervenants, tels les fournisseurs de logiciels [...],
montraient leur intérêt afin d'accéder aux données contenues aux
dossiers médicaux électroniques, notamment les profils médicamenteux des
patients ou certains résultats de laboratoire ». Il les mettait en
garde contre l'utilisation d'applications, utiles à première vue, mais
pouvant « orienter les décisions cliniques [...] selon les volontés du
développeur de l'application et de ses intérêts financiers ». 2018: L'AVIS D'UN BIOÉTHICIEN
« Un ministère aussi puissant que celui de la Santé est tout à fait
capable de négocier fort avec des fournisseurs qui offrent des services à
des milliers de professionnels de la santé », renchérit le professeur
Bryn Williams-Jones, qui dirige des programmes de bioéthique à
l'Université de Montréal. « Ça prend le courage politique de dire : on
n'est pas à la merci des grandes entreprises, et s'il y a un problème de
protection de la vie privée, on va favoriser un autre partenaire. Il
doit négocier en fonction du bien commun, parce que ce sont nos impôts
qui servent à payer ces services-là. »
Des risques malgré un supposé anonymat
Si les renseignements personnels sont supprimés d'un vaste
ensemble de données avant leur transmission, a-t-on la garantie que
notre vie privée sera protégée ? Non, répond Richard Khoury, professeur
agrégé au département d'informatique et de génie logiciel de
l'Université Laval. Explications. COMMENT FAIT-ON POUR RENDRE LES DONNÉES ANONYMES ?
Rendre des données anonymes ne consiste pas à noyer des données dans la
masse en se disant qu'on ne pourra les retrouver, précise le professeur
et membre du Centre de recherche en données massives de l'Université
Laval. Pour « anonymiser », on doit supprimer les attributs qui
permettent d'identifier les individus (comme les noms et numéros
d'assurance sociale, etc.). Il faut parfois supprimer aussi leurs
« quasi-identifiants » (code postal, date de naissance et sexe,
permettant des déductions faciles une fois combinés), à moins que leur
combinaison n'apparaisse plusieurs fois.
Anonymiser entraîne toutefois une perte de précision des données,
souligne le professeur, ce qui rend plus risquées les prises de décision
qui en découlent. EST-CE UNE PROTECTION SOLIDE ?
« Pas forcément, la crainte de "désanonymisation" [ou réidentification]
est une crainte assez légitime, répond le professeur, car il existe des
moyens assez faciles et précis d'y parvenir. »
La vaste majorité des gens ont certains attributs rares ou ont des
combinaisons uniques d'attributs, dit-il. Même si on ne peut pas
toujours trouver une personne précise, on a donc souvent une forte
probabilité de trouver un individu en croisant la banque de données
anonymes avec des banques de données qui ne le sont pas (registre
électoral, Facebook, Twitter, etc.). « On pourra reconnaître la majorité
des individus avec un niveau de confiance élevé. » EST-CE ARRIVÉ ?
C'est avec ces méthodes que les sociétés pharmaceutiques parviennent à
savoir quel médecin précis prescrit quels médicaments précis, répond le
professeur Bryn Williams-Jones, qui dirige les programmes de bioéthique à
l'Université de Montréal et est rédacteur en chef de la Revue canadienne de bioéthique.
Une anonymisation ratée a aussi coûté cher à Netflix. En 2009, une mère
de famille secrètement homosexuelle et trois autres clients ont
poursuivi l'entreprise en l'accusant d'avoir « délibérément violé la vie
privée de ses membres pour son bénéfice et sans le consentement des
individus », rapporte le professeur Khoury. La résidante de l'Ohio a
déclaré qu'elle n'aurait jamais noté de films si elle avait su que
l'information serait incluse dans un ensemble de données, expliquant que
si son orientation sexuelle devenait publique, « cela nuirait à [sa]
capacité de garder son emploi, de soutenir sa famille et de vivre
paisiblement avec ses enfants dans sa communauté ».
Netflix (qui a réglé à l'amiable sans admettre sa responsabilité) avait
transmis aux participants à un concours les notes accordées à près de
18 000 films par près d'un demi-million de clients (après avoir enlevé
leurs renseignements personnels). Il suffisait de croiser une poignée
d'informations (titre des films notés, notes accordées et dates) avec
celles se trouvant sur des sites d'utilisateurs enregistrés (comme IMDb)
pour découvrir qui était qui.
Le problème, c'est que les amateurs de cinéma se permettaient de noter
une plus grande variété de films sur Netflix, parmi lesquels des titres
susceptibles de révéler leur religion, leurs préférences sexuelles ou
leur allégeance politique.
Netflix a versé 9 millions pour régler un cas similaire deux ans plus tard, ajoute le professeur Khoury. QUE PRÉVOIT LA LOI AU QUÉBEC ?
La Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur
privé exige qu'avant toute collecte, une entreprise obtienne le
consentement des individus et leur fournisse un objectif précis pour
cette collecte. La même loi interdit le partage des informations rendues
anonymes ainsi que leur diffusion en dehors du Québec, affirme le
professeur Khoury. « Il ne faut pas qu'elles se retrouvent dans un
paradis de données où des gens pourraient en faire ce qu'ils veulent. Ce
ne sont pas tous les pays du monde qui ont de bons règlements. »
Le ministre de la Santé, Gaétan Barrette, a indiqué à La Presse qu'il
était en train de vérifier si la Commission d'accès à l'information,
chargée d'appliquer cette loi, pouvait enquêter sur l'utilisation des
dossiers médicaux électroniques.
« Depuis 10 ou 20 ans, on a enlevé leurs pouvoirs à ces structures parce
qu'elles sont sous-financées, ce qui les rend incapables de faire leur
travail », déplore toutefois le professeur Williams-Jones.
Au fédéral, un juge a écrit en 2016 que les métadonnées « [pouvaient]
dévoiler des détails spécifiques et intimes sur des individus »,
rapporte le professeur Khoury. Le magistrat a donc décidé que le Service
canadien du renseignement de sécurité ne pouvait les conserver de façon
indéfinie dans une banque, et devait se limiter aux informations
« strictement nécessaires » aux fins d'enquête. LA TRANSMISSION DE DONNÉES RENDUES ANONYMES PEUT-ELLE ÊTRE ACCEPTABLE ?
« Ça pourrait être acceptable de dire que l'État, pour le bien commun,
peut les utiliser, car le citoyen en bénéficie, répond le professeur
Williams-Jones. Mais ça doit être explicite qu'on recueille des données
pour le bien public. Et il faut faire savoir aux gens qu'on a fait le
travail de sécurisation en amont, pour s'assurer que cela ne leur nuira
pas. »
Le bioéthicien voit d'un tout autre oeil leur utilisation par des
entreprises. « Dans ce cas-là, comme citoyen, on n'est pas du tout au
courant et on est totalement à l'extérieur de cet échange. Il y a prise
de contrôle unilatérale de l'information, dit-il. Ça porte atteinte à la
relation de confiance entre un patient et son médecin. Le médecin n'est
plus capable de faire ce que les lois exigent de lui. »
« Les données massives créent des possibilités immenses de changer notre
société, pour le meilleur et pour le pire. Il est essentiel d'exiger la
transparence et [la reddition de comptes] de la part de nos gouvernants
et des industries. » COMMENT DIFFÉRENCIER LES DONNÉES EN JEU ?
Les données massives sont un « ensemble phénoménal de données », indique
le professeur Khoury. Que ce soit sur le plan du volume (permettant de
rassembler une vaste quantité de données sur la même personne), de la
vélocité (plusieurs milliers de messages à la seconde) ou de la variété
(textes, images, etc.). Le Québec comptant plus de huit millions
d'habitants et leurs dossiers médicaux étant détaillés, cela représente
des données massives, estime-t-il.
Les métadonnées sont des « données à propos de données » (ou associées à
des données). Dans le cas d'un dossier médical, il peut s'agir de la
date et de l'heure d'une consultation, du nombre de consultations, du
nombre de médicaments prescrits, etc. Ce sont parfois des renseignements
consolidés ou des statistiques. http://www.lapresse.ca/actualites/sante/201803/02/01-5155859-dossiers-medicaux-a-vendre.php
L’accès aux soins est, dans notre système de santé toujours plus
complexe, un problème majeur. Quand mon médecin peut-il me recevoir ?
Dans quel centre d’urgence consulter ? Qui sont les physiothérapeutes de
mon quartier qui se déplacent à domicile ? Où trouver dans ma région
une infirmière spécialisée pour mon diabète ? Si vous n’obtenez pas la
réponse par la solution séculaire du bouche-à-oreille, vous resterez
seul avec votre problème de santé. Le numérique doit nous aider à
résoudre ce problème.
Prendre rendez-vous chez un professionnel de la santé
La prise de rendez-vous en ligne n’est pas sur le plan conceptuel
très impressionnant, c’est pourtant un service très utile lorsque vous
devez vous rendre chez votre médecin ou chez votre physiothérapeute.
Vous pouvez le faire depuis votre ordinateur ou votre smartphone à
n’importe quel moment, et vous pourrez parmi les places disponibles
choisir le jour et l’heure qui vous conviennent le mieux. Plus besoin
d’attendre que la secrétaire veuille bien décrocher son téléphone…
Qui peut me soigner ?
Le problème n’est parfois pas de prendre rendez-vous mais de
simplement savoir qui peut vous recevoir. Deux exemples permettent de
voir que des solutions simples existent.
Le site de l’Association des médecins de Genève propose une page « Rendez-vous rapide ». On y trouve, spécialité par spécialité, les médecins ayant des disponibilités. Un service simple mais efficace.
Deuxième exemple, la page « Répertoire Diabète Vaud »
qui permet aux diabétiques vaudois de trouver dans leur région le
professionnel dont ils ont besoin. Le moteur de recherche présent sur
cette page permet en trois clics de trouver près de chez vous le
professionnel recherché : infirmier-ère en diabétologie, diététicien-ne,
podologue, médecin diabétologue, etc. Génial.
Pour les situations d’urgence
Le numérique peut aussi être utilisé pour les situations d’urgence. On peut en exemple citer l’application Echo112 qui envoie votre position aux services de secours, dans le monde entier ou l’App retteMi.ch
qui permet d’appeler les numéros d’urgence 117, 118, 144 à 112 et de
partager immédiatement votre position avec les opérateurs du centre
d’appels.
On doit aussi dans cette catégorie présenter Urgences Lausanne
qui aidera les Lausannois à trouver le centre médical le plus proche et
le plus disponible. Des informations que les Genevois trouveront par l’application SmartHUG.
Pour ce qui est des urgences pédiatriques, les parents des enfants
genevois malades pourront utiliser Infokids, une application déjà
présentée dans un autre article de ce blog.
Un moteur de recherche médical ?
Ne pourrait-on pas imaginer étendre le système créé par les Vaudois
pour les diabétiques à tout le pays et à toutes les spécialités ? Vous
introduisez « physiothérapeute Carouge domicile » et en une seconde
apparait le nom de celui qui viendra soulager votre lumbago.
L’introduction de « Médecin de famille Yverdon nouveaux patients »
permettrait aux Yverdonnois de trouver le généraliste qui pourra les
suivre. Le système vous permettrait aussi bien sûr de prendre
directement rendez-vous en ligne chez le professionnel sélectionné…
ROUYN-NORANDA | Une clinique médicale de l’Abitibi a
offert de prendre en charge une centaine de nouveaux patients via sa
page Facebook, un processus qui est légal, mais discutable selon
plusieurs.
La clinique médicale Évain de Rouyn-Noranda a lancé l’événement
Spécial Halloween sur sa page Facebook vendredi matin. La clinique
offrait à 100 personnes qui n’ont pas de médecins de famille d’être
prises en charge à condition d’«aimer» leur page et de partager leur
publication. Les gens devaient aussi envoyer un courriel à la clinique.
L’événement se terminait à 17 heures.
La clinique médicale précise qu’il ne s’agit pas d’un concours et
que «l’événement a pour but de promouvoir les nouvelles technologies de
l’information en santé.»
Selon nos informations, tous les gens qui ont effectué les trois
étapes auront ainsi pu avoir un médecin de famille puisqu’une centaine
de personnes sans médecin de famille ont participé.
Environ 10 000 personnes n’ont pas de médecins de famille à Rouyn-Noranda. Questionnable
Pour Marie-Michèle Rheault, qui a déjà un médecin de famille, une
telle façon de recruter de nouveaux patients est questionnable. «Je
trouve ça insultant pour les gens qui attendent un médecin de famille
depuis longtemps, ce qui n’est pas rare dans la région, et qui n’auront
pas la chance de participer. Même si la clinique se défend d’en faire un
concours ça en a toutes les caractéristiques», a-t-elle dit.
Le directeur des communications à la Fédération des médecins
omnipraticiens du Québec, Jean-Pierre Dion, n’encourage pas une telle
pratique. «Ce n’est pas ce qu’on suggèrerait pour recruter de nouveaux
patients. On incite plutôt à prendre les patients qui sont inscrits au
Guichets d’accès, car il y en a encore à Rouyn-Noranda. Mais les
médecins prennent toujours des médecins de façons aléatoires et c’est
correct d’agir ainsi aussi. Je pense que la clinique a agi de bonne foi
en voulant interagir avec leur communauté. C’est peut-être pas la façon
la plus habile, mais au moins ils prennent de nouveaux patients. C’est
une bonne nouvelle», a-t-il dit.
Sur sa page Facebook, la Clinique médicale d’Évain affirme de son
côté avoir pris 1500 nouveaux patients depuis deux ans à partir du
Guichet d’accès des gens sans médecins de famille et qu’ils ont 70% de
leurs patients en clientèle vulnérable. Une information qui a cependant
été impossible de valider hier.
Le ministère de la Santé a fait savoir de son côté que les
cliniques privées ont le droit de choisir la façon de recruter leur
clientèle de la façon dont elles le veulent, car les médecins sont des
travailleurs autonomes.
La Clinique médicale d’Évain a refusé de répondre au Journal
«On compte aux États-Unis, pour chaque médecin, environ seize professionnels qui vont accomplir des tâches liées à son action.» Le modèle américain étant toujours suivi de près par la Suisse, on peut imaginer que ce nombre est, peu ou prou, identique chez nous. Or, affirme Xavier Comtesse dans un interview donné au Matin Dimanche, «on sait, depuis plusieurs décennies, qu’un des facteurs clés qui contribue de façon majeure à l’augmentation linéaire et constante des coûts de la santé tient au recrutement toujours plus important de personnel». Un constat que partage Boris Zürcher, chef de la Direction du travail au Secrétariat d’État à l’économie: «Les prestations dites «proches de l’État» ont connu une croissance de l’emploi supérieure à la moyenne. C’est particulièrement le cas dans les domaines de la formation, de la santé et du social.» L’informatique, les logiciels et l’Internet vont, comme ailleurs, supprimer nombre de strates intermédiaires, principalement dans les emplois administratifs ou d’analyses de laboratoire.
Elias Zerhouni, directeur de la recherche et du développement de Sanofi, a résumé deux axes majeurs de déploiement de la médecine en proie à une amélioration de la productivité. La médecine personnalisée tout d’abord. Grâce au big data, aux algorithmes et à l’intelligence artificielle où les «machines» apprendront toutes seules, on n’attendra plus d’être malade; on pourra de plus en plus vite anticiper les pathologies dont nous pourrons souffrir et les traiter plus tôt, parfois plusieurs années avant que les premiers symptômes n’apparaissent. La troisième génération de l’Apple Watch, qui se fixe au poignet, est ainsi déjà capable de détecter un changement alarmant de votre rythme cardiaque et de vous prévenir deux heures avant une crise.
La prise de pouvoir des patients, ensuite. Prenant l’exemple des malades du sida ou des femmes souffrant d’un cancer du sein, Xavier Comtesse démontre dans son livre “santé 4.0” comment ces patients se sont saisis des réseaux sociaux pour se conseiller mutuellement, pratiquer des essais cliniques de nouveaux traitements et en signaler presque immédiatement les effets positifs ou négatifs. «Ce sont les personnes séropositives qui sont ainsi parvenues à imposer la trithérapie, explique l’auteur. Bien avant que tous les protocoles cliniques classiques soient arrivés aux mêmes conclusions. Ce phénomène – au centre aujourd’hui des plus grandes recherches scientifiques, y compris récemment avec l’éclipse solaire aux États-Unis – est appelé l’empowerment. La compilation, la sélection et le traitement de centaines de millions de données vont accélérer la recherche médicale et les soins comme jamais auparavant.
C’est sans doute là le cœur même de ce qui n’est plus une évolution mais une véritable révolution: «Ce double mouvement, issu de l’empowerment des individus et de l’offensive des entreprises du Net, jusqu’à récemment peu impliquées dans le domaine de la santé, va profondément affecter le système de santé.» Y compris l’ensemble des régulations que les États ont mis en place. Uber ou Airbnb ont-ils attendu la permission pour bousculer le secteur des taxis ou de l’hôtellerie, pourtant très contrôlés? Nous deviendrons des acteurs, des propatients.
Xavier Comtesse: «Un dialogue va devoir s’installer entre professionnels et patients, car ces derniers détiendront désormais les précieuses données. Terminé la blouse blanche et les arguments d’autorité. La santé devient l’affaire de tous et non plus de quelques-uns.»
(propos extrait d’un article paru dans le Matin Dimanche
Dans les années 70/80, Xavier Comtesse est le co-créateur de trois start-ups à Genève: les éditions Zoé, la radio locale Tonic et «Le Concept Moderne». Il est ensuite haut fonctionnaire à Berne auprès du Secrétaire d’État à la Science avant de rejoindre l’Ambassade Suisse à Washington comme diplomate. En 2000, il crée la première Swissnex à Boston puis rejoint le Think Tank «Avenir Suisse» comme Directeur Romand. En 2015 il lance avec quelques experts «HEALTH@LARGE», un nouveau Think Tank sur la santé numérique. Il est mathématicien et docteur en informatique. Il est l’auteur du livre: Santé 4.0 paru récemment aux éditions Georg, Genève.
Diagnostic et prescription sans consulter un médecin
Anne Caroline Desplanques | Agence QMI
|
Publié le
- Mis à jour
Anne Caroline Desplanques
L’inventeur de la plateforme, le physicien Francis Nicloux.
Une startup québécoise lance une plateforme médicale intelligente
qui permet d’obtenir un diagnostic et une prescription sur internet,
sans consulter un médecin.
Un mal de tête vous tourmente depuis deux jours. Vous êtes
congestionné. La toux ne vous laisse pas fermer l’œil la nuit. Vous
aimeriez voir un médecin, mais la seule perspective d’attendre à la
clinique d’urgence du quartier augmente vos maux de tête.
AkioSoft propose d’obtenir un diagnostic et une prescription sans
sortir de chez soi grâce à un questionnaire détaillé et personnalisé
s’adaptant au patient d’une réponse à l’autre.
Questionnaire intelligent
À la fin du questionnaire, le système propose une liste de
diagnostics probables en puisant dans les 8000 maladies de sa base de
données.
«Le système propose des diagnostics auxquels les médecins
eux-mêmes ne pensent pas», sourit l’inventeur de la plateforme, le
physicien Francis Nicloux.
«L’intelligence artificielle nous fait entrer dans une autre
dimension», dit-il. Le robot apprend d’un patient à l’autre et affine
ainsi ses diagnostics, une première médecine généraliste selon
M.Nicloux.
AkioSoft transmet les réponses du patient et ses conclusions au
médecin de famille qui peut convoquer le patient en cabinet pour une
consultation, l’envoyer faire des examens, le référer à un spécialiste
ou transmettre une prescription à la pharmacie.
Productivité accrue
«Ça représente un gain d’efficacité énorme pour le système de
santé», dit M. Nicloux. «Les médecins pourront traiter plus de patients
sans nécessairement travailler plus et avec une grande souplesse
d’horaire», explique-t-il.
Les avantages de la médecine à distance sur les plans de
l’accessibilité, de la qualité et de la productivité se sont chiffrés à
plus de 2,5 milliards de dollars dans l’ensemble du réseau de la santé
canadien en 2015, d’après l’organisme Inforoute.
M. Nicloux présentera son prototype mercredi matin au Congrès
annuel de médecine. Dès mercredi, les médecins de famille pourront y
adhérer gratuitement et proposer le service à leurs patients.
Pas remboursé
Le service sera payant, car les consultations à distance ne sont
pas prises en charge par la Régie de l’assurance maladie du Québec. Il
coûtera 5 $ de frais d’abonnement mensuel et 30 $ par consultation, dont
25 $ seront versés au médecin.
Le ministère de la Santé n’entend pas pour le moment réviser sa
position quant au remboursement des soins à distance, car, jusqu’à
présent, « le cadre réglementaire n’a pas freiné le développement en
télésanté », indique la porte-parole du ministère, Noémie
Vanheuverzwijn.
Au Canada, seule la Colombie-Britannique rembourse les consultations médicales à distance.
•870 267 consultations à distance entre patients et médecins en 2016, contre 187 385 en 2010.
•65 M$ en frais hospitaliers épargnés par les services d’urgence
du Québec, de l’Ontario, de l’Alberta et de la Colombie-Britannique
grâce à la télésanté en 2016.
•14 à 22 % des Canadiens utilisaient des services de santé numérique en 2016 contre 6 à 7 % en 2014.
•47 millions de kilomètres de déplacements et 70 millions de
dollars en frais connexes épargnés grâce à la télésanté, en 2010
uniquement.
•93 % des médecins qui utilisent un dossier médical électronique
affirment que cet outil leur permet d’offrir de meilleurs soins aux
patients.
•100 000 nouvelles applications mobiles santé ont été créées en 2016 dans le monde.
Sources : Inforoute Santé du Canada, Research2Guidance, OMS http://www.tvanouvelles.ca/2017/10/25/diagnostic-et-prescription-sans-consulter-un-medecin-1
santé connectée
«La protection des données de santé est un numéro d'équilibriste»
A la tête de l'une des unités
européennes en charge d'accompagner le monde médical dans sa
transformation numérique, Miguel Gonzalez-Sancho décrit comment passer
de la santé à la e-santé
Il n’y a pas que dans les médias ou les
relations sociales que s’opère la révolution numérique: la santé aussi
est en pleine transformation. Nommé cet été à la tête de l’unité
«E-santé, bien-être et vieillissement» à la Commission européenne,
Miguel Gonzalez-Sancho participe, avec d’autres organes européens, à
l’élaboration de plans d’action politiques dans le domaine de la santé
numérique. Récemment invité à Genève pour l’Annual Health Care Summit,
événement organisé par Politico et Le Temps, il livre ses réflexions sur
le sujet. «Le Temps»: La santé opère une mutation numérique. Quels
sont d’après vous les principaux chantiers auxquels l’Europe doit faire
face?
Miguel Gonzalez-Sancho: Un défi majeur réside,
selon moi, dans la fragmentation des données liées à la santé. Notre
relation au corps médical a toujours été surtout locale: on consulte un
médecin qui habite dans le même quartier que soi, on se rend dans
l’hôpital le plus proche, bref il y a une certaine proximité entre les
patients et les établissements. C’est très bien, mais cela a conduit à
un morcellement des données au sein des pays européens, des régions,
voire au sein des établissements eux-mêmes.
Si l’on veut,
par exemple, avoir un dossier médical électronique au niveau européen,
il faut que toutes les données soient interopérables, c’est-à-dire
compatibles avec la multitude de systèmes informatiques existants. La
problématique ne date pas d’hier, mais elle est loin d’être résolue. - Où en sommes-nous aujourd’hui?
- Depuis 2011, il existe une directive européenne
au sujet des soins transfrontaliers. L’idée, c’est que le dossier
médical suive les patients dans leur mobilité en Europe: par exemple
qu’un hôpital italien qui reçoit un patient hongrois puisse consulter
son dossier médical sans avoir à repartir de zéro. Pour cela, il faut
faire communiquer les bases de données de santé concernées. C’est un
travail de longue haleine: parfois, des choses aussi simples que
l’information sur le sexe du patient, masculin ou féminin, ne peuvent
être transposées d’un système à l’autre! - Développer une infrastructure européenne ou faire avec ce qui existe: quelle est selon vous la meilleure option?
- Il est préférable de faire communiquer des
systèmes existants entre eux, autant que possible. Des programmes
européens ont ainsi financé certains projets pilotes qui examinent en
profondeur des systèmes numériques de santé au sein d’un pays, du code
informatique utilisé aux législations en vigueur. Les résultats
collectés dans divers pays sont ensuite comparés entre eux dans le but
de permettre, par la suite, de rendre compatibles ces bases de données
entre elles. L’objectif derrière tout cela est d’établir une série de
recommandations, de bonnes pratiques, que les états membres sont libres
d’adopter. - Quels sont les autres grands défis?
- L’autre challenge est lié à l’explosion des
données. Comment les interpréter, les traiter, les stocker, les
protéger? C’est une ressource nouvelle qu’il faut apprendre à gérer.
C’est d’ailleurs ce qui explique aussi l’émergence de nouveaux acteurs
dans le domaine de la santé, tels que Google ou Apple, qui ne sont pas
des spécialistes du corps humains mais des experts des données.
Je
vois également un troisième grand défi lié au patient. Avec les
nouveaux outils numériques, ce dernier change de rôle. Il n’est
plus passif, mais devient proactif dans la recherche d’informations
médicales ou la récolte de données de santé ou sur son style de vie
grâce à des capteurs. Lorsqu’il arrive chez le médecin, il a déjà avec
une opinion sur son état de santé! Non pas que ce soit mal, mais c’est
un changement induit par ces nouvelles technologies qu’il faudra prendre
en compte. - Les nouveaux outils numériques vont-ils vraiment trouver place dans la pratique médicale?
- La question reste ouverte. Aujourd’hui, combien
de temps voyez-vous votre médecin chaque année? Deux heures? Trois?
Faire un réel suivi médical sans capteurs de santé est quasi-impossible.
Bien entendu, tout n’est pas bon à prendre, il y a certainement
beaucoup de données inutiles dans tout cela. Mais cela ouvre tout de
même de nouvelles perspectives pour les médecins qui auront accès à ces
données et connaîtront l’état de leurs patients avec bien plus de
précision qu’ils ne le font aujourd’hui. - Se pose également la question de la confidentialité de données de santé. Comment la garantir aux Européens?
- Les données de santé sont par nature très
personnelles et donc sensibles. En Europe, elles disposent d’un statut
de protection parmi les plus élevés. Nous avons depuis mai 2016 dans
l’Union une réglementation générale qui assure un cadre commun pour les
données personnelles, avec un statut spécial, une protection renforcée
pour les données de santé.
Mais il faut garder à l’esprit
que pour faire progresser la recherche, ou pour assurer une
surveillance épidémiologique efficace, nous avons besoin de récolter un
maximum de données. C’est également une question de business, car elles
ont une importante valeur marchande.
La protection des
données de santé est un numéro d’équilibriste. Il faut d’un côté
les défendre, et de l’autre assurer leur circulation. - D’après le spécialiste en cybersécurité Symantec, 20%
des applis de santé ne cryptent même pas leurs données. Que faire face à
ce risque de piratage et de vol de données?
Les banques sont confrontées à ce même problème
depuis des années et elles savent se protéger. Mais les vols seront
inévitables. Là encore c’est un équilibre à trouver: il faut accepter
que la santé numérique procure des bénéfices importants pour la société,
mais que cela implique aussi d’autres risques. https://www.letemps.ch/sciences/2016/10/31/protection-donnees-sante-un-numero-dequilibriste
Consulter son médecin par application plutôt qu’en clinique
L'application mobile en santé Dialogue.co, lancée au Québec
lundi, permet de consulter un médecin sans avoir à se déplacer. Mais les
fédérations des omnipraticiens et des médecins spécialistes et la Régie
de l'assurance maladie du Québec (RAMQ) refusent de se prononcer sur
l'arrivée de ce nouvel outil, puisque trop de variables demeurent
inconnues.
Un texte de Mathieu Dioncorrespondant parlementaire à Québec
L'application permet d'avoir accès directement à un professionnel de
la santé à l'aide d'un téléphone intelligent, mais elle ne s'adresse
qu'à des entreprises qui choisissent de l'offrir à leurs employés.
L'application de santé et bien-être Dialogue.co
Photo : Dialogue.co
Les employés bénéficiant de l'abonnement de leur employeur peuvent
envoyer leurs questions à une infirmière par messages textes à même
l'application et de façon confidentielle. Si celle-ci n'est pas en
mesure de répondre, elle les redirige vers d'autres professionnels :
nutritionnistes, psychologues, médecins de famille ou médecins
spécialistes.
L'intervention des professionnels peut aller jusqu'à une conversation
vidéo encryptée dans l'application. Si nécessaire, les médecins
associés au projet peuvent également prescrire un médicament à distance.
Les médecins sont soit affiliés, soit désaffiliés
du réseau public. S'ils sont affiliés, les heures passées sur la
plateforme seront comptabilisées en supplément de leur temps régulier.
Une première au Québec
Une application offrant une gamme de soins aussi importante est une
première dans la province. Puisqu'elle relève entièrement du secteur
privé, elle n'aurait nul besoin de l'approbation des autorités de la
santé, selon ses concepteurs.
Le Collège des médecins indique toutefois que la télémédecine demeure un terrain inconnu au Québec.
L'ordre professionnel a émis plusieurs mises en garde dans un guide d'exercice en 2015 :
Le médecin doit détenir un permis d'exercice au Québec pour pratiquer sur le territoire.
Les mêmes normes déontologiques doivent être respectées.
Le médecin doit faire faire preuve de prudence et de diligence.
La téléconsultation ne peut remplacer le questionnaire et l'examen physique du patient.
D'ailleurs, les fédérations des omnipraticiens et des médecins
spécialistes et la Régie de l'assurance maladie du Québec n'ont pas
voulu se prononcer sur l'arrivée de cette nouvelle application puisqu'il
y a trop de variables inconnues. La RAMQ rappelle néanmoins qu'un
médecin souhaitant pratiquer au privé doit être désaffilié du régime
public; les deux ne peuvent cohabiter dans la même journée pour un
service assuré par la Régie. Déjà 5000 employés
L'application a été mise sur pied par trois entrepreneurs québécois,
Cherif Habib, Alexis Smirnov et Anna Chif. L'une des sources de
financement est Diagram Ventures, un fonds d'investissement montréalais
qui compte parmi ses commanditaires Power Corporation.
J'ai toujours voulu réduire l'absentéisme au travail, et
ça, c'est une façon de le faire. On va accroître la productivité des
entreprises au Québec.
Selon Cherif Habib, une vingtaine d'entreprises regroupant 5000
employés ont participé à la mise sur pied de Dialogue.co en tant que
clients. Le coût de l'abonnement varie en fonction des options prises
par l'employeur, mais compenserait celui de l'absentéisme au travail dû à
l'attente en clinique.
M. Habib affirme que 70 % des visites de première ligne peuvent être
traitées par téléphone : « Souvent, les gens qui vont dans la salle
d'attente ne devraient pas y aller. Ils ont besoin d'être rassurés et
d'obtenir de l'information. » Ailleurs dans le monde
Des services de télémédecine existent ailleurs dans le monde et au
Canada. En Ontario, le gouvernement a mis sur pied un réseau de
télémédecine pour les communautés éloignées.
En 2015, une étude de l'IMS Institute for
Healthcare Informatics recensait pas moins de 165 000 applications en
santé et bien-être destinés aux plateformes d'Apple iOS et Google.
De nombreux problèmes médicaux peuvent être réglés en ligne, sans que
vous ayez besoin de vous déplacer. Même si pour votre opération de
l’appendicite, je vous conseille tout de même le contact direct avec
votre chirurgien, la téléconsultation est imaginable pour de très
nombreuses situations. On pense bien sûr à la médecine générale mais la
consultation à distance peut en réalité concerner presque n’importe
quelle spécialité médicale : l’endocrinologue pour votre diabète, le
gastroentérologue pour votre acidité gastrique ou le dermatologue à qui
vous pourrez envoyer une photo de votre peau.
La téléconsultation peut prendre différents visages : le téléphone, pas vraiment nouveau, le courrier électronique ou la vidéo.
Est-ce utile ? La rencontre physique entre médecin et patient n’est
pas toujours nécessaire. Votre médecin ne vous examine pas physiquement
chaque fois que vous le consultez. Les parents des enfants qui ont la
mauvaise idée de tomber malade le samedi soir vous diront eux sans
hésitation qu’ils préfèrent un conseil téléphonique, lorsque c’est
suffisant, à une attente de plusieurs heures à la policlinique la plus
proche.
Le développement de la télémédecine se vit de façon très différente
d’un pays à l’autre. En France par exemple, le Conseil national de
l’Ordre des médecins a publié en février un rapport Télémédecine et autres prestations médicales électroniques (PDF) dont l’objectif est de « répondre aux besoins médicaux des patients sans laisser s’installer une ubérisation de la médecine ». En Suisse, la téléconsultation semble ne pas inquiéter, par acceptation ou par méconnaissance du phénomène?
Première option, votre médecin
Première option, demander à votre médecin si vous pouvez, quand une
rencontre physique ne se justifie pas, le contacter par téléphone ou par
courrier électronique. J’ai déjà présenté dans un autre article de ce blog
l’intérêt de la communication par courrier électronique entre médecins
et patients et l’importance de suivre certaines règles. L’avantage de
cette solution est de pouvoir être soigné par un médecin qui vous
connait. Le désavantage ? Votre médecin n’est pas joignable 24 heures
sur 24.
Deuxième option, les centrales téléphoniques
La téléconsultation est très développée en Suisse, la société Medgate
a par exemple traité 725’000 cas en 2015, avec jusqu’à 5000 appels les
jours d’affluence. Cinquante pour cent des cas sont résolus directement
par téléphone. Le service est disponible 365 jours par an, 24h/24, en
allemand, français, italien et en anglais. Les médecins ont la
possibilité de délivrer des ordonnances et d’établir des certificats
d’incapacité de travail. Ce service est à la disposition des assurés des
25 caisses qui ont conclu un contrat avec Medgate, ce qui représente
près d’un tiers de la population suisse. Pour les autres, une
affiliation payante est possible.
Troisième option, Tondocteur.ch
Le site Tondocteur.ch
propose « des consultations médicales en ligne avec des médecins
suisses, remboursables par votre assurance ». Le site permet d’obtenir
un rendez-vous ou une téléconsultation en effectuant une recherche à
partir du nom d’un médecin, d’une ville ou d’une spécialité. La
particularité de Tondocteur.ch est de travailler avec des médecins
installés, qui ont le plus souvent leur propre cabinet médical. Une
journaliste de la Tribune de Genève a testé Tondocteur.ch, cette expérience décevante ne suffit cependant pas à évaluer la qualité de ce service.
Les défis
Pour répondre aux besoins et attentes des citoyens – patients, les
services de téléconsultation vont à l’avenir prendre une place toujours
plus grande au sein du système de santé suisse. Même si la
téléconsultation a un aspect pratique indéniable, le premier défi à
relever sera celui de la qualité. Mais la télémédecine sera plus
intéressante encore lorsqu’elle proposera une prise en charge intégrée,
avec une étroite collaboration entre les médecins qui vous soignent au
quotidien, votre généraliste en particulier, et ces cybermédecins
disponibles 24h/24.
Je communique quotidiennement avec mes patients par courrier
électronique, je ne pourrais simplement plus m’en passer. Mes patients
l’utilisent pour me poser des questions ou pour me donner des nouvelles.
J’utilise l’e-mail pour leur transmettre les résultats de leur prise de
sang ou le rapport d’un spécialiste consulté.
Pour moi, le courrier électronique est un bon complément à la
consultation et au téléphone. Si l’échange par téléphone à l’avantage de
permettre une interaction directe, le mail a celui de pouvoir être
envoyé et lu à n’importe quel moment. J’ai le sentiment que cela permet
à mes patients de me poser des questions pour lesquelles ils ne me
dérangeraient pas par téléphone. Je suis aussi convaincu qu’un patient
comprendra mieux les informations médicales que je lui envoie par mail
s’il peut les lire et les relire plutôt que si je les lui transmets
uniquement oralement par téléphone (analyses sanguines, rapport de
radiographie, rapport de spécialiste, etc.).
Pour que l’utilisation du courrier électronique à des fins médicales
soit sans danger, plusieurs règles doivent être respectées. C’est pour
cette raison qu’au bas de chacun des mails que j’envoie figure un lien
vers des règles d’utilisation du courrier électronique , règles inspirées de recommandations officielles.
L’utilisation du courrier électronique en Europe
Il n’existe à ma connaissance pas de chiffres sur l’utilisation du
courrier électronique entre médecins et patients en Suisse. Au niveau
européen, une étude basée sur des chiffres de 2011
montre que la situation varie fortement d’un pays à l’autre, de 50.7 %
d’utilisation au Danemark à 18.7 % en France. Les auteurs concluent en
disant que la faible utilisation du courrier électronique dans certains
pays ne reflète souvent pas un manque d’intérêt mais la présence de
barrières, techniques ou légales. La situation semble évoluer avec le
temps puisqu’un sondage effectué en France en 2015
auprès de 1042 médecins montre un taux d’utilisation de 72 %, très
éloigné du 18.7 % de l’étude européenne. Il faut cependant souligner que
pour la majorité de ces médecins, l’échange de courrier avec leurs
patients n’est pas encore une pratique quotidienne, 11 % déclarant
l’utiliser souvent, 61 % parfois.
Une pratique utile ?
Une étude publiée en 2015 portant sur 1041 patients
souffrant d’affections chroniques en Caroline du Nord apporte des
chiffres intéressants : 32 % des patients déclarent que l’utilisation du
courrier électronique améliore leur santé, 67 % répondent que cela
n’est ni positif, ni négatif, seul 1 % affirme que l’utilisation du
courrier électronique a un impact négatif. 46% des personnes interrogées
ont déclaré utiliser le courrier électronique comme premier moyen de
pour contacter leur médecin. Parmi ceux qui échangent par mail avec leur
médecin, 36 % affirment que cela réduit pour eux le nombre de visites
au cabinet.
La source d’informations la plus intéressante sur les avantages et
dangers de l’utilisation du courrier électronique entre soignant et
soigné est certainement l’article Should patients be able to email their general practitioner? publié en 2015 dans le British Medical Journal.
Un médecin en faveur de l’utilisation du courrier électronique et un
autre contre cette pratique s’opposent, chacun citant les études qui
appuient sa position.
Pour ce qui est des arguments positifs, on y apprend que « les études
effectuées n’ont pas montré que l’utilisation du courrier était
dangereuse, même si des études de qualité manquent encore ». Un autre
point me paraît essentiel, les études qui se sont intéressées à l’avis
des patients montrent que la satisfaction des patients qui échangent
avec leur médecin par mail est généralement élevée, un élément
important.
Il est surprenant de découvrir que personne ne mentionne le fait que
l’email peut être envoyé à plusieurs destinataires simultanément, une
option très utile pour une médecine qui fonctionne toujours plus en
réseau.
Pour ce qui est des arguments contre l’utilisation de l’e-mail, on
retiendra le fait qu’aucune étude n’a montré que son utilisation avait
un impact sur la santé des patients. Mais aussi le fait que le
téléphone, qui permet un échange immédiat, lui serait supérieur. Des
arguments, pour être honnête, qui ne m’impressionnent pas beaucoup.
Un argument négatif doit par contre être pris au sérieux, le risque
pour le médecin d’être noyé sous les e-mails, au risque de surcharger
des journées déjà bien remplies.
« Certains matins, j’avais jusqu’à 50 mails à traiter… »
Une jeune généraliste française épuisée a récemment dû prendre des mesures radicales pour survivre, elle a notamment décidé de fermer sa messagerie électronique : « Certains matins, j’avais jusqu’à 50 mails à traiter, des
patients qui m’envoyaient une photo de leur panaris et qui me
demandaient une ordonnance à récupérer le midi… C’était devenu
impossible ».
Cet exemple, même s’il dénonce une situation qui va bien au-delà de
la problématique du courrier électronique, rappelle aux patients qui
souhaitent communiquer par mail avec leur médecin que cela implique le
respect de certaines règles et aux médecins qui se lancent dans l’aventure que cela prend du temps.
Médecin, spécialiste en médecine interne, avec un intérêt particulier
pour l’utilisation des technologies de l’information et de la
communication en médecine.
La santé mobile serait-elle à un tournant décisif de son histoire ?
Les smartphones sont omniprésents dans notre quotidien, mais quelle est
l’utilité des applications santé ?
Une application santé ?
Avant d’essayer de répondre à la question de l’utilité, il est
essentiel de présenter les différentes familles d’applications santé.
Les applications pour le grand public. On peut penser par exemple à l’application myViavac qui permet à tout un chacun de créer son propre carnet de vaccination.
Les applications destinées aux patients. Ces applications sont le
plus souvent dédiées à une maladie en particulier. Pour prendre comme
exemple les applications développées par les Hôpitaux universitaires de Genève,
on peut citer Webdia pour les diabétiques ou ELISP IC destinée aux
patients souffrant d’insuffisance cardiaque. Autre exemple,
l’application Pollens news du centre d’Allergie Suisse qui met à disposition des allergiques les prévisions polliniques mais aussi des conseils pratiques.
Les applications destinées aux professionnels de la santé comme la base de données médicamenteuses Compendium.
Les applications dédiées à la relation professionnel de santé – patient, Mon coach douleur
permet aux patients cancéreux d’enregistrer jour après jour leurs
douleurs mais aussi de partager ces observations en consultation avec
les professionnels de la santé.
Il existe bien sûr des applications qui n’entrent pas dans ces quatre grandes catégories, l’application Heal qui permet en Californie d’appeler un médecin à domicile, comme vous commanderiez un taxi, en est un exemple.
Les applications santé sont-elles utiles, valides ?
79 % n’ont pas de conditions générales d’utilisation. Vous les utilisez, vous ne savez pas ce que vous acceptez…
Seules 62 % des Apps précisent clairement à qui elles sont destinées.
62 % comportent un contenu médical ou scientifique, seules 19 % d’entre elles citent leurs sources.
24 % des applications déclarent l’intervention d’un professionnel de
la santé au moment de la conception, un chiffre proche de zéro
lorsqu’il s’agit des patients. Il parait pourtant assez évident que les
besoins des patients doivent être pris en compte au moment de la
conception de ces applications.
59 % ont une fonction évidente de recueil de données (pathologies,
adresse mail, sexe, poids, traitement, géolocalisation), dont 42 % ne
donnent aucune information en lien avec le traitement des données.
La plupart des travaux effectués en mSanté arrivent aux mêmes conclusions. Que ce soient les travaux de la puissante American Heart Association sur le contrôle des facteurs de risque cardiovasculaires par la mSanté (69 études analysées, un rapport de 58 pages !), cette étude de la collaboration Cochrane sur l’autogestion de l’asthme ou ces travaux sur l’utilisation des applications santé aux USA, tous concluent que de nouvelles études devront être menées pour pouvoir définir l’utilité des applications santé en médecine.
Attention en tout cas aux fausses promesses : en septembre 2015 la société Carrot Neurotechnology a reçu une amende de 150 000 dollars
de la Commission fédérale américaine du commerce pour avoir indiqué que
son application Ultimeyes pouvait améliorer la vision, sans preuve
scientifique suffisante.
Des labels qualité
Pour répondre à cette problématique, de nombreuses instances
travaillent à l’élaboration de label de qualité. En Grande-Bretagne où
coexistent un programme public du Ministère de la santé britannique et le projet privé Patient View. En Espagne avec le projet andalou Distintivo AppSaludable. En Europe où la Commission européenne a créé un groupe de travail. Aux USA où plusieurs projets existent, iMedicalApps.com, le projet Happtique et enfin une initiative
de la FDA (Food and Drug Administration). Même si l’on peut se réjouir
de voir ces projets se développer, aucun ne semble à ce jour avoir
trouver la recette parfaite pour une validation de qualité des
applications santé.
Parmi ces initiatives, le programme scientifique européen de
validation de la qualité des applications mobiles développé par DMD
santé paraît particulièrement prometteur . Ce label mHealth Quality
s’adressera aux applications santé mais aussi aux objets connectés :
seront analysés les aspects juridiques et réglementaires, la conformité
éthique, la sécurité du code, la valeur d’usage au travers de panel
d’usagers potentiels, la pertinence des contenus médicaux et le respect
de la vie privée.
Un monde en devenir
La troisième édition des Trophées de la Santé Mobile organisés en France par DMD santé en ce début d’année permet de découvrir des applications de qualité.
Pour la première fois, les postulants devaient être
labellisés mHealthQuality. On y trouve une application qui permet de
signaler et de suivre les effets indésirables des médicaments, une autre
pour les patients souffrant d’un diabète de type 1 mais aussi une
application qui permet à chacun de s’informer sur le don d’organes, de
créer sa propre carte de donneur et de dire à ses proches son engagement
à être donneur (à signaler pour la Suisse que l’application Echo 112
a le même objectif : même si sa fonction première est de signaler en
cas d’urgence sa position aux services de secours, elle permet également
de créer une carte de donneur officielle).
Nous sommes actuellement en médecine dans une situation
dichotomique : d’un côté un nombre d’appareils capables de mesurer des
données santé sans cesse grandissant (mais aussi un enthousiasme certain
de nombreux utilisateurs et « experts » de la eSanté), d’autre part la
faiblesse des données montrant l’utilité et la validité de ces outils.
Il est, pour le monde médical, indispensable de pouvoir obtenir des
réponses sur les possibles utilisations de la mSanté en médecine. C’est
indispensable pour les citoyens / patients mais également pour les
professionnels de la santé. Les technologies, applications, objets
connectés, smartphones sont là, leurs utilités en santé / médecine
restent encore à définir.
Une vidéo pour tout résumer
La journaliste Chloé Garrel, une App vient de lui diagnostiquer une
dépression… Ceux qui souhaitent en savoir plus pourront regarder cette vidéo « Applications sans ordonnance » qui montre de façon ludique et pertinente les potentialités mais surtout les limites des Apps santé (11 minutes).
Vous utilisez une application santé ?
Si vous utilisez une application et que vous la jugez de qualité,
merci de la signaler en laissant un commentaire à la fin de cet article.
Québec crée un guichet unique d'accès à un médecin de famille
Les médecins se plaignaient
de ne pas avoir accès à la liste des patients inscrits aux guichets
d'accès pour les clientèles orphelines (GACO). Ils vont maintenant
l'avoir avec le guichet unique, par l'entremise d'un portail de la Régie
de l'assurance maladie du Québec.
(Québec) Québec crée un guichet
unique d'accès à un médecin de famille pour remplacer les guichets
régionaux qui existaient jusqu'ici. Le coût s'élève à deux millions de
dollars.
Le ministre de la Santé et des Services sociaux, Gaétan Barrette,
fait valoir que les patients à la recherche d'un médecin pourront
s'inscrire plus facilement, sur un site web, par téléphone ou
directement chez un médecin. Comme l'ancien système, la priorité est
accordée à la « clientèle vulnérable » par rapport aux jeunes et aux
adultes en bonne santé sans maladie chronique.
Lors d'une conférence de presse mardi, le ministre a glissé qu'il
n'avait pas lui-même un médecin de famille. Questionné pour savoir si
c'est par choix ou parce qu'il est difficile d'en avoir un, M. Barrette,
qui est lui-même médecin, a répondu avec une boutade : « Je ne sais pas
s'ils veulent m'avoir! »
Le nouveau guichet intègre les inscriptions déjà faites auprès des guichets d'accès pour les clientèles orphelines (GACO). >> Cliquez ici pour vous inscrire sur le web >> Cliquez ici pour vous inscrire par téléphone
Il y avait 500 000 patients inscrits aux GACO. Or, à l'issue de
l'intégration, il y a maintenant 359 000 patients. Il y avait des
doublons, a expliqué M. Barrette en conférence de presse mardi. « On
vient d'épurer la liste de 20 %, mais j'aimerais qu'elle augmente de
20 %. Parce que nous voulons que les gens s'inscrivent et que les
médecins les recrutent. »
Les médecins se plaignaient de ne pas avoir accès à la liste des
patients inscrits aux GACO. Ils vont maintenant l'avoir avec le guichet
unique, par l'entremise d'un portail de la Régie de l'assurance maladie
du Québec.
Un médecin peut sélectionner lui-même le patient qu'il veut prendre en
charge, mais le gouvernement vérifiera si « le comportement de sélection
est inapproprié ». « Il y aura une intervention » auprès des médecins
qui ne prennent en charge que des enfants de 7 à 14 ans en bonne santé
et boudent les personnes âgées, a indiqué M. Barrette, refusant d'entrer
dans les détails pour le moment.
Gaétan Barrette a d'ailleurs lancé un message aux médecins : « Vous ne
pouvez plus invoquer un manque d'accès aux données, à la liste » pour
justifier qu'il est difficile de prendre en charge des nouveaux
patients.
La création de ce guichet unique fait suite à une entente signée entre
Québec et la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec (FMOQ).
Cette entente prévoit que 85 % des Québécois auront un médecin de
famille d'ici le 31 décembre 2017. Si un médecin ne respecte pas les
obligations qui sont prévues à l'entente, sa rémunération sera amputée
jusqu'à 30 % à compter du 1er janvier 2018.
Pour atteindre la cible de 85 %, 1,2 million de patients supplémentaires
devront avoir un accès à un médecin, a indiqué M. Barrette. Mais il a
laissé entendre qu'un certain nombre de patients ont réussi à avoir un
médecin de famille depuis que cette cible a été fixée, l'an dernier.
Un guichet d’accès unique aux médecins de famille sur internet
Le ministre Barrette veut 1,2 million de nouveaux patients pris en charge
À vos claviers d’ordinateur! Vous pouvez maintenant vous
inscrire, en ligne, au nouveau guichet d’accès à un médecin de famille
(GAMF), ce qui devrait améliorer votre prise en charge dans le système
de santé.
Dans la foulée de sa loi 20, le ministre de la Santé Gaétan
Barrette a annoncé cette nouvelle plateforme, mardi matin. Mis en ligne
lundi, le système s’adresse aux usagers âgés de plus de 14 ans et qui
détiennent une carte d’assurance maladie valide.
«Ça permet à la population de s’inscrire elle-même à tout moment,
24 heures par jour, sept jours par semaine», a indiqué le ministre. En
s’inscrivant, les citoyens peuvent ainsi consulter leur page personnelle
et modifier certaines informations concernant leur état de santé.
N’ayez crainte, tous les patients qui étaient déjà inscrits sur
les listes des patients orphelins ont été transférés sur cette nouvelle
base de données.
Le nombre de patients sur la liste a également été réduit de 20 %
en raison de l’élimination des doublons. «La semaine dernière, il y
avait plus de 500 000 personnes inscrites sur les listes de patients
orphelins et la migration nous a fait descendre à 359 000», a souligné
le docteur Barrette.
Ces patients ont aussi accès à leur page personnelle, tout comme ceux qui ont déjà un médecin de famille.
«En faisant ça, vous êtes automatiquement sur une liste qui serait
mise à la disposition des médecins, a expliqué Gaétan Barrette. Ce que
nous voulons, c’est que les gens s’inscrivent et que les médecins
recrutent. On veut que le nombre de patients augmente.»
Il espère ainsi que 85 % de la population puisse avoir accès à un
médecin de famille dès l’an prochain. Pour le moment, il y aurait
environ six millions de Québécois qui ont un médecin, mais le ministre
espère 1,2 million de patients pris en charge le plus rapidement. Médecins sous surveillance
Le ministre de la Santé a aussi lancé un message aux
omnipraticiens, affirmant qu’ils ne pourront plus se plaindre du manque
de patients dans leur horaire. «Les patients sont là, ils sont sur une
liste», plaide-t-il.
Cette nouvelle base de données permettra aux médecins de choisir
en priorité les patients selon l’importance du dossier médical, leur
région et leur code postal.
Puis, la base de données assurera un suivi serré des agissements
des omnipraticiens. Leurs choix de patients seront épiés ainsi que le
pourcentage de clients qu’ils doivent suivre.
«Nous allons pouvoir, en direct et en ligne, avoir la situation du
Québec à tout moment, explique-t-il. Par exemple, si des médecins
avaient la tendance malheureuse à sélectionner un seul type de patients,
nous allons le voir en ligne, en direct.»
Le ministre assure que cet outil forcera une gestion fine,
quantifiée et qualitative du réseau de santé. «Avec une telle liste, on
peut faire toutes les analyses que l’on veut», mentionne-t-il.
L’application de la start-up
britannique Babylon permet d’écouter la description des
symptômes pour délivrer des conseils médicaux sans intervention humaine.
Des systèmes, comme celui d’IBM Watson, diagnostique de façon plus
fiable un cancer du poumon
Et si les médecins étaient
remplacés par des superordinateurs? Certains investisseurs y croient
fermement. Vinod Khosla, cofondateur de Sun Microsystems et investisseur
influent de la Silicon Valley, prédit que les logiciels devraient
remplacer 80% des médecins dans le futur. En Suisse, Damien Tappy,
partenaire du fonds de capital-risque Endeavour
spécialisé dans les technologies médicales estime: «D’ici quinze ans
environ, grâce à la puissance de calcul, au progrès de la génomique et
aux systèmes d’intelligence artificielle, la télémédecine remplacera le
médecin généraliste.» Autre avis, celui de Laurent Alexandre, médecin et
cofondateur du site Doctissimo.fr en France, qui s’exprime dans les
Echos: «On sous-estime considérablement ce que peut faire l’intelligence
artificielle d’ici à 2030. Elle va permettre d’industrialiser la santé
qui reste profondément archaïque et permettre de traiter des énormes
volumes de données qui arrivent à cause de l’Internet des objets ou du
séquençage ADN.»
Ces investisseurs s’appuient notamment sur les performances d’ordinateurs de type Watson,
le programme d’intelligence artificielle d’IBM. Celui-ci s’est fait
connaître en février 2011 pour avoir battu plusieurs champions (humains)
au jeu télévisé américain Jeopardy. En 2012, un test réalisé au
Memorial Sloan-Kettering Cancer Center de New York, avec l’assureur
Wellpoint, a pu diagnostiquer un cancer du poumon avec un taux de succès
de 90%, contre 50% pour un médecin. Watson avait intégré 600 000
données médicales, 2 millions de pages issues de revues spécialisées et
les dossiers de 1,5 million de patients. Watson explore désormais
d’autres domaines médicaux. En radiologie, par exemple, l’ordinateur a
pu détecter sur des IRM des anomalies imperceptibles à l’œil humain.
Dans le cadre d’une recherche avec le New York Genome Center portant sur
le glioblastome, un cancer malin très agressif du cerveau, le
superordinateur cherche à aider les médecins à trouver, dans les bases
de données génomiques et dans la littérature médicale, des références
sur les mutations identifiées chez les patients.
En Suisse aussi,
des sociétés développent des logiciels médicaux basés sur de
l’intelligence artificielle. C’est le cas, par exemple, de Sophia Genetics
dont les algorithmes passent au crible des données ADN de manière
standardisée afin de détecter avec précision des mutations génétiques
caractéristiques pour plusieurs maladies génétiques ou certains cancers.
«Notre système Sophia DDM est déjà plus utilisé que IBM Watson. Nous
avons déjà connecté 150 institutions publiques et privées et nous
analysons 4000 patients par mois. Cela dit, remplacer le médecin n’est
pas possible, ni souhaitable. Nos algorithmes sont comme les programmes
qui permettent au joueur d’échecs d’aller plus vite et de faire des
meilleurs coups», estime Jurgi Camblong, directeur et cofondateur de
Sophia Genetics.
Pourtant, la start-up britannique Babylon cherche
bien à remplacer certains rendez-vous médicaux. Elle a lancé une
application de télémédecine, basée sur de l’intelligence artificielle.
Elle permet d’écouter la description des symptômes, grâce à la
reconnaissance vocale, et délivre des conseils médicaux sans
intervention humaine. Le système est capable d’analyser des centaines de
millions de combinaisons de symptômes en temps réel. Cette nouvelle
application coûtera 7 francs par mois, peut-on lire dans le MIT
Technology Review. Grâce à des capteurs, que le patient pourra également
porter au poignet, l’application enverra des alertes et transmettra
préventivement des informations sur l’état de santé. Toutefois, Babylon
ne délivrera pas d’ordonnance mais uniquement des recommandations sur
des médicaments disponibles en pharmacie. Financée par Demis Hassabis et
Mustafa Suleyman, les fondateurs du projet Google DeepMind à l'origine
du logiciel AlphaGo, la start-up travaille déjà avec deux hôpitaux et
21 000 patients qui testent actuellement l’application. En Suisse aussi,
des centres de télémédecine, tels Medi24 ou Medgate, promulguent des
conseils sur la médication à adopter ou une éventuelle visite médicale,
grâce à un questionnaire informatisé. Un interlocuteur humain reste
toutefois au bout du fil.
Avec la combinaison d’avancées récentes
majeures à la fois dans la santé et les technologies numériques de
l’information, la médecine connaît des changements sans précédent. «Les
outils de médecine numérique vont jouer un rôle grandissant dans la
prise en charge du patient et même les médecins, parfois réfractaires à
cette approche, ne pourront rien y faire car le patient les désire. Le
tout est de trouver un bon équilibre entre la numérisation excessive de
la médecine et une prise en charge humaine, voire humaniste, du patient,
estime Thierry Weber, médecin et consultant en médecine numérique et en
sciences de la vie chez Vivactis à Lausanne. L’intelligence
artificielle ne peut remplacer l’émotion, cruciale à toute relation
médecin-patient.»
Boi Faltings, professeur au Laboratoire
d’intelligence artificielle de l’EPFL, estime aussi que le médecin
restera au cœur du système. «La médecine est probablement le domaine qui
sera le plus influencé par l’intelligence artificielle. Toutefois,
une prescription automatique, sans l’intervention d’un médecin, comporte
des risques et risque de rencontrer des problèmes légaux. Qui sera
responsable en cas d’accident? Ainsi, à mon avis, ces logiciels qui
aideront les médecins dans leur prise de décision et qui permettront aux
patients d'être mieux et plus rapidement
traités, resteront toujours sous leur supervision.»
Comment les entreprises utilisent nos données
Les sociétés suisses
commencent à exploiter les données qu’elles récoltent depuis des années
auprès de leurs clients. De l’horlogerie à la finance, en passant par la
santé, notre panorama
Depuis des années, les
entreprises récoltent des données. Parmi les premiers à avoir lancé ce
travail de collecte, les détaillants, Migros et Coop, savent ce que les
consommateurs suisses achètent, les banques peuvent connaître toutes les
dépenses de leurs titulaires de comptes, Swisscom est au courant des
déplacements des utilisateurs, les applications de musique récoltent des
informations sur les goûts des auditeurs. Mais que font exactement ces
entreprises des masses d’informations qu’elles accumulent?
Rien? Le sociologue Sami Coll, de l’Université de Lausanne,
expliquait l’an dernier dans ces colonnes que la plupart des entreprises
ont commencé à récolter des données sans savoir à quoi elles allaient
leur servir. Ce n’est plus le cas. Les entreprises ont commencé à
décrypter ces données et à s’en servir pour affiner leur offre, cibler
la publicité et mieux positionner leurs produits en fonction de ce
qu’elles peuvent savoir des goûts et des besoins de leurs clients. Plus l'apanage des géants du Web
Fait nouveau, l’utilisation des données n’est plus l’apanage des
géants du Web. Facebook, Amazon, Apple ou Google ne sont plus les seuls à
passer au crible les traces laissées par les internautes pour leur
offrir exactement ce qu’ils souhaitent avant même qu’ils en aient eu
l’idée. Lire aussi:«Pour les entreprises, le Big Data est une révolution aussi importante qu’Internet»
2015 a été l’année de transition, selon l’association américaine
Computing Research, où le Big Data est passé d’un concept mis en place
par une minorité d’entreprises à un outil de plus en plus largement
utilisé par le monde des affaires, ou, au moins, pris en considération.
Ce qui a changé? Les services de cloud (informatique en nuage) ont rendu
possible le stockage de données à grande échelle. Et la multiplication
d’outils informatiques et de sociétés de conseil a permis d’améliorer
l’analyse des données afin d’en tirer la substantifique moelle.
A ce jeu-là, les entreprises suisses ne sont pas en reste, comme le
montrent les exemples récoltés dans ce dossier. De la santé à la
finance, en passant par l’horlogerie et la grande distribution, les
utilisations sont multiples et les possibilités dépassent souvent même
le domaine d’activité de l’entreprise qui les récoltent. Lire notre éditorial:L’exploitation du «big data» sera l’un des grands enjeux de 2016 Notre panorama: Assurances. Bonne conduite pour les primes basses Santé. Les promesses de l'analyse du profil génétique Télécoms. Comment Swisscom utilise sa mine d'or Grande distribution. Coop et Migros «n'exploitent pas pleinement» les données de leurs clients Banques. La marge pour l'exploitation des données bancaires est étroite Horlogerie. Qui voit sa voiture voit sa montre
Assurances Bonne conduite pour des primes basses
Axa-Winterthur répond aux clients 24 heures sur 24 sur Twitter et
Facebook et place un «crash recorder» dans la voiture pour analyser les
données du conducteur et lui permettre d’espérer une prime plus basse.
Malgré ces initiatives, les nouvelles technologies commencent à peine à
transformer l’assurance non-vie et l’utilisation de l’analyse des
données est encore plus éloignée dans l’assurance vie, selon Swiss Re.
«La définition classique du Big Data n’est pas adaptée à Bâloise»,
explique son porte-parole. Le profil du client et la prime ne sont pas
fonction des données issues du comportement sur le Web ou des données
tirées de ses applications, accessoires interactifs ou enregistreurs.
«Notre Data Mining se base sur la saisie et l’analyse de 100 facteurs
géographiques, sociaux et biologiques tels que le lieu de résidence,
l’âge, le genre», explique la société. Ce sont ces facteurs qui
définissent la prime. Ce travail d’analyse mène à une segmentation de la
clientèle en fonction de la fréquence de sinistres. Il existe quatre
catégories de risques, de «a» (bon risque) à «d». «Dans une perspective
de solidarité entre assurés, ce sont les clients les plus chers pour la
communauté», selon le porte-parole. Le groupe cherche à dialoguer avec
les clients «d» (moins de 1% du total) pour modifier leur comportement.
Le groupe a réduit leur nombre de plus de la moitié en dix ans.
Une étude «sigma» de Swiss Re vient de montrer que l’assurance vie
est encore en retard dans l’utilisation des données. 1% des assureurs
vie américains utilisent déjà des modèles prédictifs dans leur politique
de souscription des risques.
Santé Les promesses de l'analyse du profil génétique
L’entreprise Sophia Genetics, spécialisée dans les analyses fines de
profils génétiques pour les besoins des hôpitaux, a traité les données
de 20 000 patients cette année et pense le faire pour 80 000 malades du
cancer ou d’autres pathologies à caractère génétique en 2016.
«Nos activités reposent sur la confiance de 110 hôpitaux et
laboratoires dans la confidentialité des données et le respect de la
sphère privée», souligne Jurgi Camblong, patron de la société de 60
personnes basée sur le site de l’EPFL. «Nous ne vendons aucune donnée
génétique, et leur accès est exclusivement réservé à chaque hôpital
client qui se branche sur les serveurs de Sophia Genetics comme le
ferait un client d’une banque pour consulter son compte», explique le
responsable. «Si on compare avec la reconnaissance vocale, nous avons
mis au point un système qui élimine le bruit pour se concentrer sur les
intonations individuelles de la voix», souligne Jurgi Camblong.
La valeur ajoutée de l’entreprise repose sur la précision des
diagnostics basés sur des algorithmes sans cesse perfectionnés qui
détectent, sur la base du séquençage génomique fourni par l’hôpital, les
altérations génétiques. Les données ADN sont encryptées puis décryptées
pour les rendre totalement anonymes.
«Sur les 6 milliards de lettres du génome humain, nos algorithmes
repèrent les altérations, comme des substitutions de caractères, des
doublements, ou des formes de copier-coller qui permettent au médecin de
classifier la forme et la dangerosité d’un cancer, par exemple.
Bientôt, nous serons capables de conseiller le traitement le plus
efficace», précise Jurgi Camblong, qui considère que, mêmes anonymisées,
ces données appartiennent au patient.
Télécoms Comment Swisscom utilise sa mine d'or
Opérateur télécoms numéro un de Suisse et société high-tech la plus
puissante du pays, Swisscom commence tout juste à exploiter les données
qu’il juge les plus précieuses: les signaux émis par les téléphones
mobiles. Aujourd’hui, l’opérateur compte 6,618 millions de raccordements
mobiles. Swisscom avait commencé à exploiter ces données, il y a
quelques années, en les revendant à TomTom. Le service de navigation les
utilisait pour fournir des indications à ses clients sur les conditions
de circulation: de nombreux signaux de téléphones se mouvant à faible
vitesse signifiaient qu’un bouchon avait certainement lieu. L’opérateur
l’affirme: ces données, avant d’être transmises à des tiers, sont
totalement anonymisées.
Désormais, Swisscom va plus loin. «En utilisant nos données du réseau
mobile, nous voulons mettre à disposition des indicateurs de trafic aux
collectivités publiques en Suisse et plusieurs projets pilote sont bien
avancés», affirme Raphael Rollier, responsable du programme Smart City
chez Swisscom.
A Pully, commune proche de Lausanne, l’opérateur soumet ses données
à la municipalité pour l’aider à planifier la construction de
giratoires ou l’établissement de routes à sens unique, par exemple.
«Nous sommes ca pables de voir d’où viennent les automobilistes qui
arrivent à Pully. Mais nous ne cherchons pas à savoir leur âge ou leur
sexe», poursuit Raphael Rollier. Genève sera aussi aidé par Swisscom
pour fluidifier son trafic. A Montreux, l’opérateur aidera les
responsables des milieux touristiques à comprendre d’où viennent les
visiteurs.
Swisscom va aussi exploiter les données liées à son offre
télévisuelle, pour adresser de la publicité ciblée à ses
téléspectateurs, via la coentreprise créée avec la SSR et Ringier,
éditeur du Temps.
Grande distribution Coop et Migros «n'exploitent pas pleinement» les données de leurs clients
Elles ont gardé le nom de cartes de fidélité. La «M-Cumulus» de
Migros et la «Supercard» de Coop rassemblent, sous format électronique,
tous les achats que nous réalisons dans ces grandes surfaces et leurs
filiales.
Du côté du premier, on affirme qu’une telle carte est présentée «lors
de la réalisation de 80%» du chiffre d’affaires. Et qu’environ
«2,8 millions de comptes» sont actifs. Migros dit utiliser ces données
pour «proposer des offres ciblées et correspondant aux besoins des
clients, en évitant de [leur] envoyer des publicités inopportunes».
Environ «90% des ménages suisses» possèdent la carte du second, mais
seuls «3,1 millions de comptes sont actifs», explique Coop. Objectif:
«améliorer l’assortiment et planifier les promotions. Les données
personnelles individuelles ne sont pas pertinentes», selon un
porte-parole.
Ces discours, Sami Coll les entend depuis longtemps. «Ce sont des
généralités. C’est le travail de base d’un détaillant de proposer des
offres ciblées et d’améliorer les assortiments», relève le sociologue de
l’Université de Lausanne. L’auteur de Surveiller et récompenser (ed.
Seismo, 2015), se demande lui comment ils utilisent ces données, à
quelles fréquences et avec quels types d’algorithmes. Lire:Les cartes de fidélité, le Big Data et moi
Une chose est sûre, les détaillants n’exploitent pour l'heure pas
pleinement les données qu’ils récoltent. «Ils se heurteraient très
probablement à la résistance du public. C’est d’ailleurs un vrai
paradoxe: les clients veulent généralement une publicité mieux ciblée
mais si les détaillants vont trop loin, ça les effrayerait», poursuit
l’auteur.
Ce qui inquiète Sami Coll, c'est, dans un futur proche, «quand les
détaillants envisageront des partenariats, par exemple avec des
assurances, pour «surveiller» la santé de leurs clients...»
Banques La marge pour l'exploitation des données bancaires est étroite
Régies à la fois par le secret bancaire et les 39 articles de la loi
fédérale sur la protection des données, les banques ont une activité
très encadrée. Le litige qui a opposé à l'an dernier PostFinance au
préposé fédéral à la protection des données en témoigne. La banque
analysait les données du trafic des paiements pour proposer des offres
spéciales aux utilisateurs de sa plate-forme d'e-banking. Ceux-ci
étaient obligés de donner leur accord, faute de quoi ils devaient
renoncer à ce service. Après l'intervention du préposé, PostFinance a
fait machine arrière. L'analyse des données reste possible mais elle est
facultative pour tous les clients, a-t-elle clarifié en juin.
Les programmes de fidélisation avec des sociétés tierces créent des
situations complexes. Chez UBS, les données collectées par KeyClub sont
soumises aux conditions générales. «Conservées uniquement en Suisse, ces
données ne sont bien sûr pas transmises aux sociétés partenaires de
KeyClub», précise la banque. Celles-ci n'obtiennent que des informations
générales, comme le nombre de personnes ayant reçu une offre d'UBS. En
principe, ces offres sont adressées à tous les membres du programme. Si
la banque opère une sélection pour certaines offres, ce n'est que sur la
base de catégories générales, comme le sexe ou la région de domicile.
Les clients d'UBS qui souscrivent à une offre spécifique, comme
KeyClub ou l'application Paymit, doivent à nouveau fournir leur accord
permettant à UBS d'utiliser leurs données dans ce cadre. «Avec Paymit,
UBS demande à ses clients leur accord pour recevoir de la publicité sans
rapport direct avec des produits ou des services de la banque. Mais
elle offre aussi la possibilité d’annuler cette autorisation», précise
UBS.
Horlogerie Qui voit sa voiture voit sa montre
Un quart d’heure seulement après avoir été placée dans une vitrine de
Baselworld, le salon mondial de l’horlogerie, une montre prise en photo
par un visiteur fait déjà l’objet de commentaires sur les réseaux
sociaux.
Ces derniers donnent une première impression qui peut s’avérer
déterminante pour la stratégie marketing de la société. Par ailleurs,
toute personne qui atterrit sur le site d’une marque se dévoile, par les
traces informatiques laissées, dans ses motivations d’achat. «Celui qui
roule en Porsche vintage des années 1970 sera plutôt friand d’un
chronographe calibre 18, alors que l’adepte d’une Tesla électrique
préférera la Carrera connected», constate Jean-Robert Bellanger, digital
marketing director chez l’horloger TAG Heuer, du groupe LVMH.
LVMH, et notamment son pôle horloger, donne un sérieux coup
d’accélérateur à l’exploitation des «Big Data». Et il s’en offre les
moyens, avec l’arrivée cette année de Ian Rogers, à la tête des
activités numériques du groupe français du luxe, et de Jean-Robert
Bellanger. Le premier dirigeait précédemment Apple Music, le second
collaborait avec Red Bull. C’est au sein de cette société de boissons
énergisantes que Jean-Robert Bellanger s’est notamment familiarisé avec
le décryptage du «bruit» engendré auprès des consommateurs par une vidéo
lancée sur les réseaux sociaux avec un champion suisse de ski. Fort
discret sur les projets de sa présente société dans le traitement des
mégadonnées – un sujet très «concurrentiel» – il estime que, plus que
jamais, l’horlogerie se doit d’être à la pointe de la gestion des
relations client (CRM dans son sigle anglais) pour capter, traiter et
analyser les informations relatives à la clientèle. Photos: Keystone, Reuters,123RF http://www.letemps.ch/economie/2015/12/28/entreprises-utilisent-nos-donnees
Aux Etats-Unis, les médecins ont leur propre Instagram pour s’entraider
Il vaut mieux avoir l’estomac bien accroché pour ouvrirl’application américaine Figure 1. Disponible
sur smartphone, elle met en relation depuis 2013 les médecins
américains qui peuvent avoir des doutes face à certains cas ou patients,
et ceux qui veulent simplement échanger sur des situations atypiques.
Conçue comme l’application de partage de photos Instagram, Figure 1 permet de partager des photos de patients, de plaies, de boutons, et de les catégoriser
selon le service : pédiatrie, maladies infectieuses, dermatologie ou
encore cardiologie. Les catégories sont très précises puisqu’il est
possible de parcourir et publier des photos selon les parties du corps concernées.
Ouverte à tous
N’importe qui peut télécharger l’application, sur iPhone et téléphone Android ;
en revanche, il faut s’inscrire comme personnel soignant pour avoir
l’autorisation de publier une photographie. L’application rappelle – en
anglais – certaines règles à adopter avant toute publication : retirer tout élément pouvant identifier le patient, respecter sa dignité, ne partager que des photos à but éducatif ou professionnel. « Appliquez les mêmes principes éthiques dans votre pratique professionnelle que dans votre utilisation de l’application »,
indiquent les règles du service. Figure 1 rappelle également aux
utilisateurs de ne pas partager de photos d’eux-même ou de leur famille.
Avant la publication de chaque photo, le patient doit signer
un formulaire attestant de son consentement. Des formulaires
personnalisés sont disponibles selon les pays, y compris en français, et
le patient signe avec son doigt sur le smartphone du médecin.
Plus de 500 000 utilisateurs
Selon le site spécialisé Fusion, le service compte désormais plus de 500 000 utilisateurs. Si l’application a permis à plusieurs médecins de mieux comprendre des cas atypiques auxquels ils pouvaient être confrontés, les experts interrogés par Fusion soulignent qu’elle est utile surtout pour les cas très rares et originaux. « Nous
regardons tous beaucoup la télévision et les dilemmes de diagnostics de
Dr. House, mais d’expérience, ils n’arrivent pas aussi souvent dans la
réalité », explique au site le docteur Robert Wachter, professeur de médecine
à l’université de Californie. Selon le PDG de la start-up, seuls 5 %
des utilisateurs publient des photos sur le réseau, et plus de la moitié
ne participent jamais et se contentent de regarder. Par ailleurs, le site Fusion souligne que certains hôpitaux ont des règles très strictes contre les photographies de patients.
Les médecins français sont sur Twitter
En France, l’entraide entre médecins est symbolisée sur le réseau socialTwitter par le mot-dièse #DocTocToc. Très actif, il a été créé à l’été 2012, selon les données de l’outil Topsy. Les tweets vont de la demande de conseils avec photo de plaie à l’appui, à des questions sur les ordonnances et les arrêts de travail. « On l’utilise à défaut d’autres réseaux plus adaptés », explique Jean-Jacques Fraslin, médecin généraliste et actif sur #DocTocToc. Utilisateur de Twitter
avant la naissance du hashtag, il fait désormais partie des dizaines de
professionnels qui interagissent entre eux et s’entraident sur des
sujets médicaux ou administratifs.
Pour l’avocat spécialiste des nouvelles technologies Alain Bensoussan, #DocTocToc montre « la détresse des médecins face à certaines situations », comme ce généraliste qui se demande comment aider une femme battue. Une analyse partagée par Jean-Jacques Fraslin, qui estime que « les médecins sont parfois seuls et pour eux il y a les forums et les réseaux sociaux ».
Ce que dit la loi
Le
secret médical aussi bien que le droit à l’image interdisent en France à
un médecin de partager des informations personnelles sur un patient de
manière publique, comme sur Twitter. « Une photo d’une plaie, ce n’est pas une forme qui permet d’identifier quelqu’un »,
explique Alain Bensoussan. En aucun cas un médecin ne peut partager
publiquement des informations confidentielles sur un patient, même avec
son consentement. « Sur #DocTocToc je n’ai pas vu d’informations personnelles divulguées », précise l’avocat.
Dans
un cas très précis, un médecin peut échanger des informations
personnelles sur un patient avec un autre professionnel, uniquement dans
l’intérêt du patient et des soins à lui prodiguer, et sauf opposition de la part de ce dernier. Cette communication doit cependant se faire par un moyen sécurisé, chiffré, avec une identification de bout en bout des deux médecins. « Un message privé sur Twitter, ce n’est pas raisonnable bien sûr », tranche Marguerite Brac de La Perrière, directrice du département de santé numérique du cabinet Alain Bensoussan.
Le
Conseil national de l’Ordre des médecins (CNOM) s’intéresse depuis
longtemps aux réseaux sociaux, sur lesquels les médecins, comme tous les
Français, peuvent agir. Selon un livre blanc paru en 2011, la plupart des médecins utilisent un pseudonyme pour s’exprimer sur Twitter, ce qui leur permet de se protéger
ainsi que leurs patients. Le CNOM avait suggéré la création d’un
système de pseudonymat enregistré, pour que tout docteur inscrit sur
Twitter sous pseudonyme soit identifié sur un registre, par exemple,
mais cette idée n’a pas abouti. Sur les réseaux sociaux, les médecins
sont toujours soumis à un code déontologique, comme le rappelait le
livre blanc du CNOM.
S’il respecte ces règles, Jean-Jacques Fraslin pense arrêter #DocTocToc. « Il y a plus de monde sur Twitter qu’il y a trois ans, et des patients vont finir par nous retrouver »,
explique-t-il. Il estime que plusieurs médecins songent également à
arrêter d’utiliser Twitter de manière professionnelle, et attendent un
véritable outil d’entraide et de communication, aussi rapide que
Twitter, mais adapté à leur corps de métier.
Que va changer le « droit à l’oubli bancaire » pour les anciens malades du cancer ?
Le Monde.fr
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Par Simon Auffret
image:
http://s2.lemde.fr/image/2015/10/02/534x0/4781513_6_a94d_les-anciens-malades-du-cancer-ont-actuellement_ea13cd40bff99238699379f71c294777.jpg Les
anciens malades du cancer ont actuellement des difficultés à obtenir
des prêts bancaires, jusqu'à quinze ans après leur guérison. PHILIPPE HUGUEN / AFP
C’était une disposition importante du troisième plan cancer, lancé en 2014 par le gouvernement. Dans la nuit du mercredi 30 septembre au jeudi 1er octobre, les sénateurs ont voté, comme les députés en avril, un amendement encadrant le « droit à l’oubli » pour les anciens malades du cancer. La mesure vise à faciliter la signature de contrat d’assurance et de prêt immobilier pour ces personnes considérées comme des « emprunteurs à risque ».
Que dit la loi santé sur le « droit à l’oubli » ?
En ajoutant à la loi santé la convention Aeras (assurer et emprunter avec un risque aggravé de santé), les sénateurs ont adopté en première lecture le principe d’un « droit à l’oubli »
pour les anciens malades du cancer. Demandé depuis plusieurs années par
les malades et les associations, il permet aux patients dont le
traitement est terminé depuis au moins dix ans de contracter un contrat d’assurance ou un prêt à la consommation sans avoir à communiquer d’historique médical.
Ce que dit le texte :
« Le délai au-delà duquel aucune information médicale ne peut être recueillie par les organismes assureurs ne peut excéder dix ans après la date de fin du protocole thérapeutique définie par l’Institut national du cancer. »
L’idée d’un « droit à l’oubli » apparaît en 2014 dans le troisième plan cancer, lancé par François Hollande avec l’objectif de permettre aux personnes « qui ont été frappées par le cancer de mener une vie normale ».
Signée en mars 2015, la convention Aeras fixait ce droit quinze ans
après la fin du dernier traitement, période ramenée à cinq ans pour des
patients âgés de moins de 15 ans.
Plusieurs associations, dont le magazine Rose, destiné aux malades du cancer, avaient alors déploré ce délai pénalisant pour « ces jeunes qui, se découvrant malades à 20 ans, guéris à 25, devront traîner jusqu’à l’âge de 40 ans le boulet d’un cancer qu’ils ont vaincu ». Une pétition avait alors été lancée par le magazine, demandant un droit à l’oubli bancaire après cinq ans pour les mineurs et anciens malades souffrant de cancers « de bon pronostic », comme ceux du sein ou de la thyroïde, et généralisé à dix ans pour les autres pathologies cancéreuses.
Signées
par près de 9 000 personnes, ces demandes semblent avoir été entendues
par les sénateurs, qui sont allés plus loin que les députés en
généralisant le délai du droit à l’oubli à dix ans, délai raccourci à
cinq ans pour les patients de moins de 18 ans et ceux dont « le taux global de survie nette à cinq ans est supérieur ou égal à celui des moins de 18 ans ».
Pourquoi ce droit est-il nécessaire ?
Jusqu’à maintenant, tout ancien malade du cancer devait déclarer
sa maladie au moment de contracter un crédit bancaire. Recueillie par
l’organisme assureur, cette information médicale les classait
automatiquement dans la catégorie des emprunteurs « à risque », obligeant l’assuré à contracter une assurance sur ce prêt, à des tarifs parfois beaucoup plus élevés que la moyenne.
Difficile pour ces personnes, désormais guéries, d’obtenir un prêt immobilier et d’accéder à la propriété. Une « double peine » pour de nombreux patients, « une sorte de casier judiciaire pour les malades » selon Jacqueline Godet, présidente de la lutte contre le cancer.
Dix ans après la fin de tout traitement, les anciens malades du
cancer seront désormais considérés de la même manière que les autres
emprunteurs. Une demande « d’équité » de la part des
associations, validée par les sénateurs, qui ont ajouté un autre
amendement à la loi santé : les contrats ne pourront plus cumuler majoration de tarifs et exclusions de garanties. La mesure devrait mieux protéger les emprunteurs.
Pour faciliter la mise en place du « droit à l’oubli »,
une grille de référence va également être mise en place. Classant les
types de cancers et leur durée moyenne de guérison totale après
traitement – définie par l’Institut national du cancer (INCa) –, le
dispositif devrait être mis à jour en fonction des progrès scientifiques
pour adapter au mieux la période de droit à l’oubli pour tous les anciens malades du cancer.
Simon Auffret Journaliste au Monde
En
savoir plus sur
http://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2015/10/02/que-va-changer-le-droit-a-l-oubli-bancaire-pour-les-anciens-malades-du-cancer_4781515_4355770.html#9iUEJTCrBKdoIm0Y.99
(Agence Science-Presse) Depuis presque 10 ans, le gouvernement du
Québec a amorcé un chantier d’informatisation médicale, connu sous le
nom de Dossier Santé Québec (DSQ). Le projet se déploie trop lentement
aux dires du ministre de la Santé du Québec, Gaétan Barrette qui pointe
le manque d’adhésion des médecins pour expliquer ce retard.
Cliquer sur la photo pour agrandir
Qu'est-ce que le DSQ?
Pour bien comprendre le DSQ, il ne faut pas le confondre avec le
dossier clinique informatisé (DCI), ni le dossier médical électronique
(DME) ou encore le dossier patient électronique (DPE). Beaucoup
d’acronymes qui renferment des réalités différentes. « La plateforme
centrale d’informatisée du DSQ est connexe aux besoins en
informatisation qui peuvent exister au sein des établissements de santé
pour remplacer le papier par la numérisation », explique Marie-Claude
Lacasse du service des communications du MSSS. Le DSQ constitue donc un
vaste répertoire de tous les résultats de laboratoires, d’imagerie
médicale, médicaments prescrits et informations liées aux antécédents du
patient accessibles par les médecins et différents professionnels de la
santé, tel le pharmacien de quartier.
Pour Marcel Guilbault de l’Association des médecins
omnipraticiens de l’ouest du Québec, il faut plutôt regarder du côté des
pharmaciens et des laboratoires. « Certains traînent encore à se
connecter. Pourtant, l’opportunité est là. La majorité des groupes de
médecins de famille et ceux en première ligne seront bientôt tous
branchés. »
Les pharmaciens, on s’en doute, ne sont pas de cet avis. « Il n'y a
pas encore beaucoup de cabinets de médecins branchés et les résultats de
laboratoires ne sont pas partout accessibles », explique Vincent
Forcier, directeur des affaires publiques de l’Association québécoise
des pharmaciens propriétaires.
Pour bien fonctionner, ce grand réseau électronique d’échanges
d’informations médicales doit câbler les laboratoires aux médecins, les
médecins aux pharmaciens, les pharmaciens aux centres de soins, à la
grandeur du Québec.
Un exercice qui prend l’allure, au fil des ans, des 12 travaux
d’Hercule. « C’est le plus grand projet informatique du gouvernement
québécois. Un projet très volumineux qui rassemble des dizaines de
professionnels et des centaines d’institutions », précise Marie-Claude
Lacasse du service des communications du Ministère de la Santé et des
Services sociaux du Québec.
La relationniste se veut toutefois rassurante et annonce que d’ici la
fin 2015, les trois domaines du DSQ — médicament, laboratoire et
imagerie médicale — seront déployés dans l’ensemble des régions du
Québec.
Pour l’instant, on n'y est pas encore. « La situation actuelle n’est
pas comparable avec celle de l’Ontario où je reçois dès le lendemain les
résultats d’analyse de mes patients. Sur les six radiologies effectuées
sur mes patients québécois, je n’en avais qu’une disponible hier »,
mentionne M. Guilbaut. Des coûts et des longueurs
Le petit train qu’emprunte le DSQ pour parfaire son parcours résulte
de sa grande ampleur – on parle de 95 000 utilisateurs potentiels —,
mais aussi des quelques ratés rencontrés en cours de route.
Pointé souvent du doigt, le budget gonfle depuis des années. Fixé initialement à 563 millions $, un rapport du
vérificateur général relevait que 55 % du budget — 308 millions $ —
avait déjà été dépensé à la fin de l'année 2010 alors que les retards
s’accumulent dans les dossiers.
« Le budget global en informatisation de la santé est de 1,6 milliard
englobant l’ensemble des dossiers médicaux et tous les travaux de
remplacement papier des établissements publics », tempère Marie-Claude
Lacasse. Le budget définitif du DSQ — assez flou et non communiqué par
le ministère — sera à évaluer lorsque tous les rails auront été
raccordés, souligne-t-elle.
Autre problème : le manque d’harmonisation. L'arrimage entre les
différents systèmes informatiques soutenant les échanges de données
médicales a lui aussi subi des ratés. « En Outaouais, l’harmonisation se
passe bien, mais dans les grandes régions, comme à Montréal, c'est plus
difficile », souligne M. Guilbault. « Il y a différents logiciels mis
en place au sein des établissements de santé québécois et le défi est de
rendre la technologie compatible », renchérit Caroline Langis,
coordonnatrice aux communications du Collège des médecins du Québec.
Sur l’île de Montréal, de nombreux professionnels de la santé
souhaitent aussi que tous les systèmes actuellement en place puissent
être intégrés dans une même plateforme et que les dispositifs d'accès au
DSQ soient améliorés. Pourtant, rappelle Catherine Dion, agente
d'information au Centre intégré universitaire de santé et de services
sociaux de l'Est-de-l'Île-de-Montréal, la cible était de 9120
utilisateurs pour la région de Montréal est déjà atteinte et dépassée. De bons pilotes
L’Estrie — l’une des quatre régions pilotes pour l’implantation du
DSQ — n’a pas attendu le coup d’envoi du gouvernement pour accélérer la
circulation électronique des informations médicales au sein de ses
établissements de santé. « Il y a 25 ans, nous avons décidé de nous
passer du papier et nous avons mis en place notre propre dossier
clinique informatisé – le Dossier clinique informatisé — Continuum
Ariane Estrie — qui s’arrime au gros entrepôt de donnés du gouvernement,
le DSQ », précise Micheline Savoie, directrice des ressources
informationnelles et technologiques au Centre hospitalier universitaire
de Sherbrooke (CHUS) et à l'Agence de santé et de services sociaux de
l'Estrie.
Du côté de Lanaudière, autre région pilote, même son de cloche. Avec
un taux d’informatisation de 90 % de ses cliniques, cette région a
amorcé le virage dès 2008. La clé de la réussite reposerait dans le «
guidage » personnalisé des professionnels lors de l’implantation, mais
aussi du système intégré de distribution des résultats (SIDER) qui fait
le pont entre le dossier médical électronique et le DSQ. Ici, plus de
transcription manuelle, ni de transmission par fax. « Le SIDER “pousse”
les résultats du laboratoire à la clinique. Le médecin n’a pas de
manipulations à faire. Même ceux qui étaient réticents au DSQ ne veulent
plus revenir en arrière lorsqu’ils l’utilisent », assure Daniel Sirois,
directeur intérimaire de la direction des ressources informationnelles
Lanaudière-Laurentides-Laval. Des informations confidentielles
Alors que l’actualité récente reposait la question de l’importance de
la confidentialité – peut-on utiliser son accès privilégié (contenu sur
une clé USB) pour consulter ou accélérer le traitement d’un dossier
médical? –, la Loi 59 encadre l’échange d’informations au sein du DSQ.
« L’accès est restreint et sécuritaire, mais un patient peut toujours
s’opposer à la communication de ses données entre les professionnels »,
rappelle M. Sirois. Un refus qui frôlerait en moyenne les 0,5 % de la
population (la majorité des citoyens ont été automatiquement inscrits
s’ils n’ont pas manifesté leur opposition, par téléphone ou par écrit,
après l’annonce de l’implantation du DSQ dans leur région.)
L’informatisation des données de santé ne présente donc pas de
barrières du côté de la population qui peine toutefois à suivre les
méandres de l’implantation de ce dossier. Alors que le DSQ devrait
bientôt s’attaquer à trois autres domaines – le registre de
vaccinations, celui des allergies et le sommaire des hospitalisations –,
la ligne d’arrivée serait proche. http://www.sciencepresse.qc.ca/actualite/2015/09/03/laborieux-rails-linformatisation-medicale
La Poste n’assistera pas passivement au développement de
la cybersanté. Elle a annoncé mardi à Berne qu’elle s’associait avec
médecins et pharmaciens pour développer sa stratégie en la matière.
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L’enjeu
est d’importance. En Suisse, le secteur de la santé représente 35 000
institutions, 68 milliards de francs de coûts et surtout 300 millions de
documents circulant annuellement. Ordonnances, traitements, analyses de
laboratoire, admissions dans un hôpital, transferts d’un établissement à
l’autre: toute la panoplie administrative est potentiellement
concernée.
Ce nouveau marché aiguise d’autant plus les
appétits qu’il prendra véritablement son essor avec l’introduction du
dossier électronique du patient, actuellement en discussion au
parlement. Avec ce système, le patient aura accès à son dossier médical
numérisé et pourra le mettre à disposition des professionnels de la
santé qui le soignent.
La Poste s’y intéresse car il
faudra bien organiser le transfert d’informations. Elle y voit un
créneau pour compenser la diminution de la distribution traditionnelle.
Mais elle n’est pas la seule à suivre avec grand intérêt l’évolution du
projet de loi et le développement de la cybersanté en Suisse. Swisscom
aussi compte se profiler dans ce domaine, ainsi que d’autres entreprises
privées spécialisées dans la gestion de données médicales ou la
communication électronique sécurisée. Reste à savoir qui occupera la
première place.
Plusieurs cantons mènent déjà des projets
de cybersanté. En 2009, le géant jaune a développé son premier projet
pilote de cybersanté en collaboration avec le canton de Genève.
Aujourd’hui, sa plateforme Vivates est aussi utilisée dans les cantons
de Vaud, du Tessin et bientôt d’Argovie. Modulable, elle permet aux
acteurs de la santé de travailler en réseau autour d’un patient et
d’échanger des données relatives à son cas.
Un pas de
plus vient ainsi d’être franchi avec la conclusion d’un partenariat avec
Health Info Net, le réseau numérique utilisé par 85% des cabinets
médicaux, et Ofac, association professionnelle regroupant 70% des
pharmaciens. Ces deux importants acteurs de la santé vont rejoindre la
plateforme Vivates, ce qui facilitera encore les échanges et les
synergies.
Selon Susanne Ruoff, directrice générale de La
Poste, cet intérêt pour la cybersanté est le prolongement naturel des
activités traditionnelles de son entreprise puisqu’il s’agit là aussi de
transmettre de manière fiable et sûre des informations sensibles. Et de
rappeler que La Poste s’est très tôt lancée dans la transmission
numérique sécurisée et qu’elle a donc toutes les compétences requises
pour exploiter ce nouveau créneau.
Claudia Pletscher,
responsable Développement et innovation, ne veut pas articuler de
chiffres sur les investissements consentis dans le secteur de la
cybersanté. Par contre, elle assure que l’extension de sa plateforme
Vivates pourrait générer des économies estimées à quelques centaines de
millions de francs s’il s’agit simplement du transfert de documents et à
plusieurs milliards en cas de généralisation du dossier électronique du
patient.
A voir. Car la cybersanté suscite encore de la
méfiance. Même si les assureurs et les employeurs n’auront pas accès au
dossier électronique du patient, des craintes pour la protection des
données sont régulièrement émises. Pour prendre l’exemple du canton de
Genève, seuls 6000 dossiers de patients sont gérés par Vivates, avoue
Claudia Pletscher, tout en relevant que la tendance est à la hausse,
avec plusieurs centaines de nouveaux dossiers tous les mois.
Les
acteurs relèvent aussi que l’introduction dans tous les cantons du
dossier électronique du patient constituera un signal fort pour doper
l’intérêt.
Et dans le domaine de la cybersanté, les
développements sont multiples. La Poste annonce également une nouvelle
collaboration avec le Centre d’allergie suisse et la Société suisse
d’allergologie et d’immunologie. Une application permet aux utilisateurs
d’être informés en permanence sur leurs allergies et leurs traitementsµhttp://www.letemps.ch/Page/Uuid/f8155c34-0967-11e5-b8f6-5d331e67f11f/La_Poste_mise_sur_lessor_de_la_cybersant%C3%A9
La Suisse championne du monde de cybersécurité
La Suisse a brillé non seulement
comme pays hôte grâce à l’organisation sans failles d’un concours
international de cybersécurité à Genève, mais également grâce à son
équipe qui a décroché la médaille d’or. (Keystone)
Un concours international de gestion de cybercrise s’est tenu à
Genève fin avril. L’un des participants, l’officier de renseignement
Alain Mermoud, raconte en détail cette simulation de guerre impliquant
les forces classiques autant que le numérique
Organisée pour la première fois en Europe, l’édition 2015 de la compétition internationale Cyber 9/12 Student Challenge
s’est tenue à Genève du 22 au 23 avril. Les participants à ce concours
de référence devaient présenter des mesures de gestion de crise à des
décideurs politiques, économiques et militaires, afin de trouver une
réponse appropriée à une cybercrise internationale.
La
Suisse a brillé non seulement comme pays hôte grâce à l’organisation
sans failles du Geneva Center for Security Policy (GCSP), mais également
grâce à son équipe qui a décroché la médaille d’or. Le Team Switzerland
a remporté une belle victoire en finale contre l’Angleterre, la
Finlande et la Pologne. Cette première place confirme la force de notre
modèle de milice qui permit de réunir au pied levé une équipe de quatre
étudiants aux profils éclectiques (ingénieur, juriste, militaire,
économiste), parlant différentes langues et provenant de diverses
institutions: Académie militaire à l’EPFZ, Center for Security Studies
et HEC Lausanne.
Soudés par leur solide formation
militaire, les participants ont rapidement appliqué les méthodes de
travail d’état-major au scénario reçu peu avant la compétition. Trois
variantes ont été proposées au jury, composé d’experts internationaux.
Anticipant une escalade de la situation, l’équipe a recommandé de
retenir la variante «smart power», soit un catalogue de mesures
prévisionnelles combinant «soft power» et «hard power». Au fil des
présentations orales, rythmées par un scénario gagnant en intensité,
l’équipe a trouvé des réponses proportionnelles à l’évolution de la
menace, tout en préservant une grande liberté de manœuvre. Les mesures
présentées furent ainsi crédibles et cohérentes à tous les échelons.
Mais comment l’exercice s’est-il déroulé concrètement?
Phase
numéro un: l’exercice a l’apparence d’une simple attaque informatique
asymétrique sur un réseau militaire. Qui en est responsable? Comme
souvent dans le cyberespace, les motivations et les responsabilités sont
difficiles à cerner. Avant d’envisager des mesures coercitives, qui
bien entendu respectent le droit international, le premier défi est
d’établir une attribution claire de l’attaque. Alors que la crise
s’aggrave, les participants réalisent que ces premières cyberattaques
n’étaient en réalité que les prémices d’un conflit symétrique classique,
impliquant forces armées, infrastructures critiques, secteur privé et
secteur public.
La coordination de la réponse entre les
différents acteurs impliqués et la coopération internationale se
révèlent les éléments clés de cet exercice. Un autre enseignement
important est que la protection des infrastructures critiques contre les
cyberattaques passe aujourd’hui nécessairement par une collaboration
entre le secteur privé et le secteur public. Le Conseil fédéral, lors de
sa séance du 20 mai 2015, s’est d’ailleurs penché sur un projet de
réseau de données sécurisé (RDS) permettant, en cas de crise grave, de
maintenir une liaison entre les cantons, la Confédération et les
exploitants d’infrastructures critiques. Ce réseau et ses applications
utiliseront en priorité les liaisons par fibre optique du réseau de
conduite suisse mis en place par l’armée.
L’homme, ce maillon faible
Cette
victoire démontre l’importance d’une approche multidisciplinaire de la
cybersécurité et donc également la nécessité de mener la recherche
académique au-delà du domaine traditionnel de la sécurité informatique.
Si l’approche technique est évidemment nécessaire, elle manque souvent
de vue d’ensemble pour appréhender et résoudre les problèmes d’une façon
globale et durable.
Les sciences économiques
comportementales ont par exemple récemment démontré que l’humain est
généralement le maillon faible dans la chaîne de la sécurité de
l’information. La psychologie a contribué d’une manière significative à
la cybersécurité avec son concept de résilience, c’est-à-dire la
capacité pour un système de s’adapter et de continuer à fonctionner
pendant une attaque, puis de revenir rapidement à son état initial. Le
droit et la diplomatie sont également des disciplines clés. Ce
décloisonnement de la cybersécurité est un changement de paradigme
indispensable pour la sécurité numérique et pour la confiance générale
dans notre société de l’information encore émergente. http://www.letemps.ch/Page/Uuid/69dfcd5c-105e-11e5-bce4-0f8872f43eca/La_Suisse_championne_du_monde_de_cybers%C3%A9curit%C3%A9
E-santé: le milieu médical bousculé par la technologie
Il y aurait
aujourd’hui près de 100 000 applications de e-santé dans le monde,
associées à une ribambelle d’objets connectés ! De la fourchette et de
la brosse à dents, jusqu’au pacemaker… Pour autant, allons-nous vers la
disparition du médecin traitant ? L’Atelier de BNP Paribas a fait de
cette question le fil rouge de sa dernière journée théma.
Brisons net le suspense ! Pour le moment, le
bon vieux médecin de famille n’est pas menacé. Une bonne raison :
l’organisation de la e-santé en France avance à pas comptés. La plupart
des applications qui foisonnent sur le marché concernent encore
essentiellement l’univers du bien-être. Et au-delà des programmes de
coaching proposés par leurs concepteurs chacune produit une avalanche de
données personnelles qu’on ne sait pas encore très bien comment relier
au dispositif de soins traditionnel. Sans compter que le cadre qui
régule ce secteur émergent reste à écrire. « Beaucoup de ces objets sont
des gadgets dont on ne sait pas vraiment comment ils marchent », note
Lionel Reichardt expert en e-santé et fondateur de 7C’s Health. On n’en
connaît pas plus sur les algorithmes utilisés par les applications ».
L’exemple des maladies chroniques
Même
si d’aucuns redoutent une bulle à plus ou moins brève échéance,
personne ne conteste pour autant la généralisation, dans un futur
proche, de l’usage de ces capteurs. Elle s’inscrit en effet dans une
tendance incontournable : la médecine personnalisée et prédictive. «
Celle-ci a déjà commencé à faire ses preuves sur les pathologies
chroniques (insuffisances cardiaques, cancer, diabète…), responsables de
70% des coûts de santé et, en particulier, sur les 5% de malades les
plus atteints qui absorbent à eux seuls encore 70% des dépenses »,
souligne Béatrice Falise Mirat directrice des affaires publiques et
réglementaires d’Orange Healthcare. Grâce aux données fournies par les
capteurs posés sur ces malades on évite à temps les rechutes. L’enjeu
financier de ces maladies justifie les projets de e-santé qui commencent
à voir le jour, embarquant médecine hospitalière et médecine de ville.
Dans l’absolu, les applications grand public de « wellness » répondent à
la même logique de prévention. Et permettent aussi, bien qu’à plus long
terme, de faire des économies. « 30% à 50% du patrimoine de santé d’un
individu dépend de ses habitudes de vie, contre 20% seulement du système
de soins », assure Béatrice Falise Mirat. Il y a donc un vrai enjeu à
faire progresser ces applications. La difficulté est qu’elles se situent
à l’intersection de plusieurs secteurs. Chacun voyant les choses par le
petit bout de la lorgnette.
Mutuelles et assureurs en tête
Pour le moment le marché est surtout tiré par les start-up
qui cherchent des débouchés à leurs leurs produits ou services. Non
sans mal. Ainsi Betterise, une application qui propose 7 à 8 conseils de
santé personnalisées quotidiens en fonction du profil de chaque
utilisateur, a d’abord approché les DRH pour savoir s’ils seraient prêts
à payer pour ce service offert à leurs salariés dans le cadre d’une
politique santé corporate. Sans succès. Les mutuelles, elles, ont été
plus réceptives. « Nous avons « vendu » plus de mille licences à
Harmonie », précise l’un des co-fondateurs, Christophe Brun. Avec les
compagnies d’assurances ces entreprises sont les plus en pointe dans
l’utilisation à grande échelle de ces applications. Et pour cause, elles
leur permettent d’établir une relation plus personnalisée avec leurs
affiliés en les incitant à adopter des comportements moins à risques.
Même si elle se trouve dans une position plus délicate pour prendre la
parole sur ce sujet, l’industrie pharmaceutique se sent également très
concernée. « Notre rôle consiste aussi à accompagner le médecin dans son
travail grâce notamment à une meilleure connaissance de son patient »,
indique Vincent Varlert, directeur exécutif Novartis Pharma. Mais
l’homme craint aussi à juste titre de se faire « désintermédier » par un
géant du net comme Apple qui vient de lancer la plateforme d’aide au
diagnostic médical Research kit.
L’usager à la manoeuvre
Plaque tournante du dispositif, le médecin doit aussi faire sa
révolution culturelle en acceptant de travailler davantage en
partenariat avec de nouveaux opérateurs lui donnant accès à des données
utiles pour son diagnostic. « Mais il ne faut pas compter sur lui pour
recevoir, analyser et décortiquer tous les jours les données de son
patient, nuance Lionel Reichardt. Il n’a pas le temps pour cela ».C’est
donc surtout l’individu qui portera cette transformation. Quitte à ce
qu’il devienne un peu lui même un data scientist. « En matière de
e-santé la technologie et les usages vont beaucoup plus vite que le
milieu médical » confirme Béatrice Falise Mirat. Et ce n’est pas le
dossier médical personnalisé qui devrait faire pencher la balance de
l’autre côté. « Celui-ci coûte très cher et n’avance pas. Le niveau de
sécurité exigé n’est pas compatible avec les usages qu’on veut en faire
», s’insurge Vincent Varlet. Plus que jamais on a donc besoin de faire
émerger des plates-formes ou partager l’information dans un cadre fiable
et sécurisé.
Stefano Lupieri
En
savoir plus sur
http://www.lesechos.fr/enjeux/business-stories/management/0204247539859-e-sante-le-milieu-medical-bouscule-par-la-technologie-1104640.php?E050jrBbDlTHaSoX.99
Nous vivons dans un monde de capteurs. Nous en avons presque tous plusieurs
dans notre poche, au coeur de nos smartphones. Chaque nouveau dispositif électronique
qui voit le jour ne cesse de nous en proposer de nouveaux. La liste de ce
qu'ils permettent de mesurer et d'actionner ne cesse de s'allonger, nous dotant
chaque jour de nouveaux
"super-pouvoirs". Leur évolution et leur amélioration constante
nous promettent qu'ils seront toujours capables de faire mieux, de faire plus
que ce qu'ils font. Comme si le progrès technique qu'ils assuraient et
l'amélioration incessante de leur fiabilité qu'ils promettaient étaient ceux
d'une augmentation continue de notre connaissance de nous-mêmes, de nos
capacités et de celles de notre environnement.
Que captent les capteurs ?
Une même technologie, des milliers de combinaisons
Dans la fascination que ces nouvelles capacités distillent, nous nous
interrogeons rarement de connaître leurs limites, éblouies par les possibilités
qu'ils permettent d'envisager. Parce que nous avons intégré la loi de Moore et
que nous avons vécu l'amélioration constante des capacités des capteurs, nous
envisageons sans ciller que leur miniaturisation et leur évolution
progresseraient sans fin. Pourtant, même sous une technologie identique, les
capacités d'un capteur, d'un système, sont différentes d'un dispositif l'autre.
Prenons un exemple qui n'est pas dans le domaine de la santé, comme la
télédétection par laser, le lidar.
C'est
un radar lidar qui permet à la voiture autonome de Google de rouler, qui
lui permet plus précisément de déterminer la distance de tous les objets qui
l'entourent à plusieurs dizaines de mètres. Or, pour rendre une voiture
consciente de son environnement, il faut une télédétection par laser très
précise et de longue portée. Le lidar qui équipe les voitures autonomes de
Google se vend aux environs de 80 000$. Mais on en trouve d'autre, comme le le
Cruise RP-1, à 10 000$. Ce lidar moins précis ne permet pas beaucoup
d'autres choses que de filer en ligne droite sur l'autoroute. Le Lidar-Lite
de Pulsed Light ou le Lidar
à 99$ de Nadir Bagaveyev sont eux adaptés aux drones et a peu de chose
d'autre. Le projet Tango de
Google (vidéo)
qui consiste à adapter la télédétection aux smartphones pour mesurer son
environnement n'a pas la précision de ceux qui équipent la voiture de Google.
Il ne permettra pas demain que votre smartphone puisse conduire votre voiture.
Son manque de précision, la distance qu'il télédétecte, le fait qu'il n'observe
pas son environnement à 360° sont autant d'éléments qui le rendent inadapté à
certaines mesures et donc à certaines actions. Enfin, les capacités de
traitement des ordinateurs qui équipent les voitures de Google, le nombre de
signaux à traiter, la précision et la vitesse requise... n'ont rien à voir avec
celles des smartphones imaginés pour Tango.
Vidéo : comment fonctionne Tango.
Et pourtant, tous ces projets de radars personnels que l'on voit passer au
gré de l'actualité, entretiennent l'illusion que le futur est déjà là comme
disait le designer Nicolas Nova, le possible est déjà une perspective.
L'amélioration logicielle et la miniaturisation semblent nous promettre une
amélioration sans fin de leurs capacités, toujours capable de dépasser leurs
limites matérielles. Pourtant, entre le possible et le réel, force est de
constater qu'il faut souvent traverser la grande vallée de la désillusion.
Quel est le degré de précision de nos capteurs ?
Le problème est que nous connaissons bien mal les capacités des capteurs de
nos téléphones. Quel est le degré de précision de l'accéléromètre ou du
gyroscope de votre smartphone pour mesurer vos tremblements ? Votre smartphone
est-il doté de la dernière génération de capteur ou d'une plus ancienne ?...
Démultipliez la question par le nombre de téléphones accessibles sur le marché
passé, présent et à venir et le problème va prendre tout de suite une tout
autre ampleur.
A l'heure où les téléphones se dotent d'applications de santé, comme Google Fit ou Apple Health, à
l'heure où chaque téléphone permet d'accéder à des applications de santé, de
fitness ou de bien être, qui semblent nous promettre de surveiller avec
toujours plus d'acuité nos capacités physiologiques, à l'heure où les acteurs
de l'assurance envisagent d'utiliser ces capteurs pour redéfinir les risques
que prennent leurs assurés (voir "L'assurance
auto basée sur le comportement arrive en France", "Une
compagnie d'assurance qui paye les gens pour qu'ils restent en bonne
santé" et "Apple
approche les mutuelles pour divulguer nos comportements"), à l'heure
où la médecine est sommée de s'intéresser à ces applications du fait de
l'engouement des usagers, il nous a semblé intéressant de rappeler les limites
de ces promesses. Le futur est toujours un peu plus complexe que ce qu'on nous
en présente. Car si nos systèmes d'assurance ou de santé doivent demain reposer
sur les mesures produites par ces capteurs, qui nous assurera de leur validité
? Qui débrouillera la lourde question de la légitimité des applications, des
dispositifs, des capteurs ? A partir de quand un capteur devient-il
suffisamment fiable, "suffisamment
bon" pour proposer des données qui aient du sens ? Quelle est la
précision du micro que vous utilisez ? Permet-il d'écouter votre souffle si
vous êtes asthmatique et de détecter un trouble de votre capacité respiratoire
? Est-ce sa qualité propre qui le lui permet ou la qualité du logiciel qui
accompagne cette fonction (capable de réduire certains bruits et d'en amplifier
d'autres ?) ? En ce cas, votre téléphone est-il suffisamment puissant et fiable
pour faire fonctionner ce logiciel ? Quelle est la part d'erreur acceptable du
logiciel dans sa capacité à augmenter la détection d'un problème ?...
La qualité de votre caméra permet-elle de surveiller vos mélanomes, de
mesurer leur évolution en les prenant en photo, de ne pas tronquer leur
couleur, leur texture ? Le logiciel peut-il réparer les images insuffisantes en
qualités, surveiller leur évolution, même si vous les prenez en photo depuis
des distances différentes ?
Le degré de précision de votre accéléromètre permet-il de faire une mesure
fiable de l'évolution de vos tremblements liés à la maladie de Parkinson ? Que
se passe-t-il si l'application logicielle que vous utilisez est très bonne,
mais que le téléphone que vous utilisez est lui doté de capteurs qui ne le sont
pas, faussant les mesures réalisées ? Qui vous en informe ? Qui est responsable
? Vous, utilisateur inconscient ? Le développeur de l'application ? Le
constructeur du smartphone ? Vers qui se retournera la famille d'un coureur
mort d'un arrêt cardiaque parce que son téléphone lui indiquait que son rythme
cardiaque était optimal, alors qu'il était en arythmie ?...
De la fiabilité des capteurs
Chemisense est une startup qui vient de
mettre au point un capteur chimique portable rapporte
Rachel Metz pour la Technology Review. La startup ne sait pas encore
très bien comment elle va commercialiser son produit, mais elle semble sûre de
la qualité de sa puce, capable de "détecter la présence de produits
chimiques autour de vous en temps réel". La puce est capable de
détecter une douzaine de produits chimiques et de composés dont le benzène,
l'hexène, le dioxyde d'azote, le monoxyde de carbone et travaille à en détecter
19 autres. Mais, comme le souligne la journaliste de la Technology Review,
la technologie n'est pas aussi sensible que le voudrait la startup, en tout
cas, elles sont bien moins sensibles et précises dans leurs mesures que les
stations de surveillance de la qualité de l'air. Pour le chimiste et
environnementaliste Ted
Zellers, on peut certes utiliser différentes techniques pour détecter des
produits chimiques différents, mais le problème de la solution de Chemisense
est que si plusieurs produits chimiques sont présents simultanément, la
capacité du capteur à détecter les produits chimiques tombe à plat ! En outre,
la capacité de détection de ce type de capteurs est trop faible pour détecter
l'exposition dans des lieux fermés par exemple. Tant et si bien que quand
l'appareil ne produit pas de signal, comme quand il en produit un, on pourra se
demander s'il est réel ou pas...
Même chose avec d'autres spectromètres, comme Allergen
Beagle, le scanneur de nourriture domestique, un prototype conçu par
Sebastian Goudsmit qui permettrait de faire un test allergique sur n’importe
quel aliment pour en connaître la nature. L’idée : offrir un outil simple à
ceux qui, de plus en plus nombreux, sont victimes d’allergie alimentaire. Le
système serait ainsi capable de détecter la présence d’arachide, de crustacés,
de gluten, de lactose, de noisette, d’oeuf, de soja, d’amande et de sésame.
Dans la même idée, TellSpec (vidéo) est lui un scanner alimentaire de
poche, qui, grâce à un spectromètre à infrarouge connecté à un smartphone,
permettrait de détecter allergènes, produits chimiques, nutriments et calories
présents dans les aliments... Mais ces détections seront-elles fiables ? Que
mesurent-elles ? L'arachide par exemple est un assemblage de différentes
molécules dont certaines molécules sont différemment allergisantes selon les
individus. Quelles molécules mesurent précisément ces appareils ? Quelle sera
la complexité d'échantillonnage de la base de données permettant à l'appareil
de comparer ses mesures avec celles existantes pour identifier ce qui lui sera
montré ?... Vidéo : comment fonctionne TellSpec.
Ces exemples posent en creux la fiabilité des capteurs et des modèles qui
leur permettent de fonctionner. La réalité de ce qu'ils mesurent, les limites
de ce qu'ils sont capables de mesurer pose question à mesure qu'ils se
répandent. A partir de quand deviennent-ils efficaces ? Fiables ? Scientifiques
? Les dénégations des scientifiques sur les outils de mesure personnels ne sont
pas toujours sans fondements et les
interrogations des bricoleurs du Quantified Self sur la fiabilité des
différents capteurs à leur disposition également. Or, à mesure que les
capteurs se disséminent, promettent de tout mesurer, la réalité de cette mesure
pose question ? A nouveau, à partir de quand un capteur est-il suffisamment
précis pour être fiable ?
L'exemple des cardiofréquencemètres
Sharon
Profis, journaliste à Cnet.com a testé les cardiofréquencemètres, ces
bracelets qui surveillent votre état de santé. Et ce qu'elle en rapporte est
plutôt éclairant. En compagnie d'un cardiologue américain, elle a testé
plusieurs bracelets en même temps que le spécialiste mesurait avec un électrocardiographe
médical son rythme cardiaque… Et les résultats étaient parfois disproportionnés
entre les mesures officielles et les mesures de ces capteurs. Sur un tapis
roulant, l'électrocardiographe affichait ainsi un rythme cardiaque de 146
pulsations minutes, quand un Basis Carbon
Steel n'en affichait que 93 ! Elle a décidé de tester 5 de ces bracelets,
dotés d'une technologie optique, quand les électrocardiographes, eux, captent
les impulsions électriques de vos battements de coeur.
Ces moniteurs sont certes destinés aux utilisateurs occasionnels. Tous
indiquent d'ailleurs qu'ils conviennent à une utilisation occasionnelle, pas à
des usages médicaux ou à des athlètes de haut niveau. Les sportifs qui veulent
mesurer plus précisément leurs efforts ont intérêt à se doter d'appareils dotés
d'une sangle de poitrine ou à utiliser la bonne vieille méthode du doigt sur le
poignet… rappelle la journaliste. Image : Sharon Profis en plein test des cardiofréquencemètres, par CNet.
La biologie humaine rend les détections optiques que proposent les
bracelets-capteurs du marché difficile, explique la journaliste. La détection
optique nécessite que vous soyez immobile, que vous ne transpiriez pas…
Souvent, ils vous indiquent d'ailleurs que vous êtes trop actifs pour prendre
une mesure. En fait, rappelle la journaliste, les cardiofréquencemètres à
usages non médicaux ne sont pas soumis à la régulation de la FDA, l'agence
fédérale américaine qui autorise la mise sur le marché d'aliments et de
médicaments. Parmi les 5 appareils testés, seul le smartphone de Samsung avec
son moniteur intégré qui mesure le rythme cardiaque au bout des doigts plutôt
qu'au poignet a donné les mêmes résultats qu'un électrocardiogramme. La
transparence des doigts rendant la lecture optique plus facile qu'une lecture
optique au poignet.
L'amélioration des capteurs est bien sûr un enjeu industriel, à l'image de
ce nouvel accéléromètre proposé par mCube
que rapporte
la Technology Review : plus petit, plus précis, plus économe en énergie,
proposant un signal de meilleure qualité que ses prédécesseurs et moins cher.
Mais comment saurons-nous, nous, consommateurs, que le smartphone que l'on
achète en est équipé ? Quelle certification nous en informera ?
La précision un idéal inatteignable ?
Qui saura si le smartphone que vous vous apprêtez à acheter est équipé du
nouvel accéléromètre de mCube ou d'un accéléromètre contrefait, démodé ou peu
puissant ? Pourtant, la qualité de l'accéléromètre intégré dans votre téléphone
a une incidence directe sur les mesures que peut produire une application comme
SleepCycle, qui se propose d'analyser
votre cycle de sommeil simplement en plaçant votre téléphone sur votre matelas
afin que les capteurs de mouvements déterminent votre état de sommeil. On peut
se douter bien sûr que ce type de mesure sera toujours moins efficace que
l'utilisation d'un capteur spécifique.
Un capteur de sommeil spécifique pour le grand public, il y en a eu un : le
Zeo. Or, cet appareil de mesure du sommeil n'existe plus. Zeo a fermé en mai
2013 rapportait
Techcrunch, concurrencé par les capteurs comme Fitbit ou Jawbone, malgré
leur qualité bien moindre, comme le soulignait Joe
Betts-LaCroix qui en avait fait un comparatif. Zeo consistait en un capteur
qui se posait sur le front et qui mesurait les ondes alpha plutôt que les
mouvements durant le sommeil comme le font les bracelets ou les smartphones. Ce
capteur avait pourtant réussit des
tests de qualité montrant que les données qu'il produisait étaient assez
proches de la précision d'outils professionnels provenant d'un laboratoire
scientifique du sommeil. "Assez proche", mais pas aussi précises ou exactes... Et
c'est bien contre cette approximation que l'on bute toujours en évoquant le
problème des capteurs appliqués à la santé et au bien-être. Cette approximation
pose d'autant problème qu'elle repose sur un ensemble de dispositifs matériels
et logiciels, indépendants les uns des autres qui ont chacun leurs spécificités
et capacités.
La plupart des microcapteurs n'inspirent que méfiance aux spécialistes, qui
utilisent eux des capteurs plus puissants, plus précis et des modélisations ad
hoc, qui reposent sur la qualité du matériel, sur la rigueur des protocoles
d'usage et des protocoles scientifique, sur des échantillonnages, sur le rétrocalcul
pour vérifier voire corriger les calculs effectués. La précision est un idéal
inatteignable qui recule à mesure qu'on s'en approche. La réponse des
scientifiques à cette imperfection essentielle de toute mesure, c’est la mesure
de la mesure (la
métrologie), l’accumulation des mesures, des modèles, et la mesure de leurs
variations. Derrière toute mesure se dissimulent des modèles, des
représentations. Dont l'enjeu n'est pas tant de mesurer, que de mesurer des
écarts par rapport à des modèles.
Ces protocoles sont loin de l'empowerment et de l'émancipation que prônent
les promoteurs des applications, qui souvent proposent d'améliorer le modèle en
marchant, avec les utilisateurs. Enfin, si les modèles existent pour mesurer la
maladie, ils sont bien plus fragiles à mesurer le bien-être, c'est-à-dire les
variations de la norme elle-même...
La précision des mesures n'est pas agnostique aux usages. Et ces questions
viennent en concurrence avec celles des utilisateurs qui cherchent des outils
simples, capables de leur apporter le plus d'information pour un coût minimum,
peu sensible finalement à ces questions de fiabilité qu'ils pensent acquises ou
suffisantes, mais confus eux-mêmes entre leurs demandes, leurs besoins et leurs
espoirs. Et que la complexité de l'offre ne vient pas éclairer, notamment parce
sous couvert de simplicité, elle n'est pas suffisamment claire sur ses
possibilités et ses limites.
Bienvenue dans la jungle !
On trouverait plus de 100 000 applications de santé, de bien-être ou de
sport dans les stores d'Apple et Google, rapporte
la sociologue australienne Deborah Lupton (blog, @DALupton). Selon
Nielsen, 1/3 des Américains utiliserait l'une d'entre elles sur son
smartphone. Le problème est que nombre d'applications de "santé" ne
sont rien d'autre que des "applications de loisirs". L'essentiel
n’est homologué par personne. Elles sont seulement classées dans la catégorie
santé par les magasins d'applications et rappellent au mieux quelque part dans
leurs CGU qu'elles ne sont destinées qu'à "un objectif de loisirs" (for
entertainment purposes only). Si on met de côté les questions de respect de
vie privée qu'elles posent (et elles sont importantes, même si ce n’est pas
l'objet de ce dossier), leur caractère "médical" et la fiabilité de
ce qu'elles mesurent posent énormément de questions. Image : MyHealthApps, un site de
recommandation d'applications de santé britannique développé par Patient View.
Est-ce vraiment de santé dont on parle ?
"La question de la fiabilité des données n'a pas le même niveau de
"criticité" selon les usages qui sont faits des capteurs",
rappelle Olivier Desbiey de la Commission
nationale de l'informatique et des libertés. L'usage par un assureur des
données d'un podomètre ou d'un bracelet d'activité pour donner une indication
du niveau d'activité d'un assuré n'est pas de même nature que l'usage d'un
capteur ou d'une application pour des questions médicales, dans le cadre d'un
diagnostic ou du traitement d'une pathologie. Il existe au niveau européen, une
législation sur les dispositifs médicaux qui vise expressément à s'assurer de
la fiabilité de ces capteurs et applications pour certifier leur intérêt. La
balance Withings par exemple dispose
d'un marquage CE médical, alors que l'application, elle, n'en dispose pas.
En France, pour obtenir un marquage CE médical (CE pour conforme aux exigences),
c'est l'Agence nationale de sécurité du
médicament et des produits de santé (ANSM) qui a autorité. Pour Thierry
Sirdey, son directeur général adjoint, la prise en compte du logiciel en tant
que dispositif médical est récente. Cependant, l'agence s'intéresse surtout aux
logiciels professionnels, c'est-à-dire qu'elle s'intéresse d'abord aux
applications à finalités médicales, celles qui servent ou aident au traitement
ou au diagnostic. Ce qui n'est pas le cas de l'immense majorité des
applications de "santé".
Pour obtenir un marquage CE il faut solliciter une démonstration de
conformité. C'est le cas par exemple de certaines applications du suivi du
diabète ou du calcul du taux d'insuline. Mais au sein des magasins
d'application de santé, un grand nombre sont destinées à des finalités
éducationnelles ou au suivi sportif ou de bien-être et n'ayant pas de finalités
médicales, n'ont pas à demander d'autorisation, pour autant qu'elles ne
prétendent pas le contraire (ce que l'ANSM et les autorités de santé
européennes ou américaines surveillent). Mais force est d'être réaliste... "Parmi
les 100 000 applications de santé, certaines sont en contravention avec les
règles qui s'appliquent en Europe. Ce constat des autorités européennes
n'exclue pas des actions bien sûr, même si celles-ci sont difficiles à
mener." "C'est un monde complexe", concède Thierry Sirdey. Qui
rappelle que ces applications doivent être abordées avec la plus grande
attention par le grand public, qui ne doit pas hésiter à aller chercher un avis
des professionnels de santé sur les applications qu'il souhaite utiliser. "Ce n'est pas l'usage qui fait le statut d'une application, mais la
destination de l'usage faite par le fabricant". Prenons l'exemple des
applications qui permettent d'observer les mélanomes par exemple. Si la plupart
de ces applications font penser à un dispositif médical, elles n'en sont pas.
Elles n'ont qu'un but éducationnel. Elles ne dispensent pas d'une consultation.
Pour l'ANSM, les développeurs d'applications doivent clarifier les finalités de
leurs produits. Si une application de ce type propose une aide au diagnostic ou
indique de consulter, alors il reviendrait au fabricant de faire la
démonstration de sa validité : les critères de luminosité, de précision d'image
nécessaire et suffisante au bon fonctionnement de son application. "A
défaut, le téléphone n'est pas un capteur de santé. Google et Apple ne
proposent pas une application de santé !"
Un propos pas si simple à entendre pour les utilisateurs... Qui revient à
leur dire méfiez-vous... et débrouillez-vous ! Même si le constat est juste :
Apple Health et Google Fit sont des outils pour les gens en bonne santé, pas
vraiment pour les autres.
La plupart des applications de santé n'en sont pas
"Si on veut garder accès à l'innovation et être réaliste vis-à-vis
de la situation, de ce tsunami d'applications mobiles, il faut reconnaître
qu'il est impossible pour les autorités compétentes d'évaluer et contrôler
l'ensemble de ces 100 000 applications avant leur mise sur le marché, même pour
vérifier si elles doivent être marquées CE. L'information maîtrisée des
patients et des professionnels de santé reste donc notre meilleure arme."
Pour Thierry Sirdey, l'enjeu est de développer des applications de santé qui
répondent aux exigences médicales... et pour les autres, développer une
réglementation de sécurité générale des produits.
Pour le professeur Jacques Lucas, qui finalise un livre blanc sur le sujet
pour le Conseil de l'ordre
des médecins dont il est vice-président, en terme de fiabilité, l'usager
doit être informé en terme clair et accessible des limites des applications
qu'il utilise (MAJ : le
livre blanc sur la e-santé est paru). Il est nécessaire que les dispositifs
se déclarent en conformité avec des standards portant sur la fiabilité, mais
également sur la protection des données. Pour s'assurer que ces déclarations
soient conformes, il faut que les autorités sanitaires puissent faire des
contrôles aléatoires. A un stade plus évolué, on pourrait imaginer une
labellisation qui consisterait en une déclaration de conformité auquel on
pourrait ajouter un label délivré par des associations de patients ou les
autorités. Enfin, au stade supérieur, les dispositifs entrent dans le cadre des
dispositifs médicaux, certifiés par l'ANSM. "Aujourd'hui, les frontières ne sont pas très claires entre la
e-santé, la télémédecine et la santé mobile", concède Jacques Lucas.
Et il faut trouver les moyens pour combler le vide entre des systèmes de
télémédecine très réglementés et le monde des applications qui ne l'est
quasiment pas. "La difficulté est qu'il ne faut pas bloquer
l'innovation, sans pour autant verser dans la prétention que parce que c'est
innovant c'est merveilleux". La médecine doit donner des lignes
directrices aux utilisateurs et des standards pour consolider le marché.
Du côté de la labélisation, force est de constater que les plateformes qui
accueillent ces applications ne développent aucune politique, autre que le
libre commentaire des clients. Il existe quelques places de marché où certains
acteurs cherchent à évaluer, de manière indépendante, les applications en
fonction de leur fiabilité, comme DMD Santé
ou MedApp Care par exemple. Pour
Thierry Sirdey, ces initiatives sont intéressantes, car elles permettent
d'informer le grand public. La NHS britannique a ainsi labellisé certaines
applications. Reste que le problème est toujours le même : les évaluations
doivent arriver à suivre le rythme de l'innovation. Jacques Lucas également
salue ce genre d'initiatives, même s'il pose la légitime et nécessaire question
de l'indépendance de ce type de classements...
L'homologation en question
De l'autre côté de l'Atlantique, les choses ne sont pas beaucoup plus
claires. "La demande pour des applications mobiles médicales et la
surveillance des patients à distance est en pleine croissance",
explique Jeannette Tighe du cabinet de conseil et de R&D d'applications de
santé Sagentia pour la Technology
Review. En 2015, 500 millions d'utilisateurs de smartphones dans le
monde vont utiliser des applications de santé et cette utilisation va s'accélérer
avec le vieillissement de la population. Outre le fait que ces dispositifs se
révèlent pour beaucoup peu coûteux, leur utilisation, souvent simple, facilite
leur appropriation. Aux Etats-Unis, la Food and Drug Administration (FDA)
chargée d'homologuer les dispositifs de santé, a créé trois catégories :
celle
des applications non réglementées, qui est la plus vaste, où l'on retrouve
l'essentiel des applications ;
celle
des applications "centrées sur la maladie, qui fonctionnent comme des
calculateurs professionnels permettant par exemple de mesurer sa pression
artérielle, ou qui apportent un soutien pour les patients qui souffrent de
maladie cardiovasculaire, d'hypertension, de diabète ou d'obésité ;
et enfin
les applications réglementées, qui réglementent les dispositifs médicaux
qui pourraient causer des dommages aux patients s'ils s'avéraient
défectueux comme les pompes à perfusion.
Sur 43 000 applications de santé disponibles en 2013, seulement 103 ont été
réglementées par la FDA ! Et pourtant, les choses s'améliorent. La FDA a défini
une voie réglementaire plus claire pour les applications de santé en proposant
la dérégulation des systèmes d'agrégation de données. L'idée, pour faire
simple, est que la FDA se concentre sur l'homologation des dispositifs sans
s'intéresser aux logiciels et aux smartphones. Par exemple, il va valider le
dispositif que développe Setpoint
Medical (un appareil de neurostimulation pour traiter l'inflammation) sans
s'intéresser à l'application qui va servir à le configurer... Ni aux modèles
économiques de ces nouveaux systèmes...
Dans le cas du VeriHaler
de Sagentia, un dispositif munit d'un micro qui se fixe sur un inhalateur pour
évaluer à la fois la régularité de la prise du traitement et, par le son, si
celui-ci a été utilisé correctement, c'est ce dispositif seulement qui est
évalué par les autorités compétentes, pas le service, ni l'application, ni le
système de stockage et de sécurisation des données des patients. A
l'heure où le logiciel a une incidence forte dans la correction des mesures
effectuées, où l'application est au coeur de l'usage, on peut rester
circonspect devant cette manière d'envisager les choses.
Médecine, santé : les raisons du brouillage
Au final, on a l'impression que le monde médical se focalise sur les
appareils, les dispositifs médicaux, laissant les utilisateurs se débrouiller
avec les applications qui ne relèvent pas vraiment de la santé, même si elles
en portent le nom. Qu'importe si de plus en plus d'applications fonctionnent
sans aucun dispositif externe, utilisant les capacités des smartphones pour une
documentation de soi inédite, à l'image de Priori, une application pour aider à
traiter la schizophrénie qu'évoquait récemment Wired.
Priori,
développée par des chercheurs de l'université du Michigan, est une
application qui utilise le micro du téléphone pour analyser en permanence la
voix de l'utilisateur et notamment tenter de détecter les épisodes maniaques,
quand la parole devient forte et rapide, erratique ou au contraire, les pauses
longues entre les mots qui indiqueraient plutôt un moment dépressif. L'enjeu :
donner au patient un moyen pour détecter les changements de son comportement et
peut-être prévenir les phases de modification de la personnalité. Ces
applications sont en cours de réglage pour régler les paramètres avec des
patients cobayes... Les chercheurs travaillent avec eux pour observer si les
données enregistrées permettent de trouver des signaux pour détecter les
changements de comportements chez ces personnes. Pour le professeur Jeffery
Lieberman du centre médical de l'université de Columbia, il est difficile de
s'assurer qu'une application fait vraiment ce qu'elle dit faire. Or
quand on constate l'inquiétude de chercheurs sur l'analyse du stress vocal par
exemple, ces outils qui remplacent le détecteur de mensonges par la mesure
du changement d'intonation de la voix assistée par ordinateur et qui se
répandent très vite auprès des agences et des départements de police aux
Etats-Unis, on peut effectivement douter de la capacité d'un micro et d'un
logiciel à produire des résultats suffisamment fiables ! Cela ne veut pas dire
que l'application ne creuse pas une piste intéressante pour ce type de
patients... Mais qu'il est essentiel d'en pointer les limites.
Peut-être que pour comprendre l'enjeu du débat, il faut faire un pas de côté
et voir que l'essentiel des applications ne relèvent effectivement pas de la
médecine, mais concordent avec l'essor des technologies de soi ou technologies
réflexives (qui vont de la publication personnelle aux outils du Quantified
Self), ainsi qu'avec celui du "développement personnel", comme
l'analyse le sociologue Nicolas Marquis dans le livre qu'il vient de faire
paraitre sur le sujet Du
bien-être au marché du malaise : la société du développement personnel
(voir
la très complète recension du livre sur La vie des idées).
Le débat sur les applications de santé montre surtout que nous sommes dans
un brouillage entre médecine et santé, entre soin et prévention. La montée des questions
de développement personnel et de bien-être vient perturber la médecine, en
apportant en contrepoint du modèle social du soin la question de l'autonomie
individuelle. Deux mondes semblent s'affronter autour de ces nouvelles
questions, sans pour l'instant parvenir à trouver un terrain d'entente.
Et si on devenait sérieux ?
Kiera Butler pour
MotherJones rapportait récemment l'histoire de Julie Hudak, une
Américaine qui a téléchargé une application permettant de diagnostiquer les
mélanomes. Son mari et sa belle-soeur en étant morts, la jeune mère était
particulièrement inquiète des grains de beautés et autres taches sur la peau de
ses trois enfants. L'application est assez simple. Il suffit de prendre en
photo les grains de beauté et elle vous indique en retour leur dangerosité.
Même si elle avait montré récemment ses enfants à un dermatologue, la jeune
femme a paniqué quand l'application a fait une alerte rouge sur l'un des grains
de beauté...
La journaliste rapporte des études plutôt inquiétantes sur le sujet. Des
chercheurs du centre médical de l'université de Pittsburgh ont testé 4 applications
de diagnostic du cancer de la peau et trois d'entre elles ont raté 1/3 des
mélanomes qui lui étaient soumis. Le
laboratoire pharmaceutique Pfizer a rappelé une de ses applications de
rhumatologie quand elle a constaté que les mesures qu'elle proposait étaient
inadaptées...
A qui profite la confusion ?
Pour Kiera Butler, le discours marketing des développeurs d'application est
trop souvent volontairement confus. Certes, comme
nous l'avons expliqué, l'essentiel des applications proposées sur les
magasins d'applications de nos smartphones ne relève pas de la santé, mais alors
pourquoi entretenir une telle confusion ? D'un côté, les entreprises
technologiques soutiennent qu'homologuer ou labéliser ces applications
étoufferait l'innovation... De l'autre, des médecins estiment que renforcer les
règles découragerait au moins les développeurs les moins sérieux.
Pour le docteur Dominique Dupagne, fondateur du forum médical Atoute.org, le développement des applications
est un foisonnement darwinien qui ressemble surtout "au marché des
farces et attrapes". Non, les applications ne vont pas révolutionner
la médecine, assène-t-il avec raison. La médecine a assez rarement besoins de
capteurs qui mesurent les choses en continu. "Le besoin de
certification est inexistant pour la plupart de ces applications à part pour
rassurer les gens inquiets", tranche le médecin. Nous sommes plus dans
un monde du jouet, du bien-être, du fitness que de la santé. Le problème est
surtout lié à l'emballement autour de ces outils, comme s'ils allaient résoudre
les problèmes de santé du moment, remplacer les médecins débordés, remplacer la
médecine... Nous en sommes loin !
Bref, si on a un peu l'impression que le monde médical se désintéresse des
problèmes des utilisateurs... Le monde des développeurs, en faisant semblant de
nous proposer des solutions, ne fait pas mieux.
Les applications de santé ne touchent pas ceux qui en auraient le plus
besoin
À mesure que la moindre de nos activités sont "appiffiées"
(transformées en application), les développeurs affluent sur les marchés
saturés du jeu et du fitness, s'énerve JC Herz
(@jcherz) pour Wired,
oubliant ceux qui pourraient le plus en bénéficier : les vieux, les malades
chroniques, les pauvres…
En octobre dernier, Herz a assisté à la conférence Wearables+Things, qui semble avoir
surtout proposé une surenchère dans les dispositifs de fitness connectés pour
analyser les performances sportives des gens en meilleure forme et avec un gros
portefeuille. Pourtant, Kabir Kasagood, directeur du développement de Qualcomm Life qui fabrique les puces
utilisées dans nombre de ces gadgets, a exhorté les développeurs à se
confronter à la friction réglementaire de la FDA pour faire homologuer leurs
dispositifs. "Il y a une énorme pénurie d'innovation dans le domaine de
la santé", a-t-il insisté, alors que c'est là où est l'argent. Mais
cela nécessite de se confronter à la paperasserie, à la réglementation, aux
essais cliniques, à s'intégrer avec des systèmes existants et ennuyeux, à être
exigeant sur la sécurité et sur les données des utilisateurs… Bref, à faire un
travail un peu plus complexe que mettre en ligne une application sur un magasin
d'application.
Quelques minutes plus tard, le directeur marketing de iStrategy Labs a fait
la démonstration de Dorothy,
un dispositif qui se clipse à la chaussure pour vous permettre d'appeler une
voiture Uber si vous tapez trois fois le sol avec votre talon ! Le plus gros
succès de la conférence, ironise Herz. Effectivement, voilà un gadget qui va
changer le monde !
Les jeunes développeurs instruits et les entrepreneurs en bonne santé ne
travaillent qu'au développement de gadgets utiles marginalement, utiles
pour des gens comme eux, insiste Herz. Tous ces gadgets sont avant tout
destinés aux gens en bonne santé.
Pour verser encore une autre pièce au dossier, Salon.com
revenait récemment sur le fait que nos équipements de sports nous mentent.
Des études du Centre
de performance humaine montrerait que les machines que nous utilisons
(vélo, tapis de course…) ne sont pas très précises sur le nombre de calories
que nous brûlons en faisant du sport : elles auraient tendance à les surestimer
d’environ 20% en moyenne parce qu’elles ne prennent pas en compte l’âge et le
poids de leurs utilisateurs, ou d’autres facteurs comme la graisse du corps, sa
température, les changements hormonaux.
L’article recommande plutôt d’utiliser les traceurs d’activité, mais là
encore, il pointe certaines de leurs erreurs. Le Fitbit One qui serait l’un des
meilleurs du marché ne détecte pas le nombre de marches que l’on gravit, car il
ne contient pas d’altimètre ! Selon
un article du New York Times qui revient sur une autre étude, ces
capteurs de remise en forme s’ils savent être fiables pour le sport à haute
intensité, ne savent pas mesurer des activités de plus faible intensité, comme
faire le ménage… Certains capteurs de poignets ne mesurent aucune activité
quand on fait du vélo d’appartement et que votre bras ne bouge pas ! “La
plupart des marques de trackers utilisent des algorithmes et des formules qui
n’ont pas été testées dans des laboratoires indépendants et comme leurs
formules ne sont pas disponibles, il est donc impossible de savoir comment ils
saisissent leurs informations”, conclut un expert.
Autant d'exemples qui montrent que ces capteurs ne s'adressent pas aux gens
qui en ont le plus besoin. Or la population qui a le plus à gagner de
l'amélioration de la santé n'est pas concernée. Pas
étonnant que plus de la moitié des consommateurs qui ont acheté un tracker
d'activité ne l'utilise plus au bout de 6 mois !
45% des Américains sont aux prises avec au moins une maladie chronique,
rappelle Herz en citant un sondage du Pew internet center.
Seulement 40% de ces malades disposent de moyens pour suivre l'évolution de
leur problème via des indicateurs de santé. Aux Etats-Unis en 2014, 2,8
milliards de dollars ont été dépensés en dispositifs médicaux portables et ce
chiffre devrait passer à 8,5 milliards de dollars d'ici 5 ans. Or, si l'on
prend tous les bracelets de fitness et les montres intelligentes vendues en 2014
et qu'on multiplie ce chiffre par 6, on ne parvient même pas aux 6,3 milliards
de dollars que rapporte le marché américain des tests de glycémie ! "A un certain moment, il faut nous demander si c'est juste la
friction créée par la réglementation de sécurité de l'industrie de la santé
américaine et son processus d'homologation par la FDA qui pose problème ou si
c'est l'idée qu'un jeune ingénieur doive développer des technologies pour des
personnes qui ne sont pas comme eux qui pose problème", conclut JC Herz.
Pour perturber le marché de la santé, il va falloir franchir le pas qui
sépare le confortable monde du bien-être de celui du monde médical.
Le professeur de pédiatrie Aaron E. Carroll, dans
une tribune pour le New York Times, enfonce le clou dans sa critique
de l'application de santé d'Apple. Les patients les plus âgés, les personnes
très malades et les pauvres, ceux qui ont le plus besoin d'aide - seront les
moins susceptibles d'utiliser ces outils. Quant aux médecins, ils ne veulent
pas recevoir ces données quotidiennes et ne souhaitent pas être tenus pour
responsables d'avoir manqué un relevé anormal - et
ce d'autant plus si les capteurs ne sont pas fiables !
Sans compter que les malades non plus ne sont pas toujours à même d'être
confrontés à la technologie. Quand la technologie rappelle à l'ordre des
adolescents diabétiques, la plupart d'entre eux cessent d'utiliser leurs
appareils plutôt que de se conformer à ce qu'ils leur disent.
Des mondes qui ne se parlent pas
Finalement, le monde des applications de santé qui ne sont que des
applications de loisir paraît bien confortable à tout le monde. Au corps
médical qui lui dénie toute scientificité et ne s'en préoccupe pas vraiment.
Aux développeurs qui exploitent ainsi une niche profitant de la crédulité des
gens. Aux innovateurs qui pensent transformer la médecine alors que la rupture
entre les deux mondes n'a peut-être jamais été aussi profonde.
Il serait temps que ces mondes se rencontrent vraiment. Que la médecine
s'intéresse aux applications de santé et que les développeurs s'intéressent à
la médecine. Que les seconds relèvent les défis de l'homologation et de la
certification. Que les premiers regardent avec plus d'attention les
possibilités de ces outils. Et qu'on arrête de laisser les utilisateurs au
creux du gué.
Hubert Guillaud
cybersantémardi 11
novembre 2014
«Le Big Data révolutionne l’industrie de l’assurance»
Séverine Rion Logean: «Cela ne me
pose aucun problème d’imaginer qu’une assurance octroie un bon de
réduction dans un fitness à l’assuré qui prend soin de sa santé et donc
limite les coûts.» (Roland Schmid)
L’exploitation des données permettrait de réduire les coûts de la
santé. A Swiss Re, Séverine Rion Logean développe les modèles de
prédiction
A l’avenir, un quinquagénaire, fumeur, sédentaire et
amateur de gras paiera-t-il des primes d’assurance maladie plus élevées
que son contemporain marathonien et adepte de nourriture bio? Si la
question peut choquer ou réjouir, elle est au cœur des réflexions de
l’industrie de l’assurance vie et maladie. Car avec l’avènement des «Big
Data» et de la numérisation des données médicales, cet avenir où chacun
disposera d’une assurance personnalisée n’est bientôt plus de la
science-fiction.
Chez Swiss Re, Séverine Rion Logean
œuvre au sein du département de recherches et développement dans le
secteur de l’assurance vie et maladie. Depuis dix ans, elle analyse,
modélise et anticipe les changements dans l’industrie de l’assurance
engendrés par l’exploitation des données. Rencontre à Bâle, la semaine
dernière, lors de la première édition des conférences Lift consacrée aux
sciences de la vie et à la pharma.
Le Temps: Avec le Big Data, l’industrie de l’assurance maladie vit une grande métamorphose. Doit-on se réjouir?
Séverine Rion Logean:
Oui, bien sûr. La combinaison des données offre de belles
opportunités, comme l’anticipation de certaines maladies, une meilleure
gestion des coûts de la santé, ainsi que la fin des traitements
inutiles. C’est donc une chance à saisir pour autant que les acteurs de l’industrie de l’assurance respectent la protection des données.
– Les algorithmes ouvrent le champ très rentable de
l’analyse prédictive. Quelles sont vos prédictions sur le futur de la
relation entre l’assureur et l’assuré?
– J’espère que les assureurs vont faire preuve d’une
grande rapidité d’innovation pour reconnaître les changements engendrés
par le Big Data et la collecte de données. Et qu’ils intègrent surtout
dans leur réflexion l’émancipation des géants de la technologie [Google
par exemple, ndlr] qui investissent dans le secteur. Car à l’avenir, je
prédis des collaborations stratégiques entre les assureurs et les
acteurs des nouvelles technologies. Nous profiterions de leur expérience
dans la gestion des Big Data. Quant à eux, ils jouiraient de notre
savoir-faire dans la gestion des risques et le calcul des primes. La numérisation de la santé génère une immense opportunité économique en Suisse. Qui va s’en emparer?
– Plusieurs acteurs. A commencer par les grands moteurs
de recherche qui vont devenir encore plus grands au niveau
international. Mais aussi des intermédiaires nationaux et locaux comme
des compagnies de télécommunications [Swisscom par exemple, ndlr] et des
start-up. Elles aussi auront leur part du gâteau. – L’enjeu est donc d’abord économique?
– Oui, mais il va de pair avec la santé et l’individu.
Prenons le cas fictif d’un assuré qui, grâce à ses données médicales
combinées aux informations sur son hygiène de vie, apprend qu’il
augmente sa probabilité d’être victime d’un infarctus dans vingt ans. En
connaissant cette donne, il peut prendre des mesures pour diminuer ce
facteur risque. Il y va de son libre arbitre. La cybersanté
responsabilise l’assuré. – C’est donc le principe du pollueur payeur?
– Ce principe ne sera jamais accepté en Suisse.
J’entrevois plutôt un système dans lequel le pollueur ne paiera pas plus
que ce qu’il débourse actuellement. Mais le citoyen qui trie et
respecte l’environnement sera récompensé pour son comportement
exemplaire. D’ailleurs, ce système existe déjà en Suisse. –
Aux Etats-Unis, l’Affordable Care Act autorise l’indexation des primes
sur l’effort fourni par l’assuré pour rester en bonne santé. En
sera-t-il de même en Suisse?
– Je ne suis pas une experte du système américain, mais
je trouve le concept intéressant. L’une des conséquences de la
cybersanté, c’est la soi-disant «gamification» des données. Je remarque
que l’on peut motiver les gens par des récompenses financières ou
d’autres avantages. Cela ne me pose aucun problème d’imaginer qu’une
assurance octroie un bon de réduction dans un fitness à l’assuré qui
prend soin de sa santé et donc limite les coûts. C’est un contexte dans
lequel tout le monde est gagnant; l’assurance comme l’assuré. – Mais les coûts «personnalisés» vont à l’encontre du principe de solidarité qui sous-tend la LAMal.
La LAMal prévoit une assurance aux mêmes conditions pour
tout le monde, se basant sur trois catégories: enfants, adolescents et
adultes. J’imagine que ce modèle de calcul de primes ne se fera que sur
les complémentaires et les assurances vie privées. –
La stratégie de la cybersanté est au cœur des préoccupations du Conseil
fédéral depuis 2007. Mais elle ne s’est toujours pas imposée, hormis
dans certains cantons comme Genève. Pourquoi?
– La question de la protection des données. Les citoyens
ont peur de partager ce type d’informations tant qu’ils ne savent pas
comment elles seront exploitées et où elles sont stockées. Selon moi,
c’est actuellement un des principaux défis: convaincre et rassurer les
Suisses en fournissant les réponses politiques et technologiques
adéquates. Il y a un énorme travail de sensibilisation à mener. –
Selon les chiffres de Santésuisse, le secteur de la santé pèse
63 milliards de francs. Avec la numérisation de ce marché, faut-il
s’attendre à la venue de nouveaux acteurs?
– Oui. Je les appelle les intermédiaires, comme les
entreprises actives dans la standardisation, le stockage, la protection,
mais aussi la modélisation des données. – L’issue de
la votation du 28 septembre sur la caisse unique a révélé une certaine
méfiance des Suisses – notamment en Suisse romande – à l’égard de leur
assureur. La cybersanté peut-elle inverser la tendance?
– C’est peut-être un moyen d’y parvenir. http://www.letemps.ch/Page/Uuid/be0c7080-6918-11e4-9336-64010dd617df/Le_Big_Data_r%C3%A9volutionne_lindustrie_de_lassurance
Le médecin et la société
Bertrand Kiefer: «L’information est entrée au cœur de la médecine»
A la veille du premier grand
rendez-vous romand et interactif entre la santé et le public qu’il
organise, Bertrand Kiefer interroge l’évolution de ce lien.
Quel est le but de ce premier grand salon suisse de la santé?
D’organiser un événement tourné vers la santé publique. Il ne
s’agit pas de réaliser une manifestation où l’on vend des surfaces aux
pharmaciens ou aux cliniques. Le but est d’apporter quelque chose au
patient que nous sommes tous en puissance, que chaque visiteur apprenne,
découvre, dialogue autour de tout ce qui constitue sa santé.
L’exact contre-pied d’internet, en fait?
Mais oui. Aujourd’hui, en cas de problème, le gens cherchent des
réponses sur le web. C’est une bascule massive, mais aussi assez récente
dans l’histoire de la médecine. Leur savoir en santé devient à la fois
très théorique et très virtuel. D’où la volonté d’un salon orienté sur
la rencontre et l’expérience.
Il existe aussi beaucoup de sites et autres forums de patients atteints de telle ou telle maladie. C’est plutôt bien, non?
ça me paraît en effet un aspect plutôt positif. Pour la personne
atteinte d’une maladie chronique, par exemple, recevoir des astuces pour
soulager la douleur ou vivre au quotidien aide à se sentir moins seul
et démuni.
La médecine moderne n’a-t-elle pas un peu raté ce virage de la communication?
J’ai envie de répondre: sans doute, comme beaucoup d’autres
professions. Nous avons complètement dépassé les années 1980 où régnait
encore un certain paternalisme médical. On a commencé à parler de
l’autonomie du patient, puis des outils donnant aux gens la capacité de
«faire face» à une médecine de plus en plus puissante. Maintenant, on
évoque la «littératie en santé».
C’est-à-dire?
Donner une véritable culture à la personne, qui va bien au-delà
de la simple information, afin qu’elle puisse être co-responsable de son
traitement ou des choix qu’elle doit faire. Les traitements sont de
plus en plus complexes. On ne peut pas se passer de la participation des
patients. Ils doivent avoir compris ce qui se passe, sans quoi il n’est
pas possible de les soigner. Et puis, plus personne n’est en bonne
santé désormais. Chez tout le monde, la médecine découvre des
prédispositions à telle ou telle pathologie. Dire: «Vous êtes guéri»
n’est plus possible. On peut guérir d’une maladie particulière, mais pas
des risques et des prédispositions avec lesquels il faut apprendre à
vivre.
Une perspective un peu anxiogène, non?
C’est le corollaire d’une médecine de plus en plus pointue, de
plus en plus prédictive. Tout le monde se retrouve face à des
perspectives à long terme, alors qu’avant on vivait jusqu’à l’arrivée
d’un pépin qu’on assumait sur le moment. Cette évolution complique aussi
la tâche des soignants, parce qu’on ne peut pas tout prévoir et qu’il
faut faire des choix. Mais lesquels? Selon quels critères? Personne n’a
véritablement de réponse pour l’instant.
Mais dans le dialogue du médecin avec son patient, l’évolution n’a-t-elle pas pris beaucoup de temps?
C’est vrai. On est parti de loin, d’une époque où un chirurgien
ne disait pas grand-chose des risques, des conséquences. Aujourd’hui,
celles-ci sont encore plus nombreuses avec une science médicale de plus
en plus pointue. Va-t-on opérer avec un robot? En endoscopie? Quels sont
les avantages ou les inconvénients? Le chirurgien ne décide plus seul.
L’information entre au cœur de la médecine. Il ne s’agit plus d’un
à-côté. C’est au centre. Il y a donc cette information à donner aux
gens, mais il y a aussi l’information liée aux patients, toutes les
données cumulées sur chacun.
Et puis, désormais, la notion d’erreur médicale n’est plus taboue…
Un peu moins, en tout cas. La situation américaine, où tout
devient juridique et affaire de gros sous, avec des assurances qui
coûtent tellement cher aux médecins qu’ils doivent doubler leurs tarifs,
constitue à mes yeux un repoussoir. En revanche, les erreurs doivent
pouvoir être dites et prises au sérieux. La première question est: y
a-t-il vraiment erreur? Si oui, il faut voir où elle se situe entre
l’erreur inévitable et la faute grave. La réponse n’est pas facile. Pour
écouter les gens et essayer de les conseiller, un espace patients est à
disposition au CHUV, un centre de médiation aux HUG. Ou encore, la FMH
propose l’aide d’un bureau d’expertises. Dans tous les cas, ce qui est
fondamental, c’est que le médecin parle avec le patient. Même s’il a
fait une faute. Parce qu’avant tout, le patient a besoin d’une chose: la
vérité.
Le praticien prend alors un risque…
Oui, celui qu’une petite minorité aille plus loin, sur le plan
juridique. C’est pour cela que je trouve que pour l’instant, en Suisse,
la puissance judiciaire face aux erreurs d’un médecin reste bien dosée.
Vous parlez de dérive possible vers une marchandisation de la médecine. Qu’est-ce que cela change dans le rapport aux patients?
La médecine a toujours représenté un vaste marché. Reste que,
comme dans bien d’autres domaines, l’économie prend de plus en plus le
dessus. On ne parle alors plus que de chiffres, de maîtrise des coûts.
Du côté des entreprises, des privés, on se bat pour vendre, pour avoir
une part du gâteau, pour faire consommer de la santé aux gens.
Et de temps en temps, ce sont les médecins eux-mêmes qui réclament un peu plus d’argent…
Il faut dire que le médecin, surtout le généraliste, gagne moins
que ses prédécesseurs. C’est l’une des raisons qui expliquent qu’il y en
a de moins en moins. Et de plus en plus de femmes parmi eux. Ce qui
n’est pas un mal en soi, mais c’est aussi le signe d’une perte de statut
social du généraliste.
Parce que le spécialiste conserve une sorte de
pouvoir ex nihilo, alors que le généraliste doit développer un dialogue
permanent?
C’est cela qui est étrange. Parce que l’on entend tout le temps
que la gestion de la complexité médicale par le dialogue devient
primordiale aujourd’hui. Alors que cette tâche est mal reconnue par la
société qui lui préfère le mystère de la haute technologie et a tendance
à idolâtrer le grand chirurgien et son geste sacré. A mon sens, il est
aussi difficile d’être un excellent généraliste, c’est un savoir-faire
tout aussi important et complexe. A quand un généraliste suisse de
l’année?
Le fonctionnement de notre assurance maladie ne
pousse-t-il pas à sortir du modèle d’un médecin de famille connaissant
par cœur chacun de ses patients?
Il y a là un grand danger. Si l’on observe les autres systèmes
de santé, ceux qui offrent la meilleure qualité à coût mesuré sont ceux
qui mettent la médecine générale au centre. Il faut donc au contraire
la renforcer, d’autant que c’est aussi elle qui tient le mieux compte
par exemple des patients les plus vulnérables. Cette pénurie de
généralistes reflète une société où la technologie est valorisée. Les
gens ont de plus en plus besoin de rapports humains et de compréhension,
mais en même temps, c’est la consommation de petits objets high-tech
qui est valorisée.
Et le succès des médecines alternatives?
Pourquoi pas. Ce qui est intéressant, c’est que ce type de
thérapeutes proposent une pratique justement enrobée d’un certain
mystère qui existe moins pour la médecine générale qui est dans
l’approche scientifiquement validée et le dialogue. Mais là aussi, le
fonctionnement des points Tarmed qui minutent chaque prise en charge
rend le maintien de la dimension humaine plus compliqué.
On comprend donc que la plupart des jeunes médecins choisissent d’autres voies…
Hélas, oui. D’autant qu’en début de carrière, les généralistes
sont souvent obligés de faire des gardes, contrairement aux
spécialistes. Le chirurgien orthopédiste installé gagne trois fois ce
que gagne le généraliste, et en plus il a ses soirées et ses week-ends
pour lui. On peut admettre que cela fasse réfléchir à l’aube d’embrasser
telle ou telle carrière.
Autre grand enjeu, à votre sens, la sécurité des patients…
… Qui passe aussi par une meilleure information. Exemple: si une
personne connaît les statistiques d’un petit service d’un petit hôpital,
peut-être choisira-t-elle d’aller un peu plus loin dans un grand centre
universitaire avec de meilleurs taux de réussite. Mais là aussi existe
le risque déjà patent aux Etats-Unis, celui que certains établissements
ou praticiens refusent les cas difficiles pour soigner leurs
statistiques. Un autre exemple d’un dangereux glissement vers la santé
business.
Et le risque de médecine à deux vitesses, n’en
sent-on pas les prémices en découvrant par exemple que 19% des Genevois
renoncent à certains types de soins faute de moyens?
Une manière plus traditionnelle pour acquérir une police d’assurance maladie. (Reuters)
Le président Barack Obama en appelle aux meilleurs informaticiens
du pays pour réparer les bugs du système. Mais il souligne que la
réforme ne se limite pas à un site internet
Cinq millions de codes à réécrire. Fausses informations au sujet
d’internautes intéressés par une assurance maladie. Données perdues ou
effacées. Mille et une difficultés pour se loguer. Le lancement du site
internet HealthCare.gov, le 1er octobre dernier, ouvrant aux Etats-Unis
un marché en ligne pour acquérir une police d’assurance maladie, n’a pas
été aussi simple que ce que le président américain Barack Obama
anticipait en déclarant que l’exercice équivaudrait à surfer sur «le
site Amazon.com». Il fut proche du désastre. L’administration démocrate a
pris tardivement la pleine mesure du risque que pose désormais ce couac
majeur, appelant à la rescousse les meilleurs spécialistes
informatiques du pays pour tenter de réparer un système informatique
auquel ont contribué 55 sous-traitants. L’étendue des problèmes est
telle que certains se demandent même s’il peut être renfloué.
Lundi,
parlant depuis la Roseraie de la Maison-Blanche, Barack Obama n’a pas
caché sa frustration au sujet de la mise en œuvre de l’Affordable Care
Act (ACA), la loi réformant le système de santé censée rendre abordable
une couverture médicale aux 15% de non-assurés et aux 85% d’assurés aux
Etats-Unis. L’ACA, que les républicains ont baptisée Obamacare, est le
principal succès de sa présidence. «Personne n’est plus frustré [par ces
problèmes informatiques] que moi», a-t-il souligné.
Car le temps
presse. Les Américains ont six mois, jusqu’au 31 mars 2014, pour
contracter une assurance maladie, faute de quoi ils devront s’acquitter
d’une amende. La réussite de la réforme dépend en grande partie du
nombre de citoyens qui souscriront à une police d’assurance, en
particulier des jeunes en bonne santé dont la présence dans un groupe
d’assurés devrait permettre de compenser les risques liés à des affiliés
en moins bonne santé. D’après les calculs de l’administration, il est
nécessaire que 7 millions de jeunes Américains jouent le jeu.
Ce
mauvais départ n’est pas sans danger. Il fragilise la confiance
naissante dans un système de santé qui subit la plus importante
transformation, avec Medicare en 1965, depuis la Seconde Guerre
mondiale. Barack Obama a ainsi voulu rassurer: «Les meilleurs
informaticiens du pays ont rejoint notre équipe. […] Et au cours des
prochaines semaines, nous allons contacter tous ceux qui n’ont pas pu
compléter leur demande.» Le président a souligné que le site
HealthCare.gov a tout de même été visité plus de 20 millions de fois et
qu’un demi-million de personnes ont soumis leur demande. Mais il a aussi
souhaité élargir la discussion, ce d’autant que les républicains
annoncent déjà la mort de la réforme: «L’Affordable Care Act n’est pas
qu’un site internet», a-t-il déclaré rappelant qu’il y a plusieurs
autres moyens pour acquérir une assurance maladie: par téléphone ou en
personne. Preuve qu’une mise en œuvre réussie d’Obamacare lui tient à
cœur, le président en est même venu à donner des numéros de téléphone où
appeler pour s’affilier à une assurance sans passer par le site
internet.Politiquement, Barack Obama est dans une situation épineuse. Il vient
certes de sortir renforcé d’une grave crise budgétaire. Mais les
républicains n’en démordent pas. S’ils n’ont pas réussi à saper quelques
fondements de la réforme en provoquant la fermeture partielle du
gouvernement et en usant du chantage pour relever le plafond de la
dette, ils estiment avoir perdu une bataille, mais pas la guerre contre
Obamacare. Le président a tenté de désamorcer cette révolte par
l’ironie: «Je reconnais que l’idée politique phare du Parti républicain
est de se débarrasser de l’Affordable Care Act. Il semble que ce soit la
seule chose qui unisse le parti ces jours-ci.» Le président n’a
toutefois pas été aidé par sa secrétaire à la Santé, Kathleen Sebelius.
Apparaissant mal informée et peu consciente de la gravité de la
situation, elle a finalement accepté d’être auditionnée par le Congrès.
Certains républicains exigent sa démission. D’autres, comme
l’ex-gouverneur de Floride Jeb Bush, estiment qu’il est inutile de trop
en faire: l’Obamacare s’écroulera d’elle-même.http://www.letemps.ch/Page/Uuid/b94b7ea4-3a8b-11e3-a09b-7edc150c3575
Le Conseil
National de l'Ordre des Médecins de Côte d'Ivoire organise le 1er Symposium International sur la Cyber-Santé en Côte d'Ivoire.
Thème: CYBERSANTE : ÉTHIQUE ET
DÉONTOLOGIE.
Les lundi 21 et mardi 22 octobre 2013 à partir de 9h30 à l'espace CRRAE - UMOA au Plateau.
Au programme : Salon d'exposants, Ateliers et Conférences.
L’Ordre National des Médecins de Côte d’Ivoire, ne pouvant se contenter
d’être spectateur ou « acteur passif » de l’expansion de l’usage des TIC
en santé, souhaite prendre sa place d’institution qui édicte et veille
au respect des règles d’éthique et de déontologie en matière de santé.
Ainsi, l’Institution Ordinale organise du 21 au 22 octobre 2013, le 1er
Symposium International sur la Cybersanté en Côte d’Ivoire, en vue de
jeter les bases de son implication efficiente pour la protection de la
relation praticien-patient face aux rapides évolutions du numérique en
santé et face à l’apparition de la Cybercriminalité.
L’objectif général de ce symposium est de jeter les bases d’un cadre
réglementaire de la gestion de la Cybersanté en Côte d’Ivoire. A cet
effet, de nombreux spécialistes et experts internationaux et nationaux,
réunis à Abidjan, réfléchissent sur les aspects juridiques et
institutionnels, de gouvernance et de vulgarisation de la cybersanté en
Côte d’Ivoire.
Lors de ce symposium international sur la cybersanté, Dr. GUIBESSONGUI
N’Datien Séverin, Docteur en Droit des Télécommunications, a fait une
présentation sur « La législation du numérique en Côte d’Ivoire ». Il a
rappelé qu’avant juin 2013, le droit positif ivoirien était caractérisé
par un cadre juridique inexistant ou lacunaire sur le numérique. Après
juin 2013, la Côte d’Ivoire s’est dotée d’une législation sur le
numérique propice à l’émergence et au développement d’une économie
numérique. Cette législation sur le numérique est composée de trois lois
:
- Loi n°2013-450 du 19 juin 2013 relative à la protection des données à caractère personnel;
- Loi n°2013-451 du 19 juin 2013 relative à la lutte contre la cybercriminalité.
- Loi n°2013-546 du 30 juillet 2013 relative aux transactions électroniques.
La substance de ces lois a été présentée par Dr. GUIBESSONGUI à travers
une analyse descriptive et analytique. Il a montré que ce dispositif
légal qui vise à assurer la confiance et la sécurité dans l’économie
numérique, est applicable à la cybersanté. En effet, selon Dr.
GUIBESSONGUI, la cybersanté favorise un échange de données électroniques
ou numériques, l’usage de données personnelles à protéger (collecte,
conservation, traitement) et n’est pas à l’abri de la cybercriminalité
(falsification, altération, modification ou suppression frauduleuses des
données électroniques des patients, vol d’information concernant les
données médicales, etc.).
Les données personnelles doivent être sous le sceau de la
confidentialité et du secret médical. Pour Dr. GUIBESSONGUI N’Datien
Séverin, les données personnelles sont définies comme « toute
information de quelque nature qu’elle soit et indépendamment de son
support, y compris le son et l’image, relative à une personne physique
identifiée ou identifiable directement ou indirectement, par référence à
un numéro d’identification ou à un ou plusieurs éléments spécifiques,
propres à son identité physique, physiologique, génétique, psychique,
culturelle, sociale ou économique ».
Dr. GUIBESSONGUI a conclu sa présentation en précisant que la
législation sur le numérique ainsi présentée n’exclut pas l’édiction
d’une loi spécifique ou spéciale sur la cybersanté ou l’adoption d’une
Charte sur la cybersanté, incluant les aspects éthiques, déontologiques
et juridiques.
De plus en plus souvent, des algorithmes décident de notre rapport au
monde. Que ce soit pour nous mettre en relation avec d'autres sur des
sites de rencontres ou pour estimer notre capacité de crédit, pour nous
diriger dans la ville via nos GPS voir même pour nous autoriser à
retirer de l'argent à un distributeur automatique... les algorithmes se
sont infiltrés dans notre vie quotidienne sans notre consentement et
modulent notre rapport au monde sans que nous soyons vraiment au courant
de leur existence, de l'ampleur de leur action, de leur pouvoir et des
critères qu'ils utilisent pour décider de nos existences à notre place.
Sans que nous ayons non plus beaucoup de possibilités pour réfuter ou
intervenir sur ces critères. "Trop souvent, c'est l'ordinateur qui décide !"
Comprendre comment fonctionnent les algorithmes qui nous gouvernent
n'est pourtant pas du recours des seuls spécialistes, estime le
journaliste Frank Swain (@SciencePunk). Dans l'un des derniers billets de son blog Future Exchange sur Medium,
il revient très concrètement sur la façon dont les algorithmes nous
gouvernent, en montrant, comment, nous pouvons essayer de comprendre les
traitements dont nous sommes l'objet.
Frank voyage dans le monde entier... Et autant le dire, l'algorithme
chargé de surveiller les mouvements de son compte en banque n'aime pas
trop cela. Sa carte de retrait a encore été refusée. Il ne sait pas
pourquoi... et il ne peut pas savoir pourquoi. Tout le problème est là !
Danser avec les algorithmes silencieux
A chaque fois qu'on retire de l'argent, l'automate de la banque doit
décider si ce retrait est autorisé, s'il est "normal". Il doit décider
si c'est vraiment nous qui retirons de l'argent. Notre carte, notre code
bancaire ne sont que des talismans pour en appeler à un complexe
cerveau électronique résidant quelque part dans un datacenter climatisé.
C'est lui le véritable gérant du guichet et c'est lui qui doit
approuver ma transaction pour qu'elle soit autorisée. En fait, notre
carte et notre code ne sont pas si importants que cela pour ce cerveau
électronique. "Ce qu'il consulte avant tout c'est une vaste base de
données d'enregistrements qui inclue ma localisation présumée, mes
transactions récentes, le type de transaction que je demande, le temps
qui s'est écoulé depuis ma précédente transaction, le montant que je
demande, la date de cette transaction et quelques dizaines d'autres
mesures dont je n'ai pas conscience. Il soupèse chacun de ces facteurs
et décide si je suis vraiment celui que je prétends être. Il les soupèse
et décide de me donner ou pas mon argent." En fait, ces
enregistrements, aussi factuels et minimaux soient-ils, par leur
accumulation, dessinent une base de données de comportements, basée sur
l'analyse de ces enregistrements. L'activité est une alternative à l'identité. Image : Dancing in the street par John Henderson.
Le problème est que quand l'algorithme refuse la transaction, la machine ne nous dit jamais pourquoi. "Cela
signifie que nous sommes constamment engagés dans une sorte de danse
avec l'algorithme, une danse où je ne peux entendre la musique et où la
seule réaction que je reçois est quand je marche sur les pieds de mon
partenaire." Nous ne connaissons ni les règles des algorithmes ni
quand elles sont modifiées... Notre seul repère consiste à observer par
essai/erreur, afin d'apprendre ce qui ne lui convient pas. Nous
apprenons en dansant !
Et Frank Swain de faire référence aux travaux de Timo Arnall (notamment via le monde visible par des robots) et James Bridle (voir sa présentation à Lift sur comment nous écrivons avec les machines)
nous expliquant combien nos vies sont désormais influencées par les
technologies, non seulement par les objets que nous utilisons tous les
jours, mais également par les systèmes invisibles qui nous entourent et
ces architectures qui façonnent nos modes de nos vies. "Nous vivons à
l'intérieur de systèmes invisibles aussi courants que des formulaires
d'assurance, des demandes de prêts, d'emplois, de rencontres... et nous
tentons de nous y ajuster consciemment en fournissant les informations
que nous pensons être les plus appropriées ou les moins mal interprétées
par ces systèmes." Mais les machines ne comprennent pas très bien
la normalité, au-delà d'une courbe statistique à laquelle mon
comportement doit se conformer. Notre travail consiste donc à deviner la
forme de cette courbe, estime Frank Swain. Les algorithmes bancaires
sont conçus pour détecter les transactions frauduleuses et ils ne
partagent pas les secrets de leurs alarmes de peur qu'on puisse les
contourner. Pourtant, les criminels, finalement, n'en savent-ils pas
beaucoup plus sur ces algorithmes que le public ? Ne savent-ils pas
mieux naviguer que nous dans le cerveau de ces machines pour vider nos
comptes en banque ?
Frank Swain a ainsi découvert qu'il avait annulé une transaction sur
un distributeur à Barcelone, alors que sa banque l'avait accepté, ce qui
explique que ses retraits ultérieurs aient été refusés... Visiblement,
ce comportement-là semble répréhensible pour la machine. Ce n'est certes
pas beaucoup, mais Frank a appris un pas de danse de plus avec
l'algorithme. Certes, ce pas de danse est bien incertain et montre
peut-être aussi les limites de cette technique par essai-erreur. A-t-on
pris en compte le bon paramètre ? Est-ce vraiment cette suite logique
que la machine a détecté ? En faisant ces rapports de manière solitaire
et isolé, il n'est pas sûr que nous parvenions à circonvenir les
algorithmes, mais allez savoir, peut-être qu'en s'y mettant à
plusieurs...
L'ingénierie inversée
Force est de constater que nous ne sommes peut-être pas si démunis
que cela pour comprendre les algorithmes. Pour connaître leurs biais, il
y a une méthode simple, estime Nicholas Diakopoulos (@ndiakopoulos) pour The Atlantic : l'ingénierie inversée
! C'est-à-dire de déterminer le fonctionnement d'un système en étudiant
ses réponses en faisant varier les signaux d'entrée. Faisons des
algorithmes notre terrain d'analyse, nous invite le journaliste. Et de
nous rappeler que cela est déjà le cas. Au Wall Street Journal,
une équipe de journaliste a sondé des plateformes de commerce
électronique pour identifier des cas de tarification dynamiques (voir
notre article : "De quels traitements sommes-nous les proies ?). Pour le Daily Beast,
Michael Keller a regardé la fonction de correction d'orthographe de
l'iPhone pour voir les mots qui n'étaient pas dans le correcteur, ceux
qu'Apple ne veut pas que vous employez, comme les mots "avortement" ou
"suicide". Pour Slate,
Nicholas Diakopoulos a observé les critères éditoriaux embarqués dans
les algorithmes d'autocomplétion des moteurs de recherches Bing et
Google, permettant de déterminer les termes censurés et les marges
d'erreur des systèmes de filtrage. A Harvard, Latanya Sweeney du Data Privacy Lab, a mis en avant la discrimination raciale dans la publicité en ligne. "Toutes ces histoires partagent plus ou moins la même méthode. Les
algorithmes sont des boîtes noires exposant des entrées et des sorties
sans trahir le moindre de leurs organes internes. Vous ne pouvez pas
voir ce qu'il se passe à l'intérieur directement, mais si vous pouvez
faire varier les entrées de différentes façons et porter attention aux
sorties, vous pouvez commencer à assembler quelques conclusions pour
comprendre comment l'algorithme transforme chaque entrée en sortie. La
boîte noire commence à divulguer certains secrets."
Certes, les corrélations trouvées ne signifient pas nécessairement
intention. Encore faut-il creuser plus profondément les motifs et les
intentions de conception derrière les algorithmes. Compte tenu de la
montée en puissance des algorithmes sur la société, il est essentiel de
continuer à mettre la lumière sur ces systèmes qui n'offrent pas
beaucoup de transparence ni de clarté...
L'opacité : le poison
Nos systèmes sociotechniques ne sont pas très transparents. C'est ce que pointe James Bridle (@jamesbridle) dans son très stimulant petit essai sur la vidéosurveillance publié par Matter, Ring of Steel où il évoque les systèmes de caméras de surveillances dédiées à la lecture automatisée de plaques d'immatriculation (LAPI) mises en place en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis, et dont le plus connu est celui qui fait fonctionner le péage urbain de Londres (surveillé par près de 700 caméras).
Ces réseaux de vidéosurveillance sont très peu documentés. "Cette opacité est délibérée", rappelle Bridle, la police refusant de livrer la magnitude de son réseau de surveillance routier. Même si on compte certaines initiatives citoyennes pour documenter l'emplacement des caméras,
la plupart des citoyens ne savent pas précisément comment la
technologie est utilisée. Mis en place pour détecter des voitures
volées, réguler voire facturer le trafic, ces LAPI mettent en place une
discrète surveillance de masse où toute voiture devient suspecte. En
fait, la loi britannique ne considère pas ces enregistrements de numéros
de plaque minéralogiques comme des données personnelles. Les données
d'enregistrement (des photos de véhicules auxquels sont associés des
numéros de plaques) sont accessibles 90 jours à tous ceux qui sont
accrédités pour cela, sans qu'une décision de justice soit nécessaire
pour y accéder. Image : le tableau de bord d'un système de surveillance de plaque minéralogiques dans une voiture de police via la West Midlands Police.
Pour l'instant, aucune étude n'a chiffré leur efficacité ni mesuré le
niveau de surveillance qu'elles engendrent. Pourtant, contrairement à
ce que l'on croit, le système mis en place n'est pas qu'un système de
surveillance temps réel. L'historique des enregistrements est plus
utilisé que les alertes temps réels et de nombreuses autres techniques
ont été imaginées pour faire parler les données. L'analyse de convois
permet ainsi de regarder dans la base de données si un autre véhicule a
fait le même trajet que vous. Le système génère également un rapport de
trajets impossibles pour détecter les plaques minéralogiques qui posent
problèmes et générer des alertes... D'autres enquêtes algorithmiques
sont également possibles comme la prédiction permettant de rétablir une
surveillance humaine sur une cible qui a disparu ou analyser où une
voiture en infraction risque de se rendre pour l'intercepter... A
Londres, le système génère plus d'alertes que ce que la police peut
traiter. Les données recueillies par ces systèmes sont pauvres de prime
abord : un numéro de plaque, un lieu et une heure, et une image qui
n'est pas passionnante. Mais leur analyse et leur agrégation permettent
de détecter des corrélations bien supérieures à leur effet premier.
Bref "ce réseau n'est pas qu'un réseau d'identification en temps
réel, mais il est bien un système pervasifs de surveillance
algorithmique", conclut Bridle. Récemment une société d'enquête
privée américaine, TLO, a ouvert un service permettant à quiconque
d'avoir accès aux enregistrements concernant un numéro d'immatriculation
en échange de quelques dollars (voir NBCNews).
En 2010, Mike Katz-Lacabe, un consultant de San Leandro en Californie, a
demandé ses données à la police et a reçu un rapport contenant 112
images de son véhicule permettant le plus souvent d'identifier ses
occupants (voir le très complet reportage du Wall Street Journal sur le sujet).
Le problème de ces systèmes est qu'ils enregistrent des données sans
raison prédéterminée, estime Bridle. Ces technologies d'analyses font de
la rétention d'information l'option par défaut... Et James Bridle de
rappeler que la loi britannique sur les données personnelles a été
imaginée à une époque où on se concentrait sur l'accès aux données, pas à
celle des requêtes algorithmiques. Bien sûr, le système connaît des
dérives. Bridle rapporte par exemple l'histoire d'un homme arrêté 25
fois sous divers prétexte. En fait, à l'origine, c'était parce que sa
plaque minéralogique avait été repérée aux alentours d'une manifestation
contre la chasse ! Voilà un usage supplémentaire de ce réseau. En fait,
estime Bridle en se basant sur des directives internes à la police, la
surveillance et le traçage de véhicules associés à des manifestations
publiques ne sont pas une routine, mais sont activement encouragés par
la police. Or tout cela n'a pu être documenté que parce que les gens
blessés par ces systèmes techniques en rapportent... Les criminels
savent mieux que d'autres contourner ces systèmes : en modifiant leurs
plaques afin qu'elles soient moins lisibles par les capteurs
infrarouges, en utilisant des cartographies de ces caméras pour modifier
leurs itinéraires de conduites ou en endommageant les systèmes,
notamment en certains points.
"Ce sont les lois qui exemptent les données de véhicules de la
protection à la confidentialité nécessaire, et ce sont ces mêmes lois
qui ne mentionnent pas les possibilités très réelles de harcèlement,
d'intrusion dans la vie privée et d'arrestation illégale rendue
possibles par ces systèmes, qui sont des risques inhérents à une
couverture en systèmes de surveillance automatisés", s'alarme Bridle. La
compréhension de ce qu'il se passe dans ces systèmes de surveillance
est impossible sans visibilité. "Quand il ya une pression à obscurcir
une infrastructure - camoufler les caméras, fermer les réseaux, ou
restreindre la liberté de demandes d'informations - une pression
correspondante est exercée sur la démocratie qu'elle prétend défendre." Forbes rapportait récemment qu'un hacker, @PukingMonkey, avait démontré que les badges de péages électroniques sans contact utilisés à New York, les e-Zpass,
n'étaient pas lus seulement aux barrières de péage... soi-disant pour
aider l'autorité de transport à mieux connaître l'état du trafic (sans
que cela ait été précisé dans les conditions d'accès au service). En
bricolant un capteur lumineux à son pass pour savoir quand son badge
était lu, Puking Monkey a fait une démonstration très visuelle (vidéo) de la manière dont nous sommes lus par-devers nous...
A nouveau, à défaut de transparence de la part des services qui les
conçoivent, la rétro-ingénierie semble effectivement l'une de nos rares
armes pour lutter contre les algorithmes et les systèmes techniques
opaques. Reste que pour être efficace, il va falloir qu'elle soit plus
collaborative que celle qu'esquissent les lanceurs d'alertes...
Hubert Guillaud http://internetactu.blog.lemonde.fr/2013/11/02/surveiller-les-algorithmes/
Edward Snowden juge que les programmes d'espionnage menacent la liberté d'opinion
Le Monde.fr avec AFP | • Mis à jour le
Dans un texte publié dimanche 3 novembre par le magazine allemand Der Spiegel, Edward Snowden estime que les programmes massifs d'espionnage des services de renseignement menacent la liberté d'opinion et les sociétés ouvertes.
L'ancien analyste des services américains, qui est poursuivi dans son pays pour être
à l'origine des fuites sur l'Agence de sécurite nationale (NSA),
estime que la surveillance massive constitue un problème mondial qui
demande une réponse mondiale. "De tels programmes ne sont pas seulement une menace contre la vie privée. Ils menacent la liberté d'opinion et les sociétés ouvertes", a-t-il ajouté dans ce texte publié en allemand par le magazine.
"UN MANIFESTE POUR LA VÉRITÉ"
Sous le titre "Un manifeste pour la vérité", Der Spiegel ajoute que Snowden a écrit ce texte le 1er
novembre à Moscou et qu'il a été envoyé au siège du magazine via un
canal crypté. Les révélations de Snowden, publiées dans le monde entier,
ont provoqué des tensions entre Washington et certains de ses principaux alliés. "Quiconque dit la vérité ne commet pas de crime", écrit Snowden.
Selon lui, certains gouvernements qui se sont tout d'abord sentis "démasqués" par les révélations d'espionnage, ont ensuite lancé "une campagne de persécution sans précédent" afin de fairecesser tout débat. Malgré tout, le débat continue dans le monde entier, a ajouté l'ancien analyste.
Edward
Snowden juge que son geste a contribué à la prise de conscience par le
public et par les gouvernements de la nécessité d'une réforme de ces
services. "Au lieu de provoquer
des dégâts, l'utilité pour la société de cette nouvelle connaissance
publique est désormais claire, car on évoque aujourd'hui des réformes
des modes de gestion, de supervision et des lois", écrit-il.
Le
député vert allemand Hans-Christian Stroebele a rencontré jeudi à
Moscou Snowden dans un lieu tenu secret, après la publication de
documents indiquant que la NSA avait écouté le téléphone de la
chancelière Angela Merkel pendant plusieurs années. Selon Stroebele,
Snowden a exprimé sa volonté de parler avec les autorités allemandes.
Snowden ne mérite "aucune clémence" estiment deux élus américains
Deux élus parmi les plus importants du Congrès américain se sont
prononcés dimanche pour que le lanceur d'alertes Edward Snowden ne
bénéficie d'"aucune clémence" de la part des Etats-Unis, compte tenu des fuites qu'il a orchestrées sur l'Agence de sécurité américaine (NSA). "
S'il avait été un véritable lanceur d'alertes, il avait la possibilité
d'appeler les commissions du renseignement du Sénat et de la Chambre
des représentants et de nous dire : 'Ecoutez, je suis en possession
d'informations que vous devez examiner'. Dans ce cas-là, nous lui
aurions certainement parlé. (...) Mais ça ne s'est pas passé comme cela et il a fait énormément de tort à notre pays",
a déclaré la sénatrice démocrate Dianne Feinstein, présidente de la
puissante commission du Renseignement du Sénat américain, dans
l'émission "Face the Nation" sur la chaîne CBS. "S'il veut
revenir (aux Etats-Unis) et assumer les conséquences du vol
d'informations qu'il a perpétré, de la façon dont il a violé son serment
et a diffusé des informations secrètes – et poussé trois groupes
terroristes liés à Al-Qaïda à changer leur mode de communication –,
alors je serais heureux de discuter avec lui", a ironisé le représentant républicain Mike Rogers sur la même chaîne.http://www.lemonde.fr/technologies/article/2013/11/03/edward-snowden-juge-que-les-programmes-d-espionnage-menacent-la-liberte-d-opinion_3507343_651865.html
Des médecins complices de torture dans les prisons militaires de la CIA
Des médecins ont-ils foulé au pied le serment d'Hippocrate pour prêter
main forte aux agents du renseignement américain ? Ce sont les
accusations portées par un rapport indépendant publié lundi 4 novembre,
qui dénonce la complicité des professionnels de la santé concernant les
abus commis dans les prisons du Pentagone et de la CIA.
Cette
étude réalisée pendant deux ans et intitulée "L'éthique abandonnée :
professionnalisme médical et abus sur les détenus dans la guerre contre
le terrorisme", réclame une enquête de la commission du renseignement du Sénat américain. "Le ministère de la défense
et la CIA ont exigé de façon abusive de [leurs] professionnels de
santé qu'ils collaborent à des opérations d'extorsion d'informations et
de sécurité de telle manière qu'ils ont infligé des souffrances graves
aux détenus", souligne le rapport.
Parmi ces pratiques, l'étude, conduite par 20 experts juridiques, médecins et militaires, relève la "conception, la participation et l'application de tortures et de traitements cruels, inhumains et dégradants" sur des hommes en détention dans des prisons américaines en Afghanistan, à Guantanamo ou dans les sites secrets de la CIA. "Au
nom de la sécurité nationale, les militaires ont détourné le serment
[d'Hippocrate] et les médecins ont été transformés en agents du
renseignement", a fustigé le docteur Gerald Thomson, professeur de médecine à l'université Columbia.
"CONCLUSIONS ERRONÉES"
Egalement
coauteur, Leonard Rubenstein, professeur de droit de la santé publique
à l'université Johns-Hopkins, a cité l'alimentation forcée des
grévistes de la faim à Guantanamo, les interrogatoires musclés et les
simulations de noyade de suspects de terrorisme dans les prisons
secrètes de la CIA. Les médecins ou les infirmiers "légitiment ces pratiques, par leur présence et en disant qu'elles sont médicalement acceptables", a-t-il déclaré, affirmant que ces abus sous couvert médical "ne sont pas derrière nous dans ce pays".
Interrogée, la CIA estime que ce rapport "contient des inexactitudes graves et des conclusions erronées". "Il est important de souligner
que la CIA n'a plus de prisonnier en détention et que le président
Obama a mis fin au programme de détention et d'interrogatoire par décret
en 2009", a déclaré son directeur de la communication, Dean Boyd.
La réaction est identique au Pentagone, où le porte-parole Todd Breasseale a précisé qu'"aucun des détracteurs n'a en fait accédé aux détenus, à leurs rapports médicaux ou aux procédures" à la prison de Guantanamo. Il a salué le grand professionnalisme des médecins, y travaillant "dans des conditions de grand stress" et apportant "les meilleurs soins que les détenus aient jamais connus" http://www.lemonde.fr/ameriques/article/2013/11/04/des-medecins-complices-de-torture-dans-les-prisons-militaires-de-la-cia_3507463_3222.html
La CIA paie AT&T pour obtenir des données téléphoniques
La CIA paie plus de 10 millions de dollars chaque année à
l'opérateur téléphonique AT&T pour qu'il lui fournisse des données
téléphoniques de personnes soupçonnées de liens terroristes, rapporte le
New York Times.
Si la NSA, l'agence américaine chargée des interceptions de
communications, s'assure de la coopération forcée des opérateurs
américains grâce à des injonctions judiciaires, la collaboration entre
la CIA et AT&T s'établit sur la base d'un contrat volontaire et
rétribué, affirme le quotidien.
L'agence de renseignement fournit à l'opérateur des numéros de
téléphone de personnes soupçonnées de terrorisme à l'étranger. AT&T
recherche ensuite dans ses
immenses bases de données avec qui ces personnes ont été en contact
téléphonique, y compris aux Etats-Unis, et fournit les métadonnées
(numéro appelé, longueur des appels) à la CIA. PROGRAMME PROCHE DE CELUI DE LA NSA
L'agence étant chargée de l'espionnage à l'étranger et la loi lui interdisant de mener
ses activités sur le territoire américain, lorsque les numéros de
téléphone se trouvent aux Etats-Unis, AT&T ne divulgue pas
l'identité du propriétaire du numéro, dont elle cache plusieurs
chiffres, affirme le quotidien. "Quand une entité gouvernementale
sollicite des informations de notre part, nous nous assurons que la
requête et notre réponse sont adéquates et complètement légales", a affirmé Mark Siegel, un porte-parole de l'opérateur, qui ne fait "pas de commentaire sur des questions de sécurité nationale".
Sans confirmer
l'existence de ce programme, Todd Ebitz, un porte-parole de la CIA, a
assuré que cette dernière ne se livrait pas à la surveillance de
citoyens américains. "La CIA protège le pays et respecte les droits à la vie privée
des Américains en s'assurant que ses activités de collecte du
renseignement sont ciblées sur le renseignement étranger et le
contre-espionnage", a-t-il affirmé.
Ce programme semble dupliquer celui de la NSA visant à collecter
les métadonnées téléphoniques auprès des opérateurs dans le cadre de la
lutte antiterroriste. Depuis les révélations de son ancien consultant
Edward Snowden, elle fait face à de vives critiques et est accusée de violer la vie privée des Américains. La conduite d'un programme similaire par la CIA pourrait s'expliquer par la nécessité pour une agence qui dispose d'agents sur le terrain de disposer rapidement d'informations, selon le Times, citant un responsable du renseignement. "La CIA répond souvent à ce besoin d'agir sans délai en développant ses propres capacités", selon ce responsable.http://www.lemonde.fr/technologies/article/2013/11/08/la-cia-paie-at-t-pour-obtenir-des-donnees-telephoniques_3510484_651865.html
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