Mort d'un patient atteint de malaria: un médecin plaide coupable de négligence
Genève 09:34http://www.letemps.ch/Page/Uuid/8ac34db6-a3b4-11e0-a2dc-76d7a04b5f22/M%C3%A9decin_condamn%C3%A9_pour_homicide_par_n%C3%A9gligence
Justice vendredi10 juin 2011
Le jeune Mickaël est bien décédé des suites d’une intoxication médicamenteuse, a confirmé l’expert au deuxième jour du procès de ce médecin accusé d’homicide par négligence devant le tribunal de police de Genève.
Selon le docteur Romano La Harpe, le cumul des substances a diminué la capacité respiratoire du détenu et entraîné un manque d’oxygénation du cœur. Mickäel n’a donc pas succombé à un brusque arrêt cardiaque (LT du 09.06.2011). L’important œdème pulmonaire constaté à l’autopsie révèle qu’il a été victime d’une action fortement sédative sur son système nerveux central.
Selon le même expert, tout interne doit théoriquement connaître les dangers de telles associations de médicaments et y porter une attention particulière. Romano La Harpe nuancera toutefois son propos en évoquant les difficultés de l’exercice lorsqu’il s’agit de soins psychiatriques, de surcroît dispensés en milieu carcéral. «Ce n’est pas le même contexte que dans la tranquillité d’un cabinet où le médecin a le temps de réfléchir. La prison est propice à l’agitation et il n’est pas rare d’opter pour des doses plus élevées afin de prévenir les effets pervers d’une crise.»
A la place de l’interne accusé, l’expert aurait toutefois choisi une autre voie. Plutôt que d’ajouter de la méthadone pour faire taire l’angoisse du jeune homme, il aurait augmenté le dosage de l’anxiolytique (Temesta), ce qui n’aurait pas présenté le même risque. Mickaël, comme l’ont montré les analyses toxicologiques, n’était d’ailleurs pas dépendant à l’héroïne. Détenu depuis un mois, il aurait de toute manière déjà été sevré d’une consommation régulière. Dans son cas, estime l’expert, le seul sens d’une prescription de méthadone était d’éviter que l’intéressé veuille absolument se procurer de la drogue – il en circule tout de même en prison – et fasse une overdose. Le procès reprendra vendredi prochain avec l’audition d’un deuxième expert et les plaidoiries.
Le difficile exercice de la médecine d’urgence en prison
Le procès d’un médecin, accusé d’avoir causé la mort d’un détenu de Champ-Dollon, s’est poursuivi avec l’audition de l’expert qui a confirmé l’intoxication médicamenteuse
Devant la justiceLe jeune Mickaël est bien décédé des suites d’une intoxication médicamenteuse, a confirmé l’expert au deuxième jour du procès de ce médecin accusé d’homicide par négligence devant le tribunal de police de Genève.
Selon le docteur Romano La Harpe, le cumul des substances a diminué la capacité respiratoire du détenu et entraîné un manque d’oxygénation du cœur. Mickäel n’a donc pas succombé à un brusque arrêt cardiaque (LT du 09.06.2011). L’important œdème pulmonaire constaté à l’autopsie révèle qu’il a été victime d’une action fortement sédative sur son système nerveux central.
Combinaison fatale
Le détenu, âgé de 19 ans, avait pris cinq psychotropes en ce fatal 3 mars 2007, alors qu’il était placé au quartier carcéral psychiatrique dépendant de Champ-Dollon. Les taux relevés dans son sang ont montré que la méthadone et le Zyprexa (un neuroleptique) étaient les plus fortement dosés. Individuellement, ces taux n’étaient pas mortels. C’est la combinaison des substances, ajoute le médecin légiste, qui a eu un effet potentialisateur auquel un autre individu aurait d’ailleurs peut-être survécu. «Les effets sont différents en fonction de chaque patient.»Selon le même expert, tout interne doit théoriquement connaître les dangers de telles associations de médicaments et y porter une attention particulière. Romano La Harpe nuancera toutefois son propos en évoquant les difficultés de l’exercice lorsqu’il s’agit de soins psychiatriques, de surcroît dispensés en milieu carcéral. «Ce n’est pas le même contexte que dans la tranquillité d’un cabinet où le médecin a le temps de réfléchir. La prison est propice à l’agitation et il n’est pas rare d’opter pour des doses plus élevées afin de prévenir les effets pervers d’une crise.»
A la place de l’interne accusé, l’expert aurait toutefois choisi une autre voie. Plutôt que d’ajouter de la méthadone pour faire taire l’angoisse du jeune homme, il aurait augmenté le dosage de l’anxiolytique (Temesta), ce qui n’aurait pas présenté le même risque. Mickaël, comme l’ont montré les analyses toxicologiques, n’était d’ailleurs pas dépendant à l’héroïne. Détenu depuis un mois, il aurait de toute manière déjà été sevré d’une consommation régulière. Dans son cas, estime l’expert, le seul sens d’une prescription de méthadone était d’éviter que l’intéressé veuille absolument se procurer de la drogue – il en circule tout de même en prison – et fasse une overdose. Le procès reprendra vendredi prochain avec l’audition d’un deuxième expert et les plaidoiries.
- Un médecin est jugé pour avoir prescrit un cocktail fatal à un détenu Le praticien maintient qu’il n’a pas violé les règles de l’art en administrant des antidépresseurs, un antipsychotique, un anxiolytique et de la méthadone à un jeune homme agitéDevant la justice
Il avait 14 ans lorsqu’on est venu lui annoncer dans son lycée français la mort de son frère aîné. Il n’a pas voulu y croire. Mickaël, incarcéré dans une lointaine prison genevoise, avait dû s’échapper ou faire une blague. La photo du cadavre et une lettre compatissante du président de la République lui feront prendre conscience que son héros n’est plus et qu’il a peut-être succombé à un cocktail médicamenteux. Quatre ans après ce choc, un médecin répond de cette prescription massive administrée au sein du quartier carcéral psychiatrique de Champ-Dollon.
Mickaël, 19 ans, a été arrêté le 20 janvier 2007 alors qu’il avait ingéré 90 paquets de cocaïne pour les importer en Suisse. Il est resté une dizaine de jours à l’hôpital, le temps d’expulser la marchandise, avant d’être transféré à la prison. Fin février, son état dépressif et ses idées suicidaires l’ont conduit à être admis à l’unité psychiatrique. Ce jour-là, un jeune interne le reçoit. Il ne sait pas grand-chose de ce garçon, à part qu’il prend déjà deux neuroleptiques pour calmer ses angoisses. «Il m’a dit qu’il consommait de tout et assez souvent», explique celui qui était encore un psychiatre en formation.
Pour combattre la tristesse et la noirceur exprimées par le jeune homme, le médecin ajoute aux deux antipsychotiques encore un antidépresseur et un calmant avant d’augmenter les doses. Sans oublier un patch de nicotine corsé. Le 2 mars, l’agitation de Mickaël, malgré ou à cause de ce mélange, va grandissant. Le détenu se frappe la tête contre les murs de sa cellule, il pleure et tremble. Une situation de crise que le psychiatre va affronter seul, sans faire appel à sa hiérarchie.
Face à cette résistance des symptômes, face aussi à l’inquiétude du personnel infirmier et aux risques de voir Mickaël se faire du mal ou faire du mal aux autres, l’interne prescrit 15 milligrammes de méthadone, puis prévoit de passer à 30 milligrammes le lendemain sans rien retirer des autres médicaments. «Il m’a fait part d’une appétence pour la consommation de substances», explique l’accusé, avant de dire plus clairement que le jeune homme lui a réclamé de la méthadone et même 80 milligrammes. Il n’a pas été jusque-là.
Le procureur Claudio Mascotto s’étonne. «Vous prescrivez tout ce qu’on vous demande?» «Je l’ai fait pour soulager cette souffrance et éviter des comportements imprévisibles. Il avait besoin de se calmer.» A ce moment-là, il était d’avis que ce patient pouvait bien présenter des signes brusques de manque aux opiacés même si ceux-ci n’étaient pas apparus précédemment.
Mickaël est décédé le 3 mars 2007 vers 20h27. De quoi exactement? Le médecin légiste, qui sera entendu ce jeudi, fera ses hypothèses. De l’avis du ministère public, c’est bien l’association de toutes ces substances qui a intoxiqué la victime en exerçant une action fortement sédative sur son système nerveux central. L’analyse de ses poils pubiens a montré une consommation de cocaïne et d’ecstasy dans les 3 à 6 mois avant le décès, mais pas d’opiacés.
Défendu par Mes Jean-Pierre Garbade et Alec Reymond, l’accusé compte plaider son acquittement. Né en Grèce il y a 36 ans, ce dernier a fait ses études à Prague. Il est venu en Suisse fin 2002 pour se spécialiser et a visiblement fait bonne impression au chef du Département santé mentale et psychiatrie des HUG, le professeur Panteleimon Giannakopoulos. Le professeur a loué «l’effort colossal» consenti par ce jeune médecin étranger pour apprendre la langue et s’adapter.
Certes, ajoute le professeur Giannakopoulos, «il lui a fallu apprendre à ne pas aller trop vite. Il se sentait trop sûr et pressé de réagir en cas de crise». Dans ces situations anxiogènes de violences ou d’addiction – et le milieu carcéral n’arrange rien –, nombre de jeunes internes paniquent un peu et ont de la difficulté à accepter leurs limites. Ils prennent des décisions souvent radicales sans se faire conseiller. A titre d’exemple, les hospitalisations non volontaires en psychiatrie ont connu une sensible baisse depuis que les internes ne sont plus autorisés à les ordonner.
Pour la victime, cet empressement a peut-être été fatal. Pour le médecin, ce drame a motivé une réorientation vers la pédopsychiatrie, où il occupe désormais un poste de chef de clinique remplaçant. Quant au petit frère de Mickaël, conseillé ici par Me Guerric Canonica, il va passer son bac et veut devenir interprète. Ce sera à lui tout seul de soutenir une mère devenue inconsolable.
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