En identifiant des marqueurs génétiques mais aussi protéiques circulant dans le sang, des chercheurs australo-américains ont mis au point un outil de détection prometteur, capable d’identifier huit types de cancers différents
Détecter une tumeur maligne, à un stade précoce et avant qu’elle n’ait disséminé dans l’organisme sous forme de métastases, semble indispensable pour réduire le nombre des décès dus à un cancer. Joshua Cohen (Johns Hopkins University, Baltimore) et ses collègues décrivent dans l’hebdomadaireScience du 19 janvier un test sanguin baptisé Cancer SEEK, qui identifierait avec une sensibilité importante huit types de cancer. L’un des éléments les plus innovants de ce travail est le recours à une combinaison de marqueurs, génétiques mais aussi protéiques, afin d’élargir le spectre de détection.
«Le Graal pour les chercheurs en oncogénétique, c’est la mise au point d’un test universel détectant tous les cancers, en particulier à un stade précoce. Depuis trois ou quatre ans, d’énormes avancées ont été accomplies avec l’apparition de tests fondés sur l’analyse de l’ADN tumoral circulant. En France, quelques équipes, dont la nôtre, travaillent sur le sujet», explique le professeur Thierry Frebourg du CHU de Rouen, qui n’a pas participé à cette publication.
L’identification de mutations dans l’ADN tumoral circulant peut servir à détecter un cancer à un stade précoce, où la tumeur n’est pas encore repérable par les méthodes classiques
Des portions d’ADN sont libérées dans la circulation sanguine par des cellules malignes en train de mourir, d’où le terme également utilisé de «biopsie liquide» pour les détecter. Cet ADN circulant se présente sous la forme de petits fragments, ne dépassant pas 100 ou 150 paires de bases. Pour les besoins de l’analyse, ces fragments sont amplifiés, d’où leur nom d’amplicons.
L’identification de mutations dans l’ADN tumoral circulant peut servir à détecter un cancer à un stade précoce, où la tumeur n’est pas encore repérable par les méthodes classiques, et à orienter le traitement anticancéreux. Pour cela, car il n’est présent qu’en très petites quantités dans le sang, la technique doit avoir une grande sensibilité. Elle doit également avoir une grande spécificité afin de ne pas confondre de l’ADN tumoral et du matériel génétique issu de tissus normaux, et éviter ainsi les faux positifs.
Sensibilité variable
L’article qui paraît dans Science est le fruit de la collaboration de plusieurs équipes américaines et australiennes prestigieuses. Les coauteurs séniors Cristian Tomasetti et Bert Vogelstein (Université Johns Hopkins) avaient suscité une controverse en 2015 et en 2017 avec deux publications attribuant une forte part de responsabilité aux mutations dues au hasard et non à des facteurs tels que l’environnement ou le comportement, dans la survenue de cancers.
La plupart de ces auteurs avaient déjà publié il y a quelques mois un article présentant le procédé Cancer SEEK pour la détection précoce de cancers du pancréas. Cette fois, les chercheurs ont ciblé huit types de cancer: ovaire, foie, estomac, pancréas, œsophage, côlon-rectum, poumon et sein. Soit, précisent-ils, la cause de 60% des morts par cancer aux Etats-Unis avec un total de 360 000 décès annuels.
La première partie de leur étude a consisté à appliquer leur méthode combinée chez 1005 patients pour lesquels un cancer non métastasé avait déjà été diagnostiqué, afin d’évaluer la sensibilité du test. 20% des patients avaient un cancer au stade 1 (tumeur unique et de petite taille), la moitié des patients une tumeur au stade 2 (volume local plus important) et les autres au stade 3, avec envahissement des ganglions lymphatiques et des tissus environnants.
Pour cinq types de cancer (ovaire, foie, estomac, pancréas et œsophage), la sensibilité variait de 69% (cancers de l’œsophage) à 98% (cancers de l’ovaire). Elle était moins élevée pour les tumeurs malignes du côlon-rectum, du poumon ou du sein. Pour ce dernier, le taux de détection tombe à 33%. Elle variait également en fonction du stade d’évolution du cancer: 73% pour les stades 2,78% pour les stades 3, mais seulement 43% pour les cancers les moins avancés (stade 1). «Donc une sensibilité limitée pour les stades précoces, précisément ceux pour lesquels ce type de test de détection serait le plus utile, remarque Pierre Laurent-Puig. Les variations pouvant être dues aux taux d’ADN tumoral circulant, parfois très faibles.»
Coût relativement modeste
Puis, les auteurs ont évalué chez 812 individus ne présentant pas de cancer la spécificité de leur test, c’est-à-dire la capacité à ne pas déceler à tort un cancer. Elle était de 99% (7 faux positifs sur les 812 volontaires). Dans certains cas, le test permettait de restreindre à deux, voire à une seule localisation l’origine de l’ADN tumoral circulant.
Enfin, les auteurs de l’étude mettent en avant le coût relativement modeste qu’ils estiment pour le test Cancer SEEK, dont le brevet est pour l’instant détenu par l’université Johns Hopkins: 500 dollars (480 CHF) soit, écrivent-ils, une somme comparable ou plus faible que les autres tests de dépistage pour un seul type de cancer tels la coloscopie.
Ils soulignent toutefois que le test ne remplace pas les autres moyens de détection mais vient les compléter. Ils précisent également certaines limites dans les conclusions qui pourraient être tirées: dans un dépistage en population générale, la plupart des individus touchés par le cancer seraient à un stade (le moins avancé) pour lequel le test se montre le moins sensible. De plus, le nombre de faux positifs pourrait être plus élevé du fait de la présence d’une inflammation ou d’autres maladies qui fausseraient le résultat.
Sciences - Santé
L'équipe du chercheur de l'Université catholique de Louvain (UCL)
Pierre Sonveaux a "validé" une molécule capable de prévenir les
métastases. En trois ans, c'est la deuxième fois que les scientifiques
néo-louvanistes identifient une molécule qui, du moins chez la souris,
permet d'éviter qu'un cancer ne se généralise. Ces deux avancées sont
uniques au monde, et "doublent les chances de mettre au point un
médicament efficace dans la prévention des métastases", se félicite
lundi l'institution universitaire. En 2014, Pierre Sonveaux et son
équipe avaient mis en évidence le rôle joué par les mitochondries dans
la formation de métastases. Lorsque les mitochondries des cellules
tumorales sont altérées, elles favorisent la formation des métastases.
Mais des tests sur des souris porteuses d'un cancer du sein humain
avaient montré qu'une molécule, le mitoQ, était capable de bloquer ces
altérations.
Aujourd'hui, les chercheurs de l'UCL ont identifié une deuxième
molécule, la catéchine:lysine 1:2, qui empêche aussi l'apparition des
métastases. Des tests concluants ont en effet été menés sur des souris
atteintes de mélanomes.
Alors que le mitoQ était une molécule de synthèse, la
catéchine:lysine 1:2 est produite au départ d'une plante qui pousse en
Indonésie, explique Pierre Sonveaux. Ces deux molécules ciblent très
sélectivement la mitochondrie et non l'ensemble de la cellule.
"Elles peuvent empêcher un cancer de se généraliser, mais pas le guérir", souligne le professeur.
Ce dernier a bon espoir que les prochains tests confirment leur
efficacité dans le traitement de plusieurs types de cancers chez la
souris, en combinaison avec la chimiothérapie par exemple. Le passage de
la frontière entre la souris et l'homme est, lui, beaucoup plus
incertain. D'où l'utilité de travailler parallèlement sur deux
molécules, relève M. Sonveaux.
La nouvelle étude a été publiée dans la revue scientifique Frontiers
in Pharmacology. Elle a été menée en collaboration avec la PME wallonne
Valore, qui a créé la catéchine:lysine 1:2. Un brevet a été déposé et
l'entreprise pharmaceutique belge BePharBel a accepté d'investir pour
mettre au point un procédé de production de cette molécule à grande
échelle pour, un jour peut-être, en faire des médicaments pour l'homme.
Une équipe de l'UCL découvre une nouvelle molécule capable de prévenir les métastases
Qui
aurait cru qu'un jour le virus de la poliomyélite serait utilisé pour
traiter le cancer? C'est pourtant ce qui se passe à l'Institut Duke de
cancérologie, en Caroline du Nord, où l'oncologue québécoise, Annick
Desjardins, est au coeur d'un ambitieux programme de recherche clinique.
Un texte de Christian Latreille
La
Dre Annick Desjardins et ses collègues travaillent à la mise au point
d’un traitement contre le cancer qui utilise un virus modifié de la
poliomyélite. La démarche suscite étonnement et incrédulité, puisque la
maladie qui s’attaque au système nerveux a tué ou handicapé des millions
de personnes au cours du 20e siècle.
Aujourd’hui, ce virus mortel est utilisé pour lutter contre le glioblastome, une tumeur agressive au cerveau.
« Je
me suis fait traiter de folle », affirme la Dre Desjardins. La mère de
sa première patiente atteinte d’un cancer au cerveau a d’abord refusé
que l’on injecte le virus de la polio dans la tête de sa fille.
Mais
les résultats sont étonnants, si bien que, cinq ans plus tard, la jeune
fille aujourd’hui dans la vingtaine est toujours en vie.
Plus de 20 % de nos 21 patients traités sont encore vivants, et en principe ces gens-là auraient dû mourir.
En général, une personne atteinte d’un glioblastome a une espérance de vie de moins d’un an.
Clyde Gann est un autre patient de la Dre Desjardins. Photo : Radio-Canada/Christian Latreille
Un
autre patient de la Dre Desjardins, Clyde Gann, en est à sa troisième
tumeur depuis 2013. L’homme de 61 ans a tout essayé : chimiothérapie,
radiothérapie et chirurgie. Il fonde beaucoup d’espoir sur ce nouveau
traitement.
Nous l’avons rencontré à l’Institut Duke de
cancérologie alors qu’il subissait sa première résonance magnétique,
quatre mois après le traitement avec le virus de la poliomyélite.
« Je
dois demeurer positif, nous a-t-il confié, l’équipe de médecins ici
m’aide beaucoup. » Si M. Gann peut encore espérer vivre aujourd’hui,
c’est en grande partie grâce aux travaux du microbiologiste Matthias
Gromeier. C’est lui qui a modifié le virus de la polio et l’a rendu
sécuritaire pour traiter le cancer.
Le virus s’attaque seulement à la tumeur au cerveau et il fouette le système immunitaire du patient.
Ce
sont donc les anticorps du patient qui font presque tout le travail.
C’est ce que l’on appelle l’immunothérapie. « Je n’y croyais pas au
départ », affirme l’oncologue Henry Friedman, directeur de l'Institut
Duke de cancérologie.
Le Dr Henry Friedman Photo : Radio-Canada/Christian Latreille
Comment
pourrions-nous traiter une tumeur avec quelque chose d’aussi
neurotoxique que le virus de la polio? La Food and Drug administration,
qui autorise la vente des médicaments aux États-Unis, était du même
avis.
Mais le traitement semble bel et bien fonctionner sur certains patients, dont Clyde Gann.
Les
résultats de la résonance magnétique montrent que depuis quatre mois,
sa tumeur a perdu en densité et donne l’impression d’avoir été
grignotée.
Les résultats de l'examen de Clyde Gann sont encourageants. Photo : Radio-Canada
« Je
suis très contente, lance la Dre Desjardins. Les résultats nous donnent
exactement ce que l’on souhaitait. Ce sont de très bonnes nouvelles, »
dit-elle, en présence de son patient et de sa famille soulagée pour
l’instant.
La Dre Desjardins, son patient Clyde Gann et la famille de celui-ci Photo : Radio-Canada/Christian Latreille
Il
reste encore plusieurs tests à effectuer avant que le Secrétariat
américain aux produits alimentaires et pharmaceutiques (Food and Drug
Administration), aux États-Unis, ne donne son feu vert à la
commercialisation du traitement.
Des essais sont aussi en cours
pour combattre d’autres types de cancers. Ce traitement représente un
grand espoir pour des personnes qui n’en avaient plus, et pourrait
devenir une percée dans la lutte contre le cancer.http://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1061942/virus-polio-cancer-cerveau-glioblastome
Santé publique
Le dépistage systématique du cancer du sein remis en question
Le
canton de Berne pourrait interrompre son programme pilote de
mammographies pour toutes les femmes de 50 ans et plus. Une décision
controversée
Le dépistage du cancer du sein fait une fois de plus
polémique. Une toute récente décision du canton de Berne relance le
clivage entre deux groupes de cantons, ceux qui ont un programme de
dépistage systématique (tous les cantons latins, ainsi que Berne,
Bâle-Ville, Saint-Gall, les Grisons et la Thurgovie), et ceux qui n’en
veulent pas.
Berne avait rejoint en 2012 les cantons qui invitent
systématiquement toutes les femmes de 50 ans et plus à faire une
mammographie (exemptée de la franchise, donc pour un coût entre 18 et
20 francs). Mais, cinq ans à peine après cette décision, le médecin
cantonal, Jan von Overbeck, envisage de suspendre le programme et, en
tout cas, d’en attribuer la gestion au secteur privé.
Un taux de participation trop bas
La
raison? Actuellement, le dépistage est assuré par la Ligue bernoise
contre le cancer. Or, constate Jan von Overbeck, «seules 34% des femmes
concernées viennent se faire dépister. Cela a des conséquences sur la
qualité du programme, qui ne pourra pas à long terme être autonome
financièrement.» Le médecin cantonal explique un taux de participation
si bas par la forte concurrence de l’offre privée dans le canton.
«Je
ne vois pas pourquoi le canton est chargé de ce programme, poursuit Jan
von Overbeck. En nous tournant vers un prestataire privé, nous espérons
assurer un taux élevé de participation et une évaluation rapide des cas
suspects.» Les gynécologues et les radiologues pourraient donc
eux-mêmes mettre sur pied un programme de dépistage. «Les tarifs de ces
prestations sont profitables, précise le médecin cantonal, avec un
soutien de départ par l’Etat, le programme serait autonome.»
Un programme pilote d’au moins huit ans
Berne
décidera fin août si le programme continue et, le cas échéant, qui sera
le nouveau prestataire. Ce possible changement de cap interpelle
Rose-Marie Rittener, vice-présidente de Swiss Cancer Screening, le
regroupement de tous les programmes cantonaux: «Nous regrettons cette
évaluation intermédiaire. Il est recommandé que le programme dure au moins huit ans pour évaluer correctement les résultats», explique-t-elle en se référant à l’ordonnance fédérale en la matière.
Quant
à la possibilité d’un prestataire privé, Rose-Marie Rittener est
dubitative: «Ce n’est pas la mission des radiologues de conduire des
programmes de santé publique. Ils ne sont pas payés par les caisses
maladie pour envoyer des courriers d’invitation aux femmes et faire des
brochures d’information.»
Vaud et Fribourg convaincus
Berne
risque-t-il par son choix d’ébranler les autres cantons membres? Ainsi
qu’il l’indiquait à la radio alémanique, le médecin cantonal de Soleure
n’est plus sûr de vouloir mettre sur pied le programme cantonal
envisagé. Mais rien n’est encore décidé. Dans le canton de Vaud, où le
programme existe depuis 1999, aucune hésitation: «Nous avons un taux de
participation élevé (59%). Nous évaluons le programme en permanence et
nous restons pour l’instant convaincus qu’il est utile», juge Jean-Paul
Jeanneret, chef adjoint du Service cantonal de la santé publique.
A
Fribourg, c’est l’étonnement: «Berne a rejoint la liste depuis peu.
Avec le temps, le taux de participation et la qualité du programme
augmentent», estime le médecin cantonal, Chung-Yol Lee. Le centre de
dépistage du cancer du sein de Fribourg enregistre un taux de 61%, après
douze ans de programme.
«Nous n’aurons pas le contrôle, ce ne sera pas meilleur marché»
Le
financement privé présente aussi des désavantages, selon le Dr
Chung-Yol Lee. «Nous n’aurons pas le contrôle, ce ne sera pas meilleur
marché.» Le médecin cantonal craint aussi moins d’équité dans l’accès au
dépistage: «Dans certaines couches de la société, tout le monde n’a pas
de médecin traitant. Dans les cantons romands, nous sommes convaincus
qu’il vaut la peine d’investir dans des programmes cantonaux.»
Ce n’est pas la première remise en question de cette pratique: en 2014, un rapport du Swiss Medical Board
déconseillait ces programmes cantonaux à cause de résultats parfois
faussement positifs. Cependant, des études montrent que, sur mille
femmes, le dépistage permet d’éviter quatre décès supplémentaires et
favorise un traitement moins lourd. https://www.letemps.ch/suisse/2017/07/14/depistage-systematique-cancer-sein-remis-question
Solange Peters: «Notre devoir est d’offrir le meilleur traitement possible à tous nos patients»
Santé Sylvie Logean
Publié vendredi 16 juin 2017 à 13:38,
modifié samedi 17 juin 2017 à 13:49.
Grande interview
Solange Peters: «Notre devoir est d’offrir le meilleur traitement possible à tous nos patients»
Nouvelles
thérapies très prometteuses contre le cancer, prix des médicaments et
égalité dans l’accès au soin… La cheffe du Service d’oncologie médicale
du CHUV, à Lausanne, nous livre ses espoirs mais aussi ses combats
contre une économie qui, selon elle, ne profite pas assez aux patients
A l’image d’Obélix, Solange Peters est tombée dans
la marmite politique quand elle était petite. Et cela se sent. La cheffe
du Service d’oncologie médicale du CHUV, à Lausanne, ne craint pas de
s’engager. Dans le combat contre le cancer, mais aussi contre les
inégalités et les discriminations en tous genres. Viscéralement attachée
au principe de l’équité dans l’accès aux soins, celle qui aurait pu
être syndique de Lausanne lutte également contre le manque de
transparence des entreprises pharmaceutiques et la hausse du prix des
médicaments. Rencontre
Le Temps: Le CHUV et le canton ont énormément investi
dans le développement de l’immunothérapie. Selon vous, cette thérapie
représente-t-elle la clé pour vaincre le cancer, une maladie qui cause
15 000 décès chaque année en Suisse? Solange Peters: Très clairement oui.
Depuis le développement de la chimiothérapie et de la radiothérapie dans
les années 60, personne n’avait pu identifier de nouvelles mécaniques
spécifiques pour s’attaquer au cancer. L’immunothérapie part d’une
question simple: comment est-ce possible que les cellules cancéreuses,
qui présentent de multiples anomalies, puissent ne pas être reconnues et
éliminées par le système immunitaire?
Il s’avère que, lorsque ce
dernier arrive près d’une cellule tumorale, celle-ci parvient à sécréter
une protéine qui va constituer, autour d’elle, une sorte de coque qui
aveugle, inactive puis fait mourir les globules blancs. Petit à petit,
nous sommes parvenus à identifier ces protéines, ce qui a permis le
développement de nouveaux médicaments en mesure de réactiver le système
immunitaire du patient.
Lire aussi: «Nous sommes capables d’apprendre au système immunitaire à se battre contre le cancer» – En quoi l’immunothérapie bouleverse-t-elle totalement la manière de traiter le cancer?
– Les cellules cancéreuses sont très intelligentes. Elles
arrivent, au fil du temps, à créer des résistances aux substances
chimiques, surtout chez les patients ayant déjà reçu plusieurs lignes de
chimiothérapie. C’est pourquoi les approches classiques, et même les
nouveaux médicaments dits plus ciblés, ont une durabilité limitée dans
le temps. Avec l’immunothérapie, on refait confiance à l’organisme
humain dans sa capacité à se protéger contre les agressions. Le but
n’est plus d’intoxiquer la cellule tumorale, mais bien de demander
simplement au système immunitaire de refaire son travail, comme il le
ferait contre un virus ou une bactérie.
Dans ce sens,
l’immunothérapie représente un véritable espoir, car il n’y a aucune
raison, si on parvient à le faire correctement, de penser que cette
technique soit limitée dans le temps. Même si la cellule tumorale devait
s’adapter, le système immunitaire en ferait de même. Nous ne sommes
donc plus, ici, dans une logique de médicament fixe, mais sur une
interaction flexible entre les tissus immunitaires et la tumeur, ce qui a
également pour avantage de générer moins d’effets secondaires chez les
patients. – Et cette approche est loin d’être purement théorique.
Certains résultats sur des patients que l’on croyait condamnés sont pour
le moins spectaculaires…
– C’est vrai. Dans le cas du cancer du poumon, maladie sur
laquelle l’immunothérapie fonctionne relativement bien, on a maintenant
un recul de cinq ans. Certains patients représentaient des cas
désespérés, chez qui tout avait été tenté. Statistiquement, leur
espérance de vie était de 0% à cinq ans. Pourtant, un patient sur cinq
est encore présent aujourd’hui. Certes, ce n’est que 20%, mais ce
résultat complètement inattendu est déjà extraordinaire.
Dans le
cas des tumeurs de la peau de type mélanome, dont le pronostic vital est
pourtant moins bon que pour le cancer du poumon, le taux de survie est
encore meilleur et peut atteindre 50%, surtout si l’on combine les
approches thérapeutiques. Nous parviendrons sûrement, d’ici à quelques
années, à guérir certains types de cancer grâce à l’immunothérapie, mais
il ne faut toutefois pas perdre de vue que cette technique n’en est
qu’à ses balbutiements. – Comment expliquez-vous que, malgré ses promesses, cette thérapie ne s’adresse pas encore à tous les types de cancer?
– Il existe des dizaines de mécanismes différents
permettant à la cellule tumorale de se faire oublier du système
immunitaire. Nous n’en avons, pour le moment, identifié que
quelques-uns. Nous ne savons pas encore vraiment pourquoi cette approche
fonctionne sur certains types de cancers et moins sur d’autres. Pour
les cancers du sein et du colon, par exemple, deux maladies oncologiques
parmi les plus fréquentes, l’immunothérapie ne représente pas encore
une bonne option de traitement.
Il faut également être conscient
que, même dans des indications reconnues comme le cancer de la peau, de
la gorge, du poumon, de la vessie et du rein, seul un patient sur deux
bénéficie aujourd’hui vraiment de ces traitements. C’est pourquoi il est
important de ne pas donner de faux espoirs aux malades. – Vous travaillez également sur le développement de traitements plus personnalisés…
– L’idée est de trouver un moyen d’activer plus avant le
système immunitaire. Pour ce faire, l’objectif est de prélever, chez le
patient, les globules blancs présents au sein de la tumeur, de les faire
se reproduire par millions en laboratoire, puis de les réintroduire
dans l’organisme de sorte à ce qu’ils s’attaquent encore plus
efficacement aux cellules cancéreuses. Nous avons déjà commencé à mettre
au point cette technique et traiterons notre premier patient atteint de
mélanome en septembre. Notre espoir serait ensuite de pouvoir ouvrir
une étude plus large au début de l’année prochaine, avec des malades
atteints d’autres formes de tumeurs solides. – L’étape d’après consistera à modifier génétiquement
les globules blancs du patient, mais cette approche n’est pas sans
risques…
– C’est en effet l’un de nos objectifs dans un second
temps. Nous réaliserons la même démarche, mais en modifiant les globules
blancs, afin d’en faire de meilleurs soldats. Cette technique demande
une réelle habileté, car le danger est d’obtenir des lymphocytes un peu
moins spécifiques. Ceux-ci pourraient alors s’attaquer non seulement à
la tumeur mais aussi à d’autres tissus tels que le cœur, le tube
digestif ou les poumons.
Lors des premiers essais cliniques,
certains patients sont ainsi morts d’insuffisance cardiaque ou
pulmonaire car, une fois le processus lancé, il n’y avait aucun moyen de
l’arrêter. C’est pourquoi on dote aujourd’hui les lymphocytes de gènes
«suicides», permettant, si cela devait mal tourner, de désactiver tout
le processus à l’aide d’un simple médicament comme un antibiotique ou
des hormones. C’est certainement dans cette voie que l’on réalisera le
plus de progrès. – Reste la réalité du prix. Bien que les traitements
contre le cancer ne représentent que 4% des dépenses de notre système de
santé, ces médicaments sont extrêmement onéreux. Aujourd’hui, chaque
patient suisse peut en bénéficier mais, compte tenu de l’explosion
programmée des coûts, cela va-t-il durer?
– Nous sommes effectivement l’un des seuls pays à pouvoir
se vanter d’avoir un système de santé aussi équitable. On a beaucoup de
chance, car en Angleterre, en Europe de l’Est ou dans certains pays du
sud, il est fort probable que les patients n’aient pas accès à
l’immunothérapie durant les 10 prochaines années. Le problème principal
en Suisse, comme ailleurs, est le prix élevé des médicaments. Nous
n’avons ici que peu de marge de manœuvre pour discuter du prix des
traitements avec les entreprises pharmaceutiques. Certains pays, comme
la Belgique ou la Hollande, ont un meilleur pouvoir de négociation,
raison pour laquelle le même médicament y coûte 50 000 euros par an,
contre 100 000 chez nous. – Vous évoquez notamment le manque de transparence des entreprises pharmaceutiques…
– Il faut savoir que le prix initial, souvent très élevé,
est fixé par l’industrie pharmaceutique, qui prend en compte le
remboursement et l’amortissement du coût de recherche en lien avec le
médicament. Ce mécanisme est justifié, mais il manque de transparence.
Le réel coût du développement de chaque médicament n’est pas connu, et
il est fort probable qu’une partie de la recherche infructueuse soit
également payée par cette voie.
Est-il aussi normal que, lorsque
le marché d’un médicament s’élargit géographiquement ou en termes
d’indications, le prix ne baisse pas significativement? Les actionnaires
pourraient-ils accepter un certain compromis en termes de revenus, pour
que plus de gens soient soignés? On ne prend pas assez en ligne de
compte ces perspectives. C’est pourquoi il est temps d’amener l’économie
dans le débat, de mettre tous les acteurs autour de la table des
négociations et de trouver un moyen pour que le plan financier des
entreprises pharmaceutiques corresponde à un projet sociétal compatible
avec une recherche active et innovante. Sans cela, aucun pays, même la
Suisse, ne sera à même de payer ces médicaments sur le long terme. – Raison pour laquelle vous encouragez les médecins à s’engager davantage sur le plan politique?
– Oui. On manque de gens, au parlement, ayant une réelle
vision rationnelle des soins qui ne soit pas biaisée par une perspective
économique. La question principale est de savoir pourquoi, à l’Office
fédéral de la santé publique, organe qui fixe le prix des médicaments en
Suisse, ou dans les commissions de la santé à Berne, il y a des
personnes qui n’ont pas envie que le prix des médicaments soit moins
élevé? Le coût des traitements dans notre pays alimente clairement une
économie qui n’est pas celle qui profite aux malades.
En
parallèle, une surreprésentation des assurances maladie et de leurs
organisations faîtières est également évidente dans les milieux
politiques, de nouveau en défaveur de l’accessibilité aux soins pour les
patients. Il s’agit là d’intérêts divergents qui ne demandent qu’à être
débattus par la présence accrue de professionnels de la santé en
politique. Au lit du malade, le seul devoir des médecins est de délivrer
le meilleur traitement possible au patient quel que soit son coût, mais
c’est en s’engageant qu’ils peuvent agir sur la pérennité de
l’accessibilité à des soins optimaux pour tous. https://www.letemps.ch/sciences/2017/06/16/solange-peters-devoir-doffrir-meilleur-traitement-possible-nos-patients
médecine
Contre le cancer, une appli rallonge la durée de vie
Présentée
au plus grand congrès de cancérologie au monde, une étude a fait
sensation en prouvant qu’un simple système de communication entre
patients et soignants augmente autant la survie que les meilleurs
médicaments
Et si une simple application informatique se
révélait aussi efficace contre le cancer que les meilleures molécules
disponibles sur le marché? Volontairement provocatrice, la question a
bel et bien fait l’objet d’une conférence en séance plénière lors du 53e
congrès de la Société américaine d’oncologie clinique (ASCO), qui s’est
tenu du 2 au 6 juin à Chicago.
Il y était question des travaux
menés par une équipe d’oncologues menée par Ethan Basch, de l’Université
de Caroline du Nord. Ces derniers ont démontré que les patients qui
signalent certains de leurs symptômes via une application installée sur
un ordinateur vivent plus de cinq mois plus longtemps que les personnes
suivant le parcours de soin classique.
Les chimiothérapies
demeurent les traitements les plus utilisés en cas de cancer. Efficaces
mais toxiques, ils sont souvent accompagnés d’effets secondaires
néfastes. «La moitié des symptômes liés à ces effets ne sont jamais
portés à la connaissance des médecins, et lorsqu’ils le sont, c’est
souvent tard», explique Ethan Basch.
Symptômes déclarés en ligne
Il
y a dix ans, le médecin a formulé l’hypothèse suivante: si les malades
déclaraient en ligne leurs symptômes dès leur apparition au lieu
d’attendre les rendez-vous chez leur médecin, cela se ressentirait-il
sur leur état de santé?
Pour le vérifier, il a recruté 766
patients au Memorial Sloan-Kettering Cancer Center à New-York, tous
atteints de certains cancers à un stade avancé, notamment du sein et du
poumon. 441 d’entre eux ont eu pour tâche de signaler 12 symptômes
(difficultés respiratoires, troubles du sommeil, pertes d’appétit, etc.)
via une application nommée STAR, Symptom Tracking and Reporting, selon
l’acronyme anglais.
Chaque symptôme devait être classé sur une
échelle de gravité de 1 à 5. En cas de classement de rang 3 ou plus, une
alerte par email était envoyée à l’équipe d’infirmiers qui pouvait
rapidement intervenir. Chaque semaine, ces patients recevaient un email
de rappel pour éviter les oublis. Le protocole a été bien respecté,
assure le Dr. Basch: «73% des rappels par email ont reçu une réponse, y
compris de la part des patients les plus âgés, ou des plus mal en
point.»
Ceci mis en place, le personnel soignant disposait d’un
suivi constant de l’évolution des symptômes. A des fins de contrôle, les
325 patients restants ont quant à eux suivi le parcours de soin
habituel, en décrivant leurs symptômes lors des consultations. L’étude
s’est étalée sur dix ans, la collecte des données ne cessant que lors du
décès des participants, de leur incapacité à se servir de l’application
ou en cas de retrait volontaire.
Coût dérisoire
Verdict,
les personnes ayant utilisé l’application ont en moyenne survécu 31,2
mois, contre 26 mois pour le groupe contrôle, décrit l’auteur dans la revue JAMA.
«Cela peut paraître modeste, mais c’est plus que ne le permettent un
bon nombre de médicaments prescrits en cas de cancer métastatique»,
précise Ethan Basch. Cinq ans après le début de l’étude, il y avait 8%
de survivants de plus dans le groupe ayant utilisé l’application.
Si
le coût d’une telle méthode n’a pas été abordé par l’auteur, il est de
toute façon dérisoire comparé à celui d’un médicament anti cancer.
L’Avastin des laboratoires Roche, approuvé pour traiter certains cancers
ovariens, augmente lui aussi l’espérance de vie d’environ cinq mois. Il
coûte environ 6000 dollars par mois, fait savoir le Financial Times… Lire aussi:«Nous sommes capables d’apprendre au système immunitaire à se battre contre le cancer»
Ce ne sont pas les seuls bénéfices soulignés par le médecin. Dans une publication précédente,
basée sur les mêmes personnes, il avait fait savoir que 31% des
patients ayant utilisé l’application STAR avaient retrouvé une meilleure
qualité de vie, et s’étaient rendus à l’hôpital moins souvent que les
autres.
Ces travaux
montrent qu’une intervention relativement simple peut réduire le nombre
de séjours à l’hôpital et améliorer les chances de survie
Comment
expliquer de tels résultats? Pour Ethan Basch, les patients ayant
utilisé son application sont restés actifs plus longtemps. Or l’état de
santé d’un malade se dégrade plus rapidement lorsqu’il est cloué au lit,
notamment en raison d’infections.
Les infirmiers, au fait de
l’évolution de leurs patients, ont également joué un rôle déterminant en
empêchant la survenue de complications. Le fait de rester en meilleure
santé a en outre permis à ces personnes de poursuivre leur
chimiothérapie pendant deux mois de plus en moyenne, ce qui a
certainement eu un impact positif sur leur survie.
Applications plus faciles à utiliser
«Ces
travaux montrent qu’une intervention relativement simple peut réduire
le nombre de séjours à l’hôpital et améliorer les chances de survie,
commente Harold Burstein, oncologue à la Faculté de médecine de
l’université Harvard et expert auprès de l’ASCO. Reste à savoir comment
intégrer de tels outils dans notre pratique, ce qui sera un véritable
défi».
De son côté, Ethan Basch s’attelle à la suite de ces
travaux. Il prévoit de reproduire son étude à plus large échelle, dans
tous les Etats-Unis. L’arrivée des smartphones, tablettes tactiles et
autres montres connectées devraient aussi favoriser le
développement d’applications plus faciles à utiliser aussi bien pour les
patients que pour les soignants, et surtout en temps réel. Lire aussi:Les cancers et leur part de hasard https://www.letemps.ch/sciences/2017/06/05/contre-cancer-une-appli-rallonge-duree-vie
Un traitement anticancéreux innovant mis sur le marché américain
L’agence américaine des produits alimentaires et des
médicaments (FDA) a donné son feu vert mardi à la mise sur le marché
d’un premier anticancéreux, le Keytruda des laboratoires Merck, qui
cible des tumeurs ayant un profil génétique spécifique et non pas
l’organe atteint. Lire l’éditorial:Le cancer, ce jeu de dés
«Jusqu’à
maintenant, la FDA approuvait des thérapies contre le cancer en
fonction de l’organe touché initialement, comme le poumon ou le sein», a
expliqué le Dr Richard Pazdur, directeur par intérim des produits
hématologiques et oncologiques au centre d’évaluation des médicaments de
la FDA. «Nous avons désormais approuvé un traitement sur la base de
biomarqueurs de la tumeur et non de l’organe affecté», a-t-il ajouté
dans un communiqué.
Le Keytruda (pembrolizumab), une
immunothérapie, est approuvé selon une procédure accélérée et peut être
utilisé pour traiter des tumeurs chez les enfants comme chez les adultes
qui sont inopérables et porteuses de traits génétiques particuliers
détectables par des biomarqueurs. Ce traitement concerne aussi des
malades atteints d’un cancer colorectal qui a continué de progresser
après une chimiothérapie.
Un traitement déjà approuvé pour d’autres cancers
Les
tumeurs ciblées par le Keytruda sont porteuses de caractéristiques
génétiques dites MSI-H et dMMR. Elles affectent fréquemment le colon,
les tissus endométriaux (ovaires) et gastro-intestinaux. Ces types de
cancer touchent aussi les seins, la prostate, la vessie et la glande
thyroïde, a précisé la FDA.
La FDA approuve un médicament selon
une procédure accélérée pour traiter des pathologies incurables contre
lesquelles il n’y a pas d’alternative et si la nouvelle molécule s’est
avérée suffisamment efficace dans des essais cliniques.
Le
Keytruda appartient à une nouvelle classe d’anticancéreux qui
neutralisent une protéine, dite PD-1, utilisée par les cellules
tumorales, afin d’échapper aux attaques du système immunitaire. Lire aussi:Les cancers et leur part de hasard
Ce
traitement avait déjà été approuvé par la FDA pour traiter plusieurs
types de cancers comme le mélanome (tumeur agressive de la peau), le
cancer avancé du poumon, de la tête et du cou et le lymphome de Hodgkin.https://www.letemps.ch/sciences/2017/05/24/un-traitement-anticancereux-innovant-mis-marche-americain
Une
thérapie révolutionnaire, développée en Belgique, contre le cancer à
l’horizon 2020: Qu'en pensent les oncologues? (INFOGRAPHIE)
Entretien: Laurence Dardenne
Publié le
- Mis à jour le
Vidéo
Sciences - Santé
A vouloir vaincre le cancer, ils sont aussi nombreux qu’obstinés. Les
patients, avant tout, bien sûr. Mais aussi les chercheurs, les
médecins, les entreprises pharmaceutiques ou biopharmaceutiques. Parmi
ces dernières, basée à Mont-Saint-Guibert, la société Celyad croit dur
comme fer dans son produit phare, l’immunothérapie CAR-T NKR-2. CAR pour
Chimeric Antigen Receptor et NKR pour Natural Killer Receptor. Mais
encore ?
Explications avec Christian Homsy, médecin, spécialisé en chirurgie,
de formation, co-fondateur et actuellement directeur général de Celyad. En quoi consiste cette technologie ?
Fondée sur la thérapie cellulaire - qui consiste à prélever des
cellules du patient, les modifier pour les lui réinjecter ensuite -, la
technologie en question a été découverte par un Américain, le Pr Charles
Sentman du Darmouth College. Il a inventé un concept assez unique :
cela consiste à prendre les cellules immunitaires du patient, les
globules blancs, et les armer avec une "tête chercheuse", qui va aller
chercher puis tuer les cellules cancéreuses. Parmi les globules blancs,
il existe un type de globules tueurs qui sont les lymphocytes T.
Ils sont très efficaces pour tuer une tumeur ou une cellule infectée,
mais en revanche, ils sont un peu "myopes". C’est la raison pour
laquelle le Pr Sentman a greffé un récepteur sur ces lymphocytes T dont
le rôle sera de trouver les cellules cancéreuses, un peu comme une clé
qui va ouvrir une serrure. Dans le corps, nous avons en effet un autre
type de globules blancs, les cellules (NK) qui elles, à l’inverse,
reconnaissent bien les cellules tumorales mais ne sont pas de bonnes
tueuses. Le chercheur américain a donc pris le récepteur des cellules NK
qu’il a mis sur les lymphocytes T.
C’est une forme de thérapie génique ?
En quelque sorte. On construit un vecteur viral qui, va s’intégrer
dans l’ADN de la cellule cible, en l’occurrence les lymphocytes T. Ce
vecteur va transmettre son matériel génétique à la cellule T, laquelle
va commencer à exprimer le code du virus à sa surface. Concrètement, on
prend du sang du patient dont on extrait les globules blancs. Nous les
"transfectons" avec le vecteur, ensuite, on les multiplie jusqu’à
obtenir une certaine dose, que l’on congèle avant de l’injecter chez le
patient. Où intervient la société Celyad ?
La toute grande majorité de la recherche fondamentale en médecine
provient des centres académiques. Les sociétés telles que la nôtre s’en
saisissent pour les développer, en expérimentant chez l’animal d’abord,
puis en conduisant des essais cliniques chez l’homme. Où en sommes-nous aujourd’hui ?
Nous avons terminé les études chez l’animal, qui ont montré des
résultats plus que probants. Les tests sur la souris ont été menés dans
cinq cancers différents : deux cancers du sang (myélome multiple et
lymphome), le cancer du pancréas, de l’ovaire et le mélanome. On a
injecté un cancer à des souris qui ont été traitées avec ces cellules T
modifiées, les CAR-T. Toutes les souris traitées ont survécu jusqu’à la
fin de leur vie naturelle alors que les autres sont décédées rapidement.
Maintenant, il reste à démontrer que les résultats obtenus chez le
rongeur pourront être reproduits chez l’homme.
Notre première étude a été menée dans deux cancers sanguins, et
conduite à des doses très faibles pour démontrer d’abord l’innocuité de
notre produit. A la dose la plus élevée (30 millions de cellules
injectées), il y a eu, sur les trois patients testés, une personne qui a
survécu alors que nous en sommes actuellement à 8 mois. Mais surtout,
nous avons pu observer une normalisation complète de ses paramètres
sanguins alors que ce patient devait recevoir des transfusions toutes
les 3 semaines avant son traitement, et son espérance de vie été alors
limitée à deux mois. Cela signifie-t-il qu’il est guéri ?
En cancérologie, on parle de rémission. La guérison, si elle a lieu ne peut être déterminée avant cinq ans. Quels sont les avantages de l’approche ?
C’est moins toxique qu’une chimiothérapie, car la technique est
beaucoup plus précise. On parle d’ailleurs de médecine de précision.
C’est aussi une médecine individualisée puisque l’on utilise les propres
cellules du patient. Un autre avantage est qu’il y a moins de problèmes
immunologiques. Il s’agit de traitements extrêmement puissants et
ciblés à la fois.
Et maintenant, quelles sont les prochaines étapes ?
Nous venons de commencer une deuxième étude avec des doses bien plus
importantes qui seront administrées dans sept cancers différents :
vessie, ovaire, sein, colorectal, pancréas, leucémie et myélomes. Cette
étude, dénommée "Think", est menée aux Cliniques universitaires
Saint-Luc, à Gand et à l’Institut Bordet ainsi qu’aux Etats-Unis, sur
des patients qui n’ont pas répondu aux autres traitements. D’ici la fin
de l’année, nous espérons avoir les résultats de la première partie de
l’étude qui vise à déterminer la dose la plus efficace, et, dans le
courant de l’année prochaine, une étude plus approfondie de l’efficacité
sur un nombre de patients plus important.
Ce qu'en pensent les médecins oncologues
La question qui nous brûle les lèvres est : quand pourrait-on espérer la mise sur le marché de ce traitement ? "Ces médicaments s’avèrent tellement puissants que les études pour les amener sur le marché sont beaucoup plus courtes, nous répond Christian Homsy. Si tout se passe comme nous l’espérons, on pourrait donc, à l’horizon 2020, avoir un traitement commercialisé chez le patient. Le cancer est une maladie extrêmement complexe; il y a des
dizaines de cancers différents. Je pense que ce traitement peut
révolutionner la façon dont on traite le cancer. Cette maladie nécessite
une approche pluridisciplinaire. Cette thérapie pourrait néanmoins
s’intégrer dans le traitement de la majorité des cancers."
Mais que pensent au juste les médecins des hôpitaux belges qui suivent les patients inclus dans cette étude ? Trop tôt pour se prononcer sur l’efficacité
"Il s’agit effectivement d’une approche relativement innovante, en
particulier parce qu’elle est destinée, entre autres, à des patients
atteints de tumeurs solides, estime le Pr Jean-Pascal Machiels, chef du service d’oncologie médicale des Cliniques universitaires Saint-Luc. Des
approches similaires sont développées pour les tumeurs hématologiques
avec quelques succès encourageants. Le concept théorique est donc
original et prometteur. Actuellement, nous testons cette nouvelle
thérapie dans un essai clinique précoce dont le but principal est
d’évaluer la toxicité du produit et d’identifier la dose optimale. Il
est trop tôt pour se prononcer sur une quelconque efficacité clinique,
qui devra être évaluée prochainement dans les phases ultérieures de
l’essai et d’autres études cliniques. A ce stade, il s’agit donc d’une
thérapie expérimentale qui ne peut être administrée que dans des
conditions bien contrôlées et par des équipes expérimentées. Une mise
sur le marché n’est pas d’actualité aujourd’hui." Pour différents types de cancer
Par rapport à d’autres produits actuellement en phase d’évaluation, "le CAR-T NKR-2 de Celyad armé d’un récepteur NK a l’avantage de pouvoir être utilisé dans plusieurs types de cancer, explique
pou r sa part le Dr Philippe Lewalle, responsable du laboratoire
facultaire d’hématologie expérimentale, à l’institut Jules-Bordet.
En ce qui concerne les résultats préliminaires,"ils sont suffisamment encourageants, poursuit le spécialiste, pour
poursuivre les essais cliniques avec optimisme, même si actuellement
nous ne pouvons pas préciser pour quel type de cancer, à quel moment, à
quelles doses de cellules et dans quelle stratégie globale d’association
de traitements il sera le plus efficace et confirmera sa place". "L’immunothérapie cellulaire clinique en est toujours à
ses balbutiements et de nombreux protocoles cliniques expérimentaux
seront encore nécessaires pour l’amener à sa pleine maturité, tient toutefois à préciser le Dr Lewalle. Néanmoins,
même si toutes les questions ne seront pas élucidées, il est
raisonnable de penser que, si les résultats se confirment, une première
série d’indications pourrait permettre une mise sur le marché des CAR-T
NKR-2 de Celyad à l’horizon 2020." Globalement moins toxique et plus ciblé A propos de l’immunothérapie de manière générale, "outre
la possibilité d’être efficace dans des situations de résistance aux
chimiothérapies et à la radiothérapie, en raison d’un mode d’action
totalement différent, l’immunothérapie - en redonnant à l’individu le
pouvoir de se battre contre son cancer - offre l’avantage d’être
globalement moins toxique et plus ciblée". "L’immunothérapie a ouvert la porte d’une toute nouvelle
approche du traitement du cancer, elle représente une véritable
révolution de notre façon d’aborder la prise en charge globale du
patient. Elle permet des associations et des séquences de traitements
totalement nouvelles et inédites qu’il faut maintenant inventer et
tester. Globalement, il faut espérer que nos manipulations du système
immunitaire soient assez puissantes et spécifiques pour se traduire en
des guérisons définitives pour le plus grand nombre et consacrer la
victoire de l’immunité sur le cancer."
Entretien: Laurence Dardenne
AddThis Sharing Buttons
Cancer de la prostate: les ultrasons thérapeutiques montrent leur efficacité
Une
troisième voie se dessine pour certains malades du cancer de la
prostate: l'utilisation des ultrasons sur une partie seulement de la
glande malade
afp.com - MARTIN BUREAU
03 nov 2016
Entre
un suivi médical anxiogène et une opération aux effets secondaires
souvent lourds, une troisième voie se dessine pour certains malades du
cancer de la prostate: l'utilisation des ultrasons sur une partie
seulement de la glande malade.
C'est la conclusion d'une étude,
promue par l'Association française d'urologie (AFU) et récemment publiée
dans la revue de référence European Urology.
Sur un échantillon,
statistiquement significatif, de 111 malades, 89% étaient toujours en
vie au bout de deux ans "sans traitement radical", ont expliqué jeudi
les auteurs de l'étude lors d'une conférence de presse à Vaulx-en-Velin
(métropole de Lyon).
Et ceci avec peu de ces effets secondaires
qui dissuadent souvent les patients, confrontés à cette maladie à
évolution très lente, de se faire opérer: 97% ne souffraient pas
d'incontinence urinaire et 78% voyaient leur fonction érectile
préservée.
Le traitement salué par l'AFU consiste à concentrer via
une sonde endo-rectale des ultrasons de haute intensité pour détruire,
par la chaleur engendrée, les tissus cancéreux. Cette technologie n'a
rien de nouveau puisqu'elle existe depuis 1993 mais, additionnée aux
progrès de l'imagerie médicale, elle permet d'avoir une approche de plus
en plus fine et ciblée.
Elle est destinée aux patients à faible
ou moyen risque, atteint d'un cancer localisé de la prostate. Soit
environ 20% des patients normalement promis à un traitement chirurgical.
L'AFU
a souligné que son étude, réalisée dans dix centres hospitaliers
français, était indépendante, même si elle était présentée dans la
locaux de la société EDAP TMS, spécialisée dans l'utilisation des
ultrasons en urologie, qui fabrique les équipements utilisés.
Premier
cancer de l'homme, le cancer de la prostate provoque chaque année 8.000
décès en France, selon Sébastien Crouzet, chirurgien urologue à
l’hôpital Édouard Herriot de Lyon. Sur les 58.000 nouveaux cas
diagnostiqués chaque année, 10% font l'objet d'une "surveillance
active", 80% d'un traitement local et 10% d'un "traitement radical
agressif", précise-t-il.
Depuis l'an dernier et pour une période
de cinq ans, le traitement focalisé par ultrasons est remboursé aux
hôpitaux comme une ablation chirurgicale, ce qui devrait favoriser son
adoption par les centres hospitaliers.
L'auteur principal de
l'étude, Pascal Rischmann (CHU de Toulouse), a de son côté fait valoir
que l'adoption de cette technologie pouvait avoir des retombées
positives pour le système de santé: les soins peuvent se faire en
ambulatoire et une séance réussie peut permettre d'éviter 46 séances
d'irradiation.
Cotée sur la bourse américaine des nouvelles
technologies Nasdaq depuis 2007, EDAP TMS est issu d'une collaboration
avec l'Inserm et les Hospices civils de Lyon. La société a réalisé l'an
dernier un chiffre d'affaires de 35 millions de dollars. http://information.tv5monde.com/en-continu/cancer-de-la-prostate-les-ultrasons-therapeutiques-montrent-leur-efficacite
Le nombre de décès par cancers explose chez les femmes
En 2030, les cancers seraient
responsables de la mort de 5,5 millions de femmes dans le monde, soit
une hausse de 60%. Les deux rapports préconisent des efforts en
termes d'éducation et de prévention
Deux rapports alertent sur
l'explosion des décès par cancers chez les femmes, liée en particulier
au cancer du sein. Les cancers pourraient ainsi tuer 5,5 millions de
femmes chaque année dans le monde en 2030 contre 3,5 millions en 2012.
Ce
chiffre, lié à l'augmentation et au vieillissement de la population,
représenterait une hausse de près de 60% en moins de deux décennies,
selon une analyse de la Société américaine du cancer (ACS) rendue
publique mardi lors du congrès mondial du cancer réuni à Paris jusqu'à
jeudi.
Le développement des cancers
s'explique aussi par l'augmentation de la fréquence de «facteurs de
risque de cancer connus liés à la transition économique rapide comme
l'inactivité physique, une mauvaise alimentation, l'obésité, et des
facteurs reproductifs», comme par exemple le fait de procréer à un âge
tardif, relève Sally Cowal de l'ACS qui a compilé ce rapport sur les
cancers des femmes.
Des efforts accrus en matière
d'éducation et de prévention sont essentiels pour endiguer ce fléau
grandissant, responsable de la mort de 3,5 millions de femmes en 2012
(sur plus de 8 millions de morts au total), majoritairement dans les
pays en développement, souligne ce document.
La deuxième cause de décès féminins
Dans
un second rapport publié mercredi par la revue médicale The Lancet,
également à l'occasion du congrès de Paris, des spécialistes avertissent
qu'en 2030 le nombre de femmes diagnostiquées avec le cancer du sein
pourrait presque doubler pour atteindre 3,2 millions par an (contre 1,7
million/an ces dernières années).
Pour
le cancer du col de l'utérus, le nombre de diagnostics pourrait
augmenter d'au moins 25 %, à plus de 700 000 d'ici à 2030,
«principalement dans les pays à faible revenu et à revenu
intermédiaire», d'après le journal.
Le cancer, qui tue déjà une femme
sur sept (14%) chaque année dans le monde, est la deuxième cause de
décès féminins, après les maladies cardiovasculaires, selon le rapport
de l'ACS. Le cancer du sein, le plus fréquent, est la principale cause
de décès par cancer chez les femmes dans le monde (521 900 décès en
2012) devant le cancer du poumon (491 200 décès).
La vaccination et le dépistage préconisés
Mais
des centaines de milliers de ces décès pourraient être évités: bon
nombre des plus de 700 000 décès annuels par cancers du poumon et du col
de l'utérus pourraient en effet être prévenus grâce à une lutte
efficace contre le tabagisme, à la vaccination et au dépistage, rappelle
l'ACS.
«La vaccination systématique
contre les papillomavirus (VPH) des filles dans les pays les plus
pauvres au cours des quatre prochaines années pourrait prévenir 600 000
futurs décès par cancer du col de l'utérus», renchérissent les auteurs
d'une série de trois articles dans The Lancet. Ils plaident pour un
investissement à la hauteur des enjeux (prévention, dépistage,
vaccination et traitements) dans les pays en développement.
Neuf
décès par cancer du col de l'utérus sur dix surviennent dans les pays
en développement, selon le rapport de l'ACS. L'Afrique sub-saharienne,
l'Amérique Centrale et du Sud, ainsi que l'Asie du Sud-Est et l'Europe
de l'Est ont les taux (nouveaux cas et mortalité/100 000 femmes) les
plus élevés pour ce cancer du col de l'utérus.
Les femmes issues des pays en voie de développement surexposées
Selon
The Lancet, la différence en termes de survie pour le cancer du sein
entre les pays riches (France, Allemagne, Etats-Unis...) et des pays
comme l'Afrique du Sud ou l'Inde (de plus de 80% à 50% environ) met en
lumière les «énormes inégalités d'accès à la prévention, à la détection
précoce et aux traitements».
Cette
situation fait des cancers du col et du sein des «maladies négligées»,
estime même la présidente du Chili, Michelle Bachelet, dans un éditorial
du journal.
Le
rapport de l'ACS pointe aussi les «pénuries» en matériel de
radiothérapie en Afrique et en Asie du Sud-Est. Les pays à faibles et
moyens revenus, où sont concentrés 60% des cas de cancers, ne possèdent
que 32% des appareils de radiothérapie disponibles.
«La
communauté mondiale ne peut pas continuer à ignorer le problème - des
centaines de milliers de femmes meurent inutilement chaque année», a
déclaré Richard Sullivan du King's College de Londres, co-auteur du
rapport de The Lancet, appelant à se mobiliser en faveur des plus
démunis.
Santé
Julie Zaugg, Hongkong
Publié mardi 9 août 2016 à 20:11.
médecine
Des modifications inédites du génome pour soigner le cancer
Un médecin chinois va se
servir d’un outil de manipulation génétique révolutionnaire pour tenter
de guérir des patients atteints d’une tumeur. Une première chez l’être
humain
Ce printemps, Lu You, un oncologiste à l’hôpital
West China de l’Université du Sichuan, en Chine, a sélectionné dix
patients. Tous souffrent d’un cancer du poumon incurable. Ils ont déjà
tout essayé: la chimiothérapie, la radiothérapie, les médicaments
anticancéreux. Sans succès. Mais à partir du mois d’août, ils vont
recevoir une nouvelle thérapie qui pourrait révolutionner le traitement
du cancer. Ils sont enrôlés dans un essai clinique qui a pour but de
renforcer les défenses naturelles du corps, pour qu’il puisse lutter
lui-même contre la tumeur.
Pour ce faire, Lu You va prélever sur
ces patients des lymphocytes T, les cellules qui forment l’armature de
notre système immunitaire. «Celles-ci seront modifiées génétiquement
pour leur enlever un gène appelé PD-1 qui freine en temps normal leur
capacité à attaquer d’autres cellules», explique Timothy Chan, un
oncologue spécialisé dans le génome des tumeurs au Memorial Sloan
Kettering Center de New York. Ces cellules seront ensuite multipliées en
laboratoire avant d’être réinjectées au patient. Les chercheurs chinois
espèrent qu’elles se mettront alors à attaquer la tumeur.
Cette
procédure puise ses origines dans une méthode éprouvée.
«L’immunothérapie, qui consiste à injecter au patient des lymphocytes T
modifiés, existe depuis le milieu des années 90», note Fyodor Urnov, de
l’Université de Californie à Berkeley, un généticien qui a contribué à
développer certaines de ces thérapies. S’appuyant sur des techniques de
manipulation génétique de première ou de deuxième génération – les ZFN
et les TALEN –, des chercheurs sont parvenus en 2014 à guérir des
malades souffrant de leucémies ou à introduire une mutation chez des
personnes séropositives pour les rendre résistants au virus du sida.
Embryons modifiés
Ce
qui est neuf, c’est l’usage d’un nouvel outil inventé en 2012 appelé
CRISPR-Cas9. Il fonctionne en déployant une enzyme – Cas9 – qui a été
spécialement programmée pour repérer et éliminer certains morceaux
d’ADN. «Cette technologie peut insérer, effacer ou écraser des morceaux
de code génétique, ce qui a pour effet d’activer ou d’éteindre certains
gènes, détaille Martin Jinek, un biochimiste de l’Université de Zurich
qui a travaillé dans le laboratoire américain à l’origine de cette
technique. Son principal avantage est sa rapidité et son extrême
précision.»
Cette paire de super-ciseaux a déjà permis des
avancées dans plusieurs domaines. Elle a notamment été utilisée pour
développer des champignons qui ne brunissent pas, des moustiques
résistants à la malaria, des chèvres du Cachemire à la laine plus
fournie ou des chiens capables de courir plus vite. En 2015, puis à
nouveau au printemps 2016, des chercheurs chinois ont créé la
controverse en indiquant qu’ils s’étaient servis de CRISPR-Cas9 pour
modifier des embryons humains non viables, afin de voir s’il était
possible de les guérir d’une maladie sanguine héréditaire ou du sida. A lire aussi: Chirurgie de l’ADN pour bébé «sur mesure»
Mais cette technique n’a encore jamais été utilisée sur un
humain en vie. Lu You sera le premier à le faire. Une autre tentative
semblable est prévue pour la fin de l’année à l’Université de
Pennsylvanie.
Ces essais cliniques soulèvent un certain nombre
d’interrogations. Timothy Chan craint l’apparition d’une réaction
auto-immune chez les patients. «Les lymphocytes T modifiés pourraient
commencer à s’en prendre non seulement à la tumeur mais aussi à des
tissus sains», craint-il. La réaction ne serait pas forcément immédiate:
«Elle pourrait intervenir longtemps après l’injection de cellules
modifiées ou seulement lorsque la dose est augmentée», précise-t-il.
Effets secondaires
Le
seul moyen d’éviter ce problème serait de n’utiliser que des
lymphocytes T extraits à proximité de la tumeur, car ils ont été
programmés pour s’en prendre en premier lieu à cette dernière,
ajoute-t-il. L’équipe du Dr Lu a indiqué qu’elle procéderait avec
prudence, en n’augmentant le dosage que chez un seul patient
initialement, mais cela n’éliminera pas le risque de réaction
auto-immune.
Autre risque, «CRISPR-Cas9 introduit parfois des
modifications génétiques au mauvais endroit», indique Martin Jinek. Ce
bug pourrait avoir de graves effets secondaires, comme le développement
de tumeurs. Au début des années 2000, un patient français souffrant
d’une déficience immunitaire héréditaire enrôlé dans un essai clinique
qui avait pour but de remplacer le gène à l’origine de sa maladie a
développé une leucémie et en est décédé. L’équipe de Lu You s’est
adjoint les services de la société Chengdu MedGenCell: elle sera chargée
d’examiner les lymphocytes T avant qu’ils ne soient réinjectés au
patient pour s’assurer qu’ils ne contiennent que les modifications
génétiques souhaitées.
Patients informés
Face à ces
dangers, est-il éthique de traiter des patients avec ce genre de
thérapie? «Ces patients sont en phase terminale et ont épuisé toutes les
autres options, estime Tetsuya Ishii, un bioéthicien de l’Université de
Hokkaido, au Japon. Le bénéfice potentiel d’un tel traitement excède
donc les risques.» Il rappelle toutefois que cela ne vaut que si les
malades ont été informés de tous les effets secondaires et ont pu livrer
leur consentement éclairé.
L’étude de Lu You ne se situe pas sur
le même plan que les modifications génétiques d’embryons humains
effectuées par ses collègues chinois en 2015 et 2016, note de son côté
Fyodor Urnov, qui s’était à l’époque fendu d’une lettre ouverte, publiée
dans la revue «Nature», pour dénoncer cette expérience. «Ici, on ne
modifie pas la lignée germinale (les cellules reproductives capables de
transmettre la mutation génétique à la génération suivante, ndlr) et le
but est de guérir une maladie existante, pas d’éviter la survenue d’une
future maladie», juge-t-il.
Cancer: l'incroyable découverte belge qui bloque les métastases
Une équipe de chercheurs de l'UCL a identifié comment se
formaient les métastases et comment éviter qu'elles apparaissent. Les
métastases sont responsables de 90 % des 27 000 décès annuels liés au
cancer.
Pendant cinq ans, l'équipe de 17 chercheurs pilotée par le
professeur Pierre Sonveaux a tenté de découvrir d'où viennent les
métastases et comment prévenir leur apparition.
Les résultats de leur étude publiées dans la prestigieuse revue Cell Reports,
valaient manifestement le temps et l'investissement consentis. Les
chercheurs ont identifié des composés prometteurs qui pourraient, à
l'avenir, empêcher le développement de métastases chez des patients
atteints d'une tumeur cancéreuse. "Nous pouvons être fiers, s'enorgueillit Pierre Sonveaux. Car nous sommes les premiers, au niveau mondial, à avoir identifié une voie qui est responsable des métastases." L'équipe a étudié longuement les cellules cancéreuses et découvert qu'elles produisent un déchet. "C'est le superoxyde. Et nous avons imaginé qu'il était possible d'inactiver le superoxyde afin de bloquer les métastases." Testé sur la souris "Nous avons testé notre traitement sur la souris, dans des
modèles de mélanomes - ces tumeurs de la peau induites par des
expositions au soleil - et dans des modèles de cancer du sein humain
injecté chez la souris, précise-t-il. Dans ces deux cas, nous avons pu bloquer les métastases grâce à un traitement qui inactive le superoxyde."
Les résultats ont montré qu'une injection quotidienne d'un tel
traitement était efficace dans ce cadre: cela a empêché l'apparition de
métastases chez la souris en inhibant le superoxyde. Un traitement transposable à l'être humain? "Nous sommes très enthousiastes, mais d'un autre côté nous sommes
des académiques, donc il faut raison garder. Des tests supplémentaires
sur l’animal sont encore nécessaires, avant de passer chez l'homme. Nous
voulons identifier si les stratégies fonctionnent aussi pour d'autres
types de cancer. Ensuite, il faut faire des tests cliniques."
La décision de mener des tests cliniques est entre les mains des
firmes pharmaceutiques qui possèdent les molécules nécessaires. Car un
autre bon point: c'est que ces molécules existent déjà. "Les composés, qui ont donné des résultats probants lors de nos
tests, existaient déjà. Ils appartiennent à des groupes pharmaceutiques,
qui les testent actuellement en phase 2 pour traiter la maladie de
Parkinson ou l'hépatite C, ajoute Pierre Sonveaux. Nous savons
donc que ces molécules ne sont pas toxiques pour l'homme. Cela ouvre la
porte à une éventuelle validation relativement rapide d'un traitement
préventif qui bloquerait les métastases cancéreuses humaines". RTBF avec Belga
Quelles sont les chances de survie aux principaux cancers ?
Selon une vaste enquete publiée mardi par l’Institut de veille sanitaire (InVS) et l’Institut national du cancer (INCa),les chances de rester en vie cinq ans après le diagnostic d’un cancer se sont globalement améliorées ces dernières années. L’étude publiée mardi 2 février a été menée sur plus de 535 000 cas de cancers, sur deux périodes : 1989-1993 et 2005-2010.
Malheureusement, tous les types de cancer n’offrent pas les mêmes perspectives. Ainsi, il reste aujourd’hui extrêmement rare de survivre
plus de cinq ans à un mésothéliome (cancer lié à l’amiante) ou à une
tumeur au poumon. En revanche, les cancers du sein ou de la prostate
sont très bien soignés.
Les maladies et leurs perspectives d’évolution ne sont pas les mêmes
chez les hommes et chez les femmes, comme le montrent les deux tableaux
ci-dessous :
Chez les hommes, les cancers de la prostate et des testicules présentent les meilleures chances de survie
Taux de survie à cinq ans
chez les hommes atteints de cancers entre 2005 et 2010. Le mésothéliome
pleural (cancer de l'amiante) est le plus souvent mortel.
Chez les femmes, les cancers de la thyroïde, de la peau et du sein présentent les meilleures chances de survie
Taux de survie à cinq ans
chez les femmes atteintes de cancers entre 2005 et 2010. Le cancer du
pancréas et le mésothéliome pleural (cancer de l'amiante) sont mortels
la plupart du temps.
Comme les femmes sont davantage atteintes que les hommes par des
cancers qui se soignent bien, leur taux de survie global cinq ans après
le diagnostic est meilleur, selon les données de l’InVS et de l’INCa,
qui divise les types de cancers en trois catégories, en fonction de leur
pronostic.
Davantage de cancers à bon pronostic chez les femmes
Les femmes sont davantage
touchées par des tumeurs qui se soignent "bien" (Sein, mélanome,
thyroïde) alors que les hommes sont plus sujets à des cancers meurtriers
(mésothéliome, pancréas, poumon...)
Cancers à mauvais pronostic (moins de 33 % de survie à 5 ans) ● Hommes: 31 % ● Femmes: 17 %
En
savoir plus sur
http://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2016/02/02/quelles-sont-les-chances-de-survie-aux-principaux-cancers_4858099_4355770.html#0A7HpcCHuRMEAoFF.99
Marseille : contre le cancer, Clairval dégaine son cyber couteau
L'établissement privé du Redon a inauguré hier son Cyberknife dernier cri
Le
Cyberknife, un nouveau "couteau" thérapeutique dont s'est doté
Clairval, l'unique établissement de la région à disposer de ce petit
bijou de technologie. Photo Valérie vrel
Dans la guerre de conquête sur le marché marseillais de la
santé, c'est une arme tranchante que fourbit le groupe Générale de Santé
(GdS)... Sous l'étendard d'un nouvel Institut de cancérologie Marseille
Provence, elle a inauguré hier ce dernier équipement de radiothérapie
stéréotaxique : le Cyberknife dernière génération. Une cérémonie
organisée en présence de Pascal Roché, directeur général du groupe, de
Cyril Szymkowicz, directeur du pôle Marseille, et des médecins
radiothérapeutes de l'institut.
Clairval devient ainsi l'unique
établissement de la région à proposer ce "couteau" thérapeutique, qui
n'existe que dans huit centres en France (dont un à Nice, mais de la
génération précédente). Ce robot articulé très mobile peut traiter une
lésion très petite, fixe ou mobile, n'importe où dans le corps, avec une
précision inframillimétrique. Alternative non invasive à la chirurgie
pour certaines tumeurs, ce "bistouri", qui opère sans ouvrir, ne
nécessite aucun système de contention ou de fixation invasif. Les
indications concernent les petites et moyennes tumeurs, intra et
extra-crâniennes : cerveau, poumon, rachis et moelle épinière, foie,
pancréas, prostate, sein... ainsi que la ré-irradiation en zones déjà
traitées. Le traitement est programmé sur 1 à 5 séances de 20 à 60 mn
(contre 30 pour un traitement classique) et ne nécessite pas
d'hospitalisation.
Avec ce nouvel équipement, la Générale de Santé
poursuit ainsi sa stratégie de repositionnement sur les quartiers Sud
de Marseille. Après l'abandon de la clinique Beauregard (revendue au
groupe varois Sainte-Marguerite), le géant de la santé privé investit
massivement dans la chirurgie ambulatoire à la clinique Monticelli 2, en
construction à côté du stade Vélodrome. En parallèle, "l'Institut de cancérologie propose une offre de soins complète et de qualité en termes de dépistage et de traitement du cancer",
explique Cyril Szymkowicz. La GdS dispose notamment d'un Pet scan,
ainsi qu'une offre de soins complète (chimiothérapie et thérapies
ciblées, radiothérapie, radiochirurgie stéréotaxique, curiethérapie). En
se dotant du Cyberknife, l'établissement qui accueille près de 2 000
patients en radiothérapie chaque année, souhaite renforcer son activité.
Reste
qu'en matière de couteau anti-cancer, l'hôpital public marseillais
n'est pas en reste. L'AP-HM conserve même plusieurs longueurs d'avance
avec le PerfeXion, Gamma Knife qui permet d'opérer sans ouvrir le crâne.
En 2006, cette machine a été implantée en première mondiale à la
Timone, qui vient d'en recevoir la toute dernière version (inauguration
prévue en novembre prochain). La différence avec le Cyberknife de
Clairval ? "Cela n'a rien à voir", explique le Pr Jean-Marie Régis, chef du service de radiochirurgie de la Timone. "Le
Cyberknife est une très bonne machine, mise au point dans les années
90, qui répond au problème particulier du ciblage des tumeurs mobiles
(du foie, de la prostate, du poumon). Mais pour le cerveau, il n'y a pas
de comparaison possible : le gammaknife est vraiment révolutionnaire".
Le CHUV et l’Université de Lausanne
(UNIL) vont devenir, avec San Diego et Oxford, un des trois pôles
mondiaux de recherche sur le cancer. (Keystone)
Le Ludwig Cancer Research, le canton, le CHUV et l’Université de
Lausanne comptent investir près de 1 milliard de francs ces trente
prochaines années pour le développement de thérapies expérimentales
contre le cancer
La recherche contre le cancer compte un nouveau centre
d’envergure internationale à Lausanne. Le Ludwig Cancer Research, une
institution américaine à but non lucratif, prévoit d’investir une somme
conséquente – 100 millions de francs ces dix prochaines années,
renouvelables sur 30 ans – pour développer ses activités en
immunothérapie dans la capitale vaudoise. Cette discipline s’appuie sur
les défenses du corps pour lutter contre les cellules cancéreuses.
Spécialiste dans ce domaine, le professeur George Coukos, chef du
Département d’oncologie UNIL-CHUV, dirigera le centre lausannois, qui
deviendra le troisième pôle de compétence du Ludwig Cancer Research dans
le monde, après San Diego aux Etats-Unis et Oxford en Grande-Bretagne.
Financement croisé
«Le
développement des recherches dans le domaine du cancer ces dernières
années et les investissements promis par les institutions concernées par
ce projet ont décidé Ludwig à choisir Lausanne», estime Pierre-Yves
Maillard, chef du Département vaudois de la santé. Le CHUV investira
7,5 millions par an pour des thérapies expérimentales. L’Université de
Lausanne financera des postes de recherche à hauteur de 5 millions par
an.
Le canton s’est engagé à injecter près de 89 millions
dans un premier temps pour la construction de nouveaux bâtiments dédiés
à la recherche, sur le site de Dorigny et sur celui du Biopôle à
Epalinges, qui hébergera l’institut Ludwig. Dans les six prochaines
années, les investissements immobiliers pour la recherche s’élèveront à
300 millions, précise Pierre-Yves Maillard. «C’est un atout pour la
réputation scientifique de la région. Mais aussi pour la population
touchée par le cancer, chez qui les thérapies classiques ne donnent pas
de résultat», ajoute le ministre socialiste. A moyen terme, de 200 à 300
patients par an devraient pouvoir bénéficier de traitements
expérimentaux à Lausanne.
Le masculin bousculé, cancer de la prostate et accompagnement psychologique
Le Monde.fr
|
Par Anne-Sophie van Doren, Laboratoire PCPP, EA 4056, Université Paris Descartes, Paris V et Marc Olivier Bitker, service d’Urologie, groupe hospitalier Pitié Salpetrière – Charles Foix. APHP. UPMC Paris VI. Paris
« Il n’est point d’homme qui ne veuille être un despote quand il bande ! ». Le psychanalyste Jacques André commente cette citation du Marquis de Sadeainsi : « La
première contribution de la psychanalyse à la compréhension de la
domination masculine suit le mouvement de l’érection. L’homme est un homo erectus, le pouvoir appartient à ceux qui se dressent, pas à ceux qui se baissent
». Derrière ceux qui se baissent, il est assez aisé d’entendre des
résonnances fantasmatiques avec la maladie, la vieillesse que
Chateaubriand qualifie de naufrage. Même si « se baisser » peut
avoir une valence active, de choix assumé ou consenti, on peut
également y voir les figures de la passivité, de la soumission voire de
l’infamie. C’est en gardant ceci à l’esprit, qu’il convient d’écouter et
d’entendre les patients porteurs d’un cancer de la prostate. Ces hommes
cherchent tant bien que mal à rester debout ou à se relever après
s’être nécessairement baissés pour sauver leur vie, après avoir accepté
de sacrifier « une partie » pour sauver le tout, ce qu’ils vivent et ressentent, parfois à mots couverts, comme la honte de ne plus être virils.
Au
carrefour des espaces somato-psychique et psychosexuel, le cancer de la
prostate est susceptible de mettre au travail des concepts clés de la
psychanalyse comme la pulsion et l’angoisse de castration. Mais il
interroge également quant aux effets psychiques des traitements
curateurs mais castrateurs que l’on propose aux patients.
Paradoxalement, cela reste une clinique encore taboue et boudée des
psychologues et psychanalystes qui s’intéressent plus volontiers au
cancer du sein, peut être car les femmes se livrent plus volontiers.
Mais alors que la psychanalyse est régulièrement taxée de
phallocentrisme, que le sexuel est un élément nodal du fonctionnement
psychique, comment se fait-il qu’elle ne se penche pas ou si peu sur le
cancer de la prostate ?
Derrière le manifeste : il n’y a pas ou si
peu de psychologue clinicien dans les services d’urologie, il y a le
latent. Peut-être est-il difficile de penser une maladie qui viendrait
malmener le centre du référentiel et la théorie sexuelle infantile,
partagée par tous, celle du primat du phallus ? Bien sûr que dans la
réalité consciente, cela ne semble pas un argument très recevable, mais
Jacques André nous le rappelle : « Comme pour toute théorie sexuelle
infantile, cela n’a guère de sens de la dire vraie ou fausse. Le
phallus c’est comme Dieu, il suffit d’y croire pour qu’il existe » !
Mais justement, si tout le monde y croit, le cancer de la prostate
vient alors jouer les trouble-fêtes, ce qui le rendrait peut-être par la
même occasion tabou et ce qui ne peut pas ne pas nous interpeller.
Maladie de l’homme mûr, elle a ceci de particulier qu’elle émerge dans
le climat de castration narcissique d’un vieillissement débutant. En
effet, certains évènements de vie objectifs, comme les perspectives de
la retraite, les premiers petits-enfants, les prises de conscience
parfois aiguës et douloureuses d’un vieillissement corporel inéluctable,
sont déjà venus rappeler au sujet qu’il n’était pas éternel.
En
outre, il est difficile voire impossible de se soustraire au poids
environnemental. Nous sommes tous inscrits dans une société où les
cultes du corps et de la performance font foi et loi. Ces hommes sont
donc à la fois confrontés à la tyrannie du bien vieillir, à son
injonction paradoxale (« vieillissez bien donc ne vieillissez pas ! »)
mais également au dogme du mâle infaillible. C’est-à-dire que depuis
leur plus tendre enfance, les petits garçons sont bercés dans l’idée
quelque peu tyrannique et culpabilisatrice que « pour être viril, il faut ‘‘bander’’ ».
Comment ne pas éprouver de la honte quand, sous l’effet d’un
diagnostic, vous vous dites que votre corps vous lâche, que vous êtes
vieux et deviendrez bientôt impuissant ?
Au premier plan, ressort
le caractère massif de l’investissement phallique sur un versant très
narcissique que l’on peut également articuler à l’accueil contrasté dans
le couple de la maladie et des gestes médicaux. Pour simplifier,
l’homme est complètement sidéré à l’idée de perdre ses érections et
relativement serein quant à son pronostic vital, conformément aux dires
de l’urologue. Son épouse, qui a entendu le même discours, se montre
quant à elle très inquiète pour le devenir de son mari « dites-moi, vous allez le sauver Docteur, vous allez me le garder ? » et paradoxalement assez tranquille quant à la vie sexuelle du couple.
Si
cela rejoint bien la proposition freudienne d’une angoisse de perte
d’amour, plus objectale, qui serait l’apanage des femmes au regard d’une
angoisse de castration, plus narcissique et masculine, si on peut
ironiser en disant que les angoisses narcissiques des uns s’accouplent
avec celles objectales des autres sur un mode compensatoire qui au final
arrange tout le monde, et si bien sûr au regard du déclin
physiologique, le malaise post-ménopausique n’invite plus à la même
fougue charnelle qu’au printemps de la vie, on ne peut pas ne pas
s’interroger sur la valeur éventuellement protectrice et défensive de
l’angoisse de castration comme contre-investissement de l’angoisse de
mort. Autrement dit, il est peut-être plus facile et plus confortable
pour ces hommes de se dire : « zut, je ne vais plus avoir d’érection » que « zut, je vais mourir de mon cancer, je ne vais plus être ». S’opère alors un glissement sans aucun doute protecteur pour le sujet entre l’être et l’avoir.
Mais
le déplacement de l’angoisse de mort sur l’angoisse de castration est
un « luxe » qui n’est pas offert à tout le monde. En effet, pour
certains la castration est déjà synonyme de mort. Ceux-là, pour qui
l’investissement phallique est essentiel et psychiquement vital
préfèrent refuser de se faire soigner au prix de leur vie : Vivre « castré » ou
mourir intact/vivre à genoux ou mourir debout, telle serait une des
expressions tragiques de l’ambivalence du dualisme pulsionnel, véritable
dilemme cornélien qui n’offrirait à certains aucune autre alternative
que la fuite et le déni.
« On ne naît pas homme on le devient… et parfois, aurait-on envie d’ajouter, on tente de le rester ».
L’aphorisme beauvoirien nous montre bien la fragilité des destins
subjectifs et identificatoires, ici réveillée par le vieillissement et
exacerbée par la maladie. Le travail du psychologue en urologie revient
aussi à accompagner le patient, sa ou son partenaire et parfois le
couple dans cette épreuve où il s’éprouve douloureusement comme ayant
irrémédiablement changé tout en étant le même individu, crise
identitaire et narcissique majeure qui légitime avec force l’ existence
de postes de psychologues cliniciens dans les services d’urologie et la
mise en place d’une consultation psychologique systématique après la
prise en charge d’un cancer de la prostate.
En savoir plus sur
http://www.lemonde.fr/idees/article/2015/05/25/le-masculin-bouscule-cancer-de-la-prostate-et-accompagnement-psychologique_4640156_3232.html#Sy8gK4eooSjkOfs7.99
Coupe transversale d’une tumeur du
sein. Les cellules souches cancéreuses sont colorées en rouge et les
autres cellules cancéreuses, plus nombreuses en bleu clair. (Centre de
recherche en cancérologie de Marseille)
Découvertes il y a plus de dix ans dans les tumeurs du sein, les
cellules souches cancéreuses sont la clé de voûte des tumeurs. Elles
seraient responsables de la résistance aux traitements et des
métastases. Plusieurs médicaments pour les tuer spécifiquement sont en
cours d’essai
Un nouveau front dans la lutte contre le cancer est
désormais ouvert avec l’apparition de médicaments potentiels capables de
cibler les cellules souches du cancer. L’enjeu est crucial car, pour la
plupart des chercheurs, ces cellules sont la clé de voûte des cancers.
Identifié il y a une douzaine d’années dans le cancer du sein, ce type
de cellule en très faible quantité au sein des tumeurs peut reproduire
le même cancer une fois transféré à la souris. Contrairement aux autres
cellules cancéreuses, les cellules souches ne se divisent pas de façon
frénétique, ce qui contribue à leur résistance élevée aux
chimiothérapies et aux radiothérapies. Grâce à elles, le cancer peut
résister aux traitements les plus toxiques puis réapparaître sous forme
de métastases, qui sont à l’origine de la plupart des décès. Pire, de
récents travaux suggèrent que les traitements anticancéreux actuels
favorisent aussi leur apparition au sein des tumeurs.
L’objectif
de les détruire pose le double défi de viser spécifiquement quelques
cellules noyées au sein des tumeurs, tout en épargnant les cellules
souches saines de l’organisme à la base du renouvellement permanent de
tissus comme le sang ou les intestins. Plusieurs approches récentes
montrent que ce défi commence à être relevé avec succès.
C’est le cas par exemple de l’inhibiteur BBI608 décrit récemment par des chercheurs américains de la société Boston Biochemical dans les Comptes rendus de l’Académie des sciences américaines.
Ce produit élimine toute apparition de métastase dans deux modèles de
cancer métastasique chez la souris. Mieux, et de manière inédite, de
faibles concentrations de BBI608 s’avèrent toxiques in vitro pour les
cellules souches d’une dizaine de cancers différents. Mis au point pour
bloquer une voie de signalisation intracellulaire spécifique aux
cellules souches cancéreuses, il épargne celles du sang. «Ces tests chez
l’homme sont les plus avancés, précise Christophe Ginestier, mais il
n’est pas le seul car une dizaine d’essais cliniques sont prévus ou en
cours dans le monde pour d’autres produits.»
L’équipe de
Christophe Ginestier et Emmanuelle Charafe-Jauffret n’est pas en reste,
puisque les chercheurs ont trouvé plusieurs moyens efficaces de cibler
ce type de cellules. Le premier est de bloquer un récepteur
indispensable à leur développement par un inhibiteur appelé reparixin. Un essai clinique est actuellement en cours avec le laboratoire pharmaceutique italien Dompé
pour déterminer son innocuité et son effet chez des patientes avant
leur opération. Le second moyen, dont l’essai clinique est en projet,
«est de bloquer une voie métabolique qui s’avère indispensable à la
survie des cellules souches du cancer du sein», ajoute Christophe
Ginestier. Le chercheur participe aussi à la mise en place d’un réseau
de laboratoires sur le sujet pour le sud de la France, parallèlement à
celui existant déjà en région parisienne, pour accélérer les découvertes
dans le domaine.
Un autre exemple est celui de la
salinomycine (ou VA-6063) de la société américaine Verastem,
actuellement testée chez des patients atteints de cancers du poumon ou de mésothéliome.
Il a été retenu pour sa toxicité particulière envers les cellules
souches du cancer du sein parmi des milliers de substances testées au
Massachusetts Institute of Technology à Harvard.
Enfin,
la société américaine Oncomed Pharmaceuticals, fondée par le découvreur
des cellules souches du cancer du sein Max Wicha de l’Université du
Michigan, a développé des anticorps dirigés spécifiquement contre les
cellules souches du cancer, et deux de ses produits font l’objet de
premiers tests chez l’homme.
La plupart de ces
médicaments potentiels sont testés en combinaison avec les
chimiothérapies classiques, l’objectif étant d’éradiquer dans la foulée
les cellules souches du cancer et d’éliminer ainsi tout risque de
récidive de la maladie. De manière inattendue, cet objectif semble déjà
atteint par la metformine, médicament très courant utilisé depuis des
décennies contre le diabète de type 2.
En 2005, des
chercheurs découvrent que les diabétiques traités avec ce produit anodin
présenteraient un risque moins élevé de développer un cancer du sein ou
du pancréas que les autres patients. L’observation est ensuite élargie à
d’autres cancers et des travaux récents montrent que la metformine peut
bloquer spécifiquement le développement des cellules souches du cancer
in vitro. «Il s’agit d’un bel exemple de l’efficacité d’un traitement
ciblant ces cellules, commente Christophe Ginestier, bien que l’on ne
comprenne pas encore très bien d’où vient la spécificité de son action.»
Plusieurs dizaines d’études cliniques sont en cours pour vérifier
directement chez les patients cet effet anti-tumoral de la metformine.
En cas de succès, ce médicament pourrait connaître une seconde carrière
pour prévenir l’apparition ou la récidive d’un cancer. Si l’une de ces
approches aboutit, le cancer n’aura peut-être plus aussi souvent le
dernier mot
.http://www.letemps.ch/Page/Uuid/35ada990-c28f-11e4-a445-d520cd1a7313/Lutte_cibl%C3%A9e_contre_la_racine_du_cancer
Lien entre suppléments et cancer des testicules
Par Rédaction La Presse Canadienne
Getty Images/iStockphotoMONTRÉAL – Les hommes qui
consomment des suppléments afin de développer leur musculature
multiplient leur risque de souffrir d’un cancer des testicules, prévient
une étude publiée dans le British Journal of Cancer.
Les suppléments mis en cause sont notamment des comprimés ou des poudres de créatine ou d’androstènedione.
L’auteur principal de l’étude, Tongzhang Zheng, a précisé que le
risque de cancer testiculaire est particulièrement élevé chez les hommes
qui ont commencé à consommer des suppléments avant l’âge de 25 ans,
chez ceux qui en consommaient plus d’une sorte ou chez ceux qui en
consommaient depuis plusieurs années.
M. Zheng et ses collègues ont interrogé près de 900 hommes, dont 356
qui souffraient d’un cancer des testicules. Ils les ont notamment
questionnés concernant des facteurs comme le tabagisme, la consommation
d’alcool, la sédentarité, l’histoire familiale de cancer testiculaire et
des blessures à cette partie du corps.
Même en tenant compte de tous ces facteurs, les hommes qui avaient
utilisé des suppléments gonflaient de 65 pour cent leur risque de
souffrir d’un cancer des testicules, comparativement aux hommes qui n’en
avaient jamais consommé.
Le risque augmentait de 121 pour cent chez les hommes qui ont
commencé à prendre des suppléments avant l’âge de 25 ans, de 156 pour
cent chez ceux qui en consommaient depuis trois ans et plus, et de 177
pour cent chez ceux qui en consommaient plus d’une sorte.
L’incidence de cancer des testicules est passé de 3,7 cas par 100 000
hommes en 1975 à 5,9 cas par 100 000 hommes en 2011, sans que les
scientifiques ne comprennent pourquoi.
M. Zheng admet que le cancer testiculaire demeure très mystérieux,
mais estime que l’association notée par son étude démontre que les
suppléments utilisés pour développer la musculature sont possiblement un
facteur de risque important et modifiable. http://journalmetro.com/plus/sante/756960/lien-entre-supplements-et-cancer-des-testicules/
Satisfait ou remboursé : le nouveau credo des labos
Des médicaments « satisfait ou remboursé » ? L’idée peut paraître
farfelue, mais elle fait son chemin, alors que le prix des nouvelles
molécules s’envole. Le laboratoire suisse Roche, leader dans le domaine
du cancer, présente jeudi 2 avril un programme de suivi de patients qui
va dans ce sens. Son compatriote Novartis, numéro un mondial du secteur
pharmaceutique, assure qu’à l’avenir, les laboratoires seront payés au
résultat et non plus au comprimé. Et ce principe s’applique déjà depuis
2014 au Sovaldi, dont le prix – environ 41 000 euros par patient –
menaçait les comptes de la Sécurité sociale. Son fabricant Gilead devra
rembourser une bonne partie de cette somme en cas d’échec de son
traitement contre l’hépatite C.
Ces contrats dits « de
performance » sont un outil précieux pour le Comité économique des
produits de santé (CEPS), l’instance qui, en France, négocie le prix des
médicaments avec les labos. « Ils contribuent à la maîtrise des budgets et sont une alternative au rationnement de l’accès aux traitements onéreux »,
souligne Francis Megerlin, professeur d’économie de la santé à
l’université Paris-Descartes. Cette approche suppose une évaluation « en
vie réelle » de l’efficacité des médicaments, qui peut-être différente
de celle observée lors des essais cliniques.
Celgene est l’un des
premiers à s’être lancé dans l’aventure. Cette biotech américaine
commercialise l’Imnovid, un traitement contre des cancers rares du sang.
Le CEPS lui a accordé un prix élevé : 8 900 euros par cycle (les
patients en enchaînent cinq à six). En contrepartie, en août 2014, le
laboratoire s’est engagé à rembourser l’Assurance-maladie en cas d’échec
du traitement.
« Données en vie réelle »
Pour
l’apprécier, les deux parties se sont entendues sur des critères. Et
sur le terrain, le laboratoire a mis en place un registre qui permet de
suivre en temps réel le patient. Au début et à l’arrêt du traitement,
ainsi qu’à chaque consultation, le médecin doit renseigner une fiche.
Les données sont anonymisées, puis transmises à un prestataire de
Celgene qui se charge de leur analyse statistique. Près de 1 000
patients, sur les 2 000 potentiellement concernés, sont déjà inscrits
dans ce registre. A la fin de l’année, le nombre de « non-répondeurs »
déterminera le montant du chèque à signer par Celgene. « Le caractère exhaustif de ce registre est unique », se félicite Franck Auvray, qui dirige la filiale française de Celgene. « Le
fait de travailler sur des données en vie réelle facilite le dialogue
avec les autorités, et cela nous permet aussi de conforter les données
recueillies lors des essais cliniques. » La biotech envisage
d’étendre ce dispositif à d’autres molécules de son portefeuille, comme
le Revlimid, un anticancéreux vendu entre 155 et 190 euros la gélule
selon le dosage.
« Le principe du prix au milligramme ne fonctionne plus », Corinne Le Goff, présidente de la filiale française de Roche
De
son côté, Roche s’est engagé à suivre en vie réelle l’ensemble des
femmes traitées avec son Herceptin. Cet anticancéreux indiqué dans
certains cancers du sein a coûté en 2012 près de 270 millions à
l’Assurance-maladie. Le laboratoire espère, dans un premier temps,
recueillir les données sur l’utilisation actuelle de l’Herceptin
(indication, dosage, durée) et, dans un second temps, sur son
efficacité. Il ne s’agit pour l’instant que d’un pilote, mais à terme,
il espère trouver une formule pour lier le prix de ses médicaments aux
observations effectuées en vie réelle. « Le principe du prix au milligramme ne fonctionne plus », estime Corinne Le Goff, présidente de la filiale française de Roche. « Nos
médicaments ont un impact différent selon les cancers et les patients
auxquels ils sont prescrits. Le prix doit refléter ces différences de
performances », précise-t-elle, en citant l’exemple de son Avastin,
l’anticancéreux le plus vendu en France. Selon la Haute Autorité de
Santé (HAS), il représente un progrès « important », « modéré» ou «
mineur » selon les cancers. Pourtant, son prix est le même, un peu moins
de 1 000 euros la dose !
« Bases de données fiables et exhaustives »
Ces outils sophistiqués aident aussi les médecins. « Nous
sommes très désireux d’avoir des bases de données fiables, exhaustives
et prospectives afin d’affiner la prise en charge des patientes »,
souligne le docteur Luis Teixeira, qui exerce au Centre des maladies du
sein de l’hôpital Saint-Louis, à Paris, où 1 000 femmes sont traitées
chaque année. Depuis quelques années, les praticiens utilisent des
logiciels pour mieux suivre les malades, mais il n’existe pas encore de
registre national recensant tous les patients comme cela existe, par
exemple, en Italie.
Pour les médicaments plus courants, d’autres
options, moins complexes et moins coûteuses, existent. Le belge UCB, qui
a accepté de prendre en charge le coût de son Cimzia pour les personnes
atteintes de polyarthrite rhumatoïde dont l’état ne s’améliorerait pas
au bout de trois mois, se fie aux bases de données de
l’Assurance-maladie, qui recensent les interruptions de traitement. « Nous
avons choisi ce critère simple, car un suivi en vie réelle aurait été
trop contraignant pour les médecins, voire dissuasif, alors qu’il existe
d’autres options thérapeutiques », explique Jean-Michel Joubert, directeur des affaires gouvernementales chez UCB.
En 2013
et 2014, le laboratoire a ainsi remboursé à l’Assurance-maladies les
sommes déboursées pour le traitement des patients qui n’ont, in fine,
pas répondu au Cimzia. Ce montant est confidentiel, « mais il est non négligeable »,
selon M. Joubert. En contrepartie, UCB a pu négocier pour son
médicament un prix à peine moins élevé que celui obtenu par ses
concurrents – 9 900 euros par an, – alors qu’il ne s’est pas montré plus
efficace et qu’il est arrivé plus tard sur le marché.
La France
n’est pas la seule à s’être convertie à ce principe. En Allemagne,
Novartis a conclu un accord similaire avec les autorités pour son
Aclasta, un traitement contre l’ostéoporose : en cas de fracture chez un
patient, le laboratoire rembourse le médicament. Et au Royaume-Uni,
Johnson & Johnson a accepté un deal comparable pour son
anticancéreux Velcade.
Quand il est trop compliqué d’obtenir un
résultat patient par patient, la performance peut être évaluée grâce aux
« notes » attribuées par la Haute Autorité de santé et, en particulier,
celle qui reflète l’apport du médicament par rapport aux thérapies
existantes : l’amélioration du service médical rendu (ASMR). Elle
s’échelonne de I (progrès majeur) à V (absence de progrès thérapeutique)
et conditionne en partie le prix du médicament. En 2013, 90 % des
médicaments examinés par la HAS ont obtenu un V et seulement 5 % une
ASMR de I, II ou I.
Abaisser le coût moyen du médicament
Les
laboratoires qui contestent leur note peuvent s’appuyer sur des études
en vie réelle pour renégocier avec les autorités. L’un des premiers
contrats de ce type a été signé par le CEPS en 2005 avec Johnson
& Johnson. La HAS avait accordé un IV à son Risperdal, un traitement
contre la schizophrénie. « Nous lui avons accordé le bénéfice du
doute et l’avons mis au défi d’obtenir une ASMR III dans un délai de
trois ans, faute de quoi le prix du Risperdal serait baissé et la
différence remboursée à l’Assurance-maladie », indique Dominique
Giorgi. Johnson & Johnson n’a pas réussi à convaincre la HAS de
réviser son jugement malgré des études complémentaires et a dû
rétrocéder environ un tiers de son chiffre d’affaires à
l’Assurance-maladie.
Tous ces mécanismes reviennent, in fine, à
abaisser le coût moyen du médicament. Alors pourquoi ne pas tout
simplement négocier avec le CEPS une remise sur le prix initial ? « Le principe du “satisfait ou remboursé” est moins arbitraire : nous sommes payés pour la valeur que nous apportons, estime M. Joubert. Nous espérons aussi que les médecins seront sensibles à cette démarche lorsqu’ils auront le choix entre plusieurs médicaments. »
Autre avantage : en continuant à afficher un prix « catalogue » élevé
en France, les laboratoires sont en meilleure position pour négocier
avec les autorités dans les pays voisins. « Tous les laboratoires ne sont pas favorables au “satisfait ou remboursé” »,
reconnaît M. Giorgi, citant l’exemple d’une biotech s’apprêtant à
lancer un médicament destiné à traiter une maladie respiratoire rare. « En
échange du prix élevé qu’elle demandait, nous souhaitions qu’elle
s’engage sur le maintien d’une certaine capacité respiratoire chez les
patients traités, raconte-t-il. Elle a refusé en avançant que ce critère était trop aléatoire. Nous sommes donc revenus à une négociation plus classique. »
Pour
réduire la facture de l’Assurance-maladie, le CEPS négocie depuis
longtemps des ristournes, principalement liées au volume de
prescription. Le comité peut aussi décider de plafonner le chiffre
d’affaires d’un laboratoire et le contraindre à rembourser tout ce qu’il
a gagné au-delà d’un certain seuil. Ces dispositifs ont été appliqués
dès 2014 au Sovaldi et aux autres traitements de l’hépatite C en
complément de l’application du principe « satisfait ou remboursé ».
Résultat : la facture pour l’Etat est passée de 1,2 milliard à
650 millions d’euros. Il ne reste plus que quelques jours au laboratoire
Gilead pour remettre son chèque à l’Assurance-maladie.
La protonthérapie d’IBA reste la première du monde
Yves Cavalier
Publié le
- Mis à jour le
Actualité
IBA, premier fournisseur mondial de
solutions de protonthérapie pour le traitement du cancer, a vu son
carnet de commandes atteindre un niveau record en fin d’année : 256,2
millions d’euros, soit une hausse de 39 % par rapport à 2013. Le chiffre
d’affaires a progressé de 3,8 % à 220,6 millions, tandis que le
résultat net a atteint 24,3 millions d’euros alors qu’il était négatif
l’année précédente. Le résultat récurrent avant impôts et charges, celui
qu’observent d’abord les investisseurs, a pour sa part augmenté de 10,4
% pour s’établir à 22,9 millions d’euros, une hausse de 25 % d’une
année à l’autre. Et tout porte à croire que ce rythme de croissance
pourra être maintenu voire même porté vers 13 à 15 % dans les quatre ans
qui viennent, a expliqué la direction financière lors d’une conférence
téléphonique.
Ce n’est donc pas sans raison qu’on surnomme IBA la "spin
off la plus lucrative de l’UCL". D’autant que sur cette base, IBA a
annoncé un dividende de 0,17 euro par action pour l’exercice écoulé, ce
qui représente un pay-out ratio (part du bénéfice distribué) de 20 %, un
ratio que le groupe dirigé par Olivier Legrain espère voir atteindre 30
% dans les années qui viennent.
Des revenus pour 15 ans
Sur l’année, 27 contrats de service et de maintenance ont
été signés en protonthérapie, ce qui représente 468 millions d’euros de
revenus attendus pour les 10 à 15 prochaines années, se réjouit IBA. Le
segment Dosimétrie a vu son chiffre d’affaires reculer de 6,6 % à 42,89
millions d’euros, mais ce résultat a été compensé par la hausse de 6,7 %
de la division Protonthérapie et Autres accélérateurs, à 177,68
millions. "2014 a été une année charnière pour IBA qui a pu tirer
profit d’une adoption accrue au niveau international de la
protonthérapie, la solution de radiothérapie la plus avancée et la plus
précise pour les patients cancéreux", a commenté Olivier Legrain. Le
CEO confirme donc qu’IBA maintient son avance concurrentielle, grâce
notamment à des innovations constantes de sa gamme. "Les avancées
technologiques que nous avons réalisées avec le système Proteus ONE, la
précision du Pencil Beam Scanning et la technique d’imagerie CBCT
représentent des avantages concurrentiels uniques pour nos clients", précise-t-il.
Leadership confirmé
IBA reste à l’avant-plan des avancées technologiques en
radiothérapie et continue à renforcer sa position de leader en
développant de nouvelles solutions, telles que la thérapie adaptative ou
la thérapie par ions carbone. "IBA maintient son solide leadership dans le domaine de la protonthérapie avec plus de 50 % de parts de marché en 2014", souligne son CEO Olivier Legrain qui précise : "L’Asie
et les marchés émergents représentent des marchés de plus en plus
importants pour IBA, qui a d’ailleurs vendu quatre systèmes de
protonthérapie dans cette région en 2014."
IBA a démarré l’année 2015 avec un niveau record de son
carnet de commandes et un pipeline très sain. Elle bénéficie de la
hausse des ventes globales et l’intérêt croissant pour ses systèmes de
protonthérapie. En outre, grâce aux solutions plus abordables, et à un
meilleur accès au financement pour ces systèmes, sans parler du coup de
pouce de la baisse de l’euro, "nous sommes convaincus que nous poursuivrons notre forte progression dans les années à venir", conclut Olivier Legrain.
Non, le cancer n’est pas le fruit du hasard !
LE MONDE |
• Mis à jour le
|
Par Annie Thébaud-Mony (Sociologue)
Par Annie Thébaud-MonyEn ces premiers jours de 2015, les médias ont diffusé le message selon lequel le cancer serait essentiellement le fruit du hasard. Une aubaine pour les industriels de l’amiante, de la chimie, des pesticides, du nucléaire, du pétrole et j’en passe… Pour eux, sans aucun doute, cette « découverte scientifique » devrait clore toute controverse sur le rôle des risques industriels dans la survenue du cancer !
L’origine de cette pseudo-découverte est un article paru dans la prestigieuse revue Science,
le 2 janvier, présentant les résultats d’une corrélation statistique
particulière (Christian Tomasetti et Bert Vogelstein, « Variation in
cancer risk among tissues can be explained by the number of stem cell
divisions », www.sciencemag.org, 2 janvier). Partant de l’observation
d’une différence de fréquence du nombre de cancers selon les organes
(poumon, colon, cerveau, etc.) – à l’exclusion
de ceux qui sont actuellement en augmentation vertigineuse (sein et
prostate) –, Christian Tomasetti et Bert Vogelstein font l’hypothèse que
ces variations s’expliqueraient par des modalités différentes de
division cellulaire au sein de ces organes. Ils prennent en
considération ce que les biologistes appellent les cellules souches, qui
ont la capacité de s’autorenouveler, de se différencier en d’autres types cellulaires et de proliférer en culture. Ils établissent ensuite une corrélation statistique entre le nombre total de divisions cellulaires de ce type de cellule sur la durée moyenne de la vie dans la population
américaine et le risque moyen de survenue du cancer de tel ou tel
organe aux Etats-Unis. Statistiquement significative, la corrélation est
alors interprétée comme validant l’hypothèse selon laquelle le cancer
serait issu – pour l’essentiel – d’un sinistre loto cellulaire. La faute
à « pas de chance » !
Ce raisonnement simpliste fait penser à d’autres corrélations qui auraient pu fonder des hypothèses tout aussi fantaisistes. Pour alerter les étudiants de l’Ecole des hautes études en sciences
sociales (EHESS) sur les risques d’interprétation hâtive en matière de
statistiques, Joseph Klatzmann, ancien administrateur à l’Insee, ancien
professeur d’économie rurale à l’Institut national agronomique Paris-Grignon, directeur d’études à l’EHESS, citait fréquemment l’exemple suivant (Joseph Klatzmann Attention Statistiques ! Comment en déjouer les pièges.
La Découverte, 1985, dernière réédition, 1996) : entre les années 1950
et 1990, la courbe de croissance d’utilisation des réfrigérateurs a été
exactement parallèle à celle de l’épidémie de cancer. Serait-ce
l’utilisation du réfrigérateur qui cause le cancer ? A l’évidence, une
telle interprétation prêterait à sourire si elle ne reflétait pas ce que les auteurs de l’article de Science se sont permis de faire, à savoirextrapoler d’une corrélation à l’affirmation d’une causalité.
Trois angles morts
Or, au moins trois angles morts de leur « démonstration » la discréditent totalement. Tout d’abord, ils omettent de faire
référence dans leur modèle au fait que la cellule souche ne se
transforme pas spontanément en cellule cancéreuse. Elle le fait sous
l’effet de mutations qui elles-mêmes sont produites par des agents
cancérogènes externes. On retrouve ici le rôle de l’amiante, des
rayonnements ionisants, des fumées diesel, des pesticides et autres
substances toxiques connues depuis longtemps pour leurs propriétés
cancérogènes (sans parler de toutes celles dont la toxicité n’a pas été testée…).
Le deuxième angle mort est ce qu’occulte le recours à une incidence globale du cancer dans la population générale, à savoir
les inégalités face au cancer. Pour ce qui est de la situation
française (qui n’est pas fondamentalement différente de celle de la
population américaine), un ouvrier a dix fois plus de risque de mourir de cancer (et de façon précoce avant 65 ans) qu’un cadre supérieur. Sauf à considérer
que les ouvriers ont des cellules souches tout à fait particulières –
ce qui ressemblerait à une forme d’eugénisme –, force est de considérer, pour comprendre
cette inégalité, la différence très significative d’exposition à des
cancérogènes professionnels, mise en évidence par une enquête du
ministère du travail. Selon l’enquête
Sumer 2010 réalisée par la direction de l’animation de la recherche,
des études et des statistiques et la direction générale du
travail-Inspection médicale du travail, les ouvriers sont dix fois plus
exposés dans leur travail à des cancérogènes que les cadres supérieurs.
Le
troisième angle mort est la non-prise en compte par Christian Tomasetti
et Bert Vogelstein des connaissances acquises de longue date sur les
caractéristiques fondamentales du cancer, suite aux travaux de
nombreuses disciplines scientifiques autres que l’épidémiologie. Cette
maladie commence, certes, au cœur des cellules mais s’inscrit, pour
chaque individu touché, à la croisée de deux histoires. L’une est celle
des atteintes, simultanées et/ou répétées, provoquées par les agents
toxiques (poussières, substances chimiques, rayonnements) au cours de
multiples événements de la vie professionnelle, résidentielle,
environnementale et comportementale ; l’autre est, face à ces
agressions, celle des réactions de défense de l’organisme, elles-mêmes
extrêmement variables selon les individus. Plus se multiplie la présence
de molécules toxiques dans la vie quotidienne, et plus se multiplient
aussi, non seulement les processus mutagènes ou cancérogènes propres à
chacun d’eux, mais ce qu’on appelle la synergie entre eux et aussi la manière dont ces différents processus interfèrent eux-mêmes avec les mécanismes de défense de l’organisme.
Ajoutons que l’étude ainsi publiée par la revue Science a été sponsorisée par des fondations privées dont la première est le fondsVirginia
& D. K. Ludwig pour la recherche sur le cancer. Le fondateur en est
Daniel Ludwig, un magnat américain du transport maritime qui fut le
promoteur des supertankers, mais aussi de la déforestation en Amazonie
brésilienne pour l’exploitation arboricole d’espèces de pins et
eucalyptus à croissance rapide pour le marché mondial de la pâte à
papier. Vendant cette exploitation à un consortium brésilien, Daniel
Ludwig a investi le produit de cette vente dans le fonds qui porte son
nom, soutenant ainsi la production de connaissances sur le cancer,
utiles aux industriels mais fondamentalement nuisibles à la santé
publique.
Répercussion médiatique
Que
la statistique appliquée au cancer s’inscrive, une fois de plus, dans
cette mise en doute systématique des effets mortifères des risques
industriels, que j’ai longuement décrite récemment, ne m’étonne
malheureusement pas. En revanche, mon inquiétude est la répercussion
médiatique d’un tel article et ses effets sur l’opinion publique, alors
que l’épidémie de cancer a pris des proportions catastrophiques en
France et dans le monde. Entre 1984 et 2012, le nombre annuel de nouveaux cas est passé, en France, de 150 000 à 355 000. Selon l’Organisation mondiale de la santé,
pas moins de 15 millions de décès sont dus au cancer dans le monde
chaque année soit presque un décès toutes les deux secondes. Et encore,
ces chiffres sous-estiment grandement ce qui se passe dans les pays où
une part importante de la population est privée d’accès à un quelconque
diagnostic de cancer.
Or le cancer est évitable, à condition d’éradiquer les cancérogènes en milieu de travail, dans l’environnement et la consommation. Pourtant, dans le champ de l’épidémiologie, des chercheurs s’obstinent à produire
des modèles statistiques dénués de sens par rapport à la réalité
dramatique du cancer. L’outil mathématique utilisé pour cette production
de l’incertitude donne à la démarche l’apparence de la rigueur, de
l’objectivité, pour tout dire
de la science. Surtout, cela rend quasi impossible l’échange et la
discussion entre, d’une part, les travailleurs et citoyens, victimes de
cancers associés à l’exposition aux substances toxiques, et, d’autre
part, les scientifiques qui jonglent avec les chiffres, abstraits et
anonymes, de milliers de cas de cancers. Ainsi, des spécialistes servent
la cause des industriels, en renforçant, par des travaux scientifiques
publiés, l’incertitude concernant les liens entre toxiques et cancer.
Avec
l’extension de la chimie, du nucléaire, la prolifération des cultures
OGM, la dissémination des nanoparticules, les risques de la téléphonie mobile et autres nouvelles technologies,
sous couvert de « progrès », industriels et responsables politiques
s’affranchissent chaque jour davantage de l’obligation première
fondamentale du respect de la vie, avec la complicité des plus
prestigieuses institutions scientifiques. L’article paru dans Science, le 2 janvier, en témoigne une fois encore. Annie Thébaud-Mony
est sociologue, directrice de recherches honoraire à l’Institut
national de la santé et de la recherche médicale, chercheuse associée au
Groupement d’intérêt scientifique sur les cancers professionnels
(GISCOP 93) à l’université Paris XIII. Elle est l’auteure de Travailler peut nuire gravement à votre santé (La Découverte, « Poche », 2008) et de La science asservie. Santé publique : les collusions mortifères entre industriels et chercheurs, La Découverte, Paris, 2014.
Annie Thébaud-Mony (Sociologue)
En savoir plus sur
http://www.lemonde.fr/idees/article/2015/01/07/non-le-cancer-n-est-pas-le-fruit-du-hasard_4550613_3232.html#dVb1mzwlubSqsvBp.99
La prise de testostérone pourrait
s’accompagner d’un risque accru de souffrir de maladies
cardiovasculaires (SSPL via GETTY IMAGES)
Aux Etats-Unis, les hommes sont de plus en plus nombreux à prendre
des suppléments d’hormone masculine. Vanté comme elixir de jouvence, ce
traitement ne serait pourtant pas sans danger
Un couple traverse les Etats-Unis dans une voiture
décapotable bleue, s’arrêtant pour faire une partie de minigolf et
regarder le coucher de soleil. L’homme caresse le volant d’un air viril,
avant d’embrasser sa femme fougueusement. Il semble bien dans sa peau,
confiant de sa masculinité. Cette publicité vante les bienfaits
d’AndroGel, une pommade à la testostérone.
Les
hommes américains sont toujours plus nombreux à prendre cette hormone.
En 2013, ils étaient 2,3 millions, quatre fois plus qu’au début des
années 2000. Chez les plus de 40 ans, 3% de la population suit un tel
traitement, contre 0,81% en 2001. Le phénomène est mondial, mais il est
le plus marqué aux Etats-Unis. Le nombre de doses de testostérone prises
par les patients américains a presque décuplé entre 2000 et 2011, selon
une étude du chercheur australien David Handelsman. En Europe centrale
(la zone qui comprend la Suisse), il a doublé durant cette période.
Comment
expliquer ce boom? «Jusque dans les années 1990, les traitements à la
testostérone n’intéressaient pas grand monde, explique Bradley Anawalt,
un professeur de médecine de l’Université de Washington qui a étudié le
phénomène. Ils étaient utilisés pour traiter une maladie appelée
l’hypogonadisme, qui concerne environ 2,5% de la population et est
causée par une anomalie des testicules.» Mais tout a changé au milieu de
la décennie: «Des études ont démontré que, d’une part, la testostérone
diminue naturellement à partir de l’âge de 30 ans et que, d’autre part,
la prise de cette hormone chez les personnes en bonne santé leur permet
d’accroître leur force et leur masse musculaire», poursuit-il.
L’industrie
pharmaceutique s’est aussitôt précipitée sur ce filon d’or. «Elle a
pratiquement inventé une maladie, baptisée Low T, dont les symptômes
(fatigue, libido en berne, perte d’énergie, prise de poids) sont si
vagues que la plupart des hommes d’un certain âge vont s’y reconnaître,
détaille John Mack, qui tient un blog appelé Pharma Marketing. Cela lui a
permis d’élargir le spectre des patients potentiellement concernés par
ces traitements.» Aujourd’hui, la testostérone représente un marché à
2,4 milliards de dollars, contre 324 millions de dollars en 2002.
Cette
stratégie de marketing s’est accompagnée d’un barrage de publicités à
destination du grand public, qui passent en boucle à la télévision ou
lors d’événements sportifs et présentent la testostérone comme un élixir
de jeunesse. Plusieurs sites internet ont vu le jour, comme www.isitlowt.com
(une page web financée par AbbVie, le fabriquant de l’AndroGel), pour
permettre aux mâles inquiets de s’auto-diagnostiquer au moyen d’un quiz
en 10 questions. Parmi les questions figurent des banalités comme
«Manquez-vous d’énergie?», «Appréciez-vous moins la vie?» ou «Etes-vous
triste ou irritable?».
John Morley, un endocrinologue qui
enseigne à l’Université de Saint-Louis, connaît bien ce questionnaire.
«C’est moi qui l’ai rédigé, à la demande d’Organon [une entreprise
pharmaceutique néerlandaise] et contre rémunération, sourit-il. Cela m’a
pris 20 minutes, assis sur les toilettes.» Il admet que ce quiz
sommaire «prend trop de personnes dans son filet». Et ses conclusions
n’ont de valeur que si elles sont validées par un médecin. «Mais trop de
praticiens ne font pas leur travail, se contentant de prescrire de la
testostérone à tous les patients qui le leur demandent», déplore-t-il.
Une étude de l’Université du Texas a récemment démontré que 25% des
Américains qui prennent cette hormone n’ont jamais subi de test sanguin
pour mesurer leur taux de testostérone.
Le phénomène a
été encore accentué par la mise sur le marché de formulations (patchs,
gels, pilules), qui facilitent la prise de testostérone. «Avant, on
devait s’appuyer sur des injections, une méthode beaucoup plus
invasive», souligne Ronald Swerdloff, le chef de la division
d’endocrinologie à l’Université de Californie. Les ventes de l’Axiron,
un gel roll on lancé en 2010 par Eli Lilliy, ont crû de
plus de 900% entre 2011 et 2012. Une chaîne de cliniques spécialisée
dans les traitements à la testostérone, The Low T Center, a même vu le
jour en 2009. Elle compte plus de 50 établissements à travers le pays.
«Environ un tiers des patients qui se sont fait prescrire de la
testostérone n’en ont pas besoin», estime un expert médical, qui préfère
rester anonyme.
Mais est-ce vraiment un problème? On
manque d’informations sur l’efficacité de ces traitements. En revanche,
plusieurs études ont montré un risque accru de problèmes
cardiovasculaires chez les personnes prenant de la testostérone. En
2010, une étude clinique portant sur un gel à la testostérone a même dû
être stoppée, en raison de la trop forte incidence de crises cardiaques.
Plus tôt cette année, l’autorité américaine de surveillance des
médicaments (FDA) a exigé que ces traitements soient assortis d’un
avertissement sur leur risque de provoquer des caillots sanguins.
«La
testostérone pourrait également augmenter le risque de cancer de la
prostate», indique Ronald Swerdloff, qui rappelle que la suppression de
cette hormone fait partie du traitement contre ce type de cancer. Elle
affecte également la fertilité et peut provoquer de l’acné et une perte
de cheveux. «On assiste à une répétition des erreurs commises avec les
thérapies hormonales de substitution prescrites à toutes les femmes
ménopausées durant des années, avant qu’on ne se rende compte de leurs
dangers», déplore Mary Schooling, professeur de santé publique à
l’Université de la ville de New York.
La FDA a cherché à
plusieurs reprises à brider l’ardeur des entreprises pharmaceutiques en
les accusant de promouvoir les traitements à la testostérone au-delà des
usages autorisés par l’agence (off label), une pratique
illégale. Sans succès. «La définition – avalisée par la FDA – de ce qui
représente une déficience en testostérone est trop vague», soupire Mary
Schooling. Et les pharmas sont malignes. «La plupart de leurs publicités
ne mentionnent pas explicitement le nom d’un médicament, se contentant
de «sensibiliser» la population aux dangers du Low T, ce qui leur permet
d’échapper aux accusations de promotion off label», glisse Steve Woloshin, professeur à l’Institut de santé publique de l’Université Dartmouth.
Mais
la résistance s’organise. Le 17 septembre dernier, la FDA a convié un
panel consultatif d’experts à se pencher sur la question. Il lui a
recommandé d’interdire les traitements à la testostérone pour tous les
cas qui ne relèvent pas de l’hypogonadisme. La fontaine de jouvence
pourrait bientôt se tarir
. http://www.letemps.ch/Page/Uuid/183bb084-7c97-11e4-a4b4-65a0dc79857a/Les_Am%C3%A9ricains_accros_%C3%A0_la_testost%C3%A9rone
Près de 500 000 des nouveaux cas de cancer survenus en 2012 chez des adultes – soit 3,6 % du nombre total des cancers dans le monde – seraient liés à un surpoids ou une obésité, selon une vaste étude publiée dans The Lancet Oncology, le 26 novembre. Melina Arnold (Centreinternational de recherche sur le cancer, Lyon) et ses
collègues soulignent que le tribut est particulièrement lourd pour les
pays riches : deux tiers de ces tumeurs associées à un excès de poids
sont recensées chez des patients vivant en Europe ou aux Etats-Unis.
Un indice élevé de masse corporelle (ou IMC, poids divisé
par la taille au carré), c’est-à-dire supérieur à 25, est un facteur de
risque bien identifié de pathologieschroniques
telles les maladies cardio-vasculaires, le diabète, l'arthrose... De
multiples études scientifiques ont aussi confirmé l'association entre le
surpoids et des cancers, notamment de la sphère digestive (œsophage,
côlon, rectum, pancréas), du rein, et (chez la femme après la ménopause)
du sein, de l'ovaire et du corps de l'utérus (par opposition au col).
Plusieurs facteurs
Ces liens peuvent s'expliquer
par plusieurs facteurs : le surpoids favorise la prolifération des
cellules, et une inflammation chronique... Des modifications hormonales
seraient en cause dans certaines localisations, par exemple pour les
cancers du sein et de l’utérus.
La situation est en tout cas
d'autant plus inquiétante que la fréquence de l'obésité et du surpoids
est en constante augmentation depuis les années 1980. A l'échelle
mondiale, plus d'un tiers de la population est désormais concernée par un excès de poids (dont 12 % par une obésité).
Pour estimer
l'importance de ce facteur de risque dans la survenue des cancers à
travers le monde, l'équipe de Melina Arnold a travaillé sur plusieurs
sources, dont Globocan, une base de données du CIRC qui livre les
estimations les plus récentes pour 28 types de tumeur dans 184 pays. Les
chercheurs ont ainsi calculé, dans chaque pays, la fraction des cancers
survenus en 2012 attribuable au surpoids observé dix ans plus tôt, en
2002.
Les femmes plus touchées
Les
résultats sont éloquents : au total, 3,6 % des nouveaux cas de tumeur
maligne des adultes, soit 481 000, seraient en lien avec un IMC élevé.
La proportion est significativement plus importante chez les femmes (5,4
%) que chez les hommes (1,9 %), en raison surtout du nombre élevé de
cancers spécifiquement féminins (utérus, sein) après la ménopause.
Sans
surprise, une grande hétérogénéité géographique est constatée, les pays
en voie de développement étant, en tout cas pour l'instant, nettement
moins touchés par les cancers « poids dépendants » que les pays riches.
Dans ceux où le niveau de vie est le plus élevé, environ 8 % des cancers
féminins et 3 % des tumeurs masculines sont associées à un excès de
poids, la proportion étant respectivement de 1,5 et 0,3 % dans les pays
les plus pauvres.
Derrière les infections et le tabac
Les
auteurs appellent toutefois à des efforts globaux dans la lutte contre
l'obésité, car si l'épidémie se stabilise dans certaines régions
(Etats-Unis par exemple), elle continue de progresser dans bien d’autres : Amérique latine, Caraïbes et Afrique du Nord principalement.
Par
comparaison, le nombre de cancers attribuables à des infections
(hépatite B, papilloma virus...) est de l'ordre de 2 millions de
nouveaux cas par an, soit 16 % du total des tumeurs, rappellent Melina
Arnold et ses collègues. Le tabac
serait, lui, impliqué dans 20 % des tumeurs, et 1,4 millions de décès
annuels par cancer. Autant de tumeurs malignes potentiellement évitables
par des politiques publiques de prévention et une amélioration des
comportements individuels.
Les cancers, première cause de décès en Belgique chez les hommes
AFP
Publié le
- Mis à jour le
Sciences - Santé
Les maladies cardiovasculaires restent la principale cause de décès
en Europe malgré des améliorations sensibles enregistrées dans bon
nombre de pays, selon des travaux publiés mercredi dans la revue
European Heart Journal.
En compulsant des données de l'Organisation mondiale de la santé
(OMS) disponibles pour 52 pays européens, l'étude a permis de montrer de
grandes divergences selon les pays.
Dans des pays à forts revenus comme la Belgique, le Danemark, la
France, le Luxembourg, les Pays-Bas, le Portugal, la Slovénie, l'Espagne
et Saint-Marin, les maladies cardiovasculaires provoquent désormais
moins de décès que les cancers chez les hommes.
Aucun reflux n'est en revanche perceptible dans des pays comme la
Russie, l'Ukraine, le Belarus et le Kazakhstan, où les personnes de 55 à
60 ans ont plus de risques de mourir de maladies coronariennes que les
Français âgés de 75 à 80 ans.
Le taux de décès pour les hommes comme pour les femmes de tous
âges est six fois plus élevé en Russie qu'en France, indique notamment
l'étude.
Les maladies cardiovasculaires sont des maladies qui affectent le
coeur et les vaisseaux et qui peuvent entrainer arrêts cardiaques et
accidents vasculaires cérébraux (AVC).
Elles tuent environ 4 millions de personnes par an en Europe -
dont 1,8 million souffrant de maladies coronariennes, un million des
suites d'un AVC et 1,2 d'autres maladies cardiaques -, ce qui représente
plus de la moitié des décès observés.
Mais si la situation s'améliore globalement chez les hommes, les
maladies cardiovasculaires restent la principale cause de décès chez les
femmes dans tous les pays européens à l'exception du Danemark, selon
les dernières statistiques disponibles.
"Cette différence s'explique principalement par un taux plus élevé
d'AVC", indique Nick Townsend, de l'Université d'Oxford, l'un des
auteurs de l'étude.
Il explique également que la baisse globale des décès dans les
pays à forts revenus est "probablement liée" à une meilleure prise en
compte des facteurs de risque cardiovasculaire, à la lutte contre le
tabagisme ainsi qu'à des traitements préventifs plus efficaces. "Mais
d'autres facteurs comme le développement de l'obésité suggèrent que
cette tendance à la baisse pourrait bien être remise en cause",
ajoute-t-il.
Interrogé sur les écarts constatés entre les différents pays
européens, Mike Rayner, un collègue de M. Townsend, a estimé qu'elles
étaient essentiellement dues à des causes environnementales.
"Elles s'expliquent surtout par des différences de mode de vie
(alcool, tabac, alimentation) et dans une moindre mesure, par la prise
en charge médicale de ces malades" a-t-il indiqué à l'AFP.
Cellules cancéreuses parmi des globules rouges.
Le cancer du sang se traite déjà par immunothérapie. (Keystone)
A Lausanne et Genève, des chercheurs tentent de concrétiser les
espoirs soulevés par l’immunothérapie. Cette méthode de lutte contre les
tumeurs apparaît aussi prometteuse que risquée
C’est un espoir resté longtemps lointain, qui aujourd’hui devient
réalité. L’immunothérapie, nouvelle piste de traitement des cancers, a
le vent en poupe dans le monde scientifique et médical. En juin, au
congrès de l’Association américaine d’oncologie clinique à Chicago,
pléthore de présentations de chercheurs ont confirmé les premiers succès
de cette promesse thérapeutique.
Et la Suisse est en pointe. A
Genève et à Lausanne, les centres d’oncologie multiplient les études en
laboratoire et chez l’homme. «Ces projets sont incroyablement ambitieux
et impliqueront, à terme, des centaines de patients par année», dit
Olivier Michielin.
Le responsable de la consultation mélanome au CHUV et chef de l’unité de recherche en oncologie au Centre Ludwig
de l’Université de Lausanne y collabore avec George Coukos,
directeur du Centre suisse du cancer à Lausanne depuis juillet 2012.
Cet expert du domaine a jadis créé un centre d’immunothérapie du cancer
de l’ovaire à l’Université de Pennsylvanie (Etats-Unis).
Dans le
corps humain, un type de globules blancs appelé «cellules T» est
normalement capable de reconnaître et d’éliminer les cellules
cancéreuses. L’immunothérapie consiste à «super-stimuler» ces cellules T
chez un patient, de manière à l’aider à lutter contre le cancer. Une
idée simple mais qui s’avère compliquée à mettre en pratique. En effet,
les cellules tumorales sont souvent capables «d’échapper» au système
immunitaire en diminuant son efficacité. Cela explique que les
recherches sur l’immunothérapie aient mis si longtemps avant de percer.
C’est l’accumulation exponentielle de connaissances sur le
fonctionnement du système immunitaire qui a permis la récente percée.
On
oublie souvent que la première réussite dans le domaine de
l’immunothérapie est l’allogreffe de moelle osseuse chez les patients
souffrant de leucémies. Cette technique consiste à transférer chez eux
la moelle osseuse d’un donneur compatible, appelée à devenir le nouveau
siège de fabrication des globules rouges et blancs du sang. «Cette
technique, efficace, permet de changer le système immunitaire et
d’introduire des globules blancs «neufs» et plus aptes à combattre les
cellules tumorales», précise Pierre-Yves Dietrich, directeur du Centre d’oncologie des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG).
En étudiant de plus près les cellules T du sang, des scientifiques
ont découvert à leur surface des molécules jouant un rôle de «poste de
contrôle» capable de freiner ou d’accélérer l’action contre la tumeur.
Or une protéine étudiée depuis les années 1990 et appelée ipilimumab est
capable d’annihiler le frein éventuel que ces molécules peuvent
induire, et d’éviter ainsi que la réponse immunitaire ne s’éteigne.
En
2010, des études cliniques ont évalué l’utilité d’injecter cette
protéine. Les résultats, chez des patients ayant un cancer agressif de
la peau, furent spectaculaires: ceux dont la maladie était contrôlée à
trois ans ont une forte chance de voir ce bénéfice se poursuivre jusqu’à
dix ans, voire plus. «C’est une révolution, estime Olivier Michielin.
Ces travaux ont montré que l’immunothérapie peut changer drastiquement
la survie des patients.» Sur la base de cette idée, et en visant aussi
d’autres mécanismes de contrôle des cellules T dans le cas de cancers
avancés de la peau, du rein et des poumons, plusieurs médicaments ont
été développés, qui sortiront en Europe et en Suisse dans quelques mois.
Malgré
ces espoirs, et même si certaines molécules sont en cours de validation
pour une utilisation en clinique, celles-ci ne remplaceront pas demain
les thérapies classiques comme la chimiothérapie ou la radiothérapie.
Et
l’injection de ces anticorps dits «immuno-modulateurs» n’est pas sans
danger. En effet, l’hyper-stimulation des globules blancs peut les
amener à se retourner contre les tissus sains, en particulier la peau,
le foie et le système digestif. Pierre-Yves Dietrich rappelle aussi que
«ces traitements sont très complexes et réservés à des centres pointus.
Certains patients peuvent faire des réactions auto-immunes aiguës
pouvant être mortelles.» Actuellement, il n’existe pas de moyen de
prédire ces réactions. L’enjeu ultime de ces thérapies est donc
d’arriver à un équilibre dans l’activation des globules blancs.
S’ajoute
aux effets secondaires le fait que nombre de malades ne répondent pas à
ces traitements. Cette observation stimule la recherche, si bien que
d’autres types d’immunothérapie sont à l’étude. Ceux-ci sont basés
principalement sur la «rééducation» des cellules immunitaires, soit par
vaccination, soit par thérapie cellulaire.
Dans cette dernière méthode,
les cellules T déjà présentes dans la tumeur sont
prélevées en laboratoire, multipliées puis réinjectées chez le patient.
Le premier scientifique à avoir mis au point ce protocole est Steven
Rosenberg de l’Institut national du cancer aux Etats-Unis. Il a obtenu
des résultats très positifs sur des malades au pronostic sombre. En
2010, il a publié d’autres travaux où il avait modifié génétiquement les
cellules T pour leur ajouter une molécule d’accroche (dite «CAR»), qui
reconnaît spécifiquement les cellules tumorales.
Avec cette méthode, des études sur des patients leucémiques
réalisées par Carl June de l’Université de Pennsylvanie ont montré des
réponses saisissantes chez les sujets traités. Des résultats sur la base
desquels l’expert américain et son homologue du CHUV George Coukos vont
collaborer. «La thérapie «CAR» est un des projets phares au centre de
recherche de Lausanne, dit Olivier Michielin. Le volet d’ingénierie
cellulaire [manipulation en laboratoire des cellules T, ndlr] se fait en
partenariat étroit avec l’EPFL, l’Institut Ludwig et le CHUV.» Le
chercheur, lui, tente en particulier d’optimiser la reconnaissance de la
tumeur par la molécule implantée dans la cellule T.
Son travail,
mené à l’Institut suisse de bioinformatique, consiste à simuler en 3D, à
l’aide d’ordinateurs surpuissants, la structure de la liaison entre la
cellule T et la tumeur: «En manipulant les cellules T du patient, nous
visons à obtenir des «super-cellules tueuses». Lui et plusieurs
chercheurs du laboratoire ont acquis l’expertise de simulation 3D en
travaillant avec Martin Karplus, qui a reçu le Prix Nobel en 2013 pour
cette technologie. Les études chez la souris montrent que les cellules T
modifiées agissent contre le cancer que les rongeurs développent. Les
premiers essais cliniques chez l’homme sont prévus vers 2015.
Cette
thérapie cellulaire aussi entraîne des effets secondaires. Olivier
Michielin et son groupe tentent de mettre au point un mécanisme de
sécurité en incorporant dans les cellules T des interrupteurs
moléculaires, ceci pour éviter leur éventuelle et dangereuse
hyper-activation. Des essais cliniques pour prouver la validité de cette
idée sont aussi prévus dans les prochaines années. Page précédente145Page suivante http://www.letemps.ch/Page/Uuid/cd9e15f4-2646-11e4-9a79-d749102b8541/LArc_l%C3%A9manique_au_c%C5%93ur_de_la_nouvelle_r%C3%A9volution_anticancer
«L’immunothérapie est une approche très convaincante»
Le Temps: Est-ce que l’immunothérapie est une réelle révolution dans le traitement du cancer? Michel Aguet: C’est une approche très
convaincante. Les connaissances accumulées et les résultats récents
suggèrent fortement que l’immunothérapie, dans certains contextes – et
non de manière générale comme souvent présenté –, jouera un rôle, au
prix d’effets secondaires non négligeables. Mais il faut tempérer
l’enthousiasme tout en respectant le progrès. Traiter une tumeur reste
un problème complexe. – Cette thérapie pourrait-elle remplacer la chimiothérapie?
– Conceptuellement, l’immunothérapie pourrait être utilisée pour
contrôler une maladie tumorale résiduelle, c’est-à-dire quand il reste
peu de cellules cancéreuses. Cela implique automatiquement de combiner
ce traitement avec un traitement classique qui réduit la masse tumorale
(chirurgie, chimiothérapie, radiothérapie). Etablir la séquence des
soins est une des questions qu’il faudra creuser par un long travail
d’étude clinique de comparaison des traitements pour
essayer de déterminer la meilleure combinaison. L’immunothérapie ne
représentera qu’un volet d’une thérapie. La chimio est loin d’être
abandonnée. – Les centres d’oncologie misent-ils sur l’immunothérapie au détriment d’autres domaines?
– Depuis la découverte des anticorps immuno-modulateurs, la
recherche sur l’immunothérapie s’est beaucoup développée. En recherche
appliquée, les grands groupes pharmaceutiques, tels Merck, Roche et
AstraZeneca, ont des programmes. Il y a un phénomène de mode. Mais on ne
peut pas dire que cette méthode entre en compétition avec d’autres
domaines. L’immunothérapie est un volet de la recherche qui remonte à
loin, avec un regain d’intérêt dû à ses succès récents. Mais il y aura
des patients pour lesquels l’immunothérapie ne sera pas applicable, ce
qui justifiera d’autres approches. – L’immunothérapie ouvre-t-elle la porte vers un traitement personnalisé des cancers?
– Ces thérapies ont des taux de réponse variables. Il faudrait
pouvoir prédire qui répond ou non au traitement, et donc avoir des
biomarqueurs. C’est un des défis à relever par l’immunothérapie: mieux
comprendre qui sera sensible au traitement et établir des stratégies de
traitement personnalisées. Autre challenge: identifier des cibles
spécifiques pour les cellules immunitaires, c’est-à-dire les marqueurs
qui sont différents entre la tumeur et le tissu sain. – Les centres d’oncologie de l’Arc lémanique ont-ils un rôle à jouer dans ce domaine?
– De manière générale, toute la recherche contre le cancer a
énormément évolué dans l’Arc lémanique ces 15 dernières années. Par la
quantité et la qualité, la région est extrêmement bien positionnée pour
contribuer au niveau international dans le domaine de l’immunothérapie
en particulier. http://www.letemps.ch/Page/Uuid/bf0648e0-2646-11e4-9a79-d749102b8541|1
Cancer : des solutions pour améliorer la qualité de vie des malades
Le Monde.fr |
• Mis à jour le
|
Par Sandrine Cabut (Chicago, envoyée spéciale)
Plus de 25 000
cancérologues venus du monde entier ; 5 000 présentations, sous forme de
conférences et de posters ; un hall d'exposition gigantesque pour les
laboratoires pharmaceutiques et (un peu) les associations de patients…
Le congrès annuel de l'Association américaine d'oncologie clinique
(ASCO), qui se tient du vendredi 30 mai au mardi 3 juin à Chicago
(Illinois), est toujours bien la grand-messe de la cancérologie
mondiale.
Le rendez-vous,
incontournable pour les spécialistes, est avant tout consacré aux
traitements, et plus particulièrement aux médicaments, dont les noms
deviennent, d'année en année, de plus en plus imprononçables, et les
modes d'actions — souvent présentés sous forme de sigles — carrément
opaques pour les profanes.
Il n'est cependant pas uniquement question de thérapies
ciblées ou d'immunothérapie, une approche qui a particulièrement le vent
en poupe cette année. Pour la 50e édition de l'ASCO, placée
cette année sous le thème « science et société », plusieurs études
concernant la qualité de vie des malades et de leurs proches ont été
présentées, vendredi 30 mai, aux médias. PRÉSERVER LA FERTILITÉ APRÈS UN CANCER DU SEIN
Première bonne nouvelle, un essai clinique mené par l'équipe
de Halle Moore (Cleveland) montre qu'un traitement hormonal permet de préserver la fertilité des femmes traitées pour une tumeur du sein, avant leur ménopause.
De fait, l'infertilité par atteinte ovarienne est un effet
secondaire fréquent des chimiothérapies pour cancer (du sein ou d'un
autre tissu). Avant de commencer un tel traitement, les femmes jeunes qui souhaitent avoir des enfants ont la possibilité de congeler des ovocytes ou des embryons. Mais ces pratiques, loin d'être systématiques, restent lourdes à mettre en œuvre, et onéreuses dans les pays où elles ne sont pas prises en charge.
Financée par les instituts nationaux de la santé, l'étude
américaine présentée au congrès a inclus 257 femmes atteintes d'un
cancer du sein dont les récepteurs hormonaux étaient négatifs. Après
tirage au sort, elles ont été traitées soit par chimiothérapie seule,
soit associée à de la goséréline — une hormone analogue entraînant la
libération des gonatrophines, qui stimulent l'ovaire — commercialisée
sous le nom de Zoladex par le laboratoire Astra Zeneca.
Deux ans après, la fonction ovarienne était nettement moins
perturbée chez les femmes ayant reçu des injections mensuelles
d'hormones que chez les autres. Et le nombre de grossesses et de
naissances a été presque deux fois plus élevé : dix-huit bébés (issus de
seize grossesses) sont nés dans le groupe traité par goséréline, et
douze (issus de huit grossesses) chez les autres. D'autres grossesses
sont en cours, là aussi en nombre plus élevé dans le premier groupe.
Mieux, Halle Moore et ses collègues ont eu la surprise de constater
qu'avec un recul de quatre ans, le taux de survie était plus élevé
(+ 50 %) chez les femmes ayant reçu les injections. Si ces bons
résultats se confirment, ils pourraient bien faire évoluer les pratiques et donner ainsi une nouvelle option aux patientes jeunes qui souhaitent avoir des enfants après leur traitement. LE SOUTIEN DES PROCHES, FACTEUR IMPORTANT
Dans un autre registre, une autre étude américaine confirme que dans le cancer comme dans d'autres pathologieschroniques, le soutien des proches est un facteur important à prendre en compte. « Le soutien de ces malades prend plus de huit heures par jour à leurs aidants familiaux. Le stress de ceux-là peut avoir des conséquences néfastes sur leur propre état de santé, et sur celui du malade », souligne l'investigatrice principale de l'étude, Marie Bakilas (université d'Alabama).
Testé dans des familles avec un patient atteint d'une forme
récidivante ou métastasée de cancer, un système de soutien téléphonique
s'est révélé efficace pour les symptômes dépressifs et la qualité de vie
de l'aidant, et plus eficace encore s'il était débuté précocement. Son
impact sur le malade lui-même n'a en revanche pas été mesuré. SUPPRIMER CERTAINS MÉDICAMENTS
Enfin, toujours dans l'optique d'améliorer la qualité de vie à défaut de guérir, une autre équipe a décidé de regarder si des traitements non destinés à traiter directement le cancer, en l'occurrence la prise de statines (des médicaments contre le cholestérol), pouvaient être allégés chez les cancéreux en fin de vie. « Les malades en phase terminale ont souvent plus de dix médicaments à prendre, alors qu'ils ont du mal à avaler et peu d'appétit, justifie Amy Pickar Abernethy (université Duke), venue présenter ses résultats. Sans compter le risque d'interactions médicamenteuses, et d'accumulation d'effets secondaires. »
L'étude a été conduite auprès de 400 patients prenant des
statines depuis au moins trois mois, et ayant moins d'un an d'espérance
de vie du fait de leur cancer. Le médicament a été arrêté pour la moitié
d'entre eux. Le constat des chercheurs est sans appel : la qualité de
vie a été plutôt améliorée (+ 10 %) dans le groupe privé de la prise de
statines.
Surtout, l'arrêt de cet anticholestérol n'a pas entraîné un
excès de complications cardio-vasculaires par rapport au groupe traité.
La durée — en jours — jusqu'au décès était même légèrement allongée
(quoique non significativement sur le plan statistique). Mais c'est avec
des arguments économiques que les chercheurs ont asséné le coup de
grâce : plus de 600 millions de dollars pourraient être
économisés chaque année aux Etats-Unis si toutes les personnes avec une
espérance de vie inférieure à un an arrêtaient leur traitement
anticholesterol, estiment-ils.
En présentant le Plan cancer, troisième du nom, portant sur la période 2014-2019, mardi 4 février à Paris, François Hollande devait clairement affirmer son objectif : réduire les inégalités sociales liées à la maladie. Si le président de la République a choisi cet axe pour développer une stratégie visant à mieux soigner et à « guérir plus de personnes malades », c'est qu'il existe une injustice sanitaire avec le cancer.
Environ 3 millions de personnes ont ou ont eu un cancer au
cours de leur vie. Principale cause de mortalité en France avec 148 000
décès estimés en 2012 et 355 000 nouveaux cas par an, il demeure la
pathologie dans laquelle les inégalités de santé sont plus prégnantes
que dans d'autres pathologies. « Si l'accès aux traitements est à peu près égalitaire
partout en France pour chaque malade, l'accès à l'information n'est pas
homogène, pas plus que la façon dont on gère les effets secondaires,
notamment les effets sociaux, constate le professeur Jacqueline Godet, présidente de la Ligue nationale contre le cancer. [La maladie]
accentue ou crée de la précarité sociale, économique ou
professionnelle. Il y a de fortes disparités selon les territoires ou
les origines sociales. » RÉDUIRE LE DÉLAI POUR UNE IRM DE 27 À 20 JOURS
Pour y remédier, le nouveau plan, annoncé à l'occasion de la Journée mondiale contre le cancer, est doté d'un financement total
de 1,5 millard d'euros. Il renforce notamment les moyens et l'accès au
dépistage. C'est le cas du cancer du col de l'utérus – responsable de 1
000 décès par an. Le professeur Agnès Buzyn, présidente de l'Institut
national du cancer (INCa), rappelle que l'accès à son dépistage organisé
« reste très différencié socialement et n'est proposé actuellement que dans 13 départements pilotes ». Il sera donc « étendu à l'ensemble du territoire », sans reste à charge.
Le plan vise à réduire le délai moyen d'attente pour obtenir un examen par IRM pour bénéficier d'un diagnostic. Actuellement de 27 jours, il devra passer
à 20 jours maximum sur l'ensemble du territoire. L'accès à des soins de
qualité sera facilité par la publication, avant 2017, d'indicateurs de
qualité de l'ensemble des établissements. Le développement
d'autorisations de mise sur le marché conditionnelles des médicaments,
avec renégociation des prix en fonction de l'usage effectif, vise à favoriser les possibilités de bénéficier des médicaments réellement innovants.
Le plan a également pour cible l'impact du cancer sur la vie personnelle. Il instaure ainsi une sorte de « droit à l'oubli » permettant de ne pas faire figurer la mention de ce cancer dans le questionnaire médical lié à un emprunt. Il sera inscrit dans la convention « S'assurer et emprunter avec un risque aggravé de santé », qui permet aux personnes ayant ou ayant eu une maladie grave d'obtenir plus facilement un prêt immobilier ou un crédit à la consommation. S'il n'est pas possible d'y parvenir lors de la renégociation de cette convention, prévue dans dix-huit mois, le gouvernement le fera par la loi. IMPACT FORT DU NIVEAU D'ÉTUDE SUR LA MORTALITÉ
Le droit à l'oubli portera sur les cancers dont les études
montrent qu'ils guérissent et pour lesquels l'espérance de vie est
équivalente à celle de la population générale. Tous les cancers de l'enfant et de l'adolescent seraient concernés ainsi que certains cancers de l'adulte. « Le deuxième Plan cancer avait déjà inscrit la réduction des inégalités de santé, mais elles n'ont pas diminué, faute d'avoir fixé des objectifs clairement définis »,
estime le professeur Jean-Paul Vernant, qui a remis en juillet 2013 un
rapport pour le troisième plan. Le nouveau plan suit sa recommandation
de réduire significativement les inégalités d'accès aux soins, notamment liées aux dépassements d'honoraires et des restes à charge pour les malades.
Le troisième plan s'attache ainsi à faciliter les possibilités de bénéficier
d'une reconstruction mammaire après cancer du sein, comme le plan
précédent l'avait fait pour les atteintes de la sphère ORL, par exemple
après ablation du larynx. Cela passera par la prise en charge de ces
frais « par l'assurance maladie obligatoire et complémentaire dans le cadre de contrats solidaires et responsables » et par la réduction des dépassements d'honoraires grâce aux dispositions conventionnelles.
La maladie touche toutes les couches sociales sans distinction. Mais « la France est un des pays d'Europe de l'Ouest où les inégalités sociales de mortalité par cancer sont les plus importantes, quel que soit le sexe », rappelle le rapport « Les cancers en France en 2013 », que l'INCa a rendu public mardi 4 février. En effet, le risque de décéder
d'un cancer entre 30 et 65 ans est deux fois supérieur chez les
ouvriers que chez les cadres et les professions libérales. Le niveau
d'étude a un impact fort. La mortalité liée au cancer du sein est plus
faible chez les femmes cadres, alors que l'incidence est supérieure chez
elles.
Ces disparités se révèlent face aux différents facteurs de risques (tabac, alcool,
sédentarité, environnement, alimentation…) dans les comportements de
prévention – c'est-à-dire dans l'impact des messages et leur capacité à être diffusés et entendus –, dans le recours au dépistage et l'accès aux soins, constate l'INCa.
A cela s'ajoute ce que l'INCa appelle les « déterminants intermédiaires » : modes de vie, conditions de travail… On parle alors de double peine. Les personnes les plus défavorisées ont plus de risques d'avoir un cancer et d'en mourir.
Les cancers professionnels sont tristement emblématiques. Sur les 2,37
millions de salariés exposés à des cancérogènes dans le cadre de leur
travail, 70 % sont des ouvriers, également plus exposés au tabac et à
l'alcool.
Quant au retour à l'emploi, les plus favorisés se réinsèrent
plus facilement. Actuellement, parmi les personnes en activité lors de
leur diagnostic, trois sur dix ont quitté leur emploi
deux ans après, souligne l'argumentaire du nouveau plan, et, là encore,
les écarts se creusent entre ouvriers et cadres supérieurs. « La situation est très inquiétante, certaines conditions de précarité peuvent orienter des traitements vers le bas », alerte même le professeur Laurent Zelek, cancérologue à l'hôpital Avicenne de Bobigny.
Touche pas à ma mammographie! Un vent de fronde s’est levé
dimanche parmi les responsables des programmes de dépistage du cancer du
sein, contre le dernier rapport du Swiss Medical Board
(SMB) qui conclut à l’absence de bénéfice de ce dépistage organisé.
Tous les cantons romands ont mis en place de tels programmes, qui
prévoient un examen radiographique des seins tous les deux ans pour les
femmes de 50 à 69 ans. En Suisse alémanique, en revanche, la situation
est variable; 12 cantons entre Zurich et la Suisse centrale n’ont pas
prévu une telle initiative.
Dans son rapport, le SMB recommande de
mettre un terme au dépistage organisé du cancer du sein et de ne pas
étendre ces programmes à de nouveaux cantons, car leur rapport
coût-bénéfice est «très défavorable». Pour parvenir à cette conclusion,
le SMB, qui se présente comme un «organisme indépendant de
l’administration, des prestataires et de l’industrie», s’est livré à un
calcul théoriquement simple. Il a mis en balance les coûts financiers et
les inconvénients des programmes de dépistage avec les bénéfices qui en
découlent, c’est-à-dire la qualité et les années de vie gagnées pour
les femmes qui s’y soumettent.
Les avantages? Le dépistage
organisé permet de sauver une à deux vies pour chaque millier de femmes
incluses dans un programme cantonal via son gynécologue. Et les
inconvénients? Sur ce nombre, une centaine recevra un résultat
faussement alarmant («faux positif»). Sans compter toutes celles qui se
verront diagnostiquer une anomalie qui n’évoluerait jamais vers une
tumeur si elle n’avait pas été diagnostiquée – on parle alors de
«sur-diagnostics».
Il s’agit ensuite de traduire les gains et les
pertes en termes financiers, afin de savoir si la balance penche du bon
ou du mauvais côté. L’exercice s’avère vite périlleux. En effet,
certains experts soutiennent, par exemple, qu’il faudrait inclure dans
les coûts les frais de traitement des maladies dont les femmes
souffriront ultérieurement du fait qu’elles vivront plus longtemps.
D’autres estiment que l’on devrait tenir compte des salaires moyens qui
pourront continuer à être perçus après l’intervention oncologique.
Résultat: le rapport coût-efficacité d’un même traitement peut être jugé
positif dans un pays et négatif dans un autre. Au final, le consensus
s’avère difficile à trouver.
Le cas du dépistage systématique du cancer du sein est l’illustration
de ce nœud gordien. Depuis des années, l’on sait que le rapport
coût-efficacité des programmes organisés est bien moindre qu’on ne
l’aurait espéré. En 2010 déjà, on pouvait lire dans le New England Journal of Medicine
que ceux-ci ne permettaient de réduire la mortalité que de 10%
seulement, contre les 25 à 35% calculés en 2002 par l’Organisation
mondiale de la santé.
Comment se fait-il qu’à partir des mêmes
données scientifiques, le SMB aboutisse à des conclusions opposées à
celles des autorités responsables de ces programmes, pour lesquelles ils
permettent sans doute de sauver des centaines de femmes en Suisse, sur
5400 cas diagnostiqués annuellement, et qui ont manifesté dimanche leur
«consternation» à la lecture du rapport?
Un élément de réponse
figure sur le site du SMB: son conseil d’experts et son bureau sont
surtout composés d’éthiciens et d’économistes de la santé, tous
Alémaniques, qui ont pour mission de formuler des recommandations «à
l’attention des décideurs politiques et des fournisseurs de
prestations». Ils examinent exclusivement les prestations couvertes par
l’assurance maladie de base et peuvent demander à l’Office fédéral de la
santé publique une «clarification du caractère controversé d’une
prestation», ce qui peut conduire à une restriction, voire à une
exclusion de la prise en charge de celle-ci par les caisses maladie.
Interrogé, le président de l’organe responsable du SMB, Peter Suter,
admet que l’intérêt du rapport est plus politique que médical. Et que sa
tâche consiste à «faire un peu de lobbying auprès des politiques» pour
que le rapport trouve une écoute.
«Le choix des études passées en
revue présente des lacunes, la période d’observation est trop courte, le
cercle des experts consultés est insuffisant et pratiquement aucune
évaluation internationale des prestations médicales réalisées par des
institutions reconnues n’a été prise en considération, probablement
parce qu’elles mènent à d’autres conclusions», commente Doris
Summermatter, présidente de la Fédération suisse des programmes de
dépistage du cancer (Swiss Cancer Screening). «De plus, on ne trouve
aucune trace de coopération avec le réseau européen d’évaluation des
technologies de santé.»
«A mon avis, ce rapport ne présente pas un intérêt scientifique
suffisant pour qu’on s’y arrête, estime Michel Thentz, ministre du
département de la santé, des affaires sociales, du personnel et des
communes du canton du Jura. «Et pour tout dire, je trouve très agaçant
qu’un comité d’experts scientifiques se permette d’émettre des
recommandations d’ordre politique», déclare encore le président de la
Conférence latine des affaires sanitaires et sociales (Class).
Questionnés, plusieurs gynécologues confient qu’en l’absence de décision
politique, surtout au niveau cantonal, les conclusions de ce nouveau
rapport ne changeront pas grand-chose pour eux.
Le rapport du SMB
est aussi critiqué sur la façon dont son contenu est présenté: consultée
l’année dernière en tant qu’experte par le SMB, Doris Summermatter a eu
le sentiment, avant même que les conclusions du document ne soient
rédigées, que plusieurs de ses «remarques et explications nuancées»
n’allaient pas être retenues. Sous le couvert de l’anonymat, le
président d’une société suisse de médecine rapporte une histoire
similaire: un de ses collègues, consulté lui aussi comme expert, a eu la
surprise de voir que son point de vue n’avait pas été intégré dans le
rapport, quand bien même son nom y est mentionné comme référence. «Au
sein même de l’organe responsable du SMB, il est probable que tout le
monde ne soit pas d’accord sur les recommandations finales adoptées»,
dit Doris Summermatter.
«L’OFSP va étudier le rapport du SMB et
suivre les discussions des spécialistes à ce sujet, affirme sa
porte-parole Catherine Cossy. En l’état actuel des connaissances, la
mammographie pour le dépistage précoce du cancer du sein est utile et
les femmes sont en mesure de comparer son utilité et ses dommages pour
elles-mêmes.»
L’association faîtière des caisses maladie,
Santésuisse, rejoint en revanche l’avis du SMB, qui va dans le sens d’un
allégement des coûts à la charge des assureurs: «Le dépistage
systématique par mammographie n’est pas efficace, souligne Christophe
Kaempf, responsable des relations publiques. Une mammographie sur dix
est interprétée faussement et donne lieu à une prise en charge médicale
inutile. Pour Santésuisse, il serait préférable de renoncer à ces
programmes, sous leur forme actuelle. Il faut réfléchir à d’autres
pistes de détection préventive, tel le dépistage génétique.»«La question soulevée par le SMB est débattue depuis des années au
niveau international et la réponse est tantôt positive, tantôt
négative, en fonction du point de vue des gens qui s’expriment»,
remarque Markus Zimmermann, maître d’enseignement et de recherche en
théologie à l’Université de Fribourg. Le rapport du SMB semble donc
refléter l’air du temps: «C’est à la mode de contester l’intérêt du
dépistage du cancer
du sein en raison des risques de résultats erronés et d’une
rentabilité plus faible que prévue», déclarait en janvier 2011, dans La Recherche,
Marc Espié, directeur du Centre des maladies du sein à l’Hôpital Saint-Louis, à Paris.
L’innocuité du vaccin contre le cancer du col de l’utérus remise en cause
Laetitia Clavreul Le Monde
(Jessica Rinaldi / Reuters)
D’autres poursuites contre le Gardasil
pourraient suivre, alors qu’une plainte pénale a été déposée en France
vendredi 22 novembre pour «atteinte involontaire à l’intégrité de la
personne humaine» par une jeune femme de 18 ans. Elle accuse ce vaccin
contre le cancer du col de l’utérus de graves effets secondaires sur le
système nerveux central
L’association Les filles et le
Gardasil se félicite de ce premier dépôt de plainte, dans un communiqué
publié par le cabinet d’avocats de plusieurs d’entre elles dimanche en
fin d’après-midi, et précise qu’une autre plainte est en cours de
rédaction, «tant pour blessures involontaires que pour des infractions
connexes (publicité trompeuse, prise illégale d’intérêts entre
autres)». Sclérose en plaques, maladie de Verneuil et polymyosite
«Il
est important de signaler que la sclérose en plaques n’est pas la
seule pathologie dont peuvent être atteintes les jeunes femmes, il y a
beaucoup d’effets indésirables potentiels», insiste Me Camille
Kouchner, du cabinet Atticus, l’une de leurs avocates. Cette dernière
compte déposer plainte dans les toutes prochaines semaines pour des
clientes souffrant de la maladie de Verneuil, une affection de la peau
chronique entraînant l’apparition de furoncles, qui affecte lourdement
le quotidien.
Ce dimanche, elle a aussi été recontactée par une
jeune femme souffrant de la polymyosite, affection caractérisée par une
dégénérescence des fibres des muscles moteurs. Jusque-là, celle-ci
n’avait «pas eu le courage» de constituer un dossier, selon Me Kouchner.
Marie-Océane,
la jeune fille dont l’avocat a déposé la première plainte, peut
s’appuyer sur une double expertise commandée par la Commission régionale
de conciliation et d’indemnisation des accidents médicaux (CRCI)
d’Aquitaine, qui a conclu à un «lien de causalité» entre l’injection de
Gardasil et une «réaction inflammatoire aiguë du système nerveux
central», qui après la deuxième injection a «décompensé un processus
immunitaire», selon le journal «Sud Ouest». La commission a cependant
limité l’indemnisation de Marie-Océane à 50% du préjudice, estimant
qu’une éventuelle vulnérabilité génétique avait aussi pu jouer.
Sanofi
Pasteur MSD, qui fabrique le Gardasil, a confirmé dimanche la
conclusion, mais la conteste. Selon le laboratoire, elle s’appuie
«uniquement sur la constatation d’une coïncidence temporelle entre la
survenue et les symptômes de la maladie et de la vaccination», sans
prouver le lien de causalité. http://www.letemps.ch/Page/Uuid/fa34e81a-559d-11e3-94f8-a77bdfe78e74/Linnocuit%C3%A9_du_vaccin_contre_le_cancer_du_col_de_lut%C3%A9rus_remise_en_cause#.UpO9qCduabE
Ces idées qui circulent sur le cancer
L.D.
Publié le
- Mis à jour le
Sciences - SantéCe mardi a lieu la journée mondiale contre le cancer. L'occasion de faire le point entre mythes et réalités.
Non, contrairement à des idées répandues, le stress prolongé ne peut
pas provoquer un cancer. Aucune étude scientifique ne l’a démontré
jusqu’ici. Non, le cancer n’est pas une fatalité. Si 60000 personnes
sont touchées chaque année par cette maladie en Belgique, la prévention
permettrait d’éviter entre un tiers et la moitié de tous les cas de
cancers.
En cette journée mondiale contre le cancer, célébrée ce 4 février,
sans doute n’est-il pas inutile de faire la part entre mythes et
réalités. Quelques-uns, disons.
"Il existe des risques que les Belges perçoivent (NdlR : parfois à tort) comme très importants, nous dit le Dr Anne Boucquiau, responsable du département Prévention à la Fondation contre le cancer. La
majorité des citoyens pensent que les risques sanitaires liés à
l’alimentation sont beaucoup plus élevés que par le passé; ce qui n’est
pas le cas. Nous vivons dans un monde de moins en moins risqué mais de
plus en plus incertain. […] Ceci dit, les risques avérés liés à notre
alimentation existent en termes de développement des maladies non
infectieuses : 30 % des cancers seraient dus à notre alimentation. Ce ne
sont pas des contaminants qui sont en cause mais des facteurs comme le
surpoids, l’obésité, la consommation excessive d’alcool, de viandes
rouges, de charcuteries, de graisses, de sel…"
Selon le rapport publié lundi par le Centre international de recherche sur le cancer, "si les connaissances actuelles étaient correctement appliquées",
plus de la moitié des cancers pourraient être évités. Ainsi, la grande
majorité (96 %) des Belges fait le lien entre cancer et tabac,
responsable de 30 % des décès par cancer. Pourtant, en 2013, 27 % des
Belges fumaient toujours…
Et alors que le risque des ondes GSM paraît également surestimé
d’après le Dr Boucquiau, la sédentarité semble, elle, sous-estimée. Or,
selon un article publié dans "The Lancet", l’inactivité physique est
responsable de 10 % des décès dans le monde. Enfin, n’oublions pas que
la cause la plus importante de l’augmentation attendue des cancers reste
l’allongement de notre espérance de vie…
The
globe is facing a "tidal wave" of cancer, and restrictions on alcohol
and sugar need to be considered, say World Health Organization
scientists.
It predicts the number of cancer cases will reach 24 million a year by 2035, but half could be prevented.
The WHO said there was now a "real need" to focus on cancer prevention by tackling smoking, obesity and drinking.
The World Cancer Research Fund said there was an "alarming" level of naivety about diet's role in cancer.
Fourteen million people a year are diagnosed with cancer, but
that is predicted to increase to 19 million by 2025, 22 million by 2030
and 24 million by 2035.
The developing world will bear the brunt of the extra cases.
Chris Wild, the director of the WHO's International Agency for
Research on Cancer, told the BBC: "The global cancer burden is
increasing and quite markedly, due predominately to the ageing of the
populations and population growth.
"If we look at the cost of treatment of cancers, it is
spiralling out of control, even for the high-income countries.
Prevention is absolutely critical and it's been somewhat neglected." The WHO's World Cancer Report 2014 said the major sources of preventable cancer included:
Smoking
Infections
Alcohol
Obesity and inactivity
Radiation, both from the sun and medical scans
Air pollution and other environmental factors
Delayed parenthood, having fewer children and not breastfeeding
For most countries, breast cancer is the most common
cancer in women. However, cervical cancer dominates in large parts of
Africa.
Dr Chris Wild, WHO: "We're not going to be able to address this problem by simply improving treatment"
The human papillomavirus (HPV) is a major cause. It is thought
wider use of the HPV and other vaccines could prevent hundreds of
thousands of cancers.
One of the report's editors, Dr Bernard Stewart from the
University of New South Wales in Australia, said prevention had a
"crucial role in combating the tidal wave of cancer which we see coming
across the world".
Dr Stewart said human behaviour was behind many cancers such
as the sunbathe "until you're cooked evenly on both sides" approach in
his native Australia.
He said it was not the role of the International Agency for Research on Cancer to dictate what should be done.
But he added: "In relation to alcohol, for example, we're all
aware of the acute effects, whether it's car accidents or assaults, but
there's a burden of disease that's not talked about because it's simply
not recognised, specifically involving cancer.
"The extent to which we modify the availability of alcohol,
the labelling of alcohol, the promotion of alcohol and the price of
alcohol - those things should be on the agenda."
He said there was a similar argument to be had with sugar fuelling obesity, which in turn affected cancer risk. Continue reading the main story
Meanwhile, a survey of 2,046 people in
the UK by the World Cancer Research Fund (WCRF) suggested 49% do not
know that diet increases the risk of developing cancer.
A third of people said cancer was mainly due to family
history, but the charity said no more than 10% of cancers were down to
inherited genes.
Amanda McLean, general manager for the WCRF, said: "It's very
alarming to see that such a large number of people don't know that
there's a lot they can do to significantly reduce their risk of getting
cancer.
For most countries, breast cancer is the most common cancer in women
"In the UK, about a third of the most common cancers could be
prevented through being a healthy weight, eating a healthy diet and
being regularly physically active.
"These results show that many people still seem to mistakenly
accept their chances of getting cancer as a throw of the dice, but by
making lifestyle changes today, we can help prevent cancer tomorrow."
It advises a diet packed with vegetables, fruit, and
wholegrains; cutting down on alcohol and red meat; and junking processed
meat completely.
Dr Jean King, Cancer Research UK's director of tobacco
control, said: "The most shocking thing about this report's prediction
that 14 million cancer cases a year will rise to 22 million globally in
the next 20 years is that up to half of all cases could be prevented.
"People can cut their risk of cancer by making healthy
lifestyle choices, but it's important to remember that the government
and society are also responsible for creating an environment that
supports healthy lifestyles.
"It's clear that if we don't act now to curb the number of
people getting cancer, we will be at the heart of a global crisis in
cancer care within the next two decades."
Have you been affected by cancer? Send us your comments using the form below.
Le robot Da Vinci, utilisé pour la chirurgie de la prostate. (Martin Schutt/EPA/Keystone)
La traduction d’un livre américain paru en 2010, l’ouvrage «Touche
pas à ma prostate», publié cette semaine en France, pourrait relancer
une fois de plus le débat sur le dépistage des cancers de la prostate et
leur surtraitement chirurgical
La traduction d’un livre américain paru en 2010, l’ouvrage «Touche
pas à ma prostate» (Thierry Souccar éditions, 352 pages, 23,99 euros),
publié cette semaine en France, pourrait relancer une fois de plus le
débat sur le dépistage des cancers de la prostate et leur surtraitement
chirurgical. Aux Etats-Unis, où 200 000 de ces tumeurs sont
diagnostiquées chaque année, ce coup de gueule au titre explicite (Invasion of the Prostate Snatchers, soit « L’Invasion des voleurs de prostate ») a fait du bruit dans les médias et s’est vendu à 52 000 exemplaires.
Ecrit
à quatre mains par un cancérologue, Mark Scholz (directeur exécutif de
l’Institut de recherche américain sur le cancer de la prostate), et un
patient, Ralph Blum (vivant depuis vingt ans avec cette tumeur sans
intervention radicale), « ce livre est donc une collaboration entre deux
experts, tous deux munis d’un certificat, l’un en papier et l’autre de
chair », résume Mark Scholz. Avec des arguments plutôt scientifiques
pour l’un, personnels pour l’autre, les deux auteurs dénoncent la
mainmise des urologues dans ce domaine et leur interventionnisme.
Selon
Mark Scholz, plus de 40 000 des 50 000 prostatectomies totales
réalisées chaque année aux Etats-Unis ne sont pas justifiées, car « la
grande majorité de ces hommes auraient vécu aussi longtemps sans
opération ». Et ces excès sont d’autant plus inacceptables, selon lui,
que le taux de complications est élevé. Après prostatectomie, un patient
sur deux souffre de troubles sexuels à divers degrés, et « seuls 5 %
déclarent que leur érection est aussi bonne qu’avant la chirurgie ». Des
fuites urinaires surviennent « chez environ 7 % des patients traités
par les meilleurs urologues », poursuit le médecin, études à l’appui.
Au
fil des chapitres, il explique les particularités du cancer de la
prostate et de son dépistage, pourquoi les biopsies sont une « boîte de
Pandore »... « Quand votre médecin de famille vous adresse à un
urologue, votre premier réflexe doit être d’avoir conscience des
implications redoutables qu’il y a à se précipiter sur une biopsie de la
prostate, conseille Mark Scholz. Il faut ensuite, si l’on accepte une
biopsie, s’abstenir de subir un traitement irréversible jusqu’à ce que
l’émotion due à la situation s’estompe, afin de prendre le temps
d’analyser attentivement les tenants et les aboutissants. »
Le cancérologue fait également un point complet sur toutes les
options thérapeutiques, validées ou encore à l’étude, et met en relief
l’approche dite de « surveillance active », protocole précis qui peut
être proposé dans certaines formes localisées et peu évolutives. En
alternance avec la voix de la faculté, Ralph Blum raconte de son côté
ses deux décennies de cohabitation avec le cancer. Si le suivi presque
au jour le jour de son taux de PSA (marqueur sanguin des tumeurs
prostatiques) et le récit de ses expériences un peu extrêmes
(exploration de médecines très alternatives, notamment) rendent parfois
la lecture fastidieuse, son point de vue en miroir amène d’autres
éléments tout aussi instructifs.
Quid du débat sur le dépistage de
ce cancer ? « Le dosage du PSA n’est pas en soi le problème, estime
Mark Scholz. Le vrai souci est la réaction exagérée des médecins et des
patients à l’information apportée par ce taux. La solution n’est pas de
le contrôler moins souvent, mais de convaincre les médecins d’adopter
une approche plus modérée lorsqu’ils conseillent une biopsie dès que le
taux de PSA augmente légèrement, en particulier quand d’autres raisons
peuvent expliquer cette élévation. »
Récemment, des experts américains ont adopté une position encore plus tranchée. En octobre 2011, un comité indépendant, l’US Preventive Services Task Force,
a recommandé de ne plus pratiquer en routine des tests PSA chez les
hommes de plus de 50 ans en bonne santé, car cela ne permet pas de
sauver des vies et conduit à des examens et traitements inutiles. La
dernière analyse d’une étude américaine portant sur 75 000 hommes,
publiée dans le Journal of the National Cancer Institute début janvier,
montre, avec treize ans de recul, que la pratique annuelle d’un toucher
rectal et d’un test PSA ne réduit pas la mortalité.
En France, où
les autorités sanitaires n’ont pas recommandé de dépistage systématique,
le débat est aussi vif entre les partisans de cette stratégie, en
particulier l’Association française d’urologie,
et ses détracteurs, parmi lesquels des instances de médecine générale.
Malgré la controverse, ce dépistage est une réalité. En 2007, 5 millions
de dosages ont été pratiqués, dont 3,35 millions dans le cadre d’un
dépistage. Depuis, leur nombre aurait encore augmenté, atteignant 6 à 8
millions par an. Corollaire, le nombre de diagnostics de cancer de la
prostate a lui aussi crû de façon exponentielle, passant de 13 000 en
1990 à plus de 71 000 en 2010, avec un nombre de décès constant, 9 000
par an.
Pour l’urologue Olivier Cussenot (hôpital
Tenon, Paris), le dépistage « non organisé» actuel n’est pas adapté à
l’épidémiologie de ces cancers : « La moitié des prescriptions sont
réalisées chez des hommes de plus de 65 ans, mais commencer à cet âge
n’est pas justifié car le traitement des tumeurs dépistées n’amène alors
pas de bénéfice sur la mortalité et altère la qualité de vie. » Il
plaide plutôt pour un examen précoce, vers 45 ans, afin de repérer les
hommes à risques, et sinon, une surveillance tous les cinq ans. Les
prostatectomies ont aussi grimpé en flèche, passant de 6 000 par an en
1998 à 26 500 en 2007. Depuis, elles sont en recul (22 000 en 2010). «
Il y a eu certains abus, mais les prostatectomies sont aujourd’hui en
décroissance malgré l’augmentation des formes localisées de cancer,
poursuit l’urologue. Cette évolution est due au recours croissant à des
traitements ciblés et à la surveillance active. »
Le professeur David Khayat (cancérologue,
la Pitié-Salpêtrière) insiste de son côté sur la nécessité d’une
information éclairée des patients, tant pour décider d’un dépistage que
pour le choix du traitement ou d’une surveillance active. « Cette
stratégie de surveillance armée, que je propose à beaucoup de patients,
sur des critères précis, permet le même taux de survie qu’un traitement,
selon des études », précise le cancérologue. http://www.letemps.ch/Page/Uuid/9bfbd14c-45a4-11e1-9364-c19d868867da/Cancer_de_la_prostate__regards_crois%C3%A9s#.UaYzCNjSsVU
Le cancer de la prostate touche les hommes dans leur intimité. Pour
les aider à en parler, une association de défense des patients lance la
campagne VIP. VIP comme Very Important Prostate. L’association
interpelle surtout les médecins avec les questions qui dérangent: les
patients sont-ils suffisamment informés? Les chirurgiens n’ont-ils pas
le bistouri trop facile? Réponses de chirurgien
Europa Uomo Suisse,
une
association de défense des patients atteints d’un cancer de la
prostate, vient de lancer la campagne VIP. VIP pour Very Important
Prostate mais aussi pour que des VIP fassent leur «coming out», comme
Thomas Zeltner. Objectif prévention bien sûr mais aussi en finir avec
les tabous entourant cette maladie. Au-delà de l’étrange affiche choisie
pour faire passer le message – une tête d’homme emballée dans un slip –
l’association pose les questions qui dérangent: les hommes sont-ils
suffisamment informés des traitements et de leurs suites, les
chirurgiens n’ont-ils pas tendance à trop en faire? Réponses de
Christophe Iselin, chef du service d’urologie des HUG.
Le Temps: Face au cancer de la prostate, les chirurgiens
ont-ils le bistouri trop facile?
Christophe Iselin: Cela dépend à quel point l’urologue
est
à niveau, il peut y avoir des variations. Mais cela fait des années que
la communauté urologique sait que certains cancers prostatiques,
environ un tiers, sont indolents. Dans un autre tiers des cas, les
patients souffrent gravement de leur cancer mais n’en meurent pas, et un
dernier tiers décèdent. Il faut donc être rusé et savoir n’intervenir
que si c’est nécessaire.
– Comment savoir qu’un cancer ne nécessite pas d’intervention brutale?
– Les biopsies permettent de juger de sa méchanceté.
Comme elles ne sont positives qu’une fois sur cinq, il importe
de
cibler les cas où l’on fait des prélèvements. Pour en décider, on
s’appuie sur les taux sanguins de PSA mais aussi sur ceux d’autres
marqueurs de ce cancer qui sont en train d’émerger. L’imagerie par
résonance magnétique et l’échographie avec assistance informatique
permettent aussi plus de précision.
Il y a des cas où il ne faut pas être agressif, si l’état général
du
patient n’est pas bon, ou s’il a plus de 75 ans et un cancer qui
n’évolue pas. Mais s’il s’agit de quelqu’un de relativement jeune, avec
un cancer circonscrit, cela vaut la peine d’opérer, on peut
le guérir. D’où l’importance du dépistage qui permet d’intervenir à un stade précoce.
– L’opération a souvent des conséquences graves,
comme l’impuissance et l’incontinence.
– Elle concerne des hommes de 62 ans en moyenne,
un âge où la moitié d’entre eux ont des difficultés d’érection.
Ni l’opération, ni la radiothérapie ne vont arranger
les
choses. Il est important de faire un état des lieux de la fonction
érectile avant l’intervention par un simple questionnaire validé. La
prostate est posée sur un «filet» de nerfs érectiles, si la tumeur est
bien localisée, on peut les épargner. Mais si elle s’est développée en
périphérie, c’est très délicat.
Dans mon expérience, un patient
ayant au préalable une activité sexuelle régulière, dont la tumeur est
circonscrite et qui est bien opéré, récupère à 80% dans les deux ans. Et
de 95% pour l’incontinence. Mais c’est une intervention exigeante,
nécessitant une grande pratique.
– La radiothérapie ciblée entraîne-t-elle moins
de risques?
–
Non, car les nerfs sont pris dans le faisceau de la radiothérapie, la
moitié des patients sont impuissants à deux ans. Par contre, lorsque la
tumeur dépasse nettement la capsule, c’est une bonne indication. Il
importe vraiment d’apporter des réponses extrêmement nuancées en
fonction de l’âge, de l’histoire du patient et de son cancer.
– Une étude a montré une mauvaise communication
entre urologues et oncologues, les premiers étant réticents
à la chimiothérapie. Pourquoi?
–
Depuis deux ans, il y a des progrès dans les chimiothérapies.
Jusque-là, elles étaient assez inefficaces et génératrices de beaucoup
d’effets secondaires. C’est ce qui provoquait ces réticences.
Renseignements: Europa Uomo Suisse: www.europa-uomo.ch
Association de soutien aux personnes touchées par le cancer de la prostate: www.prosca.net
Santé : la redoutable évolution du cancer en Afrique
Le paludisme et le sida font oublier que le
cancer fait aussi des ravages sur le continent. Or sa progression y
est des plus alarmantes. Une bataille sanitaire de grande ampleur doit
s'engager d'urgence, qu'aucun pays ne peut gagner seul.
Le cancer tue plus que le paludisme, la tuberculose et le sida
réunis. À l'échelle mondiale, il cause plus de 7 millions (13 %) des
décès chaque année. Et l'Afrique n'est pas épargnée. Loin de là. Si des
mesures de prévention ne sont pas prises d'urgence, l'Organisation
mondiale de la santé (OMS) prévoit que, d'ici à 2030, y seront
enregistrés entre 800000 et 1,6 million de nouveaux cas de cancer et
entre 500 000 et 1,2 million de décès par an (soit 20 % de la charge de
morbidité du continent). Un constat d'autant plus alarmant que ces
estimations s'avouent sous-évaluées, faute de registres fiables qui
répertorient l'ensemble des cas et des pathologies dans les différents
pays.
Le cancer, maladie silencieuse, évolue de manière inquiétante sur le continent.
Diagnostic tardif
Absence de prévention, tabou de la maladie, diagnostic tardif,
indigence des infrastructures, pénurie de personnel qualifié… À tous les
niveaux de la chaîne, le manque de moyens est criant. Sur le plan de la
prévention, des équipements, comme de l'accès aux traitements et aux
soins palliatifs, le Maghreb et l'Afrique du Sud affichent une longueur
d'avance. Le reste de l'Afrique subsaharienne arrive loin derrière. «
Plus de 70 % des malades ne se rendent dans les structures de prise en
charge que lorsqu'il est déjà trop tard », explique le cancérologue
camerounais Paul Ndom, président de l'ONG Solidarité Chimiothérapie
(Sochimio). Résultat : le taux de mortalité par cancer atteint 75 % dans
certains pays.
Selon l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA),
la radiothérapie, utilisée efficacement sur plus de la moitié des
malades dans les pays développés, n'est accessible que dans 21 des 54
pays du continent (couvrant moins de 20 % de la population totale), où
elle est parfois vétuste et peut s'avérer dangereuse. Du côté des
praticiens, le cas de la Côte d'Ivoire (qui a validé son Programme
national de lutte contre le cancer en 2009) est éloquent : pour 21
millions d'habitants, le pays ne comptait en 2011 que 4 cancérologues…
Coût des traitements
L'accès aux thérapies, quand elles sont disponibles, se heurte à un
problème de coût, que l'offre maghrébine, indienne et sud-africaine en
génériques ne suffit pas à résoudre. Quelques laboratoires s'efforcent
d'y remédier. Fin novembre 2011, un partenariat a été signé entre
l'algérien Biopharm et le britannique AstraZeneca pour la production de
traitements anticancéreux qui devraient couvrir, à terme, 70 % des
besoins en Algérie. De grands laboratoires occidentaux soutiennent par
ailleurs le financement d'infrastructures et d'équipements, et offrent
tout ou partie des traitements. Par exemple, le programme « Accès » du
suisse Roche permet aux patients à revenus modestes, au Maroc et en
Mauritanie, de bénéficier de traitements innovants à moitié prix.
Reste qu'il est difficile de sortir de l'impasse en
l'absence manifeste de volonté politique et de programmes cohérents,
financés et durables. Aucun pays au monde ne peut prétendre vouloir
lutter contre le cancer sans avoir mis en œuvre un plan national à cet
effet. Ce qui implique l'existence réelle d'un registre national et d'un
plan d'infrastructures, sans oublier le volet prévention. Certains pays
ont engagé des plans nationaux, notamment ceux du Maghreb. En revanche,
ainsi que le souligne le professeur guinéen Namory Keita, « hormis
l'Afrique du Sud, qui a fait un grand pas dans ce sens, tous les pays au
sud du Sahara font traîner l'application de leurs plans nationaux ». Et
pour cause : alors que les pays africains se sont engagés, à travers la
Déclaration d'Abuja de 2001, à affecter 15 % de leur PIB au secteur de
la santé, ils n'y consacrent en moyenne que 3 %, ciblant en priorité le
sida, le paludisme et la tuberculose.
Promesses
Cela étant, même en y accordant une politique volontariste, aucun
pays n'est susceptible de faire face, seul, aux coûts élevés
incontournables à tous les niveaux. D'où l'importance du secteur privé
et des réseaux Nord-Sud, mais aussi Sud-Sud, qui se mettent en place
entre chercheurs, praticiens, laboratoires, associations de
professionnels et de la société civile. Dans le sillage de
l'Organisation africaine pour la recherche et l'enseignement sur le
cancer (Oarec), fondée en 1983, ou encore d'Afrocancer, créée en 2005,
l'Africa Cancer Foundation a été lancée au Kenya en avril 2011. « C'est
le réseau associatif qui fait évoluer les choses, avec au premier rang
l'Association Lalla Salma contre le cancer, au
Maroc, qui n'a pas d'équivalent en Afrique », souligne le cancérologue
sénégalais Adama Ly. De leur côté, les organisations internationales
multiplient les démarches, à l'image de l'AIEA avec son programme
d'action pour la radiothérapie contre le cancer.
Face aux promesses gouvernementales non tenues et aux plans
inachevés ou virtuels, c'est de ces partenariats que viendront les
progrès. « Dans de nombreuses localités rurales et dans certains
bidonvilles, les acteurs privés sont les seuls prestataires de santé », a
rappelé le docteur Khama Rogo, responsable de l'Initiative santé en
Afrique à la Banque mondiale, lors de la réunion de l'Assemblée des
ministres de la Santé de la Communauté économique des États de l'Afrique
de l'Ouest (Cedeao), le 5 décembre, à Dakar. Le secteur privé semble en
tout cas être le seul à même, pour l'instant, d'accélérer la
réalisation d'objectifs sanitaires en espérant qu'à terme la lutte
contre le cancer puisse être intégrée aux Objectifs du millénaire pour
le développement définis par l'ONU. Un Graal synonyme de manne
financière.
Auteur: Ben Lillie Traductrice: Carla Lavaste Photos: James Duncan Davidson
Mina Bissell est venue partager ses 35 ans recherche sur le cancer,
35 années de travail autour d'une même question : qu’est-ce qui fait que
les cancers se développent ? Sa réponse : leurs interactions avec leur
micro-environnement. Elle n'a pas été la première à en avoir l'intuition
mais la première à le prouver. A la conférence TEDGlobal, elle a
raconté son expérimentation.
D’une cellule unique, nous nous développons pour en former entre 10
et 70 milliards, « chacune avec la même information génétique ». La
théorie dominante en cancérologie veut qu’ « il suffit d’un oncogène
(gène mutant, cancérigène) dans une seule cellule pour déclencher un
cancer ». Selon Mina Bissel, cette explication n’a jamais tenu debout.
Si c’était exact, chaque cellule maligne de notre corps se
transformerait en tumeur et « nous serions tous de gros amas
cancéreux ».
Pour sa démonstration, Mina Bissel est partie d'une tumeur maligne
affectant les poulets. Les chercheurs tracent son origine à un seul
gène, transmis par le premier virus à avoir été identifié comme
oncogène, en 1911. Les scientifiques de son laboratoire ont marqué ce
gène et constaté que lorsqu’il était injecté dans des poulets sains,
ceux-ci développaient un cancer, mais s’il était injecté dans des
embryons, le cancer ne se développait pas. Pourquoi cette différence ?
Pour Mina Bissell, cette découverte prouve que « le micro-environnement dans lequel se développe le cancer domine le gène cancérigène lui-même ».
Pour aller plus loin, Mona Bissell et son équipe ont étudié l’acinus,
l’unité de base d’une glande mammaire. Ils en ont extrait les cellules
épithéliales (celles qui produisent le lait) pour les disposer dans une
boîte de Pétri. En moins de trois jours, ces cellules s’étaient
complètement transformées. Elles n’étaient plus fonctionnelles,
s’étaient distordues et avaient arrêté de produire du lait. Autre chose
autour d’elles, une chose qui faisait partie de leur
micro-environnement, était également nécessaire à la production de lait.
Ils procédèrent alors à une section de la glande mammaire pour
étudier les parties autour de l’acinus, qui jusque-là n’avaient été
considérées que comme de simples éléments d’échafaudage, de simples
supports pour ces cellules « importantes ». Peut-être que cette
échafaudage émettait aussi des signaux. Ils firent donc pousser des
cellules épithéliales à proximité de l’échafaudage et celles-ci se
mirent de nouveau à produire du lait, démontrant ainsi l’importance du
contexte.
Elle s’est ensuite attaquée à l’envers sa théorie : “Si les tissus
architecturaux et le contexte font partie du message, alors des cellules
tumorales avec un génome anormal devraient pouvoir redevenir normales
lorsqu’on les cultive dans un micro-environnement sain ». Avec ses
étudiants, elle a mis cette hypothèse à l’épreuve en utilisant des
cellules malignes qu’ils ont fait pousser sur un échafaudage sain. Ils
ont ainsi montré qu’ils pouvaient rendre normales des cellules qui ne
l’étaient pas. Ils pouvaient même injecter ces cellules dans des souris
sans qu’elles ne développent de tumeurs, contrairement aux cellules
malignes qui, elles, déclenchaient des cancers. Ce qui montre, selon
Bissell, qu’il existe une autre façon de considérer le cancer,
dans laquelle les gènes des cellules cancéreuses sont régulées par leur
environnement.
Ses découvertes ont été accueillies froidement. Missel s'est souvenue
Einstein : « une idée qui n’apparaît pas folle de prime abord n’a aucun
avenir ». Après avoir rendu hommage à son équipe, elle a conclu sur un
conseil pour les chercheurs : “ne soyez pas arrogants, car l’arrogance
tue la curiosité ».
Suivez TED Global 2012 ici au journal Le Monde en même temps que se déroule la conférence. Profitez également des TEDTalks sur itunes, sous-titrés en français.
lbl.gov/LBL-Programes/lifesciences/BissellLab/main.html http://tedglobal.blog.lemonde.fr/2012/06/29/pourquoi-les-cancers-se-developpent-ils/
SANTE
- "Le dépistage augmente beaucoup la proportion de surdiagnostics et
fausse la perception des soignants, d'où l'illusion que les guérisons
augmentent grâce au dépistage", juge Bernard Junod.
afp.com/Mychele Daniau
Le dépistage du cancer entraine parfois des surdiagnostics, juge
Bernard Junod, épidémiologiste et médecin de santé publique. Chiffres à
l'appui, il s'interroge sur son efficacité.
[Express Yourself] Un
jour, j'ai rencontré une femme, professeur à Sciences Po, qui
s'intéressait à mon activité de recherche. Je lui dis que je
travaillais sur le cancer du sein. Elle m'a répondu: "Ce n'est plus un
problème, grâce au dépistage, on en guérit." Elle réagit en femme
informée par les campagnes médiatiques de l'INCa instaurant une culture
du dépistage. Elle n'avait pas lu l'édito ni l'article signé Sophie Coisne et Fabienne Lemarchand paru en mars 2006 dans La Recherche, "Cancer du sein: les illusions du dépistage".
Déclaration des liens d'intérêts
Comme
l'exige la loi, je vous déclare mes liens d'intérêts. Depuis 1988, mes
rémunérations d'enseignant-chercheur proviennent d'institutions
publiques en France, en Suède et aux Etats-Unis. Demain, je pars
évaluer un programme de dépistage du cancer du sein en Arabie Saoudite,
rémunéré par le Ministère de la Santé. Ma déclaration de liens
d'intérêts est accessible en ligne: www.formindep.org
La
bonne nouvelle que j'ai à vous annoncer, c'est que les résultats du
dépistage nous ont fait avancer dans la recherche sur le cancer. On a
aujourd'hui la preuve que le mot "cancer" s'applique à deux situations
qui ne se recouvrent pas toujours. 1) Le résultat de l'examen au
microscope d'un prélèvement de tumeur, à savoir le cancer histologique.
2) L'évolution de l'état de santé due à la propagation d'une tumeur
maligne dans l'organisme, à savoir la maladie cancéreuse.
Une
tumeur qui présente les caractères dits de malignité à l'examen au
microscope ne correspond pas forcément à une vraie maladie cancéreuse.
L'évaluation scientifique des effets du dépistage montre que des
cancers histologiques régressent ou n'auraient jamais provoqué de
symptômes au cours de la vie. Ce sont des surdiagnostics.
Le dépistage augmente beaucoup la proportion de surdiagnostics
Mais
j'ai une moins bonne nouvelle à vous annoncer: le dépistage augmente
beaucoup la proportion de surdiagnostics et fausse la perception des
soignants, d'où l'illusion que les guérisons augmentent grâce au
dépistage. Les données scientifiques qui le prouvent sont des
comparaisons de mortalité entre groupes de femmes allouées ou non à une
invitation au dépistage lors d'un essai contrôlé, ou entre populations
exposées à un dépistage d'intensité variable dans l'espace (pays A
versus pays B) et dans temps (avant et après l'instauration du
dépistage).
Les diagnostics et décès par cancer du sein ou par
autre cause sont rapportés ici à des populations non sélectionnées
selon leur état de santé. En fonction des études, la sélection des
femmes fausse les résultats. La plupart des essais contrôlés ont exclu
les femmes qui se présentent à l'examen de dépistage avec un cancer
avancé. Leurs résultats sont faussés si les femmes non invitées au
dépistage et atteintes d'un cancer avancé n'ont pas les mêmes chances
d'être exclues. Leur inclusion dans le groupe non invité y augmente la
mortalité et donne l'illusion de l'efficacité du dépistage.
Les
résultats sont aussi faussés quand les décès sont rapportés à un
échantillon restreint aux seules patientes atteintes d'un cancer, à
cause du surdiagnostic. Les critères de qualité essentiels des essais
contrôlés sont la comparabilité des groupes invités ou non à la
mammographie de dépistage et la constance des effectifs dans les
résultats publiés. Ceci confirme la non exclusion a posteriori de femmes
allouées à un groupe. Voici les résultats des trois essais contrôlés
satisfaisant à ces critères.
DR
Après
7 ans, le nombre de décès par cancer du sein n'était pas
significativement différent dans les groupes de femmes invitées ou non
au dépistage. Il est à noter que les risques de biais augmentent avec la
durée de suivi. Les premières publications de résultats des études
canadiennes portent sur une durée de 7 ans.
DR
Les
comparaisons de populations de pays où les femmes ont été exposées à
une intensité de dépistage variable donnent des résultats identiques.
On constate que les taux de mortalité par cancer du sein sont
comparables, que le dépistage ait été intense ou non. Les trois
premières comparaisons publiées par Philippe Autier
en 2011 sont aussi examinées dans l'article original en tenant compte
de l'évolution temporelle au sein de chacune des paires de pays
comparés. La quatrième comparaison donne la mortalité par cancer du sein
en France en 1980 et en 2005. Elle est pratiquement la même. Le
graphique des taux par âge montre qu'en 2008 elle est plus faible
jusqu'à 64 ans et plus forte à partir de 65 ans.
DR
Le
dépistage, à savoir l'investigation diagnostique sans signe d'appel, a
beaucoup progressé entre ces deux périodes. On utilisait 308 appareils
de mammographie en 1980 et 2511 en 2000. L'article que j'ai récemment
publié sur l'investigation de l'épidémie apparente de cancer du sein en
France procède aussi à des comparaisons à 15 ans d'intervalle de
femmes de mêmes âges suivies pendant 11 ans. Il tient compte de
plusieurs facteurs de risque de cancer du sein comme les traitements
hormonaux substitutifs. Il apparaît que le dépistage augmente
massivement le surdiagnostic sans modifier la mortalité par cancer du
sein.
La quantification du surdiagnostic attribuable au
dépistage en 2008 en France s'obtient en comparant la fréquence des
diagnostics et des décès avec l'année 1980 (voir figure de la page
suivante). Le nombre moyen de décès par jour pour toute cause chez les
femmes résidant en France est une donnée de référence pour interpréter
la suite. Il n'a pratiquement pas changé, malgré l'augmentation et le
vieillissement de la population entre 1980 et 2008. Ceci tient à
l'augmentation de l'espérance de vie due à la prévention et à la
guérison de maladies mortelles.
Par contre, le nombre moyen
de décès par cancer du sein par jour a augmenté avec l'effectif des
femmes et du fait de leur vieillissement. L'augmentation de 23 à 32 du
nombre de décès par cancer du sein par jour est à comparer avec celle
des diagnostics de cancers histologiques : 57 en 1980 contre 169 en
2008.
DR
Le
surtraitement consécutif au surdiagnostic est devenu un problème de
santé publique. La radiothérapie entraîne d'autres cancers et des décès
par maladie cardio-vasculaire.
En conclusion, je tire trois leçons du dépistage du cancer du sein:
1)
Comme il n'est pas prouvé que le dépistage diminue la mortalité et
comme le surtraitement consécutif au dépistage est nuisible, il ne faut
pas précipiter la biopsie. Il convient d'observer la dynamique de la
tumeur avant de l'agresser.
2) L'histologie n'est pas une
condition suffisante pour définir une maladie cancéreuse. Il faut
étudier l'histoire naturelle du cancer
3) Pour évaluer la
pertinence du dépistage, il faut identifier les experts internationaux
indépendants de toute pratique du dépistage ou des soins consécutifs au
diagnostic de cancer du sein. Et, aussi, informer des non-médecins
pour constituer des jurys citoyens. Par Bernard Junod, épidémiologiste et médecin de santé publique
Absolument
pas d'accord avec cet article. Vous ne parlez que de mammographie,
parce que c'est l'imagerie la moins chére. Pour bien dépister il
faudrait une écographie. Mais le mieux c'est un scanner ou l'IRM. Vous
oubliez les micro-nodules, qui peuvent être parfois pré-cancéreux.
Vous parlez de cancer gueris, mais est-ce que l'on guerit vraiment d'un
cancer. Quand on subit l'ablation d'un sein, il est conseillé de
prendre un excellent chirurgien, et malgré tout, il reste toujours un
tout tout petit foyer. Et si une métastase se décroche, la solution
urgente, c'est la perfusion. Il ny a pas de surtraitement. Il ne faut
pas attendre que la tumeur dépasse les 3,7 centimétres... Le meilleur
conseille que l'on peut donner aux femmes, c'est de continuer le
dépistage...Et de consulter tout de suite un cancérologue.
@Lycurgues
:J'ai acquis mon expérience clinique par une étude nationale sur la
chirurgie du cancer du sein, préparée et menée en concertation avec des
cliniciens. Mon expérience de patient a aussi contribué à ma
connaissance du cancer. Les comparaisons entre les 5 groupes de 19
cohortes - une par département - classés selon le changement de
fréquence des interventions chirurgicales donnent des résultats
exhaustifs. Des biais liés à des proportions variables de la
distribution des marqueurs tumoraux dans ces cohortes exhaustives ne
sont pas exclus. Ils ne sont par contre pas démontrés. L'étude publiée
dans la revue médecine est précisément destinée à inciter des travaux
plus approfondis. Leur objectif serait d'expliquer, par une meilleure
connaissance de l'histoire naturelle du cancer, la surmortalité
associée à la précocité du diagnostic et des soins qui s'ensuivent. La
question que vous soulevez à propos des aspects légaux est abordée dans
l'article " Ethique du dépistage du cancer du sein paru dans la revue
Médecine en 2008.
http://www.jle.com/e-docs/00/04/3A/2F/vers_alt/VersionPDF.pdf Il est à
noter que dans le droit Français, si les critères de définition d'un
cancer venaient à inclure des éléments nouveaux, il n'y aurait pas de
recours possible de la part de patients victimes de surtraitement à
cause de la définition antérieure. Par contre, si la démonstration du
surtraitement devient patente et que la définition du cancer ne change
pas, alors les risques de judiciarisation augmenteraient.
Votre
manque d'expérience clinique vous fait tirer des conclusions
fausses:dans votre réponse à Robespierre,vous parlez des tumeurs à 70-75
ans,or les tumeurs à partir de cet âge ont un diagnostic meilleur,un
plus faible taux de métastase probablement du à une angiocroissance
moindre (elle est très importante pour le développement des tumeurs)et
non à un "surdiagnostic". vos tableaux ne disent pas quelle est ,au
moment du diagnostic la taille des tumeurs ni leur grade TNM ou
histologique,la présence d'erb-2 , la valeur du CA 15-3 sérique ou la
présence ou non de récepteurs hormonaux. Mieux, vous n'avez pas répondu à
ma question sur les conséquences légales d'une abstinence
thérapeutique! Votre concept de surdiagnostic" est dogmatique et cherche
à déconsidérer le dépistage institué et qui coûte cher.
@Lycurgues
: Une définition du cancer fondée sur les caractéristiques
histologiques est dogmatique. L'histoire naturelle du cancer est
différente du modèle théorique auquel vous vous référez. Les
proportions de guérison que vous donnez sont dues aux nombreux
surdiagnostics : des tumeurs désignées par le laboratoire d'anatomie
pathologique comme des cancers alors qu'elles n'auraient pas provoqué
de symptômes pendant la vie de la personne. Examinez les documents
cités dans mes réponses à Robespierre007 ! P.S. Je suis preneur de toute
critique d'ordre méthodologique si elle est construite rationnellement
@Robespierre007
: L' agression physique d'une tumeur (biopsie et/ou chirurgie) est
responsable de l'accélération des métastases dans les organes vitaux.
L'atelier intitulé " Dépistage du cancer du sein, surdiagnostic et
accélération des métastases " était accompagné d'un dossier scientifique
que je tiens à votre disposition.
http://www.atoute.org/x/note_bjunot.html Après approfondissement des
possibilités méthodologiques adaptées aux données disponibles, il est
apparu une diminution de la mortalité par cancer du sein due au fait
que l'agression physique des tumeurs est retardée lorsqu'on arrête le
dépistage à partir de 70 ou 75 ans. Ce travail a été publié dans la
revue médecine en 2011.
http://www.jle.com/e-docs/00/04/67/A8/vers_alt/VersionPDF.pdf
L'estimation du surdiagnostic fondée sur les données observées en France
est l'article sur l'investigation de l'épidémie apparente du cancer du
sein paru en 2011 en anglais, accessible en traduction française sur
le site du FORMINDEP. Les coauteurs sont le gratin de l'épidémiologie
(Zahl, Kaplan, Olsen) et de la méthode statistique (Greenland).
L'augmentation de la fréquence des diagnostics à 15 ans d'intervalle
atteribuable au surdiagnostic fut de 76%.
Je
ne parlerai pas des erreurs de methodologie ni des erreurs
d'interprétation des chiffres donnés.Mais d'aberrations: -le terme
surdiagnostic est faux:le pathologiste répond adenocarcinome et il
s'agit d'un diagnostic exact éventuellement documenté par
l'immuno-histochimie. -L'évolution clinique du carcinome:je vous signale
qu'une tumeur de 1 cm sans ganlion axillaire ni métastase (T1,N0,M0
dans la classificationO.M.S.)guérit dans 80% des cas si elle est
traitée.Plus la taille est importante plus ce taux diminue (même si
elle reste sans ganglion axillaire).Si un médecin attend l'évolution
clinique il se retrouvera surement devant la justice et le conseil de
l'ordre pour "perte de chance de survie".Le Dr Junod est
épidémiologiste et ne doit pas avoir vu de patiente depuis fort
longtemps aussi est-ce une conséquence à laquelle il n'avait pas pensé.
Je viens de prendre ma retraite et je suis d'accord avec Christophe
75,c'est une histoire de sous.
Je
ne parlerai pas des erreurs de méthodologie et de votre interprètation
des données.Mais conclure qu'il faut attendre l'évolution de la tumeur
pour éventuellement la traiter est une aberration.Je vous signale
qu'un petit adenocarcinome , de 1 cm,sans ganglion axillaire,ni
métastase,donc T1,N0,M0 dans la classification O.M.S,guérit dans 80% des
cas traités.Il y a donc 20% des patientes qui en meurent.Pour les
tumeurs de taille plus importante le taux de survie décroit de manière
importante.De plus l'examen histologique et l'immuno-histochimie sont
parfaitement fiables.Par contre si un médecin,clinicien,suivait vos
recommandations:attendrel'évolution de la tumeur pour traiter,il se
retrouverait rapidement devant la justice et le conseil de l'ordre pour
"perte de chance de survie ou de guérison".Mais vous vous en laveriez
les mains vous n'êtes qu'épidémiologiste et n'avez pas eu de contact
avec des patientes depuis fort longtemps.
@ASenecat
: Je n'ai pas hélas le temps d'approfondir la discussion. Je reconnais
qu'il existe un risque de surdiagnostic mais il est minime
statistiquement. La question centrale reste: est-ce que l'on soigne
quelqu'un que l'on a détecté malade et qui est donc supposé tel (même
s'il ne l'est pas réemnt) ou je ne fais rien et j'observe l'évolution de
sa tumeur au risque de la voir dégénérer? Qui est capable de dire que
telle ou telle personne est un cas de surdiagnostic? rien ni personne.
@BernardJunod
: Cher Monsieur la biopsie en tant que telle vous le savez n'est pas
dangereuse (sauf cas très exceptionnelle mais le risque 0 n'existe pas)
. Comme moi vous savez qu'on ne fait une biopsie qu'en cas de doute
sur la tumeur suite à l'interprétation de la radiographie. Il existe
effectivement un aléas que vous conviendrez avec moi minime sur le
résultat (c'est une seconde étape dans le processus du diagnostic)-ll
arrive aussi malheureusement que des cas de sida soient détectés par
erreur après une analyse de sang et l'on demande le plus souvent une
seconde analyse pour confirmation. Le plus délicat dans cette affaire
est le drame humain que cela engendre. Selon les chiffres dont je crois
me souvenir, et que vous pourrez sans doute me confirmer on estime
qu'environ 5% des cas de tumeurs détectés pourraient régresser
spontanément. Les traitements appliqués pour attaquer les tumeurs sont
effectivement agressifs et induisent de nombreux effets secondaires mais
chaque protocole n'offre pas le même degré de nocivité. Croyez bien
que les médecins sont très conscients de cette nocivité mais quand vous
dites que les traitements donne "l'illusion" d'une efficacité je peux
qu'être en désaccord avec vous. Les résultats statistique le montre
clairement et sont connus de tous. Il n'y a pas comme vous semblait le
croire nécessairement ablation (chirurgie) après la biopsie chaque cas
est particulier. la chirurgie ne contribue pas à développer des
métastases qui ne sont qu'une évolution de certains cancers. Le suivi
d'une lésion dans le temps est une pratique courante en médecine et
vous en êtes certainement conscient. Mais pour certaines tumeurs
agressives qui auront été détectée par la biopsie -à tort où à raison-
si on laisse le temps à cette tumeurs de se développer c'est la vie du
patient que l'on met en danger. Le principe de précaution veut que l'on
agisse avec les moyens qui nous sont donnés avec le risque de se
tromper car un médecin n'est pas un magicien.
@Robespierre007
: Sauf que dans le cas d'un humain, il n'y a pas que la notion de vie
et de mort. Et sur les stats, la réponse de Bernard Junod à mon
commentaire est plus précise que je ne le suis :).
Découverte du premier gène mutant clé dans le cancer hérité de la prostate
LEMONDE.FR avec AFP | 12.01.12 | 07h22 • Mis à jour le 12.01.12 | 09h23
Après
vingt ans d'effort, des chercheurs américains ont découvert la première
mutation génétique majeure liée à une nette augmentation du risque de
cancer héréditaire de la prostate, selon leurs travaux parus mercredi
dans le New England Journal of Medicine.
Ce gène mutant rare accroît de dix à vingt fois le risque de cancer de
la prostate chez les hommes les plus jeunes dans les familles affectées.
"C'est la première variante génétique majeure liée au cancer héréditaire de la prostate" que l'on découvre, souligne le DrKathleen Cooney,
professeur d'urologie à la faculté de médecine de l'université du
Michigan, l'un des principaux auteurs de cette étude parue le 12
janvier dans cette revue médicale. "On se doutait depuis longtemps que des cancers de la prostate sont héréditaires dans certaines familles, mais mettre le doigt sur la cause génétique sous-jacente a été difficile", explique le DrWilliam Isaacs, professeur d'urologie et de cancérologie à la faculté de médecine Johns Hopkins (Maryland), l'autre coauteur principal de l'étude. Il note que toutes les recherches précédentes avaient été infructueuses.
BÉNÉFICIER D'UN DÉPISTAGE PLUS PRÉCOCE
Même si elle ne concerne qu'une petite fraction de tous les cas de
cancers de la prostate, la découverte de cette variante génétique
pourrait apporter
un éclairage important sur le mécanisme de développement de cette
tumeur chez les autres hommes. Ainsi, ce gène mutant pourrait aider à identifier les hommes susceptibles de bénéficier
d'un dépistage plus précoce ou supplémentaire à l'instar des mutations
de gènes BRCA1 et BRCA2, qui accroissent nettement le risque de cancer
du sein chez les femmes.
Une tumeur cancéreuse de la prostate devrait être
diagnostiquée chez quelque 240 000 Américains en 2012 provoquant 28 000
décès, selon les estimations officielles. Pour cette quête du gène
mutant, les chercheurs ont séquencé l'ADN de plus de 200 gènes dans une
région du chromosome humain appelée 17q21-22. Ils ont commencé à travailler
sur des échantillons génétiques provenant de patients atteints d'un
cancer prostatique dans 94 familles qui participaient à des études à
l'université du Michigan et de Johns Hopkins. MUTATION DU GÈNE HOXB13
Chacune de ces familles présentaient de multiples cas de cancer de la
prostate parmi leurs proches, comme le père, les fils ou les frères.
Les chercheurs ont découvert que des membres de quatre familles
différentes étaient porteurs de la même mutation du gène HOXB13, qui
joue un rôle important dans le développement de la prostate au stade
foetal et son fonctionnement ensuite dans la vie. Cette mutation était
présente chez les dix-huit hommes de ces quatre familles atteints d'un
cancer de la prostate.
Les auteurs de cette découverte ont ensuite recherché la même
mutation du gène HOXB13 parmi 5 100 hommes traités pour ce cancer à
Johns Hopkins ou à l'université du Maryland. Cette mutation a été
découverte chez 72 hommes, soit 1,4 % des patients. Il est apparu
également que ces mêmes hommes avaient plus de probabilités d'avoir
au moins un parent au premier degré – père ou frère – diagnostiqué d'un
cancer de la prostate. Cette mutation génétique a été découverte chez
des hommes de descendance européenne tandis que deux autres variantes de
ce gène ont été identifiées dans des familles afro-américaines. http://www.lemonde.fr/planete/article/2012/01/12/decouverte-du-premier-gene-mutant-cle-dans-le-cancer-herite-de-la-prostate_1628523_3244.html Un "superbrocoli" pour combattre maladies cardio-vasculaires et certains cancers
LEMONDE.FR avec AFP | 04.10.11 | 09h14 • Mis à jour le 04.10.11 | 12h30
Le brocoli est réputé pour ses vertus anticancéreuses.Flickr/wintersoul1
Des chercheurs britanniques ont obtenu par croisement classique un brocoli "boosté" en composants naturels réputés bons pour la santé. Le Centre John-Innes et l'Institut pour la recherche en alimentation (IFR) de Norwich a ainsi mis au point un "superbrocoli", enrichi d'une composante réputée combattre les maladies cardio-vasculaires et certains cancers, mis en vente au Royaume-Uni cette semaine.
Les recherches sont parties d'un brocoli sauvage découvert en 1983 et possédant naturellement des niveaux élevés d'un composant appelé glucopharanine. Le superbrocoli, baptisé "Beneforte", ressemble à un brocoli normal, mais contient deux à trois fois plus de glucopharanine, qui a pour propriété de se transformer en molécule active (le sulforaphane) au contact de la flore intestinale. Ce composé actif contribue, selon plusieurs études, à réduire les inflammations chroniques et à combattre le développement de certains cancers. Le "Beneforte" augmente le niveau de sulforaphane ingéré par l'organisme de deux à quatre fois par rapport à un brocoli normal.
Plusieurs études ont montré que la consommation régulière de crucifères (brocoli, chou-fleur, chou, chou de Bruxelles) pourrait prévenir certains cancers. Le brocoli, consommé au moins plusieurs fois par semaine, pourrait être associé à un risque plus faible de cancer colorectal, de l'estomac, du poumon, de la prostate notamment.
Pour garder toutes ses propriétés, il doit toutefois être mangé cru, légèrement cuit à l'eau ou braisé à la poêle. Il serait également bénéfique contre les maladies cardio-vasculaires. Selon le professeur Richard Mithen d'IFR, "notre recherche a fourni de nouvelles connaissances sur le rôle du brocoli et d'autres aliments similaires, et montre comment ces connaissances peuvent aboutirau développement de variétés plus nutritives de nos légumes familiers".
Une bombe intelligente contre le cancer
Pierre-Yves Frei
BIOLOGIE SYNTHéTIQUE vendredi2 septembre 2011 Une machine moléculaire capable de tuer les cellules cancéreuses. (Yaakov Benenson)
Une machine moléculaire est capable d’identifier certaines cellules malignes. Cette découverte ouvre un nouvel horizon thérapeutique
Quel chemin parcouru. En 1953, Watson et Crick découvrent la structure hélicoïdale de l’ADN, le matériel génétique qui caractérise l’ensemble du monde vivant (à l’exception de quelques virus qui affectionnent l’ARN). Un peu moins de soixante ans plus tard, non seulement on a compris que cet ADN est écrit à l’aide de quatre bases élémentaires – adénine, guanine, cytosine, thymine –, qu’il forme des mots, les gènes, mais aussi un long texte apparemment désorganisé et non codant, encore que…
Cet extraordinaire travail de décryptage et de compréhension n’est pas encore terminé que déjà certains biologistes sont passés à l’étape ultérieure: l’assemblage, par génie humain, de bases et de gènes. On décrit souvent ces derniers comme les briques de la vie. Les chercheurs ont pris la métaphore au pied de la lettre. Avec des briques, on peut construire un mur. Avec des briques de vie, on peut construire un élément de vie, voire la vie elle-même.
C’est ce principe qu’ont suivi plusieurs chercheurs de l’Ecole polytechnique fédérale de Zurich (EPFZ) et du Massachusetts Institute of Technology (MIT) aux Etats-Unis pour leurs recherches publiées dans la dernière édition du magazine Science. Leur exploit? Avoir généré une machine biologique capable non seulement de détecter si une cellule est cancéreuse ou non, mais également de la détruire si d’aventure elle se révèle maligne.
Il n’en faut guère plus pour se souvenir du Voyage fantastique de Richard Fleischer, film de 1966 dans lequel un équipage embarqué dans un sous-marin réduit à l’échelle microscopique se promène dans le corps d’un éminent scientifique dont il s’agit de sauver la vie. Mention particulière pour cette scène d’anthologie où les aventuriers, dont la généreuse Raquel Welch, donnent du fusil laser contre une bande de macrophages belliqueux.
Rien d’aussi exotique dans les recherches publiées par Science, même si la réalité égale, voire dépasse la fiction. «La meilleure façon de décrire cet ordinateur biologique consiste peut-être à décrire ses trois fonctions, explique Yaakov Benenson, professeur de biologie synthétique de l’EPFZ à Bâle et l’un des auteurs de l’article. Une première partie est constituée de senseurs moléculaires capables de détecter cinq marqueurs qui doivent être présents de façon concomitante pour confirmer de façon univoque que la cellule est bien cancéreuse. La deuxième est constituée de l’ordinateur lui-même, capable d’effectuer les opérations logiques nécessaires pour enregistrer et confirmer que les cinq marqueurs, en fait des micro-ARN, sont effectivement présents. Ce n’est qu’à cette seule condition que la troisième partie de notre machine biologique se déclenche et tue la cellule.»
Pour parvenir à un tel résultat, les chercheurs ont d’abord épluché la littérature, en quête de plusieurs marqueurs capables d’identifier formellement le caractère malin d’une cellule du col de l’utérus. Ensuite, ils ont construit, brique par brique, leur fusée moléculaire à trois étages. «L’aspect synthétique consiste ici à associer différents gènes porteurs des fonctions qui nous intéressent, reprend le chercheur bâlois. Une fois cet assemblage réalisé et multiplié, on introduit le tout dans le milieu cellulaire concerné. Ces sondes génétiques pénètrent les cellules et ce sont leur machinerie interne qui, sur la base de cette recette génétique synthétique, s’occupe de construire la machine biologique.»
Une fois dans la place, cet espion n’a plus qu’à guetter les signes d’un comportement malin. S’il les détecte tous, il déclenche le programme de destruction grâce à une bombe subtile. Une cellule cancéreuse se caractérise notamment par le fait qu’elle a perdu sa capacité à se suicider, une fonction nécessaire à la survie de l’organisme. L’ordinateur, grâce à l’un de ses gènes, la rétablit et convainc la cellule d’en finir avec la vie.
L’un des points remarquables de cette recherche tient au fait que les chercheurs ont dessiné un ordinateur moléculaire qui a parfaitement accompli sa tâche, soit tuer les cellules cancéreuses et épargner les cellules saines. Sauf que ce succès a été remporté dans des milieux de cultures cellulaires. Traduction: il faut désormais transformer l’essai en expérimentant ce procédé chez l’animal tout d’abord, puis chez l’être humain.
Cette montée en puissance s’annonce délicate. Comment cette machine sera traitée par le système immunitaire de son hôte, sachant qu’il n’est rien d’autre qu’un corps étranger? «Ce n’est pas le point qui m’inquiète le plus, confie Yaakov Benenson. On sait relativement bien aujourd’hui comment diminuer la réactivité du système immunitaire.» L’incertitude concerne bien plus la façon qu’emploieront les chercheurs pour convoyer leurs ordinateurs jusque vers les cellules qui auraient besoin d’être détruites. «Nous ignorons encore s’il s’agira de les envoyer via une injection sanguine en les laissant ensuite voyager dans le corps ou s’il nous faudra viser notre cible beaucoup plus précisément par une injection directement à proximité de la tumeur.»
Une autre interrogation concerne le devenir de ces machines biologiques. Après tout, elles sont faites de gènes et, comme toutes celles de leur nature, elles sont susceptibles de connaître des mutations ou d’en induire. Qui dit que certaines de ces mutations ne pourraient pas transformer le remède en mal sournois. «Je ne peux pas dire que ce risque est nul, admet le biologiste. Néanmoins, il faut savoir que ces machines moléculaires ont été conçues pour ne résider que quelques jours au cœur de la cellule. C’est, selon nous, un temps trop court pour permettre à des mutations de se produire.»
Une opinion que les premiers essais animaux, prévus dans un ou deux ans, devraient permettre de confirmer ou d’infirmer. http://www.letemps.ch/Page/Uuid/bb6a932a-d4d8-11e0-829f-b6fc32775ee5|
Mieux soigner le cancer du sein grâce à la génétique
Le cancer du sein est le cancer le plus fréquent de la femme et, même s’il est de mieux en mieux soigné, il reste la première cause de mortalité chez les femmes entre 45 et 55 ans
Le cancer du sein est le cancer le plus fréquent de la femme et, même s’il est de mieux en mieux soigné, il reste la première cause de mortalité chez les femmes entre 45 et 55 ans. La Suisse, se situant au 5e rang des pays à risque, est heureusement aussi un des pays où la survie à cinq ans est la meilleure. Malgré tout, l’efficacité des traitements est loin d’être optimale. La recherche s’oriente désormais vers un traitement ciblé, tenant compte des caractéristiques génétiques de chaque patiente, car ce sont elles qui modulent la réponse au traitement. Une prise en charge personnalisée, est-ce possible? Réponses du professeur Christine Bouchardy, médecin responsable du Registre genevois des tumeurs.
Le Temps: Les patientes atteintes ne sont pas égales devant un même traitement?
Christine Bouchardy: Non. Pourtant, nous agissons comme si c’était le cas. Les femmes sont traitées selon des protocoles prédéfinis, sans que l’on tienne compte de leur capacité génétique individuelle à métaboliser les traitements – soit les absorber, les transporter, les faire agir et finalement les éliminer. Or cela joue un rôle crucial dans la réponse au traitement et dans les effets adverses* que celui-ci peut provoquer.
– En quoi cette approche génétique permet-elle d’améliorer le traitement?
– Deux études récentes ont montré par exemple que, en raison de l’activité de certaines enzymes, les métabolisateurs lents ne tirent aucun bénéfice du traitement anti-hormonal systématiquement prescrit pour les patientes porteuses de tumeurs sensibles aux hormones. C’est le cas d’environ 30% des patientes et leur courbe de survie rejoint celle des femmes sous placebo. Or le tamoxifène peut provoquer des effets adverses importants comme les bouffées de chaleur, mais aussi la cataracte, les douleurs articulaires, voire la survenue de secondes tumeurs. Cela ne sert à rien d’imposer cela à des femmes pour lesquelles ce traitement pourrait n’avoir pas, ou très peu d’effets. D’autres sont sensibles à la radiothérapie, toujours pour des questions génétiques. Là aussi, les complications peuvent être graves, brûlures, fibrose, insuffisance cardiaque. D’autres personnes peinent à réparer l’ADN de leurs cellules endommagé par les traitements, autant de complications que l’on pourrait prédire par l’analyse génétique.
– Vous avez projeté une étude sur les facteurs prédictifs de l’efficacité, de la résistance et de la tolérance aux traitements. Le traitement ciblé, c’est pour demain?
– La perspective d’une individualisation des traitements anticancéreux est en cours de devenir une réalité, d’ici deux ou trois ans. On pourra bientôt dire aux femmes: «Dis-moi quels sont tes gènes et je te dirais quel traitement te donner!» Actuellement, certaines patientes bénéficient déjà de cette approche dans le cadre d’études spécifiques.
– Et les tumeurs elles-mêmes, va-t-on établir leur carte d’identité génétique?
– Il faut aller dans ce sens. Le cancer du sein est une maladie très hétérogène. Les tumeurs mammaires présentant de multiples anomalies génétiques. Pour l’instant, on se contente d’établir certaines caractéristiques de la tumeur (architecture du tissu, réceptivité aux hormones, etc.), cela détermine le traitement et le pronostic, mais c’est insuffisant. D’autres marqueurs moléculaires doivent être identifiés pour un meilleur ciblage des protocoles thérapeutiques. Etablir la carte d’identité de la tumeur, ce sera prédire sa réponse au traitement.
*Journée romande des effets adverses, 10 octobre 2011, auditoire Marcel-Jenny, HUG, inscriptions obligatoires au
022 379 49 709, rcs@savoir patient.ch. Le soir à 19h30, conférence ouverte au public, même lieu. www.savoirpatient.ch gyneco-obstetrique.hug-ge.ch